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sexta-feira, 26 de agosto de 2011

ESPRITS ET MEDIUMS - LEON DENIS

 

Índice do Blog

 

 

LEON DENIS

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ESPRITS ET MEDIUMS

ETUDE ET PRATIQUE
DU SPIRITUALISME EXPERIMENTAL
ET DE LA MEDIUMNITE

NOUVELLE EDITION CONFORME A L'EDITION DE 1921

TABLE DES MATIERES

I. - LE SPIRITUALISME EXPERIMENTAL OU SPIRITISME. - APERÇU GENERAL. 3

II. - LES PHENOMENES SPIRITES. 11

III. - NATURE DE LA MEDIUMNITE. 14

IV. - PRATIQUE DE LA MEDIUMNITE. 18

V. - ANALYSE DE LA MEDIUMNITE. 25


ESPRITS ET MEDIUMS

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I. - LE SPIRITUALISME EXPERIMENTAL
OU SPIRITISME. - APERÇU GENERAL.

De nos jours plus que jamais, le spiritisme attire l'attention publique. Il est fréquemment question de maisons hantées, de phénomènes télépathiques, d'apparitions, de matérialisations d'Esprits. La science, la littérature, le théâtre, la presse s'en mêlent tour à tour, et les expériences de l'Institut métapsychique, les attestations du grand écrivain anglais Conan Doyle, les enquêtes ouvertes par certaines feuilles parisiennes donnent à cette question un caractère d'actualité constante.

Examinons donc ce problème, et recherchons pourquoi le spiritisme, si souvent enterré, reparaît sans cesse et voit s'accroître de jour en jour le nombre de ses partisans.

N'est-ce pas là une chose étrange ? Jamais peut-être dans l'histoire, rien de semblable ne s'est produit. Jamais on n'avait vu un ensemble de faits, considérés d'abord comme impossibles, dont l'idée ne soulevait, en général, que l'antipathie, la méfiance, le dédain, faits qui étaient en butte à l'hostilité de plusieurs institutions séculaires, finir par s'imposer à l'attention et même à la conviction d'hommes instruits, compétents, autorisés par leurs fonctions et leur caractère. Ces hommes, d'abord sceptiques, en sont venus, par leurs études, leurs recherches, leurs expériences, à reconnaître et affirmer la réalité de ces phénomènes.

L'illustre savant anglais W. Crookes, connu dans le monde entier par sa découverte de la matière radiante, et qui, pendant trois ans, obtint chez lui des matérialisations de l'esprit Katie King, dans des conditions de contrôle rigoureux, disait, parlant de ces manifestations : " Je ne dis pas que cela est possible, je dis : Cela est. "

Oliver Lodge, recteur de l'Université de Birmingham, membre de l'Académie royale, écrivait : " J'ai été amené personnellement à la certitude de l'existence future, par des preuves reposant sur une base purement scientifique[1]. "

Frédéric Myers, professeur à Cambridge, que le congrès officiel international de psychologie de Paris, en 1900, avait élu président d'honneur, dans son beau livre : la Personnalité humaine, en arrive à cette conclusion, que des voix et des messages nous reviennent d'au-delà de la tombe. Parlant du médium Mrs. Thomson, il écrit : " Je crois que la plupart de ces messages viennent d'esprits qui se servent temporairement de l'organisme des médiums pour nous les donner. "

Le célèbre professeur Lombroso, de Turin, déclarait dans la Lettura : " Les cas de maisons hantées, dans lesquelles, pendant des années, se reproduisent des apparitions ou des bruits concordant avec le récit de morts tragiques, et observés en dehors de la présence de médiums, plaident en faveur de l'action des trépassés. " - " Il s'agit souvent de maisons inhabitées, où ces phénomènes se produisent parfois pendant plusieurs générations et même pendant des siècles[2]. "

M. Boutroux, le philosophe bien connu, en de brillantes conférences dissertait naguère sur les Esprits, sur les communications médianimiques, et assurait que " la porte subliminale est l'ouverture par où le divin peut entrer dans l'âme humaine ". " Parfois, dit-il, les révélations spirites sont si étranges qu'il semble bien que le sujet soit en communication avec des êtres autres que ceux qui lui sont normalement accessibles[3]. "

William James, recteur de l'Université Harvard, à New-York, l'éminent psychologue mort depuis quelques années, affirmait la vraisemblance des communications des défunts, dans son étude, parue en 1909 dans les Proceedings, au sujet de son ami décédé, Hodgson, qui venait l'entretenir par l'intermédiaire de Mme Piper. Il écrivait que " ces phénomènes donnent l'impression irrésistible que c'est réellement la personnalité d'Hodgson avec sa propre caractéristique, et que les sentiments des assistants étaient qu'ils conversaient avec le véritable Hodgson[4] ".

C'est en Amérique que nous trouvons le foyer du spiritisme, ou spiritualisme moderne. En réalité, les phénomènes d'outre-tombe se rencontrent à la base de toutes les grandes doctrines du passé. Dans presque tous les temps, des rapports ont uni le monde invisible au monde des vivants. Mais, dans l'Inde, en Egypte et en Grèce, cette étude était le privilège d'un petit nombre de chercheurs et d'initiés ; les résultats en étaient soigneusement tenus cachés.

Pour rendre cette étude possible à tous, et faire connaître les véritables lois qui régissent le monde invisible ; afin d'apprendre aux hommes à voir dans ces phénomènes, non plus un ordre de choses surnaturel, mais un domaine ignoré de la nature et de la vie, il fallait l'immense travail des siècles, toutes les découvertes de la science, toutes les conquêtes de l'esprit humain sur la matière. Il fallait que l'homme connût sa véritable place dans l'univers, qu'il apprît à mesurer la faiblesse de ses sens, leur impuissance à explorer, par eux-mêmes et sans secours, tous les domaines de la nature vivante.

La science, par ses inventions, a atténué cette imperfection de nos organes. Le télescope a ouvert à notre regard les abîmes de l'espace ; le microscope nous a révélé l'infiniment petit. La vie nous est apparue partout, dans le monde des infusoires comme à la surface des globes géants qui roulent dans la profondeur des cieux. La physique a découvert les lois qui règlent la transformation des forces, la conservation de l'énergie et celles qui maintiennent l'équilibre des mondes. La radio-activité des corps a révélé l'existence de puissances ignorées et incalculables : rayons X, ondes hertziennes, radiations de toute nature et de tous degrés. La chimie nous a fait connaître les combinaisons de la substance. La vapeur et l'électricité sont venues révolutionner la face du globe, faciliter les rapports des peuples et les manifestations de la pensée, afin que l'idée rayonne et se propage sur tous les points de la sphère terrestre.

Aujourd'hui, l'étude du monde invisible vient compléter cette magnifique ascension de la pensée et de la science. Le problème de l'au-delà se dresse devant l'esprit humain avec puissance et autorité.

Vers la fin du dix-neuvième siècle, l'homme, déçu par toutes les théories contradictoires, par tous les systèmes incomplets qu'on lui présentait, se laissait aller au doute ; il perdait de plus en plus la notion de la vie future. C'est alors que le monde invisible est venu à lui et l'a poursuivi jusque dans ses demeures. Par des moyens divers, les morts se sont manifestés aux vivants. Les voix d'outre-tombe ont parlé. Les mystères des sanctuaires orientaux, les phénomènes occultes du moyen âge, après un long silence, se sont renouvelés ; le spiritisme est né.

C'est au-delà des mers, dans un monde jeune, riche d'énergie vitale, d'expansion ardente, moins assujetti que la vieille Europe à l'esprit de routine et aux préjugés du passé, que se sont produites les premières manifestations du spiritualisme moderne. De là elles se sont répandues sur le globe entier. Ce choix était profondément judicieux. La libre Amérique était bien le milieu le plus propice à une oeuvre de diffusion et de rénovation. Aussi, y compte-t-on aujourd'hui vingt millions de " modernes spiritualistes ".

Mais, d'un côté de l'Atlantique comme de l'autre, quoique avec des intensités diverses, les phases de progression de l'idée spirite ont été les mêmes.

Sur les deux continents, l'étude du magnétisme et des fluides avait préparé certains esprits à l'observation du monde invisible.

D'abord, des faits étranges se produisirent de tous côtés, faits dont on n'osait s'entretenir qu'à voix basse, dans l'intimité. Puis, peu à peu, le ton s'éleva. Des hommes de talent, des savants, dont les noms sont autant de garanties d'honorabilité et de sincérité, osèrent parler tout haut de ces faits et les affirmer. Il fut question d'hypnotisme, de suggestion ; puis vinrent la télépathie, les cas de lévitation et tous les phénomènes du spiritisme.

Des tables s'agitaient en une ronde folle ; des objets se déplaçaient sans contact, des coups retentissaient dans les murailles et les meubles. Tout un ensemble de faits se produisait, manifestations vulgaires en apparence, mais parfaitement adaptées aux exigences du milieu terrestre, à l'état d'esprit positif et sceptique des sociétés modernes.

Le phénomène parlait aux sens, car les sens sont comme les ouvertures par où le fait pénétrera jusqu'à l'entendement. Les impressions produites sur l'organisme éveillent la surprise, provoquent la recherche, mènent à la conviction. De là, l'enchaînement des faits, la marche ascendante des phénomènes.

En effet, après une première phase matérielle et grossière, les manifestations revêtirent un nouvel aspect. Les coups frappés se régularisèrent et devinrent un mode de communication intelligent et conscient ; l'écriture automatique se propagea. La possibilité de rapports entre le monde visible et le monde invisible apparut comme un fait immense, bouleversant les idées reçues, ébranlant les enseignements habituels, mais ouvrant sur la vie future une issue que l'homme hésitait encore à franchir, ébloui qu'il était devant les perspectives qui s'ouvraient devant lui.

En même temps qu'il se propageait, le spiritisme voyait se dresser contre lui de nombreuses oppositions. Comme toutes les idées nouvelles, il dut affronter le mépris, la calomnie, la persécution morale. Comme l'idée chrétienne à ses débuts, il fut accablé d'amertume et d'injures. Il en est toujours ainsi. Lorsque de nouveaux aspects de la vérité apparaissent aux hommes, c'est toujours l'étonnement, la défiance, l'hostilité qu'ils provoquent.

Cela est facile à comprendre. L'humanité a épuisé les vieilles formes de la pensée et de la croyance, et lorsque des formes inattendues de la vérité se révèlent, elles semblent peu répondre à l'idéal ancien qui est affaibli, mais non pas mort. Aussi faut-il une assez longue période d'examen, de réflexion, d'incubation, pour que l'idée nouvelle fasse son chemin dans l'opinion. De là les luttes, les incertitudes, les souffrances de la première heure.

On a beaucoup raillé les formes que revêtait le nouveau spiritualisme. Les puissances invisibles qui veillent sur l'humanité sont meilleurs juges que nous des moyens d'action et d'entraînement qu'il convient d'adopter, suivant les temps et les milieux, pour ramener l'homme au sentiment de son rôle et de ses destinées, et cela sans entraver son libre arbitre. Car c'est là l'essentiel : il faut que la liberté de l'homme reste entière.

La Volonté supérieure sait approprier aux besoins d'une époque et d'une race les formes nouvelles de l'éternelle révélation. Elle suscite au sein des sociétés les penseurs, les expérimentateurs, les savants, qui indiqueront la voie à suivre et poseront les premiers jalons. Leur oeuvre se déroule lentement. Faibles et insensibles d'abord sont les résultats, mais l'idée pénètre peu à peu dans les intelligences. Le mouvement, pour être inaperçu, n'en est parfois que plus sûr et plus profond.

A notre époque, la science était devenue la maîtresse souveraine, la directrice du mouvement intellectuel. Lassée des spéculations métaphysiques et des dogmes religieux, l'humanité réclamait des preuves sensibles, des bases solides sur lesquelles elle pût asseoir ses convictions. Elle s'attachait à l'étude expérimentale, à l'observation des faits, comme à une planche de salut. De là, le grand crédit des hommes de science à l'heure où nous sommes. C'est pourquoi la révélation a pris un caractère scientifique. C'est par des faits matériels que l'on a frappé l'attention des hommes, devenus eux-mêmes matériels.

Les phénomènes mystérieux que l'on trouve disséminés dans l'histoire du passé se sont renouvelés et multipliés autour de nous ; ils se sont succédés dans un ordre progressif, qui semble indiquer un plan préconçu, l'exécution d'une pensée, d'une volonté.

A mesure que le nouveau spiritualisme gagnait du terrain, les phénomènes se transformaient. Les manifestations grossières du début s'affinaient, revêtaient un caractère plus élevé. Des médiums recevaient, par l'écriture, d'une manière mécanique ou intuitive, des messages, des inspirations de source étrangère. Des instruments de musique jouaient d'eux-mêmes. On entendait des voix et des chants ; des mélodies pénétrantes semblaient descendre du ciel et troublaient les plus incrédules. L'écriture directe se produisait à l'intérieur d'ardoises juxtaposées et scellées. Des phénomènes d'incorporation permettaient aux défunts de prendre possession de l'organisme d'un sujet endormi et de s'entretenir avec ceux qui les avaient connus sur la terre. Graduellement, et comme par suite d'un développement calculé, les médiums voyants, parlants, guérisseurs apparaissaient.

Enfin, les habitants de l'espace, revêtant des enveloppes temporaires, venaient se mêler aux humains, vivant un instant de leur vie matérielle et terrestre, se laissant voir, toucher, photographier, donnant des empreintes de leurs mains, de leurs visages et s'évanouissant ensuite pour reprendre leur vie éthérée.

C'est ainsi que, depuis un demi-siècle, tout un enchaînement de faits s'est produit, depuis les plus inférieurs et les plus vulgaires jusqu'aux plus subtils, suivant le degré d'élévation des Intelligences qui interviennent ; tout un ordre de manifestations s'est déroulé sous le regard des observateurs attentifs.

Aussi, malgré les difficultés d'expérimentation, malgré les cas d'imposture et les modes d'exploitation dont ces phénomènes ont été quelquefois le prétexte, l'appréhension et la défiance se sont atténuées peu à peu ; le nombre des examinateurs est allé croissant.

Depuis cinquante ans, et en tous pays, le phénomène spirite a été l'objet de fréquentes enquêtes, entreprises et dirigées par des commissions scientifiques. Des savants sceptiques, des professeurs célèbres, appartenant à toutes les grandes Universités du monde, ont soumis ces faits à un examen rigoureux et approfondi. Leur intention était d'abord de faire la lumière sur ce qu'ils croyaient être le résultat de fourberies ou d'hallucinations. Mais presque tous, d'incrédules qu'ils étaient, après des années d'études consciencieuses et d'expérimentation persistante, ils ont abandonné leurs préventions et se sont inclinés devant la réalité des faits.

Les manifestations spirites, constatées par milliers sur tous les points du globe, ont démontré qu'un monde invisible s'agite autour de nous, ou au sein des espaces, un monde où vivent, à l'état fluidique, ceux qui nous ont précédés sur terre, qui ont lutté et souffert et constituent par-delà la mort une seconde humanité.

Le nouveau spiritualisme se présente aujourd'hui avec un cortège de preuves et un ensemble de témoignages tellement imposant, que le doute n'est plus possible pour les chercheurs de bonne foi. C'est ce qu'exprimait en ces termes le professeur Challis, de l'Université de Cambridge :

" Les attestations ont été si abondantes et si parfaites, les témoignages sont venus de tant de sources indépendantes les unes des autres et d'un nombre si énorme de témoins, qu'il faut, ou admettre les manifestations telles qu'on les représente, ou renoncer à la possibilité de certifier quelque fait que ce soit par une déposition humaine. "

Aussi, le mouvement de propagation s'est-il accentué de plus en plus. A l'heure présente, nous assistons à un véritable épanouissement de l'idée spirite. La croyance au monde invisible s'est répandue sur toute la surface de la terre. Partout le spiritisme a ses sociétés d'expérimentation, ses vulgarisateurs, ses journaux.

Si la philosophie, dans ses spéculations les plus hardies, avait pu s'élever à la conception d'un autre mode d'existence après la mort du corps, la science humaine, cependant, n'était pas encore parvenue expérimentalement à la certitude du fait en lui-même. Le mérite du spiritisme est donc de nous fournir ces bases expérimentales en prouvant la communication possible des vivants avec des Intelligences ayant habité parmi nous avant de passer dans le domaine de la vie invisible. Ces âmes ont pu fournir, dans certains cas, la démonstration de leur identité et de leur état de conscience.

Pour ne citer qu'un exemple entre mille, le docteur Richard Hodgson, décédé en décembre 1906, s'est communiqué depuis à son ami J. Hyslop, professeur à l'Université Columbia, entrant dans de minutieux détails au sujet des expériences et des travaux de la Société des recherches psychiques, dont il a été président pour la section américaine. Il explique comment il faudrait les conduire, et par ces détails, il prouve absolument son identité.

Ces communications sont transmises par l'intermédiaire de différents médiums, qui ne se connaissent pas, et elles se confirment les unes par les autres. On y reconnaît les mots et les phrases familiers au communicant pendant sa vie.

*

* *

Si les débuts du spiritisme ont été difficiles, si sa marche fut lente, hérissée d'obstacles, depuis une vingtaine d'années il a conquis droit de cité. Il est devenu une véritable science et, en même temps, un corps de doctrines, une philosophie générale de la vie et de la destinée, basée sur un ensemble imposant de faits, de preuves expérimentales, auxquels viennent s'ajouter chaque jour des faits nouveaux. Cette science, cette doctrine nous démontre de plus en plus la réalité d'un monde invisible, incommensurable, peuplé d'êtres vivants qui avaient jusqu'ici échappé à nos sens, et par là de nouveaux horizons s'ouvrent ; les perspectives de notre destinée s'élargissent. Nous-mêmes, nous appartenons pour une part de notre être - la plus importante - à ce monde invisible qui se révèle chaque jour aux observateurs attentifs.

Les cas télépathiques, les phénomènes de dédoublement, d'extériorisation des vivants, les apparitions à distance, tant de fois relatés par F. Myers, C. Flammarion, Ch. Richet, docteur Dariex, docteur Maxwell, etc., en seraient la démonstration expérimentale. Les procès-verbaux de la Société des Recherches psychiques de Londres sont riches en faits de ce genre.

Les spirites croient que cette partie invisible, impondérable de notre être, siège inaltérable de nos facultés, de notre moi conscient, en un mot de ce que les croyants de toutes les religions ont appelé l'âme, survit à la mort. Elle poursuit, à travers le temps et l'espace, son évolution vers des états toujours meilleurs, toujours plus éclairés des rayons de la justice, de la vérité, et de l'amour. Cette âme, ce moi conscient, a pour enveloppe indestructible, pour véhicule, un corps fluidique, canevas du corps humain, formé de matière subtile, radiante, invisible, sur laquelle la mort n'a aucune action.

Ici, nous nous trouvons en présence d'une théorie, d'une conception susceptible de réconcilier les doctrines matérialiste et spiritualiste, si longtemps aux prises sans pouvoir s'ébranler ni se détruire réciproquement. L'âme ne serait plus une vague abstraction, mais un centre de force et de vie, inséparable de sa forme subtile, impondérable, quoique encore matérielle. Il y a là une base positive aux espérances et aux aspirations élevées de l'humanité. Tout ne finit pas avec cette vie : l'être, perfectible à jamais, recueille dans son état psychique, sans cesse affiné, le fruit des travaux, des oeuvres, des sacrifices de toutes ses existences.

La plainte douloureuse, le cri d'appel qui monte vers le ciel des profondeurs de l'humanité, ne reste pas sans réponse. Ceux qui ont vécu parmi nous et poursuivent dans l'espace, sous des formes plus éthérées, leur évolution infinie, ceux-là ne se désintéressent pas de nos souffrances et de nos larmes. Des sommets de la vie universelle découlent sans cesse sur la terre des courants de force et d'inspiration. De là viennent les éclairs du génie ; de là, les souffles puissants qui passent sur les foules aux heures décisives ; de là, le réconfort pour ceux qui ploient sous le lourd fardeau de l'existence.

Un lien mystérieux relie le visible à l'invisible. Notre destinée se déroule sur la chaîne grandiose des mondes. Elle se traduit par des accroissements graduels de vie, d'intelligence, de sensibilité.

Mais l'étude de l'univers occulte ne va pas sans difficultés. Là, comme ici, le bien et le mal, la vérité et l'erreur se mêlent, suivant le degré d'évolution des Esprits avec lesquels nous entrons en rapport. D'où la nécessité d'aborder le terrain de l'expérimentation avec une extrême prudence, après des études théoriques suffisantes. Le spiritisme est la science qui règle ces rapports. Il nous apprend à connaître, à attirer, à utiliser les forces bienfaisantes du monde invisible, à en écarter les influences mauvaises et, en même temps, à développer les puissances cachées, les facultés ignorées qui dorment au fond de tout être humain.

II. - LES PHENOMENES SPIRITES.

M. Gustave Lebon avait pris, en 1908, l'initiative d'une proposition qui semblait péremptoire : une prime de deux mille francs était offerte au médium qui, en pleine lumière, produirait devant un comité compétent un phénomène de lévitation.

Pourquoi stipuler la pleine lumière, puisqu'il est notoire que ce phénomène n'est normalement possible qu'avec une lumière atténuée, la lumière crue exerçant une action dissolvante sur la force psychique ?

Que dirait-on d'un amateur qui exigerait, pour admettre la photographie, que celle-ci se produisît en pleine lumière, alors que, jusqu'ici, le phénomène requiert l'ombre absolue de la chambre noire ?

Remarquons que la nuit complète n'est nullement nécessaire pour les lévitations ; une lumière rouge affaiblie sera suffisante pour éliminer tout procédé et toute supposition de fraude. D'ailleurs, combien d'autres phénomènes naturels connus exigent une lumière très atténuées sinon l'obscurité ?

Le savant impartial observe la loi, la norme d'un phénomène, mais il se garde surtout de prétendre imposer à sa production des conditions a priori.

Les faits de soulèvement sans contact, de lévitation de meubles et de personnes, moulages de mains et de visages, ont été observés dans des conditions qui défient toutes critiques, par des savants français et étrangers[5].

Des photographies ont été prises, ce qui répond d'une façon très nette à l'objection de la suggestion. La plaque photographique n'est pas sujette aux hallucinations !

Très nombreuses sont les expériences dirigées d'une manière rigoureusement scientifique ; citons, par exemple, celles du professeur Botazzi, directeur de l'Institut de physiologie à l'Université de Naples, en mai 1907, assisté du professeur Cardarelli, sénateur, et d'autres savants.

Comme, évidemment, les sens peuvent tromper, on se sert d'appareils enregistreurs, qui permettent d'établir non seulement la réalité, l'objectivité du phénomène, mais encore le graphique de la force en action.

Voici notamment les mesures prises par le groupe de savants désignés plus haut, Eusapia Paladino servant de médium :

A l'extrémité de la salle, derrière un rideau, on dispose à l'avance sur une table :

1° Un cylindre couvert de papier fumé, mobile autour d'un axe ;

2° Une balance pèse-lettres ;

3° Un métronome électrique Zimmermann ;

4° Une touche télégraphique, jointe à un autre signal électrique ;

5° Une poire de caoutchouc reliée, au moyen d'un long tuyau, à travers la paroi, avec un manomètre à mercure situé dans la chambre contiguë.

Voici, n'est-ce pas, un joli luxe de précautions prises par les savants chercheurs sus-nommés, précautions qui, vraiment, devaient les assurer qu'ils n'étaient point trompés. C'est dans ces conditions que tous les appareils désignés ont été impressionnés à distance, les mains d'Eusapia étant tenues par deux des expérimentateurs, et tous les assistants formant cercle autour d'elle.

Il y a trente ans, Eusapia opérait déjà à Milan dans les circonstances suivantes :

L'Italia del Popolo, de Milan, publiait, à la date du 18 novembre 1892, un supplément spécial contenant les procès-verbaux de dix-sept séances tenues dans cette ville. Ce document est signé des noms suivants : Schiaparelli, directeur de l'Observatoire astronomique de Milan ; Aksakoff, conseiller d'Etat russe ; Brofferio, Gerosa, professeurs à l'Université ; Ermacora et G. Finzi, docteurs en physique ; Charles Richet, professeur à la Faculté de médecine de Paris, directeur de la Revue scientifique ; Lombroso, professeur à la Faculté de médecine de Turin.

Ces procès-verbaux constatent la production des phénomènes suivants, obtenus dans l'obscurité, les pieds et les mains du médium étant constamment tenus par deux des assistants :

" Transport d'objets divers sans contact ; chaises, instruments de musique, etc. ; impressions de doigts sur du papier noirci ; empreintes de doigts dans l'argile ; apparitions de mains sur un fond lumineux, apparitions de lumières phosphorescentes ; soulèvement du médium sur la table ; déplacement de chaises avec les personnes qui les occupent ; attouchements ressentis par les assistants. "

Dans leurs conclusions, les expérimentateurs susnommés établissent qu'en raison des précautions prises, aucune fraude n'était possible.

" De l'ensemble des phénomènes observés, disent-ils, se dégage le triomphe d'une vérité qu'on a injustement rendue impopulaire. "

Quelle splendeur de langage saurait égaler la valeur probante de ce style net et concis ?

A ces témoignages, on pourrait en ajouter des centaines d'autres, d'une valeur égale. Seront-ils nuls aux yeux de nos contradicteurs, et faudra-t-il donc recommencer les expériences à chaque exigence nouvelle ?

Les séances d'Eusapia comportent bien d'autres phénomènes plus importants encore.

Le professeur C. Lombroso écrivait dans l'Arena (février 1908) :

Après le transport d'un objet très lourd, Eusapia, dans un état de transe, me dit : " Pourquoi perds-tu ton temps à ces bagatelles ? Je suis capable de te faire voir ta mère ; mais il faut que tu y penses fortement."


III. - NATURE DE LA MEDIUMNITE.

On appelle médiumnité l'ensemble des facultés qui permettent à l'être humain de communiquer avec le monde invisible.

Le médium jouit par anticipation des moyens de perception et de sensation qui appartiennent plutôt à la vie de l'esprit qu'à celle de l'homme. C'est ce qui lui vaut le privilège de servir de trait d'union entre eux.

Il faut voir dans cet état la résultante de la loi d'évolution et non pas un effet de régression, une tare, comme le croient certains physiologistes, qui assimilent les médiums aux hystériques et aux malades. Leur erreur provient du fait que la grande sensibilité, l'impressionnabilité de certains sujets provoque dans leur organisme physique des troubles sensoriels et nerveux ; mais ce sont là des exceptions qu'on aurait tort de généraliser. Car la plupart des médiums possèdent une bonne santé et un parfait équilibre mental.

Toute extension des perceptions de l'âme est un acheminement vers une vie plus ample et plus haute, une issue ouverte sur un plus vaste horizon. A ce point de vue, les médiumnités dans leur ensemble représentent une phase transitoire entre la vie terrestre et la vie libre de l'espace.

Le premier phénomène de ce genre qui ait attiré l'attention des hommes est celui de la vision. C'est par là que se sont révélées dès l'origine des temps l'existence du monde de l'au-delà et l'intervention parmi nous des âmes des défunts. Ces manifestations en se renouvelant ont donné naissance au culte des Esprits, point de départ et base de toutes les religions. Puis les relations entre les habitants de la terre et ceux de l'espace s'établirent sous des modes divers et très variés, qui se sont développés d'âge en âge sous des noms différents, mais qui se rattachent tous à un principe unique. Au moyen de la médiumnité, un lien a toujours existé entre les deux mondes, une voie a toujours été tracée par laquelle l'âme humaine recevait graduellement des révélations plus hautes sur le bien et sur le devoir, des lumières plus vives sur ses destinées immortelles.

Les grands Esprits, du fait de leur évolution, acquièrent des connaissances toujours plus étendues et deviennent les instructeurs, les guides des humains captifs dans la matière. L'autorité, le prestige de leurs enseignements est encore rehaussé par les prophéties, les prévisions d'avenir qui les précèdent ou les accompagnent.

Nous avons étudié ailleurs, en détail, les différents genres de médiumnité et les phénomènes qui s'y rattachent[6]. On peut voir par là comment s'établit la communion des vivants et des morts ; comment se constitue cette frontière idéale où les deux humanités, l'une visible, l'autre invisible, entrent en contact ; comment par cette pénétration s'étend et se précise notre connaissance de la vie future, la notion des lois morales qui la gouvernent, avec toutes leurs conséquences et leurs sanctions.

Par tous les procédés médianimiques, les Esprits supérieurs s'efforcent d'attirer l'âme humaine des profondeurs de la matière vers les hautes et sublimes vérités qui régissent l'univers, afin qu'elle se pénètre du noble but de la vie et qu'elle envisage la mort sans terreur, afin qu'elle apprenne à se détacher des biens passagers de la terre, pour leur préférer les biens impérissables de l'esprit.

L'âme ne peut trouver d'harmonie que dans la connaissance et la pratique du bien, et de cette harmonie, seule, découle pour elle le bonheur.

Aux Esprits supérieurs se joignent les âmes aimantes des parents défunts, dont la sollicitude continue à s'étendre sur nous et qui nous assistent dans nos luttes douloureuses contre l'adversité et contre le mal.

Ainsi, la médiumnité bien exercée devient une source de lumières et de consolations. Par elle, ces voix d'en-haut nous disent :

" Ecoutez nos appels, vous qui cherchez et pleurez ; vous n'êtes pas abandonnés. Nous avons souffert pour établir un moyen de communication entre votre monde oublieux et notre monde de souvenir.

" La médiumnité ne sera plus asservie, méprisée, honnie ; car les hommes ne pourront plus la méconnaître. Elle est le seul lien possible entre les vivants et nous, que vous appelez les morts. Espérez donc : Nous ne laisserons pas retomber la porte que nous avions entrouverte, afin que dans vos doutes et vos inquiétudes vous puissiez entrevoir les célestes clartés ! "

*

* *

Après avoir montré le grand rôle de la médiumnité, il convient de signaler les difficultés que rencontre son application. D'abord les bons médiums sont rares. Non pas que les facultés remarquables fassent défaut, mais elles restent souvent sans utilité pratique, faute d'études sérieuses et approfondies. Beaucoup de médiums se dissimulent dans les cercles intimes, dans les réunions de famille, à l'abri des exigences outrées et des contacts désagréables. Combien de jeunes filles aux organismes délicats, combien de jeunes femmes de notre connaissance, retenues par la crainte de la critique et des procédés malveillants, dont les belles facultés s'oblitèrent et se perdent faute d'un sage emploi et d'une bonne direction !

Les adversaires du spiritisme se sont toujours attachés à dénigrer les médiums, les accusant de fraude, cherchant à les faire passer pour des névrosés et par tous les moyens à les détourner de leur mission ; sachant que le médium est la condition essentielle du phénomène, ils espéraient ainsi ruiner le spiritisme dans ses fondements. Il importe de déjouer cette tactique et, pour cela, d'encourager et d'aider les médiums tout en entourant des précautions nécessaires l'exercice de leurs facultés.

La guerre a fauché des millions d'êtres dans leur jeunesse et leur virilité. Les épidémies, les fléaux de toutes sortes ont creusé des vides énormes au sein des familles humaines. Tous ces esprits en foule innombrable cherchent à se manifester à ceux qu'ils ont aimés sur la terre, à leur prouver leur affection, leur tendresse, à étancher leurs larmes, à apaiser leurs douleurs.

D'autre part, les mères, les veuves, les fiancées, les orphelins tendent leurs mains et leurs pensées vers le ciel dans l'attente angoissante des nouvelles de leurs morts, avides de recueillir des preuves de leur présence, des témoignages de leur survie. Presque tous possèdent des facultés latentes et ignorées qui leur permettraient de nouer des rapports avec les défunts. Partout existent des possibilités d'établir un lien entre ces deux foules qui se cherchent, s'attirent et veulent fondre leurs sentiments et leurs coeurs dans une harmonie commune. Le spiritisme et la médiumnité peuvent seuls réaliser cette douce et sainte communion et apporter à tous la paix, la sérénité d'âme qui fait les forts et les convaincus.

C'est parmi ces victimes de la guerre cruelle, c'est surtout au sein du peuple, parmi les humbles, les petits, les modestes qu'il faut chercher les ressources psychiques qui permettront à nos amis de l'espace de nous fournir les preuves de leur vitalité persistante et le gage de notre réunion future. Que de facultés dorment silencieuses au fond de ces êtres attendant l'heure d'éclore, de s'épanouir, de porter des fruits de beauté morale et de vérité !

A ce point de vue une grande tâche incombe aux spirites éclairés, aux croyants dévoués, aux apôtres de la grande doctrine. Ils ont le devoir de secouer l'indifférence des uns, l'apathie des autres, d'aller vers tous ces agents obscurs de l'oeuvre rénovatrice, de les instruire, de mettre en action les ressorts cachés, les richesses insoupçonnées qu'ils possèdent et de les amener au but assigné. Pour remplir cette tâche il faut la science et la foi. C'est par celle-ci et au moyen de procédés analogues que les apôtres des premiers temps chrétiens ont suscité autour d'eux " les miracles " et, par là, l'enthousiasme religieux qui devait transformer la face du globe.

Aujourd'hui, il faut non seulement la foi ardente, mais encore la connaissance des lois précises qui régissent les mondes visible et invisible, afin de faciliter leur accord, leur pénétration réciproque, et d'écarter des expérimentations les éléments d'erreur, de trouble et de confusion.

Par un entraînement graduel on verra alors s'élargir le cercle des perceptions et des sensations psychiques. Il s'en dégagera la plus imposante certitude de la pérennité du principe de vie qui nous anime.

L'âme humaine apprendra à connaître les ombres et les splendeurs de l'au-delà et, dans cette connaissance, elle trouvera un apaisement à ses douleurs, une source de force dans les épreuves et devant la mort.


IV. - PRATIQUE DE LA MEDIUMNITE.

L'étude et l'application des facultés médianimiques sont d'une importance capitale, disions-nous, car, selon l'usage que l'on fait de ces dons, ils peuvent devenir un bien ou un mal pour ceux qui les possèdent et pour la cause qu'ils veulent servir.

Le spiritisme est une arme à double tranchant : arme puissante avec le concours des Esprits élevés, pour combattre l'erreur, le mensonge, toutes les misères morales de l'humanité ; mais arme dangereuse par l'action des esprits inférieurs et mauvais. Dans ce cas, elle peut se retourner contre les médiums et les expérimentateurs, les blesser dans leur santé, leur dignité et causer de graves désordres.

Tout dans l'expérimentation spirite dépend de l'intervention des Invisibles. Leur action varie de nature et de qualité suivant la valeur des Entités qui se manifestent.

Les Esprits élevés répandent sur nous des fluides purs et bienfaisants, qui réconfortent nos âmes et apaisent nos douleurs, nous prédisposent à la bonté, à la charité. Nous puisons dans leur commerce les forces nécessaires pour vaincre nos défauts et nous perfectionner.

Les manifestations des esprits inférieurs peuvent être utiles par les preuves d'identité qu'elles fournissent, mais, à la longue, leurs fluides lourds et malsains altèrent l'état de santé des médiums, troublent leur jugement et leur conscience, et, dans certains cas, aboutissent à l'obsession et à la folie.

Les scènes tragiques décrites par le docteur Paul Gibier dans son livre Spiritisme ou Fakirisme occidental et dont il faillit être victime, les exemples que nous rencontrons un peu partout autour de nous démontrent, jusqu'à l'évidence, les risques que l'on court en établissant des rapports suivis avec les rôdeurs de l'espace. Faire du spiritisme sans s'entourer des précautions nécessaires équivaut à ouvrir sa porte toute grande aux apaches de la rue.

Rappelons en quoi consistent les précautions indispensables. Avant chaque séance, il faut évoquer les Esprits guides, s'assurer une protection efficace qui, en écartant les mauvaises influences, établisse dans l'entourage invisible la même discipline que le président terrestre fera régner parmi les assistants.

Dans ce but, Allan Kardec recommande la prière et nous n'hésitons pas à insister sur son opinion. Sans doute, comme lui, on nous traitera de mystique, alors que nous observons et appliquons simplement la loi universelle des vibrations qui unit tous les êtres, tous les mondes et les relie à Dieu. Cette loi, la science commence à peine à en balbutier les premiers éléments par l'étude de la radioactivité des corps, par l'application des ondes et des courants à grande distance. Mais, à mesure que se poursuivront ses investigations dans le domaine de l'invisible, elle en constatera le merveilleux agencement et les vastes conséquences. A ce point de vue, de splendides découvertes lui sont réservées, car c'est là que réside tout le secret de la vie supérieure, de la vie libre de l'esprit dans l'espace et la règle de ses manifestations.

Par la pensée et la volonté nous pouvons mettre en mouvement toutes les forces cachées en nous. Nos radiations fluidiques s'imprègnent des qualités ou des défauts de cette pensée et créent autour de nous une ambiance conforme à notre état d'âme.

La prière étant l'expression la plus haute et la plus pure de la pensée, trace un chemin fluidique qui permet aux Entités de l'espace de descendre vers nous et de se communiquer ; elle constitue dans les groupes un milieu favorable aux phénomènes d'ordre élevé, en même temps qu'un préservatif contre les esprits mauvais.

Pour être efficace et produire tout l'effet attendu, la prière doit être un appel ardent, spontané, par conséquent de courte durée ; par contre, les prières banales, récitées du bout des lèvres, sans chaleur communicative, ne produisent que de faibles et insuffisantes radiations.

On comprendra, dès lors, la nécessité dans les séances, de l'union des pensées et des volontés. On appréciera surtout le rôle important que jouent dans les émissions fluidiques les sentiments de foi, de confiance, de désintéressement, toutes les qualités morales en un mot, les facilités qu'elles créent aux bons Esprits, en même temps que les obstacles qu'elles opposent aux agissements des esprits mal intentionnés.

Et cela, sans exclure le libre examen et les conditions de contrôle dont aucun chercheur ne doit se départir jamais.

Il ne faut pas s'étonner non plus, si les résultats obtenus restent relativement pauvres et laborieux, dans les milieux où règne une atmosphère de scepticisme, où l'on prétend commander aux phénomènes et aux Esprits et où l'on crée ainsi, sans le savoir, des entraves aux manifestations d'un ordre élevé.

En outre, le président de chaque groupe doit s'efforcer d'obtenir le silence, le recueillement pendant les séances, écarter les questions inopportunes et trop personnelles posées aux Esprits, afin de maintenir, autant que possible, l'union des pensées et des volontés en les dirigeant vers un but commun. Les pensées divergentes, les préoccupations matérielles forment des courants contraires, une sorte de chaos fluidique qui gêne l'intervention des guides, tandis que la concordance des vues et des sentiments établit la fusion harmonique des fluides et crée un milieu propice à leur action. La séance doit se terminer par quelques paroles de remerciements aux Esprits protecteurs et par l'invitation aux assistants à se pénétrer des enseignements reçus, et à pratiquer la morale qui en découle.

Par leurs critiques, nos contradicteurs inexpérimentés démontrent souvent leur peu de compétence en ces matières. Mais, d'un autre côté, tous les magnétiseurs connaissent cette propriété des fluides, qui reflètent exactement notre état d'âme et auxquels ils savent parfois imprimer des qualités bienfaisantes et curatives.

On peut aussi démontrer expérimentalement l'existence et la variété infinie de ces fluides qui diffèrent avec chaque personnalité.

Des plaques photographiques peuvent facilement être impressionnées par les radiations échappées de nos doigts et de nos cerveaux et enregistrer des effluves qui varient suivant nos dispositions personnelles.

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L'exercice de la médiumnité rencontre deux écueils redoutables : l'esprit de lucre et l'orgueil. Combien de médiums, animés tout d'abord d'un sincère désir de servir notre cause, ont fini, sous l'instigation de ce dernier défaut, par glisser dans le ridicule et sont devenus la risée de tous.

Si le contentement de soi-même est bien légitime quand il résulte de qualités ou de mérites acquis par des travaux ou des études prolongés, comment peut-on tirer de l'orgueil d'une faculté venue d'en-haut et qui n'a nécessité ni dépenses, ni efforts ?

C'est l'orgueil qui inspire ces rivalités, ces jalousies mesquines entre médiums, causes fréquentes de désagrégation pour les groupes. Il faut que chacun se contente de ce qu'il reçoit.

Lorsque le médium est exempt de vanité, simple de coeur et que, dans la sincérité de son âme, sous le regard de Dieu, il offre son concours aux bons Esprits, ceux-ci s'empressent de l'assister et de l'aider à développer ses facultés. Tôt ou tard ils amènent près de lui les parents défunts, les morts aimés, et une douce intimité se reconstitue, source de joies et de consolations. Peu à peu le médium devient l'artisan béni de l'oeuvre de rénovation. Il reçoit et transmet les instructions qui éclairent la vie et tracent à tous la voie d'ascension : il apporte le secours moral qui rend le devoir plus facile, l'épreuve plus supportable.

Ainsi, de proche en proche, avec l'enseignement des Esprits, la notion de justice se répandra sur le monde. En apprenant que nous venons presque tous expier des fautes antérieures, l'homme sera moins porté à murmurer contre son sort, sa pensée planera au-dessus des misères de ce monde. Il évitera, par ses actes et ses paroles, d'augmenter le fardeau des iniquités qui retombe sur lui. Alors la vie sociale pourra s'améliorer et l'humanité fera un pas en avant.

Toutes ces humbles vies de médiums qui, sans cela, resteraient obscures et insignifiantes seront, du fait de la mission reçue, enrichies, éclairées d'un rayon d'en-haut et deviendront autant d'éléments de progrès et de régénération.

Le commerce avec l'invisible, la pénétration des grandes et pures âmes accroissent les facultés psychiques et multiplient les moyens de perception. Dans les séances bien dirigées, le médium ressent de plus en plus les radiations, les effluves des mondes supérieurs. Il éprouve une dilatation de l'être, une somme de jouissances subtiles qui échappent à l'analyse et qui sont comme un avant-goût de la vie spirituelle, un prélude à la vie de l'espace. C'est une compensation offerte, dès l'existence présente, aux déboires et aux fatigues qui se rattachent à l'exercice de la médiumnité.

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Le médium sincère, loyal, désintéressé, disions-nous, peut être assuré de l'assistance des bons Esprits ; mais, s'il se laisse envahir par l'amour du lucre ou par l'orgueil, les Esprits guides s'éloignent et laissent la place aux esprits légers et arriérés. Dès lors les tromperies, les mystifications abondent. Des messages apparaissent signés de noms pompeux, noms d'hommes d'Etat, de rois, d'empereurs, de poètes célèbres et, lorsqu'on passe ces productions au crible de la raison et du jugement, on s'aperçoit qu'on est victime d'une supercherie.

Nous ne prétendons pas que ces grands Esprits ne se communiquent jamais. Toutefois, sachant par expérience que les âmes élevées qui ont porté des noms illustres sur la terre n'aiment pas à en faire parade et qu'elles préfèrent se manifester sous des noms allégoriques, sous des formes d'emprunt, nous conseillons la plus grande prudence en ces matières.

Trop de médiums ont contribué ainsi à dénaturer le spiritisme. Allan Kardec, par la droiture de son caractère et la dignité de sa vie, par l'élévation de sa pensée, a eu le privilège d'attirer à lui de hautes et nobles Entités. Lisons et méditons ses livres, qui sont l'expression de la plus pure sagesse et de la vérité.

Par exemple, dans ses oeuvres, ce grand écrivain s'est toujours élevé avec vigueur contre le principe de la médiumnité salariée, comme étant la cause d'abus sans nombre[7].

Rappelons d'abord que la médiumnité est changeante, variable et peut disparaître comme elle est venue. Elle n'exige pas d'études préalables, une préparation laborieuse comme l'acquisition d'un art, d'une science, etc. C'est un don qui est retiré, lorsqu'on en abuse : les exemples en sont fréquents. La médiumnité, donnant des résultats très divers selon les milieux, l'ambiance et la protection occulte, ou même des résultats négatifs, se prête peu à une exploitation régulière et continue. Les Guides sérieux, les Esprits élevés ne s'y prêteraient pas.

Nous admettons cependant que les savants et autres expérimentateurs qui veulent se servir des facultés d'un médium et accaparer son temps, contractent avec lui des engagements et le dédommagent de ses déplacements ainsi que des heures perdues. Nous considérons même que les groupes doivent aux médiums, après des services suffisants, des égards et des témoignages de sympathie, à la condition qu'ils n'atteignent en rien le principe de la médiumnité gratuite et désintéressée.

On peut nous objecter qu'Allan Kardec est mort depuis 50 ans. Les circonstances, dira-t-on, ont changé, le spiritisme s'est répandu, la science commence à s'intéresser à ses phénomènes et, il importe de lui fournir les moyens de les constater, de les affirmer.

Nous répondrons que les préceptes formulés par Allan Kardec n'ont rien perdu de leur opportunité. Et c'est précisément parce que le spiritisme s'étend et qu'il est appelé à jouer un grand rôle, parce qu'il porte en lui des éléments de salut et de relèvement, qu'il faut s'attacher à le préserver de toute souillure, à écarter tout ce qui pourrait diminuer sa valeur et sa beauté.

Or, il est incontestable que tout trafic inspire la méfiance. L'appât du gain pousse au charlatanisme et à la supercherie. Lorsque le médium a pris l'habitude de tirer un profit matériel de ses facultés, il glisse peu à peu dans la fraude, car, si les faits ne se produisent pas, il s'ingénie à les imiter.

Partout où le spiritisme est un objet de commerce, les Esprits sérieux s'éloignent et les esprits inférieurs viennent les remplacer.

Dans ces milieux, le spiritisme perd toute influence bienfaisante et moralisatrice, pour devenir un véritable danger, une exploitation du chagrin et du souvenir des morts.

En résumé, nous répétons aux spirites et aux médiums : Dans vos réunions, pratiquez toujours le recueillement et la prière. Que celle-ci soit la fusée lumineuse qui atteint directement son but et appelle à vous les bons Esprits ; sans cela vous n'aurez pas les âmes que vous désirez, vous n'aurez pas les morts aimés dont vous sollicitez la venue.

Ne faites pas de vos séances un objet d'amusement, de curiosité, un aliment pour les badauds, mais un acte grave et solennel, un procédé de culture intellectuelle et morale. N'attirez pas les esprits d'ordre inférieur, dont les fluides peuvent altérer votre santé et provoquer des cas de hantise. N'évoquez vos guides qu'à bon escient et avec respect. Tous ont leurs missions à remplir dans l'au-delà ; leurs occupations sont multiples et absorbantes. Leur vie est loin d'être la béatitude rêvée, c'est une activité constante, un dévouement à toutes les grandes causes. Leurs enseignements, leurs conseils vous aideront à supporter les vicissitudes de l'existence terrestre, ils vous donneront la certitude des vies à venir, vies de travail, de purification, de devoir par lesquelles vos âmes, devenues plus légères, monteront un jour vers ces sphères lumineuses où elles commenceront à goûter les joies de l'infini.

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A l'heure où nous sommes, une grande espérance se lève sur le monde, une aurore nouvelle commence à luire pour la pensée et pour la science. Le spiritisme étant basé sur la vérité, ne petit périr, mais sa marche peut être retardée par les erreurs et les fautes de ses partisans, plus encore que par l'opposition et les manoeuvres de ses adversaires.

Un jour viendra où tout ce que les Esprits enseignent depuis près d'un siècle sur le périsprit, sur les fluides, sur la succession de nos existences, tout cela sera admis comme vrai et confirmé par la science. On reconnaîtra le grand rôle de la prière dans la communion universelle des êtres. Alors, les litanies monotones et interminables de l'Eglise cesseront pour faire place au cri de l'âme vers son Père, à l'appel ardent de l'être humain vers Celui de qui tout émane, et vers qui tout retourne éternellement.

Ce jour venu, la religion et la science se fondront en une conception agrandie de la vie et de la destinée. Le spiritisme deviendra le culte de la famille ; le père, plus instruit, plus éclairé, remplacera le prêtre ; l'épouse, les filles seront les médiums à l'aide desquels les esprits des ancêtres, les mânes des aïeux se manifesteront et assureront leur influence morale. Ce sera le retour à la religion simple et primitive, enrichie par les progrès et l'évolution des siècles ; sur ce culte familial se grefferont des réunions imposantes et des manifestations de l'ordre esthétique le plus élevé.

Mais, pour que le spiritisme réalise tout son programme rénovateur, il faut écarter de son sein les germes morbides, tous les éléments mauvais qui pourraient entraver ou arrêter son essor. A ce point de vue, la responsabilité des spirites est grande et ils doivent écarter avec soin tout ce qui retarderait l'épanouissement grandiose de nos croyances et leur effet moralisateur.

Le spiritisme, après avoir été longtemps bafoué, méprisé même, s'impose désormais par la puissance de ses faits et la beauté morale de sa doctrine. Il est devenu une force rayonnante qui s'étend de plus en plus sur le monde. Après les épreuves d'une guerre de cinq années, à la suite des deuils et des vides causés par tant de départs, bien des regards éplorés se tournent vers lui.

Nous qui avons connu les difficultés et souffert des hostilités du début, nous constatons avec joie cette poussée immense qui porte les âmes vers nos croyances. Toutefois, pour en assurer la diffusion et le triomphe définitif, pour obtenir le respect de ses adversaires eux-mêmes, et jouer le rôle salutaire qui lui échoit dans l'oeuvre de relèvement de la Patrie, le spiritisme doit remplir une condition absolue, sans laquelle il n'est pas de succès possible, et, cette condition, c'est d'être et de rester honnête, selon les traditions de son vénéré fondateur.


V. - ANALYSE DE LA MEDIUMNITE.

Le phénomène de la médiumnité est compliqué ; il exige certaines explications. Tous ceux qui ont quelque peu étudié les sciences occultes savent que l'homme est pourvu d'un organisme fluidique invisible, enveloppe inséparable de l'âme et qui progresse, s'affine et s'épure avec elle. Le corps physique, avec ses cinq sens, n'en est que la représentation grossière, le prolongement sur le plan matériel. Les sens psychiques, étouffés sous la chair chez la plupart des humains, recouvrent dans le sommeil et après la mort une partie de leurs moyens d'action et de perception.

Cette enveloppe subtile est en réalité notre véritable forme indestructible, antérieure à la naissance comme elle est survivante à la mort. Elle est le siège permanent des facultés de l'esprit, tandis que le corps matériel n'est qu'un vêtement d'emprunt. Cette forme, étant élastique et compressible, explique le phénomène de la croissance par son action sur le corps de l'enfant qu'elle développe jusqu'à ce qu'il soit parvenu à sa grandeur normale.

La médiumnité est donc le pouvoir que possèdent certains êtres, d'extérioriser ces sens profonds de l'âme qui, chez la plupart d'entre nous, restent inactifs et voilés durant la vie terrestre ; c'est le moyen de pénétrer par anticipation dans le monde des Esprits.

En bien des cas ce ne sont pas les Esprits qui viennent au médium, mais c'est lui qui va vers eux. La célèbre voyante de Prévorst se plaignait un jour que les Esprits s'immisçaient trop souvent dans sa vie intime. Et ceux-ci de lui répondre : " Ce n'est pas nous qui venons chez toi ; c'est toi qui viens chez nous. "

La médiumnité est donc par excellence révélatrice des puissances de l'âme ; elle est aussi un aperçu de nos modes de vie et de perception dans l'au-delà. A ces points de vue elle présente un double intérêt.

La part du médium dans beaucoup de phénomènes est grande et l'on ne peut méconnaître que généralement sa personnalité y joue un certain rôle. Mais, à mesure que ses facultés se développent, il devient plus conscient de la part qui doit lui être attribuée et de celle qui revient aux Esprits, surtout dans les phénomènes de l'écriture.

Chez les médiums en voie de formation, le cerveau est comparable à un clavier incomplet, ou plutôt à une plaque photographique inégalement sensibilisée, et qui enregistre d'une manière imparfaite les images et les pensées qu'elle doit reproduire. La pensée de l'Esprit n'est représentée que par des tronçons de phrases et des fragments d'idées. La nécessité s'impose donc pour celui-ci de combler les lacunes au moyen de termes et d'images empruntés aux habitudes du sujet.

Dans beaucoup de phénomènes, disions-nous, on retrouve une part attribuable au médium, à son propre fonds d'idées, de connaissances, d'expressions. En effet, penser et s'exprimer à l'aide de son cerveau ou bien par l'intermédiaire d'un cerveau étranger sont choses très différentes. Notre organe cérébral est adapté par un long et constant entraînement à notre mentalité personnelle et révèle un des aspects de notre moi. Il n'en est pas de même d'un cerveau étranger, et l'on doit comprendre les difficultés qu'éprouvent certains Esprits à se communiquer par des procédés aussi nets et précis que ceux dont ils disposaient sur la terre.

Cette difficulté, qui est très accusée dans les faits d'écriture, se retrouve à un degré moindre dans les phénomènes d'incorporation.

Ainsi, notre guide, qui jouit cependant d'une volonté et d'une force psychique exceptionnelles, et qui sait prendre pleine possession des sujets qu'il emploie, s'est servi quelquefois de termes plaisants qui ne lui étaient pas familiers et qu'il puisait dans le vocabulaire du médium.

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L'épais rideau qui nous sépare de l'au-delà reste impénétrable pour l'homme revêtu de son manteau charnel ; mais l'esprit extériorisé du médium, aussi bien que l'esprit libre du défunt, peut le traverser avec la même facilité qu'un rayon de soleil traverse une toile d'araignée.

Il suffit même de l'extériorisation d'un seul de ses sens psychiques pour que le médium perçoive les bruits, les voix, les formes du monde invisible.

L'intervention des Esprits n'est donc pas nécessaire dans certains phénomènes, comme ceux de la vision et de l'audition.

Mais si le médium est apte, par ses facultés propres, à pénétrer dans l'au-delà, il ne l'est pas moins à transmettre aux vivants les messages des habitants de cette région.

Il peut même, dans les cas d'incorporation, leur fournir les moyens de se manifester aux humains avec autant de précision et d'intensité qu'ils l'eussent fait durant leur séjour sur la terre par leur organisme vivant.

Le phénomène de l'incorporation permet aux Esprits de nous donner des preuves d'identité plus abondantes, plus convaincantes que par tous les autres procédés de communication. Ceux qui ont connu le défunt ne peuvent s'y méprendre, la voix, les gestes, les idées émises deviennent autant d'éléments de certitude en ce qui touche la personnalité du manifestant, surtout lorsqu'il est avéré que le médium n'a pu le connaître ni recueillir aucun renseignement sur sa manière d'être et ses habitudes.

J'ai disposé pendant plus de trente ans d'un excellent médium à incorporation, par lequel je pouvais communiquer avec l'au-delà et recevoir les instructions nécessaires pour la poursuite de mes travaux.

Ce médium, j'ai eu le malheur de le perdre vers la fin de 1917, et depuis cette époque, je me suis trouvé fort limité dans mes rapports avec mes guides.

Après des années d'une cruelle privation, je vis un beau jour d'été, arriver deux dames parisiennes munies d'un mot de recommandation de M. Leymarie et qui venaient passer un mois de vacances en Touraine. Je ne les connaissais nullement.

Au cours d'une conversation, ayant parlé d'un ami aveugle qui obtint des communications écrites, ces dames exprimèrent le désir de le voir à l'oeuvre ; j'organisai une petite séance.

J'ignorais alors qu'une d'elles était médium, car elle ne m'en avait rien dit. Aussi ma surprise fut grande de la voir bientôt plongée dans la transe et d'entendre une voix forte annoncer la présence de mon guide, de l'Esprit puissant dont les sages conseils et la tendre sollicitude m'ont toujours dirigé, soutenu dans ma tâche de propagandiste.

Un entretien s'établit entre nous et pendant près d'une heure cet Esprit m'exposa ses vues sur la situation du spiritisme, parlant de nos travaux communs dans le passé avec des détails, des particularités dont le médium ne pouvait absolument rien savoir. Tous ceux des assistants qui, autrefois, avaient pris part aux séances que j'ai décrites en mon livre Dans l'invisible, reconnurent Jérôme de P., tandis que le sujet ignorait complètement tout ce qui est relatif à cet Esprit éminent.

Après un instant de repos, une autre entité, toute différente, vint s'incorporer et la douce voix de Mme Forget se fit entendre à son tour.

Mme Forget était le précieux médium dont je parle plus haut, libéré alors de ses liens terrestres.

Avec cet enjouement qui la caractérisait, et la fit reconnaître aussitôt par ses amis présents, elle nous dit que m'ayant vu, du fait de son départ, privé de tout rapport avec l'au-delà, elle s'était mise en campagne " trottinant comme une petite souris ". A force de recherches, elle avait fini par découvrir un sujet susceptible de la remplacer. Aidée par Jérôme de P., elle lui avait suggéré de venir à Tours se mettre à ma disposition.

Or ces dames parisiennes croyaient bien, en venant chez moi, réaliser leurs propres intentions ; ce qui démontre une fois de plus que les humains cèdent, plus souvent qu'ils ne le croient généralement, à l'influence des Esprits.

Au cours de la même séance, un incident vint nous apporter une preuve remarquable d'identité. Un de nos médiums écrivains traça avec l'aide d'un esprit bienveillant la plainte d'un suicidé qui implorait le secours de nos prières. Ce suicidé regrettait amèrement d'avoir déserté la vie ; il exposa sa situation douloureuse en des termes qui allaient permettre de le reconnaître.

Une dame des environs, amenée par un autre membre du groupe, et qui assistait pour la première fois à une réunion spirite, manifestait tout d'abord quelque scepticisme à l'endroit des phénomènes obtenus. Mais à la lecture du message, elle pâlit, se troubla et déclara qu'il s'agissait de son père, de son propre père qui s'était pendu il y avait quelques mois, à la suite de revers de fortune. Le fait nous fut confirmé depuis par d'autres habitants de la même localité.

Le spiritisme, ai-je dit, est la religion de la famille. En effet, les rapports constants qu'il maintient entre nous et nos chers défunts sont, dans notre vie, autant d'éléments de force morale et d'élévation. Nos réunions intimes sont toujours une douce consolation et un réconfort. Par exemple, le 2 novembre dernier, jour des morts, nous nous sommes assemblés dans une séance où, par deux médiums en transe, nos chers invisibles vinrent encore s'entretenir avec nous.

Pendant que la foule des humains envahissait les cimetières à la recherche d'une forme tangible du souvenir, nous communiions avec nos amis de l'espace dans le recueillement de la pensée et la douce intimité du coeur.

Après les enseignements de Jérôme de P. et d'Allan Kardec, nous entendîmes les propos humoristiques de Massenet. Puis, ce fut une scène touchante par laquelle l'esprit de la mère d'un de nos amis aveugle vint prodiguer à son fils et à sa bru des avis, de tendres exhortations qui arrachèrent des sanglots à ses enfants. Il leur donna des conseils précieux au sujet d'une situation délicate. Et tout cela par l'intermédiaire d'un médium qui n'avait jamais connu cet esprit.

En un mot, nous eûmes pendant quelques heures toute la gamme des sensations et des émotions dans un langage qui allait du grave au doux, du plaisant au sévère, et qui nous causa une impression profonde. En nous séparant, nous sentions que les liens qui nous unissaient à notre famille spirituelle s'étaient encore resserrés et qu'un peu de la sérénité des grands espaces était descendue dans nos âmes.

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Le phénomène spirite, disions-nous, varie de nature et d'intensité selon les aptitudes du médium. Si dans l'ordre des faits matériels l'Esprit recherche surtout des sujets dépositaires et transmetteurs des forces radiantes, dans l'ordre intellectuel il s'attachera de préférence à ceux qui jouissent d'une certaine culture et lui offrent des ressources beaucoup plus étendues pour le choix des expressions et des idées. Il est très difficile à un Esprit de produire des messages de forme littéraire ou scientifique au moyen d'un cerveau inculte. Si dans un grand effort de volonté il peut faire exprimer par ce cerveau des noms, des mots, des dates qui ne s'y trouvent pas enregistrés à l'avance, cet effort ne peut être longtemps prolongé.

" Quand on nous offre un clairon, disait un Esprit, nous ne pouvons en tirer les sons d'une harpe. " Un autre se servait de cette autre comparaison : " Nous éprouvons la même répugnance à nous servir d'un cerveau fruste, qu'une main délicate de femme à tirer un énorme verrou rouillé. "

Il arrive parfois dans les séances que plusieurs médiums écrivains obtiennent simultanément des messages signés du même nom d'Esprit et exprimant des idées identiques sous des formes différentes. De là, parmi les assistants, maints commentaires agrémentés de suspicions et de critiques. Faut-il ranger ces faits parmi les fraudes et les impostures, ou y voir l'intervention d'esprits peu scrupuleux ?

Or, voici ce que nous dicte à ce sujet un de nos guides :

" La téléphonie sans fil a révélé qu'une étincelle électrique produite par un courant à haute fréquence envoie des ondes dans toutes les directions. Et ces ondes peuvent être captées par des appareils récepteurs également disposés dans toutes les directions. Un même message peut donc être perçu m même temps par plusieurs auditeurs. Ce phénomène est basé sur une loi qui s'applique également aux émissions fluidiques. Celles-ci, au lieu d'être produites par une dynamo, peuvent l'être par la pensée dirigée volontairement d'une certaine façon. Un esprit incarné ou désincarné peut donc produire en des conditions déterminées une étincelle exactement semblable à l'étincelle des courants à haute fréquence, et envoyer des ondes dans toutes les directions.

" Ces ondes peuvent être perçues par des sensitifs incarnés ou désincarnés faisant l'office de récepteurs. Un esprit désincarné peut parfaitement, d'après ces lois, influencer au même moment plusieurs médiums, tout en restant dans le plan qu'il occupe habituellement ; il pourra envoyer un message écrit, un message visuel (transport des images par le téléphone), un message auditif, etc., selon les médiums influencés. Et comme les facultés intellectuelles sont plus déliées sur notre plan que sur le vôtre, il pourra dicter à ses médiums plusieurs messages de teneurs différentes, sans pour cela avoir besoin de se déplacer. "

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Quant au problème de la subconscience, que l'on a compliqué, embrouillé comme à plaisir, il se résume simplement par l'action en nous et hors de nous, de ce centre psychique dont nous avons parlé et où fusionnent, en un sens unique, tous les moyens de perception et de sensation de l'âme. Inconscient, subconscient, subliminal, ego supérieur ne sont que des mots pour désigner un même principe, le centre de notre moi, de notre intelligence, de notre conscience pleine et entière.

Par son dégagement partiel ou total du corps physique, ce centre recouvre sa puissance de radiation, et en même temps se réveillent en lui les souvenirs, les connaissances, les acquisitions endormies à l'état de veille et que les siècles passés ont accumulés au fond de l'être. C'est dans ces conditions que le médium peut pénétrer dans les mondes visible et invisible, en recueillir et en transmettre les échos, les rumeurs, les enseignements.

La télépathie, la psychométrie, la prémonition, la lecture dans l'avenir, les phénomènes d'intuition et même certains faits d'ordre magnétique se rattachent tous à ce mode d'action. C'est donc la possibilité de rayonner nos forces et nos sens cachés qui constitue la médiumnité. Dans cet état, le sujet offre plus de facilité et de rapidité à l'Esprit pour ses manifestations.

Dans les phénomènes d'écriture, l'Esprit peut s'adresser soit au subconscient, soit à la conscience normale du médium. Le subconscient, dans le premier cas, transmet au cerveau les suggestions du manifestant, mais alors le médium ne ressentira pas aussi vivement la personnalité étrangère qui se manifeste à lui. Dès lors son influence personnelle sera prépondérante et inévitable.

Le médium peut donc entrer en rapport avec l'au-delà de deux manières, soit par le dégagement de son centre psychique, qui lui permet d'exercer ses sens dans le monde invisible et d'en pénétrer les secrets, soit par l'action directe des Esprits sur son organisme fluidique, au moyen de la transe, de l'écriture, de la table, de la planchette, etc. Le premier procédé est le plus efficace, car son application répétée accroît peu à peu la puissance de rayonnement du médium et lui ouvre l'accès des plans supérieurs ; il acquiert ainsi la plénitude du moi par l'union intime de la conscience supérieure avec la conscience physique.

C'est d'ailleurs le but général de l'évolution des âmes, d'élargir sans cesse le champ de leurs radiations et de leurs perceptions ; c'est en même temps un mode de préparation à la vie de l'espace, la possibilité d'en goûter les joies profondes et les sublimes harmonies.

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En réalité, on peut dire que la médiumnité remplit l'histoire. Elle est un des foyers qui éclairent de siècle en siècle la marche de l'humanité. Les inventeurs, les poètes, les écrivains célèbres, presque tous ceux que l'on qualifie d'hommes de génie avaient des sens psychiques très développés et recevaient les inspirations des hautes Entités de l'espace. Il semble bien qu'un vaste programme se déroule à travers les temps. Les grandes inventions, les découvertes se succèdent dans un ordre voulu pour marquer les étapes de la civilisation.

Dans ce rôle imposant, la femme a une part considérable. Sans parler de Jeanne d'Arc, dont la mission sauva la France au quinzième siècle, mission que nous avons étudiée ailleurs en détail, rappelons à ce sujet l'opinion de Paracelse, grand médecin de la Renaissance. Après avoir jeté au feu ses livres de médecine, il déclare que " c'est des sorcières qu'il apprit tout ce qu'il sait de pratique et de bienfaisant ". Michelet, dans la Sorcière, s'exprime en un sens analogue.

On sait qu'au moyen âge et pendant la Renaissance tous les médiums étaient considérés comme des sorciers. Aujourd'hui encore, c'est chez la femme que nous rencontrons les plus remarquables facultés psychiques.

Rappelons aussi que les grands prédestinés, les prophètes, les fondateurs de religions, tous les messagers de vérité et d'amour ont communiqué avec l'invisible. C'est par eux que la pensée divine s'est répandue sur notre monde. Leurs paroles, leurs enseignements brillent comme des éclairs dans notre nuit et forment autant de trouées sur l'inconnu, sur l'infini. On peut les comparer à ces éclaircies qui se produisent un instant dans les nuées, en temps d'orage, pour nous montrer le ciel bleu, profond, lumineux, et qui se referment aussitôt. Mais cet instant suffit pour nous permettre d'entrevoir la voie d'ascension et la grande hiérarchie des âmes qui s'étagent dans la lumière de cercles en cercles, de sphères en sphères jusqu'à Dieu.

Autour de nous flotte dans l'atmosphère la foule innombrable des âmes basses et arriérées, retenues par leurs fluides grossiers dans l'attraction terrestre et que la mort n'a pas libérées de leurs vices. Mais au-dessus des tristes horizons de notre globe, planent les légions d'Esprits protecteurs, bienfaisants, de tous ceux qui ont souffert pour le Bien, la Vérité, la Justice. L'échelle des intelligences et des consciences se gradue jusqu'aux âmes puissantes et radieuses, dépositaires des forces divines.

Parfois ces hautes Entités interviennent dans la vie des peuples. Elles ne le font pas toujours d'une manière aussi éclatante que dans l'épopée de Jeanne d'Arc. Leur action est généralement plus effacée, plus obscure, car si les puissances invisibles, si Dieu même, veulent être connus, ils veulent aussi que l'homme fasse effort et se rende apte à les connaître.

Quant aux choix des moyens et des formes que ces grands Etres emploient, il faut nous rappeler que notre savoir est bien restreint, nos mesures bien courtes pour embrasser les vastes plans de l'Invisible. Mais les faits sont là, incontestables, indéniables, comme nous avons pu le voir au cours de la dernière guerre[8].

De loin en loin, à travers l'obscurité qui nous enveloppe, dans le flux et le reflux des événements, aux heures décisives de l'histoire quand une société, une nation et l'humanité même sont en péril, alors une émanation, une délégation de la Puissance suprême intervient pour réagir contre le mal. Elle vient montrer aux hommes qu'il y a au-dessus de la terre des ressources infinies et des sociétés meilleures que nous pouvons atteindre dès maintenant par nos pensées et nos appels, et qu'il nous sera possible de rejoindre un jour par nos mérites et nos efforts.


[1] Annales des Sciences psychiques, 1897, p. 158.

[2] Voir Annales des Sciences psychiques, février 1908.

[3] Annales des Sciences psychiques, 1/16 juin 1910

[4] Revue scientifique et morale, octobre 1910, p. 212.

[5] Voir mes livres « Dans l’invisible » (Spiritisme et médiumnité) ; « Christianisme et Spiritisme », nouvelle édition 1920.

[6] Voir notre ouvrage : Dans l'Invisible (Spiritisme et médiumnité).

[7] Voir surtout : Livre des médiums, chap. XVIII, pp. 420-426 ; Revue spirite, 1859, p. 94 ; 864, p. 78 ; 1869, p. 43. Qu'est-ce que le Spiritisme ? pp. 53-58. L'Evangile selon le spiritisme, chap. XXVII.

[8] Voir notre dernier ouvrage, le Monde invisible et la Guerre.