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sexta-feira, 26 de agosto de 2011

PENSÉE ET VOLONTÉ-Ernest Bozzano

 

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Ernest Bozzano

PENSÉE ET VOLONTÉ

LES FORCES IDÉOPLASTIQUES

Rien ne peut être aussi important pour la recherche scientifique et la spéculation philosophique que la démonstration, appuyée par des faits, de cette proposition : que ce qui est abstrait peut devenir concret, qu'un phénomène psychologique peut se transformer en un phénomène physiologique, que la pensée peut-être photographiée, se concréter en une matérialisation plastique, ou créer un organisme vivant. En d'autres mots : rien ne peut être aussi important pour la science et la philosophie que d'établir que la force et la volonté sont des « forces idéoplastiques et organisatrices ». En effet, la révélation de ce fait place le chercheur en présence d'un acte « créateur » vrai et propre, avec cette conséquence d'identifier l'individualité pensante humaine avec la Puissance Primordiale dont l'univers est une réalisation. Je me réserve de développer, le moment venu, cette conception grandiose de l'Etre.
A propos de la question que nous envisageons ici, je remarquerai tout d'abord que l'idée de l'existence d'une pensée et d'une volonté substantielles et objectivables, n'est pas nouvelle. Les philosophes alchimistes du XVIe et XVIIe siècle — Vanini, Agrippa, Van Helmont — attribuaient déjà au « magnétisme projeté par la volonté » les résultats qu'ils obtenaient par leurs amulettes et leurs charmes. Van Helmont a écrit : « Le désir se réalise dans l'idée, laquelle n'est pas une idée vaine, mais une idée-force, une idée qui réalise l'enchantement ». Et voilà déjà formulée, avec trois siècles de priorité, la fameuse théorie de Fouillée sur les « idées-force » ; et ceci d'une manière qui est même plus complète, puisqu'on admet l'objectivation de l'idée. Van Helmont a même nettement formulé la théorie des « formes-pensées », de « l'idéoplastie », de la « force organisatrice », en attribuant en outre une existence passagère, mais active, aux créations de la pensée. Il écrit :
Ce que j'appelle les « esprits du magnétisme » ne sont pas précisément des esprits qui nous viendraient du ciel, et encore moins des esprits infernaux. Ils proviennent d'un principe qui réside dans l'homme même comme le feu se dégage de la pierre. Grâce à la volonté, l'on dégage de l'organisme humain une faible portion « d'esprit », qui prend une forme déterminée, en se transformant en un « être idéal ». A partir de ce moment, cet « esprit vital » devient quelque chose d'une nature intermédiaire entre l’être corporel et les êtres incorporels : Il peut ainsi se transférer où la volonté le dirige, n'étant plus soumis aux limitations de l'espace et du temps. Ce n'est nullement une conséquence du pouvoir démoniaque ; c'est une faculté spirituelle de l'homme, qui est rattachée à l'homme.
J'ai hésité jusqu'ici à révéler au monde ce grand mystère, grâce auquel l’homme apprend qu'il y a en lui, à la portée de sa main, une énergie qui obéit à sa volonté, liée à sa puissance imaginative, et qui peut agir extérieurement en exerçant son influence sur des choses et des personnes à distance — même à une très grande distance.
Il est bon d'insister sur cette circonstance : que les affirmations de Van Helmont sur les propriétés objectivables de la pensée et de la volonté n'étaient pas purement intuitives ; elles étaient fondées sur l'observation de phénomènes incontestables, auxquels assistaient souvent ces premiers examinateurs de l'occulte, quoique les temps ne fussent pas mûrs encore pour interpréter dûment ce qu'ils constataient empiriquement. Il n'est pas moins vrai qu'on trouve déjà nettement formulées chez les alchimistes d'il y a trois siècles, les propriétés dynamiques de la pensée et de la volonté ; propriétés que l'on commence à peine, de nos jours, à étudier avec des méthodes rigoureusement scientifiques.
Maintenant, il me faut prévenir mes lecteurs que les matériaux recueillis par moi sur ce sujet sont si abondants, qu'il me faudrait écrire tout un gros volume pour le développer d'une manière complète ; je devrai donc me borner à présenter un résumé substantiel de chacune des catégories dans lesquelles se partage le thème que je me suis proposé.
La première des catégories dont il s'agit est familière à tous ; je me bornerai donc à y toucher très brièvement. Je veux parler des preuves, de nature simplement inductive, que les expériences de suggestion hypnotique peuvent fournir en faveur de l'hypothèse d'une pensée objectivable.
Seulement, pour bien éclaircir le sujet, je crois qu'il est nécessaire de faire précéder quelques notions générales sur la signification que l'on doit attacher au terme « images » au point de vue psychologique.
On appelle « idée », ou « image », le souvenir d'une ou plusieurs sensations simples ou associées. Chaque pensée n'est qu'un phénomène de mémoire ; et qui se résume dans le réveil, ou dans la reproduction, d'une sensation perçue antérieurement. Il y a autant d'agrégats d'images que nous possédons de sens ; il y a donc des groupes d'images visuelles, auditives, tactiles, olfactives, gustatives et motrices. Ce sont là des images qui, en même temps que les sensations, constituent la matière première de toutes les opérations intellectuelles. La mémoire, le raisonnement, l'imagination sont des phénomènes psychiques qui, en dernière analyse, consistent à grouper et coordonner des images, à en saisir les rapports constitués afin de les retoucher et de les grouper en de nouveaux rapports plus ou moins originaux ou complexes, selon la puissance intellectuelle, plus ou moins grande, des individus. Taine a dit : « De même que le corps est un polypier de cellules, de même l'esprit est un polypier d'images ».
On pensait jadis que les idées n'avaient point un corrélatif physiologique, c'est-à-dire qu'un substratum physique ne leur était pas nécessaire pour se manifester dans le milieu physique. Aujourd'hui, au contraire, il est prouvé que les idées occupent dans le cerveau les mêmes localisations que les sensations ; en d'autres termes, il est prouvé que la pensée n'est qu'une sensation qui renaît d'une façon spontanée, et que par conséquent, la pensée est d'une nature plus simple et plus faible que l'impression primitive, quoiqu'elle soit capable d'acquérir, en des conditions spéciales, une intensité suffisante pour provoquer l'illusion objective de l'objet auquel on songe. Mais la pensée n'est pas uniquement une résurrection de sensations antérieures : la faculté de l'imagination domine en l'homme ; c'est grâce à elle que les images s'accordent entre elles afin d'en créer d'autres. Cela prouve l'existence dans l'intelligence d'une initiative individuelle vraie et propre, ainsi que d'une liberté relative vis-à-vis des résultats de l'expérience. Cela est dû à deux autres facultés supérieures de l’intelligence : la faculté « d'abstraction» et celle de « comparaison ». Il s'ensuit que l'imagination, l'abstraction et la comparaison dominent les manifestations de l'esprit ; toutes les inventions, toutes les découvertes, toutes les inspirations, et créations du génie découlent d'elles.
Ceci dit, je remarquerai qu'un premier indice de la nature essentiellement objectivable des images est fourni par la manière dont elles se comportent dans les manifestations de la pensée. Bien entendu, on se base sur les nouvelles connaissances que l'on possède sur ce sujet et qui amènent à modifier le point de vue auquel les modes fonctionnels de l'intelligence ont été envisagés jusqu'ici. Sans les dernières connaissances fournies, à cet égard, par les recherches métapsychiques, on ne pourrait certainement pas attribuer aux divers modes fonctionnels par lesquels se réalisent les images, dans la veille comme dans le sommeil normal, la signification que l'on est cependant en droit de leur conférer.
Images consécutives. — Lorsqu'une sensation est fréquemment répétée, elle acquiert une vivacité exceptionnelle, de manière à persister parfois longtemps même, quand la cause qui l'a produite n'existe plus. Elle peut même renaître avec toute la vivacité d'une sensation proprement dite. Newton parvenait, par un effort de volonté, à reproduire « l'image consécutive » du disque solaire, plusieurs semaines après avoir interrompu ses observations astronomiques. M. Binet cite le cas du professeur Pouchet, microbiologiste, qui, en se promenant dans les rues de Paris, vit tout à coup surgir devant lui les images de ses préparations microscopiques, images qui se juxtaposaient sur les objets extérieurs. Ces visions surgissaient en lui spontanément, sans aucune association d'idées.
Les hallucinations de cette nature présentent une netteté caractéristique, et l'intensité des « images consécutives » est telle qu'on pourrait les projeter sur un écran, ou sur une feuille de papier, pour en tracer ensuite les contours avec le crayon. Le Dr Binet remarque que cette reviviscence de l'image, longtemps après que la sensation excitatrice a cessé d'agir, exclut absolument l'idée que l'image consécutive ait été gardée dans la rétine On doit donc en conclure qu'elle a été gardée dans le cerveau ; par conséquent, que sa renaissance n'implique nullement la mise en activité des « petits cônes » et des « bâtonnets » de la rétine.
Telles sont les modalités par lesquelles se réalisent les « images consécutives ». Je répète que si l'on veut les envisager séparément, elles n'offrent pas une base inductive adéquate pour conclure à l'existence de quelque chose d'objectif en elles. Toutefois, comme les nouvelles recherches — que je vais traiter amplement — portent à admettre que les images en général consistent en des projections extériorisées de la pensée, il n'y a pas de raison pour ne pas conclure dans le même sens pour les « images consécutives ». Le fait que leur vivacité est telle qu'on parvient à les fixer sur une feuille de papier, en traçant leurs contours avec un crayon, est déjà fort significatif dans le sens que je viens d'indiquer.
Hallucinations spontanées et volontaires. — Dans les événements de la vie de chaque jour, tous les souvenirs sont constitués par des images, atténuées, plus ou moins vagues ; leur faible vivacité ne permet pas d'en distinguer la nature. Mais cette règle a de nombreuses exceptions, et tous les hommes de génie, dont la puissance d'imagination est parvenue à créer des chefs-d'œuvre, ont été doués d'une vision mentale intense, qui leur permettait d'apercevoir intérieurement les personnages et les milieux engendrés par le travail fiévreux de leur mental en gestation.
On sait que les grands romanciers — parmi lesquels Dickens et Balzac — étaient parfois comme obsédés par la vision des personnages qu'ils avaient créés ; ceci jusqu’au point de les voir agir devant eux, avec l’indépendance de personnes réelles.
On doit en dire autant des artistes peintres, dont le pouvoir visualisateur peut parvenir au point de remplacer le modèle vivant. Brierre de Boismont, dans son ouvrage sur « Les Hallucinations » (pp. 26 et 451), rapporte le fait suivant :
« Un artiste peintre qui avait hérité en grande partie de la clientèle du célèbre portraitiste Sir Josué Reynolds, et qui se regardait comme étant supérieur à ce dernier, recevait tant de commandes, qu'il me déclara avoir peint dans le courant d'une seule année trois cents portraits, grands et petits. Une telle production paraîtrait normalement impossible ; mais le secret de sa rapidité de travail, et du succès extraordinaire de son art, consistait dans cette circonstance : il n'exigeait qu'une unique séance de pose pour chaque modèle. Wigan rapporte :
« Je l'ai vu moi-même exécuter sous mes yeux, en moins de huit heures, le portrait en miniature d'un monsieur de ma connaissance, et je puis assurer que le portrait était soigneusement fait, et d'une ressemblance parfaite. Je lui demandai des renseignements sur sa méthode ; il me répondit : « Lorsqu'on me présente un nouveau modèle, je le regarde avec beaucoup d'attention pendant une demi-heure, en fixant, de temps en temps, un détail de ses traits sur la toile. Une demi-heure me suffit, et je n'ai pas besoin d'autres séances de pose ; je mets la toile de côté et je passe à un autre modèle. Quand je veux continuer à peindre le premier portrait, je pense à l'homme que j'ai vu ; avec l'imagination je l’assoies sur le tabouret, sur lequel je l'aperçois nettement, comme s'il s'y trouvait réellement ; j’en distingue même la forme et la couleur d'une manière plus nette et plus vivace que si elle y était personnellement. Alors je regarde, de temps à autre, la figure imaginaire, je la fixe à mon aise sur la toile, et lorsque c'est nécessaire, je suspens le travail pour observer soigneusement le modèle dans la pose qu'il a prise. Et chaque fois que je tourne le regard vers le tabouret, j'y vois immanquablement mon homme. »
Seulement, cette faculté exceptionnelle d'objectivation des images finit par être fatale à l'artiste, qui, un beau jour, ne parvint plus à distinguer ses hallucinations volontaires représentant certaines personnes, des personnes réelles et perdit la raison.
Aussi dans les cas de cette nature, et toujours grâce à la nouvelle lumière projetée par les recherches métapsychiques sur la genèse des hallucinations en général, tout concourt à démontrer que dans les formes hallucinatoires auxquelles sont sujets plus ou moins volontairement les romanciers et les artistes, il y a quelque chose d'objectif et de substantiel. Cette induction émerge déjà plus nettement de l'analyse des hallucinations par suggestion hypnotique, ainsi que je me dispose à le démontrer.
Suggestion hypnotique et post-hypnotique. — L'image mentale suggérée à un patient en état hypnotique revêt une objectivation substantielle si accentuée, qu'elle cache les objets réels, ou bien permet d'être fixée sur une feuille de papier avec une telle fermeté que, si on n'enlève pas la suggestion, le sujet à l'état de veille continuera de l'apercevoir. Si l'on introduit la feuille au milieu d'un paquet d'autres feuilles absolument identiques, en invitant ensuite le sujet à indiquer celle sur laquelle il voit l'image en question, il le fera sans hésiter et sans se tromper. M. Binet a proposé, pour expliquer cette dernière circonstance, l'hypothèse de « point de repère ». Il suppose que la feuille de papier sur laquelle l'image a été créée présente quelque particularité, comme par exemple, une granulation insignifiante, que le sujet a remarquée subconsciemment, et qui lui sert de « point de repère » pour la reconnaître et pour projeter sur elle l'image hallucinatoire qui lui a été suggérée. Cette hypothèse paraît plausible, jusqu'à un certain point, et lorsqu'on ne possédait pas encore les nouvelles données importantes ressortant des expériences métapsychiques, elle constituait la seule hypothèse grâce à laquelle on pût se rendre compte des faits, quoiqu'elle laissât beaucoup à désirer. Je crois cependant que cette hypothèse doit être presque complètement abandonnée, pour reconnaître que les différentes modalités par lesquelles se manifestent les images hallucinatoires au cours des expériences hypnotiques tendent à démontrer leur nature objective. Je vais dénombrer brièvement les modalités plus significatives en ce sens.
Lorsque, à l'insu du sujet, on retourne la feuille sur laquelle il aperçoit l'image hallucinatoire, de manière à lui présenter en bas la partie d'en haut, le sujet la voit immanquablement retournée. Si on l'invite à la regarder à travers un prisme, il la voit double, comme il arrive pour les images réelles. M. Binet remarque :
« Lorsque, pendant le sommeil hypnotique, je suggère à la malade que sur la table d'une couleur sombre, placée devant elle, il y a un portrait de profil, au réveil elle voit le portrait. Et si alors, sans la prévenir, je place un prisme devant ses yeux, aussitôt la malade s'étonne d'apercevoir deux profils, et immanquablement l'image fictive est localisée conformément aux lois de la physique... Si la base du prisme est en haut, les deux images sont localisées l'une sur l'autre ; si la base est latérale, les images sont visualisées latéralement. Avec des jumelles, l'image hallucinatoire s'approche et s'éloigne, qu'on place devant les yeux de la malade l'oculaire ou l'objectif ; ceci même si l'on a la précaution de dissimuler l'extrémité du binocle qu'on lui présente, et d'éviter que des objets réels tombent dans le champ visuel. Si on lui présente un miroir, la malade y voit réfléchie l'image hallucinatoire. Ainsi, par exemple, je lui suggère la présence d'un objet quelconque sur le coin de la table ; je place ensuite un miroir derrière le coin en question ; et la malade y aperçoit immédiatement deux objets analogues, et l'objet réfléchi par la glace semble à la malade aussi réel que l'objet hallucinatoire, dont il n'est que le réfléchissement. »
On peut ajouter que le Dr Périnaud, médecin-chef de la clinique ophtalmologique des maladies nerveuses à l'hôpital de la Salpetrière, a démontré que :
« L'hallucination d'une couleur peut développer des phénomènes de contraste chromatique, d'une manière identique, et même plus intense, qu'il n'arrive pour la perception réelle de la même couleur. »
Il faut enfin signaler une preuve physiologique en faveur de la réalité substantielle des images hallucinatoires. Elle a trait aux modifications que subit la prunelle des hallucinés. Le Dr Féré observe :
« Voici ce que nous avons remarqué chez deux hystériques avec lesquelles il est possible d'entrer en communication à l'aide de la parole pendant la catalepsie. Lorsqu'on leur ordonne de remarquer un oiseau qui a été se poser sur le sommet d'un clocher, ou un oiseau qui vole en l'air, leurs prunelles se dilatent progressivement jusqu'à doubler leur diamètre primitif. Mais si nous faisons redescendre l'oiseau, leurs prunelles se resserrent graduellement. Cette expérience peut se reproduire à volonté, et le phénomène se renouvelle infailliblement chaque fois qu'on fait observer aux patientes un objet mouvant. Or, ces modifications de la prunelle, provoquées chez des sujets cataleptiques, qui ne cessent pas de présenter tous les phénomènes spéciaux de la catalepsie, démontrent que, dans l'hallucination, l'objet imaginaire est visualisé exactement comme s'il était réel ; ce qui fait qu'il provoque, avec ses mouvements, des efforts d'accommodement de la prunelle, conformément aux mêmes lois qui règlent la prunelle lorsqu'il s'agit d'un objet réel. »
Ces modalités diverses et complexes par lesquelles se manifestent les hallucinations par suggestion hypnotique, sortent totalement de l'orbite de l'explication par les « points de repère ». Néanmoins, il était logique et inévitable que les psychologues et les physiologues, peu au courant des recherches métapsychiques, les envisageassent comme devant être de nature purement subjective, quoique cette explication fût inconciliable avec les faits. Maintenant, il est temps de reconnaître que, grâce aux modalités caractéristiques par lesquelles se réalisent les hallucinations dont il s'agit, elles doivent être considérées en rapport avec les « formes de la pensée » visualisées par les sensitifs, ainsi que par les « formes de la pensée » restées gravées sur les plaques photographiques ; enfin, avec les « formes de la pensée » qui se concrètent et se matérialisent au cours des séances médiumniques. Tout contribue donc à démontrer que les hallucinations hypnotiques appartiennent à la classe des projections objectivées par la pensée.

FORMES DE LA PENSÉE

Les magnétiseurs de la première moitié du siècle dernier avaient remarqué déjà que leurs somnambules, non seulement percevaient les pensées des personnes avec lesquelles ils se trouvaient en rapport, mais les percevaient sous la forme d'images, généralement localisées dans leur cerveau, mais parfois aussi hors du cerveau, et plus ou moins plongées dans l' « aura » de la personne qui, à ce moment-là, avait à l'esprit la pensée correspondant à l'image.
Même de nos jours, la somnambule clairvoyante Marie Reynes, que les recherches du Dr Pagenstecher sur ses facultés psychométriques ont rendue célèbre, a donné la réponse suivante à une question qui lui avait été adressée par son hypnotiseur :
« Quand on m'ordonne de voir, j'aperçois l'intérieur de mon estomac, dans lequel je discerne nettement l'ulcère dont je souffre, sous la forme d'une tache rouge sanglante. Je vois la forme de mon cœur et je suis en mesure de voir l'intérieur du cerveau du docteur, lorsqu'il me l'ordonne. En ce cas, j'aperçois les images des pensées existant à ce moment-là dans son cerveau. Ainsi, par exemple, j'ai vu souvent dans son cerveau l'image rayonnante de sa mère, ainsi que celles d'autres personnes auxquelles il pensait sans me le dire ; il a toujours dû me déclarer que les images que j'avais perçues étaient bien celles des personnes auxquelles il pensait » (American Proceedings of the S. P. R. ; vol. XVI, p. 113).
Les théosophes, qui ont beaucoup de choses à signaler au sujet des « formes de la pensée » affirment, d'après les déclarations de leurs « voyants » — dont Mme Annie Besant et Mr C -W. Leadbeater — que les formes de la pensée « ne se bornent pas aux images des personnes et des choses, mais s'étendent aux conceptions abstraites, aux aspirations du sentiment, aux désirs passionnels, qui prennent des formes caractéristiques et étrangement symboliques ».
A ce sujet il est bien de remarquer que les descriptions des théosophes au sujet de ce symbolisme de la pensée concordent d'une manière assez surprenante avec les descriptions qui, de leur côté, en font les sensitifs clairvoyants.
Je résume ici un passage du livre : Thought-forms d'Annie Besant et G.-W. Leadbeater, en le comparant ensuite à un autre passage tiré des déclarations d'un sensitif clairvoyant.
Voici donc ce qu'écrivent les auteurs de Thought-forms :
« Toute pensée crée une série de vibrations dans la substance du « corps mental », vibrations correspondant à la nature de la pensée, qui se combinent avec un jeu merveilleux de couleurs, comme il arrive aux gouttelettes qui se dégagent d'une cascade quand elles sont traversées par un rayon de soleil ; avec cette différence que la gamme des couleurs est infiniment plus vivace et plus délicate. Le « corps mental », grâce à l'impulsion de la pensée, projette à l'extérieur une fraction de lui-même, qui prend une forme en rapport avec son intensité vibratoire, de même que la poudre de lycopode, placée sur un disque vibrant à l'unisson avec les notes musicales, se dispose en des figures géométriques, toujours les mêmes par rapport aux notes qui se font entendre. Or cet état vibratoire de la fraction extériorisée du « corps mental » à l'effet d'attirer à elle, dans le milieu éthérique de la substance sublimée analogue à la sienne. C'est ainsi que se produit une « forme-pensée », qui est de quelque manière une entité animée par une activité intense qui pivote sur la pensée génératrice... Si cette pensée concerne une aspiration personnelle de l'individu qui l'a formulée — ainsi qu'il arrive pour la plupart des pensées — elle voltige alors autour de son créateur, toujours prête à réagir sur lui, en bien ou en mal, chaque fois qu'il se trouve en des conditions passives...
Les formes que prend la pensée sont étrangement symboliques ; quelques-unes représentent graphiquement les sentiments dont elles tirent leur origine. L'avarice, l'ambition, l'avidité produisent des formes-pensée crochues, comme si elles se disposaient à saisir l'objet désiré. La pensée qui considère un problème à résoudre, produit une émission de filaments en spirale ; les sentiments tournés vers une autre personne, qu'ils soient de rancune ou d'affection, donnent lieu à des formes-pensée analogues aux projectiles. La colère ressemble au zigzag rougeâtre de la foudre ; la peur provoque des jets d'une substance grisâtre, semblables aux éclaboussures de boue. »
Et voici comment s'exprime sur le même sujet un sensitif clairvoyant. M. E. A. Quinton remarque ce qui suit au sujet de ses visualisations de la pensée des autres :
« Les formes-pensées que j'aperçois peuvent se subdiviser en trois groupes : celles dans lesquelles la pensée revêt l'image d'une personne ; celles dans lesquelles elle revêt l'image d'un objet quelconque, et celles dans lesquelles elle engendre des formes spéciales... Les formes-pensées appartenant aux deux premiers groupes s'expliquent toutes seules, mais celles du troisième groupe demandent un éclaircissement... Une pensée sereine de paix, lorsqu'elle est engendrée par une personne qui en est profondément pénétrée, est extrêmement belle et expressive. Une pensée de colère projetée par, une personne en proie à une impulsion passionnelle est très répugnante et horrible. L'avidité et tous les désirs analogues prennent une forme crochue, pareille à une griffe de faucon, comme si celui qui les pense voulait avidement saisir quelque chose pour sa satisfaction personnelle » (Light, 1911, p. 401).
Comme il ressort de ces déclarations, théosophes et clairvoyants sont d'accord pour affirmer que les impulsions personnelles de l'avidité et des désirs analogues donnent lieu à des formes crochues de la pensée ; ce qui constitue une concordance remarquable. Naturellement, en ce qui concerne la réalité de l'existence de formes abstraites de la pensée, nous ne possédons pour le moment d'autre preuve à faire valoir que celle ressortant de la concordance des observations chez divers clairvoyants. Je m'empresse toutefois de noter que pour les affirmations des sensitifs relativement aux formes concrètes de la pensée (c'est-à-dire à la forme-pensée représentant des personnes ou des choses), nous disposons d'une preuve absolue de leur réalité, puisque la plaque photographique les enregistre. On est donc logiquement amené à tenir compte aussi des affirmations des voyants relativement aux formes de pensée abstraite. Et l'on a démontré que, lorsqu'on songe à une personne ou à une chose, celles-ci se concrétisent dans une image correspondante. Tout contribue donc à faire supposer que les idées abstraites doivent aussi se concrétiser dans quelque chose de correspondant.
Il me reste à parler d'un autre trait caractéristique que présenteraient les formes de la pensée. C'est qu'en des circonstances spéciales elles seraient susceptibles de persister plus ou moins longtemps dans le milieu où elle sont nées, même lorsque la personne qui les a engendrées n’est plus là, ou qu’elle est morte ; ce qu'en termes métapsychiques, on appelle « persistance des images ».
Je vais rapporter quelques exemples du genre.
Dans ce premier épisode, les images pensées restent, durant, quelques heures seulement, dans le milieu dans lequel elles furent engendrées.
J'extrais ce fait du précieux ouvrage de Vincent Turvey : The Beginning of Seership, ouvrage dans lequel il analyse ses propres facultés de sensitif clairvoyant et de médium. Je remarque tout d'abord que Vincent Turvey, mort, jeune encore, de tuberculose, était un gentleman riche et instruit qui, tout en prévoyant sa fin prochaine, persévéra jusqu'au bout à exercer gratuitement ses facultés médiumniques dans l'intérêt de la cause spiritualiste. Chaque fois que des phénomènes ou des incidents importants se réalisaient, il se faisait remettre par les expérimentateurs de courts rapports des faits ; il les employa dans son livre pour documenter les faits qu'il relatait ; ce qui confère de la valeur scientifique à l'ouvrage en question. Celui-ci contient plusieurs épisodes de visualisations de « formes-pensée », parmi lesquels est le suivant :
« Le 26 février 1908, frappa à ma porte un monsieur qui distribuait des brochures et des revues au nom de la « Société de propagande chrétienne ». Il me fit tenir un numéro de la revue, à titre d'essai. J'y remarquai aussitôt un article sur le spiritisme, dans lequel on ne contestait pas la réalité des faits, mais on leur attribuait une origine diabolique. Je fis alors entrer le distributeur de brochures, et entamai avec lui une vive discussion contradictoire ; comme d'habitude, chacun de nous en sortit avec l'impression d'avoir triomphé des arguments de son contradicteur. Tout de même, avant de s'en aller, le visiteur récita une prière dans laquelle il suppliait Dieu de m'ouvrir les yeux à la « vraie lumière » ; par cela il entendait dire, que Dieu m'enlevât le don diabolique de la clairvoyance (qui d'ailleurs, dans les siècles passés, était le signe révélateur des serviteurs de Dieu et des prophètes), et que Dieu éclairât mon esprit, c'est-à-dire, qu'il le transforma de manière à le conformer aux opinions de celui qui priait. Après cela, il m'assura que désormais on pouvait être certain que les diables étaient expulsés de chez moi, et il s'en alla.
Peu après, je me couchai sur le sofa, afin de reposer et, en même temps, méditer. Mais voilà que je vois tout à coup apparaître trois « petits diables », absolument typiques des diables orthodoxes : d'un aspect humain, avec des pattes bifurquées de bouc, de petites cornes derrière les oreilles, des cheveux laineux comme ceux des nègres, des mains fournies dégriffés, d'un teint général noirâtre. J'avoue franchement que, tout d'abord, j'en tressaillis ; je pense que tout autre voyant à ma place en aurait fait autant. Je me mis sur mon séant, pour m'assurer que je ne rêvais pas ; mais les petits diables étaient toujours là. Etais-je victime d'une hallucination ? Ni plus ni moins que lorsque je percevais des « esprits », au cours des séances médiumniques — esprits infailliblement identifiés par l'un des assistants. Alors je me concentrai, avec l'intention d'atteindre l'état que j'appelle « condition supérieure » dans lequel les facultés clairvoyantes sont beaucoup plus étendues que lorsque j'exerce ces facultés en public.
Je parvins bientôt à cette condition, et je m'aperçus alors que ces petits diables n'étaient que des formes vagues, comme des masques en carton. Les « esprits-guides » me firent ensuite proférer une sentence, dont j'ai oublié la teneur, et qui eut la vertu de désintégrer et dissoudre instantanément ces petits diables. Pour donner une idée de la façon dont je les ai vus disparaître, je dirai qu'ils se transformèrent en un petit nuage pareil à la fumée du goudron. Je m'exprime ainsi, parce que telles étaient la couleur et l'odeur de ces « formes-pensées » engendrées par un individu qui croyait en bonne foi que le Très-Haut eût créé des êtres méchants aux pieds de boucs, rien que pour tourmenter l'humanité. »
Les « formes-pensées » qui apparurent à Turvey, bien que curieuses et intéressantes à cause des circonstances spéciales dans lesquelles elles se manifestèrent, sont en réalité absolument identiques à toutes les « formes-pensées » perçues par les voyants. Seulement, ainsi que je l'ai dit, elles présentent le trait caractéristique assez rare d'avoir persisté quelque temps dans le milieu où elles avaient été engendrées. Cela dépend de l'intensité avec laquelle une idée a été pensée d'où l'observation que, d'habitude, les « formes-pensées » qui persistent longtemps se rapportent à des situations émotionnelles, tragiquement intenses chez l'agent procréateur. Il est donc assez probable que certaines apparitions de fantômes inertes et sans vie dans les lieux hantés ne sont pas autre chose que des « formes-pensées » engendrées dans la mentalité de celui qui est mort tragiquement dans cet endroit. Il est à remarquer que dans les recueils de communications médiumniques — depuis Allan Kardec jusqu'à William Stainton Moses — on rencontre des messages de personnalités spirituelles dans lesquels on fait allusion à la possibilité de l'existence de fantômes hanteurs qui sont de pures formes de la pensée ; possibilité qui, en certains cas, est aussi confirmée a posteriori par la contre-épreuve de l'identification personnelle de la « forme-pensée » perçue. Il en est ainsi, par exemple, dans le cas suivant, que j'extrais de l'ouvrage de Myers sur la Conscience Subliminale (Proceedings of the S. P. R. ; vol. IX, p. 79). En cette circonstance, le médium était Miss A., une jeune fille très instruite et très distinguée, parfaitement au courant des méthodes de recherches scientifiques qui permettent de se défendre des suggestions inconscientes. Invitée par la comtesse de Radnor dans sa résidence de Longford, elle obtint, au cours d'une expérience médiumnique par l'écriture automatique, le message suivant, provenant de la personnalité médiumnique Estelle, qui se manifestait habituellement par son entremise :
— Tu me demandes ce que j'aperçois dans ce milieu. Voici : je vois beaucoup d' « ombres » et quelques esprits ; je vois aussi un certain nombre de « choses réfléchies ». Sais-tu me dire si un petit enfant est décédé dans la chambre au-dessus ? Et s'il est mort presque soudainement ?
— Pourquoi me le demandes-tu ?
— Parce que j'aperçois constamment l'ombre d'un bébé dans la chambre à côté de la tienne.
— Une « ombre » seulement ?
— Oui, uniquement une ombre.
— Qu'entends-tu dire ?
— Une ombre se forme lorsque quelqu'un songe d'une façon intense et continuelle à une personne ; avec cela, on grave l'ombre et le souvenir de la pensée dans l'air ambiant. C'est une forme objective qu'il crée ; je suis donc portée à croire que les prétendus « fantômes » des assassinés, ou de ceux qui sont morts subitement, sont plus souvent des « ombres » ou des « images » que des « esprits confinés ». C'est la conséquence de la pensée de l'assassin qui, obsédé par l'idée du crime qu'il a accompli, projette extérieurement l'ombre ou l'image de l'assassiné. Ce serait d'ailleurs bien triste que des âmes, après avoir souffert en leur vivant sans que ce fût de leur faute, dussent encore souffrir après leur mort sous la forme d' « esprits confinés ». N'oublie cependant pas que les « esprits confinés » existent réellement, et qu'ils sont nombreux. »
La comtesse de Radnor remarque à ce sujet :
Relativement à la communication ci-dessus, je confirme que mon frère est mort, tout petit encore, par suite de convulsions, et qu'il est mort dans la chambre dans laquelle la forme du bébé a été vue. Je ne saurais vraiment pas imaginer comment Miss A. aurait pu le savoir, et surtout connaître la chambre où l'enfant était mort.
La déclaration de la comtesse de Radnor montre que, dans le cas ci-dessus, on rencontre une preuve d'identification personnelle qui confirme les affirmations de la personnalité médiumnique. Ceci montre le bien-fondé de la thèse que nous soutenons, concernant la réalité objective des « formes-pensées » et la possibilité qu'elles persistent plus ou moins longtemps dans le milieu où elles ont été engendrées, en donnant lieu à un groupe spécial de fantômes hauteurs.
II est aussi remarquable que dans le livre récent de H. D. Bradley : Towards the Stars, on trouve des déclarations identiques provenant de personnalités médiumniques communiquant par l'entremise des célèbres médiums, Mrs Osborn Léonard et Mrs Travers-Smith.
Ainsi, par exemple, la personnalité médiumnique de « Johannes » (médium Mrs Léonard) observe à cet égard :
« II me faut d'abord l'expliquer en quoi consistent les fantômes dont il s'agit : ce sont les fantômes de votre cerveau. Ils ne sont pas des esprits, et ils ne sont pas matière. Ils consistent en un élément d'activité intellectuelle qui a laissé derrière elle son empreinte ; ceux qui possèdent des facultés psychiques très évoluées peuvent seuls apercevoir ces formes-pensées... Tu demandes pourquoi certains fantômes hanteurs se produisent en certains milieux, et non pas en d'autres où il serait plus logique de les trouver. La raison de ce fait consiste dans la vitalité intense que doit posséder l'idée génératrice. Une prison, un asile d'aliénés sont bien les derniers milieux susceptibles de devenir hantés, parce que l'espoir et l'activité vitale ont déserté ces lieux. Il est donc beaucoup plus probable que le fantôme d'un assassin hante la localité où il a tué la victime, qu'il ne se manifeste où il a été tué lui-même par la justice humaine » (p. 272).
Et « Astor », l' « esprit guide » de Mrs Travers-Smith, remarque à son tour :
« Les fantômes (c'est-à-dire les formes-pensées) apparaissent parfois spontanément ; ceci à cause d'émotions terribles, jointes à la terreur, qui leur procurent les éléments nécessaires pour s'extérioriser, En ces conditions, on comprend parfaitement pourquoi la Tour de Londres n'est pas hantée. C'était une prison, paraît-il ; c'est-à-dire que c'était un endroit où la mentalité des prisonniers devenait obtuse à cause de la triste monotonie de leur destinée, dépourvue de tout sentiment émotionnel ou passionnel ; en d'autres mots, un état de désespoir résigné. Et le désespoir n'est pas un élément favorable à la formation des fantômes. »
Avant de passer à un autre sujet, je vais rapporter encore un épisode, dont l'interprétation est plutôt embarrassante.
Mr Joseph Briggs a publié le compte rendu d'une séance qui a eu lieu chez lui avec le fameux médium à « voix directe » et à « matérialisations », Mrs Everitt, une riche dame qui servait de médium par amour de la cause. Je néglige la description des manifestations obtenues et je passe à l'incident qui nous intéresse. Le rapporteur écrit :
« Un incident remarquable est venu se greffer aux manifestations ; l'un des assistants, doué de clairvoyance — M. Aron Wilkinson — s'étant écrié tout à coup : « Un perroquet est sur mon épaule ; il bat rapidement des ailes. Maintenant il s'est envolé sur Mrs Everitt (qui était assise de l'autre côté de la table). Mrs Everilt s'écria à son tour en percevoir le contact. Wilkinson continua : « A présent le perroquet chante le God Save the Queen (l'hymne royal). Il recommence à battre des ailes ; il s'élève dans l'air, il disparaît... »
Cet incident était incompréhensible pour tout le monde, hormis pour Mrs Everitt. Celle-ci expliqua que, depuis quelques mois, elle s'était chargée de garder un perroquet, qui s'était attaché extraordinairement à elle, et que la veille elle avait reçu de chez elle une lettre dans laquelle on l'informait que le perroquet apprenait rapidement à chanter : « God Save the Queen. » Tous les assistants ignoraient le fait.
II faut remarquer que Mrs Everitt habite dans une province éloignée. Cet incident est unique dans mon expérience » (Light, 1903, p. 492).
Aucun doute que l'épisode en question s'explique par un phénomène d'objectivation de la pensée subconsciente de Mrs Everitt. La circonstance que la dame en question avait reçu la veille une lettre de chez elle dans laquelle on l'informait que le perroquet avait appris à chanter l'hymne auquel le clairvoyant Wilkinson avait fait allusion, ne sert qu'à le démontrer ultérieurement. Toutefois, la description qu'en fit le voyant, combinée avec l'affirmation du médium d'en avoir perçu le contact, tendrait à prouver que l'on était en présence d'une matérialisation de l'image d'un perroquet, et non pas de la simple objectivation d'une « forme fluidique de la pensée » ; ce qui est d'autant plus vraisemblable si l'on songe que Mme Everitt possédait de très remarquables facultés de matérialisation. S'il en était ainsi, l'épisode appartiendrait à la catégorie des phénomènes d'idéoplastie, dont nous parlerons plus loin. S'il s'agissait réellement de la matérialisation d'une image subconsciente, on devrait toutefois noter une circonstance plutôt exceptionnelle ; c'est que les matérialisations de la pensée, à quelques rares exceptions près, sont constamment « plastiques », c'est-à-dire « inanimées », tandis que dans l'épisode relaté plus haut, le perroquet matérialisé aurait volé par-ci par-là dans la chambre, comme un être vivant. Néanmoins, on pourrait soutenir que ce fait aussi peut être explicable par l'action de la volonté subconsciente du médium, qui aurait agi à distance sur sa propre création ectoplasmique, en déterminant ses mouvements.
Je termine cette seconde section de ce travail, en remarquant que, jusqu'ici, il n'a été question que des modalités d'«objectivation de la pensée», qui n'étaient pas susceptibles d'une démonstration expérimentale proprement dite. Mais à présent nos recherches se rapporteront à deux catégories de faits, grâce auxquelles on atteint la preuve expérimentale scientifique de l'existence incontestable d'une projection objectivée des « formes-pensées » observées par les voyants. On constatera en même temps l'existence probable d'une projection objectivée de la pensée aussi dans la circonstance des hallucinations provoquées par la suggestion hypnotique, ainsi que dans le cas des hallucinations spontanées, ou volontaires, chez les artistes et, en général, dans les hallucinations pathologiques proprement dites.

PHOTOGRAPHIE DE LA PENSÉE

Le terme de « photographie de la pensée » paraît ne pouvoir être appliqué qu'à une partie des manifestations comprises dans cette classe d'expériences. En effet, pour obtenir plusieurs d'entre elles on ne pose pas devant l'appareil photographique ; la plaque est impressionnée directement, pendant que l'expérimentateur la tient, dans la plupart des cas, sur son front, en concentrant intensivement sa pensée sur l'image à extérioriser ; parfois ce qui est impressionné directement c'est le « papier sensibilisé » Ces dernières catégories de manifestations, obtenues sans l'aide de l'appareil photographique, sont désignées en Amérique sous le nom de « psychographies ». Mais comme ce terme est déjà employé pour les phénomènes de l'« écriture directe entre les ardoises », on a introduit, depuis quelque temps, pour désigner les phénomènes en question, le terme de « skotographies » (impression dans l'obscurité, par antithèse des photographies proprement dites, qui sont des impressions à la lumière). Ce terme a été proposé par Miss Felicia Scatcherd, qui s'est fait connaître dans cet ordre d'expériences.
A propos des « skotographies » comme à propos de « photographies de la pensée » il est à remarquer que les résultats obtenus lorsque l'expérimentateur se propose d'obtenir le phénomène, et qu'il concentre sa pensée sur une image donnée, se limitent à la reproduction d'images très simples, telles que des sphères, des triangles, des bouteilles, des bâtons, sans jamais parvenir à des images complexes, telles qu'un visage ou une forme humaine. Les meilleurs résultats, avec des reproductions de visages et de personnes, ont été obtenus fortuitement; c'est-à-dire lorsque l'expérimentateur ne se propose point d'obtenir une « photographie de la pensée », ou une « skotographie ». Mais en ces circonstances on constate infailliblement que l'image restée gravée sur la plaque photographique avait, à ce moment-là, ou un instant auparavant, traversé l'esprit de l'expérimentateur. Tout cela démontre une fois de plus que dans les manifestations super-normales de la « psyché », la volonté constitue un obstacle à leur libre manifestation. En d'autres termes, cela démontre que les facultés super-normales de la psyché appartiennent à la partie intégrale subconsciente, et par conséquent, que la personnalité consciente ne peut les utiliser que de manière exceptionnelle et rudimentaire.
En employant, pour le moment, dans une signification générale le terme de « photographie de la pensée », je dirai que les premières tentatives de ce genre remontent à l'an 1896, lorsque le commandant Darget et l'un de ses amis, s'étant persuadés que la pensée était une force extériorisable, décidèrent d'essayer à concentrer leur pensée sur une image donnée, dans le but de la projeter sur une plaque photographique. Le 27 mai 1896, M. Darget a fixé sur la plaque sensibilisée l'image très nette d'une bouteille à laquelle il avait pensé avec une telle intensité qu'il s'était procuré un bon mal de tête.
L'expérience a été répétée le 5 juin de la même année, avec un plein succès. M. Darget écrit :
« M. Aviron m'ayant dit que pour écarter toute objection, due au hasard ou à une coïncidence, il serait intéressant d'obtenir encore une bouteille par le même procédé, nous convînmes d'essayer. Il ne manqua pas de me faire boire de sa même vieille eau-de-vie, ni moi de regarder longtemps la bouteille. Etant monté au cabinet noir, j'essayai du même procédé que précédemment, mettant mes doigts côté verre. Lorsque nous avons vu les doigts marqués, nous avons retiré la plaque, fixée et lavée, et enfin cherché la bouteille que nous avons trouvée.
Mais le lendemain, la photo tirée sur papier, ce qui nous a le plus frappés, a été une figure de femme avec une coiffe caractéristique. C'était, à n'en pas douter, un Esprit qui avait voulu se faire photographier » (Revue Scientifique et morale du Spiritisme, 1904, p. 643).
M. Darget a peut-être raison dans cette dernière remarque, puisque les deux expérimentateurs, non seulement ne pensaient pas du tout à des images de personnes, mais n'avaient jamais connu la femme dont la figure est restée imprimée sur la plaque, Seulement, quelques jours après, au cours d'une séance chez M. Léon Denis, l'écrivain spirite bien connu, on eut la manifestation d'une personnalité spirituelle qui déclara s'appeler Sophie et avoir été celle qui impressionna la plaque sensibilisée de Darget ; aidée en cela par d'autres esprits. Elle a été identifiée ensuite pour une marchande de légumes d'Amiens, appelée Sophie, morte quelque temps auparavant. La Revue Scientifique et morale du Spiritisme a reproduit la skotographie dont il s'agit, dans laquelle la figure de la femme est très visible, au-dessus de la forme de la bouteille.
En poursuivant ses expériences, M. Darget parvînt à obtenir la skotographie d'un bâton, ainsi qu'une forme plutôt vague d'un grand oiseau. Après cela, sa faculté sur-normale s'affaiblit rapidement, jusqu'à disparaître pour toujours.
A la même époque, l'américain Ingles Rogers a été amené par hasard à s'occuper de la photographie de la pensée. Comme il développait des plaques photographiques dans le cabinet noir, il lui arriva de fixer fortuitement une plaque sensibilisée qu'il avait devant lui, pendant qu'il rêvait intensivement à je ne sais quoi. Or, en développant la plaque qu'il avait fixée, il découvrit en elle une impression qui ne pouvait pas être accidentelle. Il décida de répéter l'expérience, en fixant une pièce de monnaie et en pensant intensivement à elle ; la pièce parut sur la plaque photographique. Il renouvela l'expérience, quelques jours après, en présence d'une Commission de médecins, en fixant un timbre poste, qui resta imprimé sur la plaque photographique.
Un an avant que Darget fit ses expériences, le colonel Albert de Rochas avait obtenu par hasard une « photographie de la pensée » avec Eusapia Paladino (expériences de l'Agnelas). Il en parle dans les termes suivants :
« Un jour M. de Watteville voulut, en ma présence, photographier Eusapia entre le comte de Gramont et le Dr Dariex. La pose ayant été prise, je plaisantai le Dr Dariex qui est de petite taille et qui s'était campé, la main dans son gilet : « Docteur, vous ressemblez à Napoléon ». La pose n'en fut pas moins conservée, mais ce que personne ne prévoyait, c'est le profil de Napoléon qui se détache d'une façon très nette sur le fond au-dessus de la borne-fontaine qui semble lui servir de piédestal, sans que rien ne pût nous expliquer cette apparence, malgré des essais successifs faits ensuite dans le même lieu.
Je me demande aujourd'hui si le nom de Napoléon n'éveilla pas chez Eusapia le souvenir d'un buste qu'elle avait vu et si ce souvenir ne coagula pas la matière fluidique qui émane presque constamment de ses points hypnogènes (Annales des Sciences Psychiques, 1908, p. 283).
Cet autre cas, analogue au précédent, est aussi intéressant.
En 1905, M. F. C. Barnes, industriel australien très connu dans son pays, se rendit chez le médium photographe Boursnell, pour poser devant l'appareil, dans l'attente d'une manifestation personnelle. Au contraire, quand on développa la plaque, apparut sur la tête de M. Barnes le portrait très net de l'impératrice Elisabeth d'Autriche. Ce portrait existait tel quel dans le frontispice d'un ouvrage intitulé : The Martyrdom of an Empress. M. Barnes avait lu ce livre et pensait souvent à ce portrait et à la souveraine décédée qu'il représentait (Annales des Sciences Psychiques, 1912, p. 217-18).
Dans le cas d'Eusapia Paladino, M. de Rochas suppose logiquement qu'une matière fluidique, émise par ce médium, s'est « coagulée» autour de la pensée-image qu'on avait fait naître involontairement dans la mentalité du médium, en donnant lieu ainsi à une photographie de la pensée.
Dans le cas de Mr Barnes, les modalités d'extériorisation seraient un peu différentes, puisque l'image qui est restée imprimée sur la plaque photographique avait été produite, cette fois, dans la mentalité subconsciente de l'expérimentateur lui-même. On devrait donc admettre que les fluides dégagés par le médium sont parfois attirés par l'image extériorisée fournie par l'expérimentateur, pour se condenser d'une manière suffisante afin de rendre photographiable l'image.
Ces conclusions présentent une énorme valeur théorique. Il faut reconnaître en même temps qu'elles représentent « l'hypothèse la moins large » que l'on puisse formuler à cet égard. L'analyse comparée des faits ne fait d'ailleurs que démontrer la nécessité, la légitimité, la fermeté inébranlable de ces conclusions. Nous parlerons plus loin de certaines autres hypothèses secondaires, complémentaires de celle que nous venons d'exposer, et auxquelles on est contraint d'avoir recours pour se rendre compte des faits.
Passons maintenant à citer quelques expériences du même genre, réalisées par Miss Félicia Scatcherd. Je remarquerai d'abord que cette expérimentatrice persévérante s'est occupée de radiographie, de photographie transcendantale et de skotographie pendant une quarantaine d'années ; elle était regardée comme une des personnes les plus compétentes dans cette catégorie de faits. Elle a expérimenté avec le commandant Darget, le Dr Baraduc, M. Guillaume de Fontenay, l'archidiacre Colley. Nous avons dit que c'est elle qui a proposé qu'on désignât du terme de « skotographies » les impressions sur-normales obtenues sans l'appareil photographique.
A propos de ses expériences avec l'archidiacre Colley, il est intéressant de signaler l'incident suivant, que Miss Scatcherd a rapporté au cours d'une conférence qu'elle a faite au siège de la London Spiritualist Alliance, le 3 février 1921. La revue Light la publié l'année même (p. 106), dans les termes suivants :
A titre d'exemple relativement au problème troublant de la « photographie de la pensée », Miss Scatcherd a relaté cet incident :
« L'archidiacre Colley était contrarié souvent par le fait que, dans les photographies transcendantales, la tête de l’« esprit » est enveloppée d'un petit nuage circulaire, en forme d'auréole. Or il arriva qu'un jour il alla avec l'un de ses amis se faire photographier pour des raisons étrangères à toute recherche expérimentale. Au grand étonnement de l'archidiacre, sa tête apparut sur la plaque, enveloppée d'un petit nuage circulaire, pareil à un halo. Miss Scatcherd, qui était présente, demanda à l'archidiacre à quoi il avait songé au moment où il posait devant l'objectif. Il eut un instant d'hésitation ; puis il avoua que son esprit était à ce moment fortement préoccupé au sujet du sort d'un de ses amis qui traversait, à ce moment-là, une terrible crise morale ; aussi, pendant qu'il posait, il priait avec ferveur, en demandant de l'aide pour son ami. Miss Scatcherd remarqua alors : « J'espère que vous ne serez plus, à présent, contrarié par les auréoles spirites, et que vous reconnaîtrez la valeur technique extraordinaire de votre photographie. Les Saints ont été vus aussi entourés de la même auréole dont l'appareil photographique a révélé tout à l'heure l'existence autour de votre tête ».
Le Light reproduit la photographie en question, où l'on voit que l'auréole autour de la tête de l’archidiacre Colley est absolument analogue à celles qu'on remarque dans les photographies transcendantales.
On connaît d'ailleurs plusieurs autres photographies d'auréoles apparues autour de la tête de personnes qui étaient absorbées par de graves préoccupations au moment où elles posaient devant l'objectif. On devrait donc en arguer qu'en ces circonstances, l'auréole correspond à la substance fluidique, ou éthérique, dégagée par l'organe cérébral intensivement travaillé par la pensée ; de même que, dans les photographies avec l'intervention d'un médium et dans les apparitions de formes transcendantales, l'auréole correspond à la substance fluidique dégagée par le médium ; substance grâce à laquelle les images créées par la pensée des assistants, ou par la volonté des décédés, sont rendues photographiables.
Ce deuxième fait que j'extrais aussi des expériences de Miss Scatcherd, s'est réalisé spontanément en présence de l'archidiacre Colley, qui était un « sensitif » d'une rare puissance ; Miss Scatcherd, à son tour, était une « sensitive » très remarquable. Elle écrit :
« Le 5 juillet 1910, par suite d'un appel urgent, je m'empressai d'aller à la gare, où je pris le train pour Stokton Rugby, résidence de l'archidiacre Colley, me proposant de rentrer chez moi le soir même. Comme, au moment de mon départ, un orage allait éclater, je m'étais mis un léger imperméable sur la robe blanche que je portais à la maison. Le soir venu, il m'a été impossible de rentrer chez moi, par manque de trains pouvant me convenir et je passai la nuit au presbytère. Le lendemain matin, juste au moment du départ, l'archidiacre eut l'idée de me photographier dans le jardin. Il plaça une plaque dans le châssis de l'appareil, régla celui-ci, et puis il m'appela... Pendant la pose, d'ailleurs très courte, je me souvins tout à coup de mon départ précipité de la maison, sans même revêtir une robe de dehors, et je dis à moi-même: « Si j'avais mis mon corsage brodé, je paraîtrais moins ridicule dans la photographie »...
Quelques jours après, l'archidiacre m'envoya un exemplaire de la photo. Il n'avait eu d'autre intention que celle de se procurer un portrait de moi ; il avait donc été surpris en découvrant à côté de moi une forme spirituelle... Mais ce qui, par contre, me combla à mon tour d'étonnement, ce fut l'essai évident de reproduction sur mon buste du corsage brodé que j'avais tellement désiré au moment de la pose : corsage qui se trouvait bien rangé dans ma garde-robe.
J'ai employé sciemment le mot « essai », parce que le dessin de la broderie n'est pas visible ; mais on voit sur mon buste un corsage diaphane alors qu'en réalité je n'avais sur moi qu'une légère chemisette. Ce qui prouve qu'il s'agissait bien du corsage auquel j'avais pensé, c'est que celui apparu sur la plaque a justement les bords arrondis, tandis que tous mes autres corsages avaient les bord plats...
A titre de contre-épreuve, je revêtis la robe que j'avais lorsque la photo a été exécutée, et je me fis photographier afin de m'assurer si la chemisette en question ne contenait pas de coutures, des plis, ou d'autres combinaisons fortuites, pouvant échapper à l'œil nu, et ayant pu causer une image fictive de mon corsage ; mais je n'y ai absolument rien rencontré — ainsi que du reste je m'y attendais... » (Light, 1913, p. 356).
Dans un autre article de Miss Scatcherd sur le même sujet — article inséré dans le numéro de février 1921, p. 106, du Light — la photographie en question a été reproduite ; on y voit Miss Scatcherd debout ; elle est visible jusqu'au dessous des genoux. La photogravure est imparfaite, et la « forme spirituelle » est réduite à un petit nuage d'ectoplasme, mais le dessin diaphane du corsage inexistant est net et indubitable.
Cet autre incident raconté par Miss Scatcherd est curieux et intéressant. Le 24 février 1923, elle alla à Crew, chez les fameux médiums M. Hope et M. Buxton, avec lesquels elle se trouvait en rapports d'étroite amitié depuis seize ans. Elle avait apporté un paquet de plaques photographiques, tout en n'ayant pas l'intention de les employer, étant venue pour discuter au sujet d'une série projetée d'expériences au siège de la Society for Psychical Rescarch. Les trois interlocuteurs ne tombèrent pas d'accord sur certains points du projet ; aussi décidèrent-ils de s'en remettre au conseil de leurs « guides » spirituels, qui avaient l'habitude de se manifester au moyen de messages imprimés sur les plaques photographiques.
Miss Scatcherd sortit deux plaques du paquet qu'elle avait apporté, les signa, en y apposant aussi un signe spécial (qu'elle changeait chaque fois), et les introduisit dans les châssis, qui furent placés dans l'appareil photographique. Lorsqu'on eut exécuté les poses et qu'on eut développé les plaques, on trouva sur l'une d'elles le message désiré ; sur l'autre, au vif désappointement des médiums, apparut très nettement un couvercle de cercueil, derrière la figure de Miss Scatcherd. Celle-ci remarque à ce sujet :
« La forme étrange du « couvercle de cercueil » pris par l'ectoplasme qui s'était condensé derrière moi, n'est probablement qu'un nouvel exemple du fait, que la subconscience possède la faculté de créer et objectiver des images, faculté qui s'exerce si souvent dans les expériences de photographie transcendantale. Que l'on remarque, à cet égard, que lorsque, le samedi soir, je suis arrivée chez les médiums, j'y ai trouvé quelques personnes qui revenaient des obsèques d'un membre de l'Eglise Spiritualiste de Crew. D'autre part, la fille du médium, M. Buxton, avait, le même jour, rempli les fonctions de porteuse de la bière d'un enfant, décédé dans la maison en face. Lorsque, le lendemain, je posai pour la photographie, Miss Buxton se trouvait dans l'église anglicane pour assister aux obsèques de l'enfant en question » (Light, 1923, p. 252).
Il est évident que la circonstance des deux enterrements qui ont eu lieu à l'époque de l'expérience dont il s'agit, enterrements qui intéressaient les membres des familles des médiums, tend à prouver que le couvercle de cercueil apparu sur la plaque sensibilisée était dû à un phénomène de photographie de la pensée. Il est toutefois difficile d'indiquer quelle a été la subconscience qui a fourni la pensée-image dont il s'agit. Celle de Miss Buxton serait la plus indiquée, puisqu'elle était fille du médium, et qu'elle avait transporté au cimetière le cercueil de l'enfant ; mais Miss Buxton n'était pas à la maison au moment où l'expérience eut lieu. Cependant, comme elle assistait à l'enterrement de l'enfant décédé, cette circonstance serait favorable à la projection d'une pensée subconsciente dans le genre de celle qui est restée imprimée sur la plaque photographique.
On pourrait en outre supposer que, comme les mentalités des personnes vivant en ce milieu étaient toutes plus ou moins absorbées par l'événement le plus important de ce jour-là — celui des deux enterrements auxquels elles avaient pris part — il s'ensuivit que l'idée générale de « cercueil » était, pour ainsi dire, en l'air. Alors, grâce à la circonstance favorable de la présence des deux médiums, une image collective de cette nature parvint peut-être à s'objectiver et à se concréter d'une manière suffisante pour rester imprimée sur la plaque photographique.
Le Light reproduit la photographie dont nous avons parlé ; le couvercle de cercueil placé derrière le dos de Miss Scatcherd y est tout à fait net ; c'est bien un couvercle de cercueil ; pas de doute possible. Il me semble donc qu'il n'est possible de formuler d'autre hypothèse explicative en dehors de celle affirmant l'existence d'un rapport entre cause et effet : d'un côté, les enterrements qui avaient eu lieu dans le milieu où l'expérience fut réalisée ; de l'autre côté, le phénomène du couvercle de cercueil, apparu sur la plaque sensibilisée.
Je remarquerai encore, par rapport à l'authenticité du phénomène, que sur le coin gauche de la plaque reproduite par le Light apparaissent nettement les trois sigles que Miss Scatcherd y a placées, à titre de contrôle.
Ayant ainsi épuisé le sujet concernant l'un des phénomènes qui se sont produits dans les circonstances dont nous nous occupons, il me reste à parler de l'autre, consistant dans le message obtenu sur la plaque photographique.
Voici le texte du message, ou plus précisément, des deux messages reçus :
« Amis,
Je suis tout prêt à vous guider de mes conseils. N'acceptez pas de défis ; il serait vain d'attendre un bon traitement de ceux qui ont menti relativement à Stead ; ne vous flattez pas qu’ils vous épargnent. Archidiacre Colley. »
« Mon cher Hope, Je suis avec l'archidiacre Colley. N'hésite pas, ne t'inquiète pas : va à Londres. W. T. Stead.””
Miss Scatcherd fait remarquer que le premier message, signé de l'archidiacre Colley, est un parfait fac-similé de l'écriture du décédé. Elle note en outre que les mots ont menti ont été soulignés deux fois ; autre trait caractéristique très spécial de l'archidiacre qui, lorsque, dans une lettre, soulignait des mots le faisait deux fois.
Cette variété de messages photographiques se réalise assez souvent dans les expériences de photographie transcendantale ; elle est de nature à rouvrir le débat sur les modalités par lesquelles se produit la photographie transcendantale en général.
Il me faut observer à ce propos que les messages super-normaux photographiques ne sont pas obtenus uniquement lorsque la plaque est insérée dans l'appareil, mais souvent, quand la plaque est hors de l'appareil. Cette dernière modalité par laquelle le phénomène se réalise nous porte à supposer qu'aussi dans les cas dans lesquels la plaque est dans l'appareil, il ne s'agit pas de la photographie d'une écriture substantielle exposée à l'objectif, mais d'un message écrit directement sur la plaque sensibilisée ; peut-être à l'aide d'un minuscule rayon de lumière ultra-violette, servant de plume.
J'ajoute que le même fait se rencontre dans le cas des photographies transcendantales dans lesquelles on obtient des impressions de formes spirituelles et de formes de la pensée, même lorsque la plaque a été déposée hors de l'appareil photographique.
Il semblerait donc rationnel de conclure en affirmant qu'aussi dans le cas de la photographie transcendantale de « formes spirituelles » et de « formes de la pensée », tout contribue à démontrer que le phénomène ne se produit pas à l'aide d'images substantielles qui se présentent devant l'objectif photographique, mais plutôt au moyen d'une forme mystérieuse qui agit directement sur la plaque sensibilisée, en dessinant des formes humaines, ou en écrivant des messages.
M. James Coates, auteur du livre : Photographing the Invisible, qui s'est spécialisé dans l'étude des photographies transcendantales, termine ainsi un article qu'il a écrit sur ce sujet :
En conclusion, nous avons appris ce qui suffit pour nous convaincre que nous savons bien peu de chose relativement aux modalités de la production des photographies super-normales. Nous avons en outre appris que les modalités supposées par lesquelles se réalisent ces photographies, modalités selon lesquelles la forme de l' « esprit » irait se placer en face de l'objectif, ne sont pas confirmées par l'examen des faits. En effet, lorsqu'on braque différents appareils photographiques, dont les objectifs convergent tous vers le même point, l'impression super-normale n'est saisie que par un seul, appareil, tandis que, si à cet endroit il y avait eu quelque chose de substantiel, tous les appareils auraient dû le saisir... J'espère avoir démontré dans ces articles que les procédés par lesquels se réalisent les photographies expérimentales sont certainement multiples, tandis que les dernières expériences démontrent que les intelligences qui opèrent ne sont pas obligées à employer des systèmes fixés d'avance...  (Light, 1921, p. 122).
En s'exprimant de la sorte, James Coates ne prétend pas nier l'existence de formes spirituelles authentiques de la pensée, qui soient substantielles, photographiables et photographiées. Il veut seulement faire comprendre que les intelligences qui opèrent parviennent à obtenir le phénomène en question sans devoir nécessairement recourir à l'objectivation d'images substantielles. Ce qui est incontestablement vrai.
De toute manière, pour être correct dans les déductions à tirer des faits, je remarquerai que la circonstance de plusieurs objectifs braqués sur le même point, où l'un seul d'entre eux saisit une image sur-normale, ne suffit pas à démontrer que dans ce point-là il n'y avait aucune forme, aucune image substantielle. Je rappellerai à ce sujet un cas que l'on lit dans un livre intitulé : From the other Side, publié en 1925 par M. J.-H. Miller. Cet expérimentateur demanda à l'intelligence opérante en quoi consistaient les effets exercés par les « fluides »sur les plaques photographiques, elle répondit : « L'effet consiste en ceci, que la plaque indiquée devient plus sensibilisée que les autres ». Or cette explication, absolument rationnelle et acceptable, est théoriquement précieuse, parce qu'elle porte logiquement à arguer que, si « la plaque indiquée devient plus sensibilisée que les autres », ce fait explique admirablement pour quelles causes, dans la circonstance des objectifs photographiques braqués tous sur le même point, une seule plaque entre toutes reste impressionnée par l'image substantielle existant là.
D'ailleurs, un fait concourt à démontrer que, s'il est vrai que certaines prétendues photographies d'images super-normales sont en réalité des dessins, il n'est pas moins vrai que de nombreuses images de cette sorte doivent être positivement des formes substantielles projetées du dehors sur la plaque photographique. C'est que, lorsque des sensitifs clairvoyants assistent à la séance de pose, ils décrivent d'avance les formes spirituelles qui sont venues se placer devant l'objectif ; leurs descriptions concordent admirablement avec ce qui apparaît sur la plaque sensibilisée. Je rappellerai à ce sujet le cas du Rév. William Stainton Moses, qui dit apercevoir à la droite du Dr Speer (qui posait devant l'objectif photographique), une forme de fillette qui le regardait en souriant, forme qu'il décrivit en détail, et qui apparut ensuite sur la plaque développée, absolument identique à la description fournie d'avance par M. Moses. Le Dr Speer reconnut dans cette image sa petite sœur, décédée quarante ans auparavant, à l'âge correspondant à celui de l'image obtenue. Je rappellerai de même les expériences bien connues de Mr Beattie, pendant lesquelles les sensitifs décrivaient d'avance les formes qui se présentaient devant l'objectif photographique ; descriptions dont on constatait ensuite invariablement l'authenticité. Or, si l'on tient compte du fait que les exemples de sensitifs qui annoncent d'avance quelles sont, les formes qui resteront imprimées dans les plaques sensibilisées, sont assez fréquents, on est amené à conclure que les cas d'objectivations proprement dites de formes spirituelles et de formes de la pensée, sont plus nombreux que les cas dans lesquels la photographie est un dessin super-normal, exécuté directement sur la plaque sensibilisée.
Après cette explication, je reprends l'exposé d'autres exemples de photographies de la pensée.
Mrs Cordelia A. Grylls envoya au Light (1921, p. 559), le récit d'un incident photographique arrivé à elle-même.
Elle commence par dire qu'une de ses amies, ayant perdu sa mère, et désirant tenter d'obtenir sa photographie transcendantale, s'adressa à elle, en lui demandant conseil. Mrs Grylls la conduisit chez un monsieur de sa connaissance, qui possédait une médiumnité remarquable, bien que, depuis longtemps, il eût cessé d'expérimenter. Le monsieur reçut aimablement les visiteuses et se prêta à l'expérience. On fit six poses ; les deux dames revinrent pour en connaître les résultats. Mme Grylls continue en disant :
« Sur la sixième plaque, sur laquelle M. X. était photographié, on apercevait nettement de petits nuages et des lueurs placés autour de sa personne. Sur la cinquième plaque sur laquelle j'étais photographiée, on voyait, profondément imprimée, l'image d'un pendule ! Mon amie et moi, nous reconnûmes aussitôt dans cette image un symbole transmis par mon père, auquel j'avais pensé intensivement pendant que je « posais ».
Le pendule est absolument semblable à celui d'une horloge ; dans la photographie il a une longueur de 7/8 de pouce, et il est placé à un pouce et un quart de distance de mon profil ; mon regard paraît dirigé vers le pendule.
A ce sujet, il faut remarquer que, depuis plusieurs mois, je recevais des messages d'une entité qui disait être mon père et ceci par le système du pendule oscillant ... Mon père m'informe que c'est lui qui a projeté l'image du pendule sur la plaque, afin de me démontrer que je possède des facultés matérialisantes, qu'il définit : « aptitude à rendre visible la pensée ». Je remarquerai que l'image du pendule représente sa pensée, et non pas la mienne... »
Telle est l'opinion de la dame qui raconte l'expérience, relativement à l'origine extérieure de l’image obtenue. Rien n'empêche qu'on puisse regarder son avis comme étant bien fondé, toutefois, comme on ne possède pas des preuves positives en ce sens, nous ne tiendrons pas compte de cet avis et nous conclurons en remarquant que, si l'on suppose, au contraire, un phénomène d'objectivation de la pensée, on devrait convenir que — conformément à la règle que j'ai exposée au commencement de ce chapitre — l'image du père n'est parvenue à s'objectiver, justement parce que Mme Grylls y pensait intensivement ; tandis que l'image du pendule oscillant, auquel elle ne songeait pas à ce moment, mais qui vibrait à l'état latent sur le seuil du subconscient de la dame ( puisque le « pendule oscillant » était l'appareil médiumnique qu'elle employait), est parvenue à se concréter et à impressionner la plaque sensibilisée. Le Light reproduit la photographie dont il s'agit, sur laquelle on observe que l'image du pendule, étant très noire, se détache nettement sur le fond.
Il est bien d'observer aussi qu'un « esprit » affirme que la faculté matérialisante des médiums consiste dans l’ « aptitude à rendre visible la pensée » ; ce qui concorde parfaitement avec la thèse que je soutiens dans cet ouvrage, et concorde surtout avec l'analyse comparée des phénomènes de la « photographie transcendantale » ; nous verrons qu'elle s'accorde mieux encore avec les phénomènes de l' « idéoplastie ». En d'autres termes, tout contribue à démontrer que la faculté de « rendre visible la pensée » est une faculté éminemment spirituelle, qui, au cours de l'existence incarnée, émerge de manière rudimentaire et sporadique chez les sensitifs et les médiums, pour devenir une faculté normale dans le milieu spirituel, après la crise de la mort.
Cet autre cas contient des détails théoriquement décisifs dans le sens que je soutiens.
La direction du Light publie dans le numéro de mars 1921 de ce journal (p. 172) le cas suivant, accompagné des photogravures qui s'y rapportent.
Au mois d'août dernier, MM. Goodwin et West se rendirent à Crew, pour y visiter les médiums M Hope et Mme Buxton. On exécuta quelques poses photographiques, et l'on obtint sur une plaque l’image super-normale d'un beau-frère de M West, mort depuis six ans environ.
Au mois d'octobre, les mêmes messieurs firent une autre visite de surprise aux deux médiums. M. West avait apporté avec lui un « médaillon porte-portrait » contenant une photo de son beau-frère, afin de faire remarquer au médium Hope la ressemblance parfaite existant entre la photographie du décédé et l'image obtenue, quelques mois auparavant. Il s'était pourvu, en même temps, d'un paquet de plaques photographiques, dans l'espoir de pouvoir faire quelques nouvelles expériences.
Le médium Hope accorda volontiers une autre séance aux visiteurs, et lorsque les quatre personnes prirent place autour de la table, dans un but de recueillement et de prière, M West sortit de sa poche le « médaillon porte-portrait » et le fit voir aux médiums, qui reconnurent la parfaite ressemblance existant entre la photographie du décédé et l'image super-normale obtenue. Après cela, M. West introduisit soigneusement le médaillon dans son étui, le replaça dans une poche intérieure où il l'avait toujours gardé par un excès de précaution, et la séance commença.
M. West et M Hope se retirèrent dans le « cabinet noir », où le premier ouvrit le paquet qu'il avait avec lui en tira deux plaques sur lesquelles il traça ses initiales, et les introduisit dans les châssis. Il porta ensuite lui-même les châssis dans la véranda vitrée qui sert de studio au médium Hope, et là, il les plaça dans l'appareil photographique. Alors, les médiums Hope et Buxton prirent place d'un côté et de l'autre de l'appareil et l'on exécuta les poses. M. West se retira ensuite avec le médium Hope dans le « cabinet noir » et y développa lui-même les négatifs. Lorsqu'il fut possible de les examiner à la lumière du jour, on aperçut, au grand étonnement de tout le monde, sur l'une des plaques, une parfaite reproduction du « médaillon porte-portrait », avec la photographie relative ; ceci en des proportions quatre fois supérieures au naturel, et le tout superposé aux figures de MM. West et Goodwin. Tous les moindres détails du médaillon étaient reproduits d'une manière admirable.
Comment se rendre compte d'un pareil phénomène ? Je remarquerai qu'en des circonstances analogues on a proposé déjà l'hypothèse d'une « projection de la pensée » de la part de l'un ou de tous les assistants. En même temps il ne serait pas irrationnel de supposer que le phénomène de la « projection de la pensée », tout en étant réel, fût dû au contraire à des opérateurs spirituels... Nous invitons nos lecteurs à examiner mûrement le cas que nous venons de relater : ils ont à leur disposition le récit des faits et les photographies qu'il leur faut comparer entre elles...
Comme on peut voir, aussi en ce cas le narrateur penche pour l'interprétation spirite des faits ; mais nous ne tiendrons pas compte de cette interprétation, puisque aucune circonstance ne la suggère. Nous noterons en même temps qu'au point de vue que je soutiens, c'est-à-dire celui de l'existence réelle de formes de la pensée objectivées et photographiables, il est indifférent que l'on penche plutôt pour une interprétation que pour l'autre, puisque aussi bien dans l'hypothèse spirite que dans celle subconsciente, le phénomène de la reproduction supra-normale photographique du médaillon porte-portraits ne peut avoir d'autre origine que l'objectivation de la pensée. Si l'on est porté à accepter l’interprétation spirite des faits, on peut dire que c'est la volonté d'une intelligence spirituelle qui a fait projeter devant l'objectif photographique cette image concrétée ; si l'on préfère l'interprétation subconsciente, on doit dire que la contemplation prolongée du médaillon porte-portraits de la part des assistants, a été la cause de l'objectivation d'une image analogue, grâce à l'effort de la mentalité collective subconsciente des assistants, ou grâce à l'activité des médiums seuls. Ne perdons pas de vue que, dans le cas qui nous occupe, le phénomène de l'objectivation de la pensée est tellement évident, qu'il n'y a pas de controverse possible à ce sujet, même parmi des métapsychistes militant en des camps théoriquement opposés. C'est ce qui doit nous suffire pour le moment.
J'ai gardé en dernier lieu les célèbres expériences du professeur Ochorowicz avec le médium Mlle Tomczyk, expériences poursuivies au cours de plusieurs années et dont il a été rendu compte dans une longue série d'articles parus dans les Annales des Sciences Psychiques (1910-1911-1912). Je les ai gardées pour la fin parce qu'elles sont, au point de vue scientifique, les plus importantes, et qu'elles exigent un plus grand développement dans nos commentaires.
Le Pr Ochorowicz, se fondant sur ses propres expériences, parvint à son tour à la conclusion que la pensée possède la faculté de s'extérioriser, et que les images mentales révèlent des propriétés actiniques, puisque les plaques photographiques sont impressionnées par les images en question. Dans les expériences dont nous nous occupons on remarque deux cas plus spécialement intéressants ; ils consistent dans les photographies supra-normales d'un dé et de la lune. Voici comment M. Ochorowicz relate le cas du dé:
‘Un nouveau phénomène extraordinaire a été remarqué au cours de la séance du 22 septembre 1911. On a vu que dans plusieurs radiographies de la main gauche du médium, on aperçoit la bague qu'elle portait constamment à l'un de ses doigts. Ce phénomène paraissait indiquer :
1° Qu'une certaine union existe entre le corps et les objets portés sur le corps ;
2° Que la notion occultiste, physiologiquement nouvelle, de l'existence d'un « corps astral », n'est peut-être pas limitée aux êtres vivants.
Seulement, une question se présente à ce moment : S'il en est ainsi, comment expliquer le fait que la bague apparaît uniquement sur certaines photographies, et non pas sur toutes ?
Je me rends compte de la difficulté d'entreprendre des recherches expérimentales à ce sujet ; d'autre part, cependant, les recherches expérimentales constituent, pour le moment, la seule base dont je reconnais la légitimité dans cette catégorie d'idées. De toute façon, il me semble qu'un détail dût être aisément vérifiable à cet égard : c'est de s'assurer si un objet qui n'était pas constamment porté par la somnambule pouvait se reproduire dans quelques-unes des photographies de son « double ». Pour commencer, je choisis un dé d'argent, dont elle se servait rarement...
Je remis le dé à la somnambule, en expliquant ce que je désirais ; mais la somnambule trouva l'expérience peu intéressante, et me proposa de la compliquer. « Mets le dé à l'un de tes doigts — me dit-elle — avec l'autre main, garde le contact avec moi. Peut-être le dé passera-t-il à mon doigt à travers ton corps. Qui sait ! Essayons » !
— C'est insensé ce que tu dis-là !... Néanmoins, me souvenant du mot de Charles Richet qui dit quelque part qu'en métapsychique il ne faut pas reculer même devant les essais qui nous paraissent insensés, je ne dis plus rien ; j'ouvre une nouvelle boîte de plaques « Elka » 13 et 18, j'en sors une, je la marque au crayon et la place sur les genoux du médium, assis à ma droite. De ma main droite je maintiens en l'air sa main gauche au-dessus de la plaque, à une quarantaine de centimètres environ, je garde le dé au médius de ma main gauche, derrière mon genou gauche et nous attendons le phénomène.
La lampe rouge brûle sur la table à un mètre de distance.
Au bout d'une minute la somnambule dit : — Je sens des fourmillements à l'endroit de l'avant-bras où ta main me touche... Oh ! que c'est drôle ! On me place quelque chose sur le bout de mon médius... Je ne sais pas si c'est bien le dé ; je sens seulement quelque chose me serrer continuellement le bout du doigt...
Quant à moi, je ne vois rien et je n'ai pas de sensation particulière (ni souffle, ni frissons, ni rien de semblable), mais je sens toujours bien le dé sur mon médius gauche, en contrôlant cette sensation toutes les secondes à peu près, à l'aide de mon pouce ou de mon genou gauche.
Une douleur, pas très vive cette fois, ressentie par le médium dans sa main gauche, agissante, termine l'expérience.
Sur le cliché apparaît une main gauche, peut-être un peu plus petite que celle du médium, sauf le troisième doigt qui paraît plus long, étant prolongé... par un dé !...
Le dé, comme le doigt qui le porte, paraissent amincis sur la photographie (détail normal dans les radiographies des objets ronds, lorsque la lumière est proche). La partie inférieure du dé, sauf son bord doublé, est moins sombre (sur le positif) que sa partie supérieure — ce qui ne répond plus à une projection radiographique, mais à l'apparence normale du dé, tel qu'on le voit. Enfin le verre bombé qui le termine reste à peine visible, comme s'il était trop transparent pour cela.
En un mot, l'image produit une impression mixte, déconcertante : ce n'est pas une forme dessinée d'après nature, car elle ne présente que la partie centrale (axiale) de l'objet ; ce n'est pas une radiographie de profil, car l'on y voit des détails de surface, incompatibles avec une simple projection ; ce n'est pas non plus une photographie ordinaire par réflexion, puisque dans ce cas la lumière devrait éclairer l'objet de face, ce qui, sans objectif et cabinet noir, aurait pour unique effet de voiler la plaque ; ce n'est pas enfin une radiographie à la Roentgen, c'est-à-dire par transparence partielle, puisque les parties également fortes du métal sont traversées inégalement, et que la main se montre plutôt moins transparente que le métal.
Le métal !... Mais quel métal ?... Il n'y avait rien au bout du doigt du médium ! Le dé n'a pas quitté ma main, qui restait loin de là et n'avait aucun rapport avec la plaque. J'en suis absolument sûr ! Je suis également sûr de l'impossibilité matérielle d'une simple projection de la main du médium. La sensation que celui-ci eut sur son doigt ne fût qu'une sensation subjective. Comment admettre alors qu'elle ait pu se photographier comme quelque chose de réel ? Et ne faut-il pas supposer que, comme cette main n'est pas celle du médium, mais bien celle de son double, de même l'image du dé, avec lequel elle forme un tout harmonieux, constitue, non pas la photographie du dé, mais celle de son double...
De son double — ou de l’idée du dé... » — (Annales des Sciences Psychiques, 1912, p. 164-166).
Le Dr Ochorowicz remarque ensuite que ce fait ne peut donner lieu qu'à deux hypothèses explicatives : ou bien l'on suppose un « dédoublement fluidique du dé, venu se placer sur le doigt du médium, ou l'on a recours à la « photographie de la pensée ». Il ajoute qu'au point de vue physique et chimique les deux hypothèses se valent, puisqu'elles restent toutes les deux en dehors de notre savoir actuel. Et il conclut en disant :
« Laquelle de ces deux conceptions, également extravagantes, est plus près de la vérité ? Mais quoi qu'on en pense, cette expérience existe, et elle contient une vérité, une vérité nouvelle, puisque les anciennes ne s'y appliquent guère… »
M. Ochorowicz a raison d'insister sur la circonstance que, quelle que soit l'explication qu'on veut donner de ce mystère, le fait n'existe pas moins ; c'est-à-dire que ce serait vain, absurde, anti-scientifique, anti-philosophique de feindre de l'ignorer pour garder tranquille et sereine sa conscience scientifique de physiologiste ou de psychologue universitaire.
Au sujet de l'incident que je viens de reproduire, M. Ochorowicz demanda des éclaircissements au « double » du médium, c'est-à-dire à l'entité opérante ; voici le dialogue qui s'ensuivit :
« Ochorowicz — Eh bien, explique-moi l'expérience du dé !
Double. — J'avais détaché du dé sa partie fluidique et je l'avais mise sur mon doigt.
— Etait-elle aussi sur le doigt du médium ?
— Non.
— Que voulait dire alors la sensation qu'il eut ?
— C'était naturel. Nous sommes unis. Lorsque je ressens quelque chose, il doit s'en ressentir.
— Et puis ?
— J'ai mis ma main ornée du dé, sur la plaque ; voilà tout. Je ne sais pas comment se fit la lumière ; elle provenait du médium. »
Ces éclaircissements du « double » nous apprennent que le dé fantôme ne s'était pas condensé sur le doigt de la main corporelle du médium, mais sur le doigt de sa main fluidique, qui s'était extériorisée pour impressionner la plaque sensibilisée. En tout cas, on comprend qu'en ces circonstances la somnambule dut ressentir la sensation de la présence du dé sur son doigt corporel ; comme il arrive dans les expériences de « dédoublement » dans lesquelles, si l'on pince l'air sur le point où se trouve localisé le « fantôme dédoublé », le sujet endormi ressent la douleur dans ses membres correspondants. Il en résulte qu'il faut également conclure que le cas en question constitue un exemple rare d'une « forme de la pensée », qui ne fut pas seulement photographiée, mais aussi perçue comme une sensation tactile par la somnambule.
Relativement à la question de l'hypothèse qu'il convient de préférer entre les deux que M. Ochorowicz a proposées, il me semble qu'au fond la première hypothèse se greffe à la deuxième. Même si le dé fantôme avait réellement été constitué de substance fluidique soutirée au dé métallique, il s'agirait toujours d'une image photographique créée par la volonté subconsciente du médium ; c'est-à-dire par sa pensée. En d'autres mots : il serait indifférent de supposer que la substance fluidique nécessaire a été soutirée à l'objet pensé ou à l'air ambiant, ou à l'éther ambiant attendu que ce qui importe est le fait d'un phénomène qui s'est extériorisé grâce à la force « plasticisante » et organisatrice, inhérente à la pensée.
Passons au deuxième cas tiré des mêmes expériences et dans lequel il s'agit d'une photographie de la pensée représentant le disque de la lune. Au point de vue scientifique, il est peut être encore plus important que le cas du dé, parce que M. Ochorowicz, après avoir obtenu spontanément l'image de la lune en rapport avec une pensée analogue du médium, a exécuté d'autres expériences, afin d'obtenir expérimentalement la même image ; ce qui lui réussit à plusieurs reprises — circonstance qui prouve mieux encore que le phénomène de la photographie de la pensée doit être envisagé comme un fait scientifiquement constaté. Voici le récit du Dr Ochorowicz :
« On se rappelle que, dans la nuit du 7 septembre, ma somnambule fut vivement impressionnée par la superbe vue du ciel étoile et particulièrement de la pleine lune qu'elle contempla longtemps avec admiration. Il en résulta une excitation de sa curiosité scientifique, en même temps qu'une obsession sensorielle durable, manifestée dans la première idéoplastie photographique involontaire, obtenue le lendemain.
Au lieu d'une petite main, que nous désirions tous les deux, apparut sur la plaque une pleine lune, sur le fond d'un nuage blanc. Tout d'abord, nous n'avions pas compris ce que c'était, car le nuage masquait la lune, en formant une tache unique irrégulière.
Le lendemain je remarquai la rondelle blanche du côté du verre et je m'empressai d'en tirer une épreuve positive. C'était bien difficile, car l'impression avait été tellement forte, que pour séparer la lune du nuage, il fallut exposer cinq heures au soleil, sur papier au chlorure, et quatre-vingts secondes sur du papier au bromure ; autrement la lune disparaissait dans le nuage.
Enfin plusieurs copies permirent de s'assurer : 1° que c'était réellement la lune ; 2° que son image répondait exactement à ce qu'avait vu la somnambule ; 3° que cette impression avait été double, quoique les deux images, très rapprochées l'une de l'autre, fissent l'effet d'un seul disque oblong...
Physiologiquement, cette photographie de la pensée paraît sans rapport avec le cerveau. La plaque ne fut pas appliquée contre la tête du médium, ni dans cette expérience ni dans d'autres réussies...
J'en conclus que l'idéoplastie photographique peut ne pas être due à une action directe du corps en général et du cerveau en particulier, et qu'elle se trouve en relation directe plutôt avec le « cerveau éthérique », ou en général avec le corps éthérique extériorisé.
Ceux auxquels répugne l'hypothèse d'une physiologie transcendantale, n'auront qu'à se contenter d'une explication spiritualiste, sans préciser le mode de l'action physico-chimique de l'âme à distance. A vrai dire, ce ne serait qu'un aveu de notre profonde ignorance.
Je dois ajouter que la photographie des images mentales visuelles, me semble également sans relation nécessaire avec la rétine. Le médium ne fixait pas la plaque, et dans une expérience où il l'avait fait exprès (après avoir contemplé une bouteille éclairée par la lumière rouge), je n'obtins rien.
Au point de vue psychologique, il est à remarquer qu'au moment du phénomène, l'imagination du médium fut le terrain d'une lutte entre deux obsessions : l'une consciente et volontaire, celle d’une petite main ; l'autre inconsciente et involontaire, celle de la pleine lune qui s'inscrivit toute seule.
C'est donc cette dernière qui l'a emporté sur l'autre, ce qui semble indiquer que l'obsession inconsciente se trouve en relation plus intime avec le mécanisme, encore inconnu, de l'idéoplastie photographique...
Toutes les considérations qu'on vient de lire se rattachaient à la supposition que nous avions réellement affaire à une photographie de la pensée. Cette certitude, je ne pouvais pas l'avoir de prime abord, et le seul moyen d'y arriver consistait en une répétition de l'expérience, ou plutôt en une transformation de l'idéoplastie photographique inconsciente supposée, en une idéoplastie consciente et voulue.
Je demandai donc au médium de se représenter nettement la pleine lune et de tâcher d'en obtenir une nouvelle reproduction.
Le 11 septembre j'obtins le cliché n° 16. C'était quelque chose de ressemblant à la photographie précédente quoique d'une apparence bizarre. Le nuage est analogue, mais la lune diffère beaucoup.
Ce n'est pas une lune — dis-je au médium — c'est un bouton !
En effet, la photographie représentait comme deux disques, incrustés l'un dans l'autre, avec une troisième tache ronde beaucoup plus petite au milieu. Cette tache est plus sombre que le second cercle, et le second plus sombre, que le premier. D'ailleurs, aucun d'eux n'est plus clair que le fond du nuage. (On trouvera plus loin les explications données à ce sujet par le double).
Mes critiques provoquèrent de nouveaux efforts du médium, et cette fois il se produisit le phénomène inverse ; des deux lunes, la première, plus petite, est plus blanche, et toutes les deux plus claires que le fond...
Une nouvelle répétition de la même expérience, le 23 septembre, donna une figure qui ressemble presque tout à fait à la première idéoplastie inconsciente. En tout cas, la similitude est suffisante pour conclure que déjà la première fois nous avons eu affaire à une vraie photographie de la pensée.
Enfin, la figure obtenue le 8 octobre doit être considérée comme l'effet suprême des efforts de ma somnambule, qui devinant mes doutes, suscités par la deuxième lune-bouton, concentra de mieux en mieux sa pensée consciente, pour me donner pleine satisfaction.
Cette dernière épreuve est particulièrement intéressante sous ce rapport qu'elle présente quatre ou même cinq impressions nettes de la lune, de différentes grandeurs, privée cette fois de son nuage. Ce dernier est remplacé par une auréole qui entoure les plus fortes impressions. Le côté moins fortement imprimé de l'image ne présente pas cette particularité ; mais même la forte impression de l'auréole ne nuit pas à la netteté des contours... » (Annales des sciences Psychiques, 1912, p. 205-209).
Au cours d'une séance suivante, le Dr Ochorowicz demanda au « double » du médium des explications au sujet des détails énigmatiques qu'il avait remarqués dans les photographies de la lune ; je reproduis ici une partie du dialogue qui s'ensuivit :
éOchorowicz : — La photographie de la pensée existe-t-elle réellement ?
Double : — Oui..
— Y a-t-il un intermédiaire matériel entre la pensée et la plaque ?
— Non. La pensée agit toute seule.
— Comment ?
— Je ne sais pas.
— S'il n'y a pas d'objet intermédiaire qui se déplace, d'où proviennent ces impressions doubles, triples, etc. ?
— Des efforts réitérés du médium. (Cette opinion me semble maintenant juste, elle était contraire à mes suppositions d'alors).
— Pourquoi la première lune obtenue sur commande ressemble-t-elle plutôt à deux boutons incrustés l'un dans l'autre ?
— Le médium ne savait pas concentrer sa pensée ; il se représentait par moments une lune plus petite, ou plus grande, plus claire ou plus sombre, ce qui détermina des ronds concentriques. »  — (Ibidem, p. 237).
Ces dernières explications du « double » à propos des impressions multiples du disque lunaire, parurent absolument bien fondées et décisives au Dr Ochorowicz ; indubitablement, on ne saurait trouver une explication meilleure du fait. Quant à la première question adressée par l'expérimentateur au « double », relativement à l'existence éventuelle d'un intermédiaire matériel entre la pensée et la plaque sensibilisée, elle se prête à des interprétations douteuses, ainsi que d'ailleurs la réponse obtenue. C'est-à-dire qu'on ne comprend pas bien si les deux interlocuteurs ont voulu faire allusion à un « intermédiaire matériel » dans le sens d'une substance ectoplasmique proprement dite, ou bien dans le sens d'une condensation purement fluidique, due à la pensée. Dans le premier cas, le « double » aurait eu probablement raison de répondre négativement ; mais on ne pourrait pas en dire autant dans le deuxième cas, car l'analyse comparée des faits lui donnerait tort. Ceci est prouvé aussi par le phénomène de la radiographie du dé, qui s'est réalisée grâce au médium ; il avait alors expliqué avoir soutiré de la substance fluidique du dé métallique pour former un dé fluidique sur la pointe de son doigt, c'est-à-dire sur la pointe du doigt fluidique et dédoublé du médium ; pendant que le médium en percevait le contact et la pression constante exercée sur son doigt corporel. — Après avoir fait cette remarque, en hommage à la correction théorique, je m'empresse d'ajouter que s'il y avait une contradiction dans les affirmations du « double », celui-ci en sortait toutefois honorablement ; il avoua sincèrement, en effet, ne pas connaître comment s'exerçait l'action de la pensée sur la plaque sensibilisée ; ce qui signifie que les explications fournies à cet égard ne représentent que son opinion personnelle de « double » ; pas autre chose. D'ailleurs, s'il est probable, et aussi rationnel, que dans les expériences de la « photographie de la pensée » on ne parvient jamais au phénomène de la condensation de substance ectoplasmique proprement dite, on y parvient certainement dans les phénomènes « d'idéoplastie ». Celle-ci démontre que la pensée et la volonté sont des forces prodigieuses, qui ne sont pas uniquement capables d'impressionner directement une plaque sensibilisée, ou de condenser du fluide suffisant pour rendre photographiable une image, mais sont aussi capables de plasticiser une image ; et ce qui est plus important encore, aussi de matérialiser des membres du corps, et des corps organisés ; ainsi que nous allons le démontrer dans le chapitre suivant.
Avant d'abandonner le thème de la « photographie de la pensée », il sera utile de préciser la place occupée par elle dans l'échelle des graduations phénoméniques prises par la puissance créatrice de la pensée ; ceci dans le but de tracer les limites que l'on peut théoriquement assigner aux phénomènes dont nous nous occupons.
La chose n'est guère facile, à cause du fait — que j'ai déjà discuté à fond en d'autres travaux — que les facultés super-normales subconscientes (et par conséquent, aussi le phénomène de l'objectivation de la pensée), sont des facultés de l'esprit, existant à l’état latent dans la subconscience humaine, en attendant d’émerger et de s'exercer dans un milieu expérimental après la crise de la mort. En ces conditions on devra dire que le phénomène de la photographie de la pensée apparaît comme l'un des modes multiples dans lesquels cette faculté peut émerger et s'exercer, d'une manière rudimentaire et sporadique, au cours de l'existence terrestre ; émergence qui toutefois se détermine seulement à condition que les fonctions de la vie de relation se trouvent temporairement atténuées, ou affaiblies, ou supprimées, ce qui, pour la catégorie des phénomènes qui nous occupent en ce moment, se réalise dans les conditions somnambuliques et médiumniques. Il ressort nécessairement de ces considérations, que ce que peut faire un esprit incarné peut être fait aussi par un esprit désincarné ; en d'autres termes, que le fait de l'existence de la photographie transcendantale réalisée par la pensée des vivants, implique la possibilité de l'existence d'une photographie transcendantale réalisée par la projection de la pensée des défunts. C'est-à-dire que nous retrouvons dans la catégorie des phénomènes de la « photographie transcendantale » ce que nous avons trouvé déjà dans toutes les catégories des phénomènes métapsychiques, dont il ressort — et dont il ne peut que ressortir — qu'ils sont, en partie animiques, en partie spiritiques. En effet, l'homme étant un « esprit », même s'il est incarné, doit pouvoir accomplir en vie — bien qu'imparfaitement — ce que peut accomplir un esprit désincarné, chaque fois qu'il se trouve en des conditions plus ou moins accentuées de désincarnation transitoire et partielle ; conditions qui se réalisent dans le sommeil physiologique, dans le sommeil provoqué, dans l'extase, dans les états médiumniques et au moment pré-agonique.
Il reste à éclaircir un point important : comment distinguer les cas de photographie transcendantale d'origine animique, de ceux d'origine spiritique. Cette distinction n'est pas toujours facile. Le simple fait qu'une personnalité de défunt affirme avoir projeté son image sur la plaque photographique ne peut suffire à nous donner la certitude à cet égard. Il faut par contre attribuer une plus grande valeur aux preuves d'identité que l'on obtient souvent, concurremment avec le phénomène de la photographie transcendantale d'un décédé. Dans cet ordre de preuves, l'on peut citer des cas de nature à triompher de toutes les objections. Il y a enfin une classe de cas au sujet desquels il est impossible de soulever des doutes, en ce qui concerne leur origine positivement étrangère au médium et aux assistants : ce sont les cas dans lesquels la figure qui est apparue sur la plaque est inconnue au médium et aux assistants, mais est identifiée ensuite. En ces circonstances, il est manifeste qu'il n'est plus possible de faire jouer l'hypothèse de la photographie de la pensée subconsciente des assistants, et qu'on doit en venir à l'hypothèse complémentaire de la photographie de la pensée consciente, d'un esprit désincarné. Ces faits devront donc être regardés comme d'excellentes preuves d'identification spirite.
Un fait de cette sorte se rencontre dans l'ouvrage : Frorn the other Side, de J. H. D. Miller, que j'ai cité déjà. Le voici :
« J'avais appris que dans la petite ville de Crew existait un cercle spirite dans lequel on obtenait des photographies transcendantales, et ayant dû me rendre sur le Continent pour des affaires, je décidai d'interrompre pour quelques heures mon voyage pour tenter une expérience de cette nature. Je ne connaissais aucun des membres de ce groupe d'expérimentateurs, mais je me suis présenté quand même au numéro 144 de Market Street, où j'appris que M. Hope, le médium, était chez lui. C'est un homme de petite taille, de manières aimables ; c'est un simple artisan, qui vit dans un logement sans prétentions ; ses dispositifs photographiques sont plutôt primitifs.
J'avais apporté un paquet de douze plaques photographiques, que j'avais acheté à Belfast. Nous nous assîmes autour d'une petite table : moi, M Hope, une dame dont j'ai oublié le nom, et Miss Scatcherd de Londres, qui, étant à Crew pour une conférence sur le spiritisme, était venue saluer le médium Hope. J'informai ce dernier que j'avais apporté un paquet de douze plaques photographiques : il me dit de les déposer au milieu de la table. Alors la dame dont le nom ne me revient pas chanta un hymne religieux, et puis une prière. M. Hope prit ensuite le paquet des plaques, en le tenant entre ses mains, pendant que tous nous placions nos mains sur les siennes. Après une quinzaine de secondes, un tremblement très net et très visible commença à ébranler les bras du médium, en se communiquant aux autres mains et au paquet de plaques.
Le médium, s'adressant à une entité invisible, dit : « Je t'en remercie ; cette fois nous réussirons ». Le paquet fut de nouveau replacé sur la table, et M. Hope clôtura la réunion en récitant à son tour une prière. Il me dit de mettre le paquet de plaques dans ma poche et de le suivre. Nous pénétrâmes dans le « cabinet noir », où il alluma une petite lampe rouge et me dit d'ouvrir le paquet, d'y prendre deux plaques et de les placer dans les châssis. J'exécutai, après avoir apposé ma signature sur les plaques, à l'aide de mon crayon. Nous passâmes ensuite dans une petite chambre vitrée, où était un appareil photographique, que je visitai minutieusement. Après cela, je remis les deux châssis à M Hope, qui les introduisit dans l'appareil. Je m'assis enfin devant l'objectif de la manière habituelle, pendant que M. Hope et la dame dont il a été question se plaçaient aux deux côtés de l'appareil, en tenant chacun un pan du « drap noir » durant la pose. Après celle-ci, nous rentrâmes dans le cabinet noir, où j'ôtai les plaques des châssis, en les déposant dans la cuvette pour le développement, M. Hope versait le liquide ; je m'occupais de les développer. Lorsqu'il me prévint que le bain était suffisant, j'en ôtai le liquide, et je plaçai la cuvette sous un robinet d'eau pour le lavage. Je m'aperçus alors que dans une des deux plaques était très visible une tête, à côté de la mienne. En plaçant la plaque contre la lumière, je constatai qu'il s'agissait du visage de mon fils. J'en fus profondément étonné et ému.
Durant toute l'expérience, M. Hope n'avait jamais touché aux plaques ; elles n'avaient jamais échappé un seul instant à mon regard, hormis naturellement le temps où elles restèrent dans l'appareil photographique.
C'est alors seulement que, j'ai donné mon nom et mon adresse, pour saluer ensuite les assistants et prendre congé. Quelques jours après je reçus les photos, dont une est reproduite dans ce volume...
De retour chez moi, nous avons tenu une séance avec le médium Nugent, dans laquelle se manifesta aussitôt Hardy, qui demanda : « Eh bien ! papa ; que penses-tu de la photographie ? Est-elle bien réussie ?» Je répondis : « Merveilleuse ! Explique-moi comment tu t'y es pris pour la produire ».
— Je ne puis t'expliquer la nature des pouvoirs en action — me dit-il — ne les connaissant pas : mais je puis te décrire comment les choses se sont passées. Lorsque vous avez pris place autour de la table, « Sing » (l'esprit guide) et moi nous sommes venus nous placer derrière vous. Plusieurs autres « esprits guides » spécialisés dans la production des photographies transcendantales, étaient avec nous, et le plus habile d'entre eux se tint à côté du médium, afin de rassembler et condenser les fluides soustraits à vous et à nous, en les dirigeant sur le paquet des plaques à travers les bras et les mains de Mr Hope. Tu as remarqué, en effet, le tremblement qui ébranlait les bras du médium. Lorsque les plaques furent saturées des forces extériorisées, celles-ci se renversèrent sur moi, et alors « Sing » me demanda d'objectiver une bonne reproduction de mon aspect terrestre. Les drapements que l'on aperçoit autour de mon visage sont le produit des fluides utilisés par moi pour me matérialiser d'une façon légère, mais suffisante. Quand tu as placé les plaques dans les châssis, j'ai concentré ma pensée sur mon aspect terrestre ; durant la pose, j'étais à côté de toi. Papa, si, à ce moment-là, tu t'étais retourné, tu m'aurais aperçu nettement ; mais cela aurait fait manquer l'expérience.
— Quel est donc l'effet qu'exercent les fluides sur les plaques ?
— Je ne saurais le dire exactement ; je crois que la plaque désignée devient plus sensibilisée que les autres.
— La chose me paraît rationnelle.
— Mon cher papa, au cours de nos conversations, tu n'as jamais cessé de me parler de la nécessité que je fournisse toujours de nouvelles preuves d'identification personnelle ; je suis loin de me plaindre de ces justes exigences ; mais je ne doute pas que cette dernière preuve photographique terminera définitivement tes doutes, et qu'elle constituera une conclusion excellente pour ton ouvrage.
Mon cher Hardy, il n'y a plus l'ombre d'un doute dans mon âme. Même avant la preuve photographique, j'étais entièrement convaincu ; mais la photographie sera uns preuve irréfutable pour tous ceux qui ne t'ont pas entendu parler.
Qui ne voit pas que ce cas, par suite de l'ensemble de circonstances qui le composent, toutes inexplicables par les hypothèses naturalistes, doit être regardé comme décisif dans le sens de l'interprétation spiritique des faits ? »
Cet autre épisode est intéressant au même point de vue.
R. H. Saunders, écrivain et expérimentateur très connu dans les milieux métapsychiques anglais, a envoyé au Light (1920, p. 266), le récit suivant :
« Voici un épisode exceptionnellement intéressant d'un esprit qui, au cours d'une séance de photographie transcendantale, se comporte de manière que la « forme spirituelle » que nous attendions tous avec anxiété et qui aurait dû se manifester, en a été brusquement empêchée ; elle a été remplacée par la « forme spirituelle » d'un autre parent à qui personne ne songeait ; et ceci dans l'intention précise de nous fournir la preuve qu'il ne s'agissait point de « photographie de la pensée ».
Un de mes amis, qui ne s'était jamais occupé de recherches psychiques, jusqu'à ce qu'il perdit il y a un an, une fille âgée de quinze ans, obtint par l'entremise de la table un message dans lequel sa fille décédée l'informait qu'elle allait se manifester au moyen de la photographie.
J'achetai pour mon ami un paquet de plaques Il-ford, qu'il garda jusqu'à ce qu'un nouveau message de la fille le prévint de se tenir prêt, car un médium propre à ces manifestations allait arriver à Londres. Quelques jours après, mon ami apprit que le médium Hope venait en effet dans la capitale. Il alla le voir, et prit rendez-vous pour une séance, à laquelle il se rendit avec sa femme, apportant le paquet des plaques dans sa poche. Il les déballa lui-même, les signa, les introduisit dans l'appareil photographique et les développa, sans la moindre intervention du médium. Lorsqu'on examina les négatifs, on constata que sur l'une d'elles on apercevait le visage d'un esprit ; ce négatif fut donc mis de côté pour en tirer un positif.
Ce soir-là, nous étions tous réunis autour de la table médiumnique, lorsque la fille se manifesta et transmit le message suivant : « Je m'étais placée entre papa et maman ; vous trouverez mon portrait sur la photographie ». Une autre entité se manifesta ensuite, qui transmet habituellement des messages de nature très élevée, en s'exprimant parfois en latin, ce qui nous oblige à les faire traduire. Elle dicta : « Cette fois vous avez obtenu une preuve décisive. Employez-la pour convaincre ceux qui doutent ».
Par suite de ces messages, les parents attendaient avec la plus vive impatience les épreuves de la photographie transcendantale dans laquelle ils devaient contempler la figure de leur fille. Mais lorsque les épreuves arrivèrent, ils demeurèrent profondément déçus, car au lieu des traits de leur fille adorée, ils reconnurent le visage d'un frère de l'expérimentateur, mort depuis longtemps, et au sujet duquel une communication spirite avait dit qu'il avait perdu tout intérêt aux choses terrestres.
Le soir même nous nous assîmes autour de la table, qui se comporta d'une façon complètement différente de celle habituelle. Nous demandâmes quel était l'esprit présent ; on nous répondit : « Je suis ton frère Alfred. J'ai eu la mission de te prouver que la figure apparue dans la plaque photographique n'était pas une forme de la pensée ; cela parut nécessaire, parce que vos esprits étaient préoccupés par ce soupçon ».
C'était vrai, en effet, que nous avions discuté longuement au sujet du problème troublant, que, si la pensée peut se matérialiser, comme il ressort de quelques expériences de Mme Bisson, alors dans notre cas on pouvait douter que l'on eût obtenu une photographie de la pensée, puisque nous ne pouvions pas nous empêcher de songer à la chère décédée.
La fille morte se communiqua ensuite de nouveau en transmettant le message suivant : « Ils m'avaient caché ce qu'ils avaient l'intention de faire. Je me trouvais entre vous deux ; j'étais donc sûre d'avoir été reproduite par la photographie... Ma petite mère, je suis fâchée de ce qui s'est produit ; je viens seulement d'apprendre qu'au dernier moment, mon oncle s’est placé devant moi. Ce sera pour une autre fois, et bientôt ».
Dans le fait qui précède, la circonstance la plus intéressante consiste dans le fait que la substitution de personne dans la photographie transcendantale semble due à la circonstance que les expérimentateurs avait précédemment discuté la possibilité d'expliquer par la photographie de la pensée les formes de défunts qui apparaissent sur la plaque, dans la photographie transcendantale ; les « esprits-guides » avaient alors décidé de recourir à une substitution de personne, pour dissiper les doutes des expérimentateurs. Il faut noter la circonstance de l’ « esprit-guide » qui, avant que les expérimentateurs eussent connaissance de la photographie transcendantale en question, transmit le message : « Cette fois vous avez obtenu une preuve décisive ». Ce message tend à démontrer que l'entité qui se communiquait connaissait effectivement la substitution de personne qui avait eu lieu ; sans quoi elle n'aurait point parlé de « preuve décisive » en présence d'expérimentateurs qui doutaient, au contraire, que les photographies spirites pouvaient s'expliquer par la photographie de la pensée. En ces conditions, il est clair que le message en question tend efficacement à démontrer que les faits se déroulèrent comme les esprits communicants l'ont affirmé.
Le fait suivant est relaté dans le livre de James Coates : Photographing the Invisible. Je l'extrais des Annales des Sciences Psychiques (1912, p. 218), qui en ont fait un résumé assez étendu.
« M. J. Coates raconte que le 8 octobre 1909, au cours d'une séance avec le médium à manifestations photographiques, M. Edouard Wyllie, il arriva que Miss Kate M., une jeune fille qui était présente et qui était douée de facultés de clairvoyance, s'adressa à Mme Coates en lui disant : « Je vois une femme de haute taille, brune, qui dit : « Ne me méprisez pas, Mme Coates ! » Cette dernière répondit : « Je ne méprise personne. Qui êtes-vous ? » « Ne me regardez pas avec dédain ; je suis votre ancienne domestique, Maggie ». M. et Mme Coates comprirent alors de qui il s'agissait, mais ils affirmèrent que, ni Miss Kate M... ni aucun autre des assistants ne l'avaient jamais connue.
Les choses en restèrent là, et M. et Mme Coates n'auraient pas attaché beaucoup d'importance à cet incident, si une autre circonstance importante ne s'était produite quelques jours après.
Le médium Willie, qui était américain, repartit pour les Etats-Unis, en laissant entre les mains du Rév. diacre John Duncan toutes les épreuves de toutes les photographies spirites obtenues au cours de ses différentes séances privées en Angleterre. Un jour que M. et Mme Coates étaient chez le Rév. Duncan, il commencèrent à examiner ces photographies, et ils restèrent profondément surpris en reconnaissant dans une d'elles la figure de leur domestique Maggie. Elle était apparue dans une plaque pour laquelle avait posé une certaine Miss B..., amie du diacre Duncan. »
L'histoire de Maggie pouvait se résumer en quelques lignes : c'était l'histoire d'une jeune fille imprudente qui s'était rencontrée avec un homme égoïste. Elle était au service de M. et Mme Coates, lorsqu'elle dut partir par suite de l'état intéressant dans lequel elle se trouvait. Maggie était une jeune fille étourdie, mais pas mauvaise.
Les Annales publient la photographie dont il s'agit, dans laquelle le visage de l'entité spirituelle de Maggie apparaît sur la poitrine de Miss C... Les traits de l'entité spirituelle sont très nets et caractéristiques.
Je remarquerai qu'en ce cas on voit se renouveler exactement la circonstance qui a signalé le premier cas rapporté par M. et Mme Mackenzie, dans lequel l'entité qui se communique ne parvient pas à se faire photographier lorsque quelques-uns de ses familiers posent devant l'objectif, et y parvient par contre dans une autre occasion, en présence de personnes qui lui sont étrangères. Cela peut laisser supposer que l'état émotionnel qui se produit chez les esprits en présence de personnes qu'ils aiment, engendre souvent un trouble dans les conditions de milieu, en empêchant ces esprits de projeter leur image devant l'objectif photographique.
A un autre point de vue, il faut remarquer que le fait d'un sensitif qui, au cours d'expériences photographiques, aperçoit les formes d'esprits agissants, est toujours un fait théoriquement intéressant ; ne fût-ce que parce qu'il confirme ce que j'ai fait observer déjà, à savoir que, s'il est vrai que l'action de la pensée peut impressionner directement la plaque photographique sans s'objectiver devant l'appareil en forme d'image, il n'est pas moins vrai que les images objectivées de la pensée se réalisent concurremment avec les impressions directes de la pensée. Je me borne à attirer l'attention sur ce côté théorique des visions clairvoyantes des fantômes dans les expériences en question, parce que l'existence indubitable des « formes de la pensée » enlève quelque valeur à ces visions au point de vue de leur possible interprétation spirite. Je remarquerai toutefois que dans le cas dont nous venons de nous occuper, il ne pouvait évidemment pas s'agir d'une forme de la pensée, puisque l'entité spirituelle en question avait causé avec les assistants, et puisque, quelques jours après, elle s'était manifestée dans un autre milieu, en impressionnant une plaque photographique en présence de personnes qui lui étaient étrangères.
Dans l'exemple suivant, l'hypothèse de la photographie de la pensée devient plus absurde et insoutenable que jamais, étant donné que, même à distance, il n'y avait personne qui eût dans son cerveau, ou gardât sur le seuil de sa subconscience, un souvenir de l'aspect de la femme qui parut sur la plaque photographique.
Le cas est relaté dans le fascicule de juillet 1924 de la belle revue trimestrielle anglaise : Psychic Science, organe du British Collège of Psychic Science, Le directeur de l'Institut, M Hewatt Mackenzie, avait prié l'expérimentateur — M C. L. D. Kok, un riche commerçant néerlandais — de lui fournir un rapport écrit au sujet de l'incident de photographie transcendantale qui lui était arrivé en expérimentant dans les locaux du « British Collège » ; M Kok lui envoya la lettre suivante :
„Mon cher Hewatt Mackenzie,
Lorsque, au mois de novembre 1921, au cours de mes vacances annuelles, j'eus l'occasion d'assister à une séance du cercle de Crew, j'obtins sur une des plaques que j'avais apportées d'Amsterdam, l'image transcendantale d'un visage de femme que je ne reconnus pas. Comme vous pouvez voir par l'épreuve que je vous en envoie, cette photographie est très remarquable à cause de la grande auréole qui enveloppe la tête de l'entité spirituelle, de l'abondante chevelure, et de la forme nettement triangulaire du visage.
Au mois de septembre dernier (1922), j'envoyai mon fils en Angleterre, et il en profita pour faire une séance au cercle de Crew, dans les locaux du « British Collège » en obtenant à son tour sur une de ses plaques, l'impression transcendantale d'une figure de femme qu'il ne reconnut pas ; aussi ne se soucia-t-il pas de m'envoyer la photographie, que je vis pour la première fois le 21 mai (1924), lorsque j'allai vous saluer au « British Collège », avec ma belle-sœur. Dès que cette dernière vit la photographie, elle s'écria : « C'est la même entité qui est restée imprimée sur la plaque, en 1921 ! Il en était bien ainsi, comme chacun peut constater en comparant les photographies ci-jointes. Mon fils avait obtenu l'impression du même visage, répété cinq fois autour de sa figure !
Lorsque je mis Mme Mackenzie au courant de ce fait curieux et intéressant, en lui faisant remarquer combien il était regrettable de ne pas connaître qui était la femme qui s'était manifestée, d'abord à moi, puis à mon fils, votre femme me répondit : « Vous me disiez que, dans quelques purs, vous alliez avoir une séance avec Mme Cooper (le médium à « voix directe », bien connu). Si la séance tourne bien, vous pourriez demander aux personnalités qui se communiquent des renseignements sur l'entité inconnue ».
La séance avec Mme Cooper se passa splendidement, avec d'admirables lueurs médiumniques et d'excellentes « voix directes ». Je m'adressai donc à l'entité qui se communiquait, en la priant de me renseigner au sujet de la photographie obtenue ; elle me répondit ; « Le visage qui est resté imprimé sur la plaque photographique est celui de votre « esprit-guide », que nous appelons Sylvie, mais qui s'appelait sur la terre Henriette. Elle était une de vos tantes ; sœur de votre mère. Elle dit qu'elle vous aimait tendrement, pendant votre vie terrestre, bien que vous ne l'ayez vue qu'une seule fois quand vous étiez encore enfants, et qu'on vous conduisit des Indes Orientales en Hollande. Dans la maison que vous habitez, en Hollande, se trouve une photographie d'elle. Cherchez-la dans la mansarde, où elle est enfermée dans un vieux coffre. Elle est mêlée avec nombre d'autres photographies de parents et amis de votre famille ; mais vous la reconnaîtrez certainement.
Cette nuit-là, songeant à l'incident dont il s'agit, je parvins à me souvenir vaguement avoir vu une fois, au cours de mon enfance, ma tante Henriette sœur de ma mère. Je l'avais rencontrée à Amsterdam en 1880 ; je ne l'ai jamais plus vue depuis, étant resté toujours loin de la Hollande.
En rentrant chez moi, je suis monté à la mansarde, ou je trouvai le coffre dont on m'avait parlé ; il contenait, entre autres choses, un vieil album de photographies dont je me souvenais ; en le feuilletant, je remarquai aussitôt la photographie de ma tante ; j'avais en effet, gardé le souvenir que dans ce groupe photographique la tante Henriette était placée au milieu de ses deux sœurs. Je joins à cette lettre aussi la photographie en question, afin que vous soyez en mesure d'établir les comparaisons nécessaires. Remarquez les beaux yeux de ma tante, son abondante chevelure noire, sa bouche, et surtout son visage nettement triangulaire. Après tant d'années, ma tante s'était donc manifestée par la photographie transcendantale, d'abord à moi, puis, deux ans après, aussi à mon fils. L'identité entre la photographie normale et celle transcendantale est parfaite ; mais je ne saurais jurer qu'il s'agit précisément de ma tante Henriette, ne l'ayant plus vue depuis 1880 ; comme j'avais alors huit ans, je ne garde qu'un vague souvenir de son aspect. De toute manière, la photographie que je vous envoie a été faite plusieurs années avant sa mort, bien que je ne sois pas à même de fournir des dates.
Tel est le cas, très intéressant, rapporté par M. Kok. Je ferai observer que la circonstance que M. Kok déclare ne pas pouvoir jurer qu'il s'agit précisément de sa tante Henriette, prouve la louable méticulosité qu'il a employée dans sa narration, mais n'infirme nullement la valeur théorique du cas relaté. D'abord M. Kok avait précédemment affirmé avoir aussitôt reconnu l'image de la tante Henriette, parce qu'il se rappelait que, dans cette photographie elle était placée au milieu de ses deux autres sœurs. Ensuite, même si l'image en question n'avait pas été celle de la tante Henriette, elle devait être, en tout cas, l'image d'une autre de ses tantes, puisque les trois dames photographiées en un groupe étaient trois sœurs. C'est ce qu'il y a de plus important, puisque le fait théoriquement essentiel consiste en ceci : que dans la photographie transcendantale obtenue est apparue l'image d'une tante de M. Kok, décédée depuis un grand nombre d'années, ce qui fait qu'il ne se souvenait pas de son aspect, et que la même entité s'était manifestée deux ans après à son fils, qui ne la connaissait pas du tout.
La circonstance que l'entité s'était manifestée à M. Kok fils, qui ne la connaissait pas du tout, démontre d'une manière décisive qu'il ne pouvait pas s'agir de la photographie de la pensée d'un vivant. On est donc nécessairement amené à reconnaître la présence réelle sur place de l'entité spirituelle qui est restée imprimée sur la plaque sensibilisée ; ou plus précisément, on est amené à reconnaître que la forme restée gravée sur la plaque photographique était l'objectivité de, la pensée d'un défunt.
Il me reste à faire ressortir quelques circonstances qui contribuent à confirmer les conclusions que je viens d'énoncer. Remarquons, par l’exemple, que le fils avait attribué si peu de valeur à l'image de l'inconnue apparue sur la plaque, qu'il avait même négligé de l'envoyer à son père ; circonstance qui démontre ultérieurement que le fils n'avait jamais vu de portraits de la décédée. Signalons aussi le phénomène curieux de l'entité communicante qui avait imprimé cinq fois sa propre image sur la plaque sensibilisée, comme si elle se proposait d'appeler ainsi plus fortement l'attention des expérimentateurs sur cette image, afin d'éviter le danger qu'en ne la reconnaissant pas, ils la mettent de côté, sans faire aucune recherche pour l'identifier. De même, il ne faut pas négliger l'autre circonstance, que si M. Kok père a été en mesure d'identifier la personnalité spirituelle apparue sur la plaque, il l'a dû aux indications fournies dans ce but par une personnalité médiumnique, sans laquelle on n'aurait rien découvert, et ce remarquable épisode d'identification spirite aurait été perdu, comme il arrive pour la grande majorité des cas de photographies transcendantales dans lesquelles restent imprimées des figures d'inconnus. Et si l'on considère que les renseignements fournis étaient ignorés du médium et de tous les assistants et, par contre, devaient être connus de la tante décédée, cette circonstance revêt à elle seule la valeur d'une preuve d'identification spirite. Je remarque enfin que l'entité qui s'était communiquée par la « voix directe » avait déclaré que la décédée avait la mission d' « esprit-guide » du neveu vivant, ce qui expliquerait pourquoi l'entité en question s'était manifestée à lui et à son fils, bien que le premier ne l'eût presque pas connue, et qu'il l'eût, par conséquent, oubliée, tandis que l'autre ne l'avait jamais connue. La même circonstance expliquerait aussi pourquoi l'entité était présente aussi à la séance du neveu avec Mme Cooper.
Je ne citerai pas d'autres cas d'identification spirite obtenus au moyen de la « photographie transcendantale ». En effet, le problème de l'identification spirite outrepasse, pour le moment, le thème dont nous nous occupons, qui se rapporte à un problème diamétralement opposé, bien qu'il soit complémentaire du premier ; c'est-à-dire qu'une bonne partie des phénomènes de la « photographie transcendantale » prouvent que la pensée et la volonté constituent des forces « plasticisantes » et organisatrices, avec les conséquences théoriques qui en découlent.
De toute manière, il est bien de ne pas oublier les conclusions générales suivantes. Les phénomènes des apparitions télépathiques des vivants et des apparitions de fantômes de vivants (bilocations), démontrent respectivement l'existence dans l'homme d'une volonté capable de projeter son image à toutes les distances, et l'existence en lui d'un esprit indépendant du corps et qui peut se séparer du corps. Ils contribuent ainsi à prouver l'existence de l'esprit humain, et par conséquent, la validité de l'hypothèse complémentaire sur les apparitions des défunts. Or, de la même manière, le phénomène de la photographie de la pensée des vivants démontre que la pensée et la volonté sont des forces plasticisantes et organisatrices ; il contribue donc à son tour à prouver la survivance de l'esprit humain, et par conséquent, la validité de l'hypothèse complémentaire de la photographie de la pensée des défunts ; validité qui se transforme en un fait bien constaté chaque fois que le phénomène se produit en des circonstances qui excluent la possibilité de l'action de la pensée des vivants.
Nous verrons plus loin à quelles grandioses spéculations philosophiques amènent le fait d'être parvenu à démontrer expérimentalement la nature plasticisante et organisatrice de la pensée humaine.

IDEOPLASTIE

Le terme « idéoplastie » a été créé par le Dr Durand (de Gros) en 1860, pour désigner les principaux caractères de la suggestibilité. Il a été ensuite employé par le Dr Ochorowicz, en 1884, pour désigner les effets de la suggestion et de l'auto suggestion, lorsqu'elle donne lieu à la réalisation physiologique d'une idée, comme il arrive dans les cas des « stigmates ». Le même terme a été enfin proposé par le Pr Richet à l'occasion des expériences avec Mlles Linda Gazzera et Eva C. (1912-1914) ; expériences qui ont démontré d'une façon nette et incontestable l'existence de matérialisations de figures humaines, qui étaient la reproduction objectivée et plasticisée de portraits et de dessins tombés sous les yeux des médiums. Il est clair que l'on devait logiquement inférer de ces faits que la matière vivante extériorisée est plasmée par l'Idée. C'est là la signification précise du terme « idéoplastie », appliqué aux phénomènes de matérialisation médiumnique.
Et la substance vivante extériorisée et amorphe, sur laquelle s'exercent les idées-force inhérentes à la subconscience du médium a été désignée par le même Pr Richet du terme d' « ectoplasme ».
Je ferai remarquer, pour l'Histoire, que les matérialisations idéoplastiques étaient connues un demi-siècle avant l'époque où elles rappelèrent d'une façon spéciale l'attention des chercheurs, et que la substance ectoplasmique était connue déjà des alchimistes du XVIIe siècle, ainsi que d'Emmanuel Swedenborg.
Le docteur N. B. Wolfe parle longuement, en effet, de matérialisations idéoplastiques dans son ouvrage : Startling Facts in Modem Spiritualism (1869). De substance ectoplasmique parlent deux grands alchimistes : Paracelse, qui l'appelle : Mystérium Magnum, et Thomas Vaughan qui la définit : Materia Prima. Ce dernier en avait provoqué la transsudation du corps de sa femme. Quant à Swedenborg, il sembla en avoir fait personnellement l'expérience, puisque, dans sa première vision initiatique, il parle « d'une sorte de vapeur qui sortait des pores de son corps, et c'était une vapeur d'eau très visible, qui descendait jusqu'à frôler le tapis ».
Quoique l'on ne parle d'idéoplastie que depuis quelques années seulement, en réalité elle était sous-entendue depuis l'époque où l'on a obtenu les premiers phénomènes de matérialisation, puisque les fantômes matérialisés apparaissaient entourés de voiles — ce qui démontre que la pensée et la volonté étaient capables de plasmer la matière, en créant des tissus. Peu importe si la pensée et la volonté agissantes étaient attribuées à des défunts ou à des vivants, puisque dans les deux cas il s'agissait quand même d'une forme plasticisante, inhérente à l'Idée.
Dans l'ordre des manifestations naturelles, qu'elles soient physiologiques ou pathologiques, on a d'ailleurs toujours connu certaines catégories de phénomènes qui auraient dû faire présager l'existence de propriétés plasticisantes et organisantes dans la pensée et dans la volonté subconscientes. Il en est par exemple ainsi des phénomènes de « mimétisme » dans les espèces animales, et des phénomènes des nævi, et des « stigmates » dans l'espèce humaine.
Je me bornerai à rapporter à ce propos une page du docteur Gustave Geley, dans lequel se trouvent brièvement résumées ces sortes de manifestations. Dans son ouvrage : De l'Inconscient au Conscient (p. 73), il écrit :
« Les phénomènes de stigmatisation, de modifications trophiques cutanées par suggestion ou autosuggestion ne sont que des phénomènes élémentaires d'idéoplastie, infiniment plus simples, quoique de même ordre, que les phénomènes de matérialisation. Les guérisons dites miraculeuses sont le fruit de la même idéoplastie, orientée, par suggestion ou autosuggestion, dans un sens favorable aux réparations organiques et concentrant pour un temps, dans ce but, toute la puissance du dynamisme vital. Il faut remarquer que la force idéoplastique subconsciente réparatrice est beaucoup plus active chez les animaux inférieurs que chez l'homme ; sans doute parce que, chez ce dernier, la fonction cérébrale accapare et détourne à son profit la majeure partie de la force vitale. Il n'y a pas de miracles, dans le retour accidentel à l'organisation humaine des actions dynamiques et idéoplastiques qui sont la règle au bas de l'échelle animale.
Les phénomènes de mimétisme, si fréquents également dans l'animalité et si mystérieux dans leur mécanisme, peuvent aussi s'expliquer par l'idéoplastie subconsciente. L'instinct provoquerait simplement l’idéoplastie dans un sens favorable, et les effets de cette dernière seraient ensuite facilités et fixés par les facteurs de sélection et d'adaptation. »
Enfin, il est, opportun de faire noter que si l'hypothèse idéoplastique s'est imposée d'une manière définitive, par suite des expériences avec les médiums dont nous avons parlé, elle avait cependant déjà été prévue, par intuition scientifique, par divers chercheurs, tels que Hartmann, Aksakof, Du Prel et le colonel de Rochas. Les trois premiers y touchaient seulement comme à une « hypothèse de travail », tandis que M. de Rochas la formule déjà en se fondant sur ses propres expériences avec Eusapia Paladino. Il dit en effet :
« D'autres expériences... tendent à éprouver que la matière fluidique extériorisée peut se modeler sous l'influence d'une volonté assez puissante, comme la terre glaise se modèle sons la main du sculpteur.
On peut supposer qu'Eusapia, à la suite de ses passages à travers divers milieux spirites, a conçu dans son imagination un John King, avec une figure bien déterminée, et que, non seulement elle en prend la personnalité dans son langage, mais qu'elle parvient à en donner les formes à son propre corps fluidique, quand elle nous fait sentir de grosses mains et qu'elle produit à distance, sur la terre glaise, des impressions de tête d'hommes, comme cela lui est arrivé en Italie. Le soufflet vu par M. de Gramont n'aurait pas d'autre origine, car il n'est pas plus difficile de représenter un ustensile qu'un membre du corps humain...
Mais si rien ne nous prouve que John existait, rien ne nous a prouvé non plus qu'il n'existait pas. Nous ne sommes d'ailleurs point seuls au monde ; il y a d'autres personnes que je connais personnellement, en qui j'ai la plus grande confiance, et qui rapportent des faits ne pouvant s'expliquer qu'à l'aide de la possession temporaire du corps fluidique extériorisé, par une entité intelligente d'origine inconnue. Telles sont les matérialisations de corps humains entiers observées par M. Crookes avec Miss Florence Cook, par M. James Tissot avec Eglington et par M. Aksakof avec Mme d'Espérance » (Annales des Sciences Psychiques, 1897. pp. 25-26).
On peut voir que, dès 1896, le colonel de Rochas avait non seulement eu l'intuition de l'hypothèse idéoplastique, mais qu'il l'avait circonscrite dans de justes limites, en faisant sagement remarquer que, si l'on doit admettre l'existence de phénomènes permettant d'arguer que la pensée subconsciente du médium est une force plasticisante et organisatrice, il n'est pas moins démontré que certains phénomènes ne peuvent s'expliquer qu'en admettant l'intervention d'une pensée organisatrice, étrangère au médium et aux assistants.
Aujourd'hui plus que jamais, c'est là la vraie et seule solution de cette énigme si complexe. Au fur et à mesure que l'on avance dans l'investigation des branches multiples constituant les doctrines métapsychiques, on voit ressortir de plus en plus la grande vérité du principe selon lequel Animisme et Spiritisme sont complémentaires l'un de l'autre, ayant tous les deux une cause unique : l' « esprit humain », qui, lorsqu'il opère en qualité d'« incarné », provoque les phénomènes animiques ; quand il opère comme « désincarné », détermine les phénomènes spirites. Cela est si vrai, que quand on prétend contester l'une ou l'autre des deux sections qui constituent le problème à résoudre, il est littéralement impossible de se rendre compte de l'ensemble des faits.
Ayant établi cela d'une façon préliminaire, je poursuis donc mon sujet, en prévenant mes lecteurs que je me propose de fournir un simple exposé très sommaire des phénomènes d'idéoplastie, le thème étant trop vaste pour pouvoir être dûment développé dans un ouvrage de synthèse générale comme celui-ci. Par contre, il s'agit de recherches si récentes, et si largement discutées dans les traités et les revues qui s'occupent de ces questions, que tous les métapsychistes les connaissent.
Relativement à la nature de l’ectoplasme je rapporte les passages essentiels de la description qu'en donne le docteur Geley, qui s'exprime ainsi.
Le processus de matérialisation peut se résumer dans les termes suivants : « Du corps du médium transpire et s'extériorise une substance amorphe ou polymorphe qui revêt des représentations diverses ; généralement des représentations d'organes plus ou moins complets.
La substance est mobile. Tantôt elle évolue lentement, monte, descend, se promène sur le médium, ses épaules, sa poitrine, ses genoux, par un mouvement de reptation qui rappelle celui d'un reptile ; tantôt ses évolutions sont brusques et rapides ; elle apparaît et disparaît comme un éclair...
La substance montre une grande sensibilité, jointe à une sorte d'instinct, rappelant l'instinct de la conservation chez les invertébrés La substance paraît avoir toute la méfiance d'un animal sans défense ou dont la seule défense consiste à rentrer dans l'organisme du médium dont elle est issue. Elle craint les contacts, toujours prête à se dérober et à se résorber.
La substance a une tendance immédiate, irrésistible à l'organisation. Elle ne demeure pas longtemps à l'état originel. Il arrive fréquemment que l'organisation est tellement rapide qu'elle ne laisse pas voir la substance primordiale. D'autres fois on voit, simultanément, la substance amorphe et des représentations plus ou moins complètes englobées dans sa masse ; par exemple un doigt pendant au milieu de franges de substance, On voit même des têtes, des visages enveloppés de substance » (De l'Inconscient au Conscient ; pages 53-58).
Miss Felicia Scatcherd décrit en ces termes l'attitude de l'ectoplasme au cours d'une des nombreuses séances qu'elle eut avec le même médium :
« J'ai déjeuné avec Marthe (Eva C.) ; quand nous eûmes terminé, Marthe manifesta l'intention de m'accorder une séance. Je ne voulais pas accepter, de crainte de la fatiguer, mais elle insista ; alors Mme Bisson intervint en remarquant qu'il valait mieux ne pas s'opposer aux désirs du médium.
On commença ; le médium tomba presque aussitôt en une transe profonde, la tête renversée en arrière, de manière qu'elle n'aurait rien pu percevoir devant elle, même si elle avait été éveillée. Les rideaux du cabinet médiumnique restèrent ouverts, et la lumière fut légèrement baissée. Nous causions, lorsque nous vîmes apparaître soudain sur le parquet une masse abondante de substance, à dix-huit pouces environ de la chaise du médium, et à sa gauche. Elle était d’une blancheur extraordinaire, et légèrement lumineuse.
Je pensai : « Comment pareille chose a pu se produire ? Qui sait si la substance est rattachée au médium ? » Aussitôt le « contrôle » du médium répondit à ma demande mentale, en disant : « Il n'y a pas de liens ; vous pouvez passer la main entre la substance et le médium ». C'est ce que je fis, sans inconvénients. Je plaçai ensuite un mouchoir blanc absolument propre à côté de la substance, dans le but d'en évaluer la blancheur, et je constatai que le mouchoir paraissait gris, en comparaison de la substance mystérieuse.
Je me plaçai ensuite de manière à pouvoir toucher, sans être vue, la substance. Lorsque ma main fut sur le point de toucher au but, le corps du médium se tordit dans un spasme convulsif, et le « contrôle » cria : « Ne me touchez pas ! Ne me touchez pas ! Il y va de ma vie ! »
Repentie de ma tentative inconsidérée, je m'excusai humblement. Toutefois, plus tard on m'autorisa spontanément à toucher la substance, et je constatai ainsi qu'elle présentait une résistance au toucher, comparable à celle de la mousse de blanc d'œuf ; sa température paraissait légèrement inférieure à celle du milieu où nous nous trouvions. Je dis à Mme Bisson : « Ce serait bien intéressant de peser cette substance ! Mais, je comprends bien que la chose n'est pas possible, puisqu'on ne peut manier la substance sans causer du mal au médium ». Mme Bisson sourit et, s’adressant à sa fille, elle la pria d'aller à la cuisine y chercher la balance.
En attendant, cette magique substance s'était allongée, en empruntant la forme d'un reptile ; d'où j'argue qu'elle avait compris ce qu'on désirait d'elle. Lorsque la balance arriva, j'eus à éprouver l'une des plus fortes émotions de ma vie, en voyant la substance en forme de reptile se soulever sur la queue et venir se placer sur l'un des plateaux de la balance, qui était placée sur un piédestal haut de dix pouces au-dessus du sol. Elle y resta jusqu'à ce que j'eus contrôlé son poids, que je trouvais très léger en comparaison du volume. Alors, en serpentant en arrière, elle sortit du plateau et descendit au sol, où elle reprit immédiatement son aspect primitif informe ; pendant que je la surveillais, elle disparut de mes yeux. Elle ne diminua pas, ne se dissolva pas : elle disparut » (Light, 1921, p, 809-810),
Il serait vain de se perdre en conjectures au sujet de la nature de cette substance vivante, sensitive, intelligente, capable de disparaître et de réapparaître en un instant. Autant vaudrait prétendre à se rendre compte du mystère de la vie, qui est le secret de Dieu. Contentons-nous sagement de remarquer ce qui est du ressort de notre mentalité finie, à laquelle il n'est pas loisible d'outrepasser les lois qui règlent les phénomènes. Je me bornerai donc à noter que dans le cas ci-dessus tout contribue à démontrer que la substance vivante extériorisée obéit à la volonté subconsciente du médium. Il faut en inférer que, de même que, grâce à un acte de la volonté du médium cette substance parvint à se modeler en forme de reptile pour monter sur la balance et s'y laisser peser, de même, en d'autres circonstances, elle parvient à revêtir l'aspect de visages humains connus du médium, en démontrant ainsi que la pensée et la volonté subconscientes sont bien des forces plasticisantes et organisatrices. Non seulement ; mais comme d'autres expériences nous apprennent que souvent les traits des visages matérialisés sont inconnus au médium, mais connus des assistants, il faut en déduire que la substance vivante est capable d'obéir à la volonté subconsciente de tierces personnes présentes, ou de subir leur influence par l'intermédiaire du médium. Enfin, comme, en d'autres circonstances, les formes matérialisées, vivantes et parlantes, sont des personnes décédées inconnues au médium et aux assistants, on doit en déduire que la substance vivante extériorisée est susceptible d'obéir à la volonté d'entités spirituelles de défunts, ou de subir leur influence par l'entremise du médium ; ce qui revient au même.
Etant donné cela, il est bien de ne jamais perdre de vue les conclusions exposées, grâce auxquelles on constate que, s'il est vrai que la substance vivante extériorisée obéit constamment à une force organisatrice inhérente à la pensée et à la volonté humaine, il est vrai aussi que cette pensée, cette volonté n'appartiennent pas exclusivement à la personnalité intégrale subconsciente du médium, mais proviennent quelquefois des expérimentateurs, et souvent d'entités spirituelles de décédés.
Je ne m'occuperai pas de cette troisième catégorie de manifestations, puisque le thème que nous examinons ici se rapporte aux cas où la volonté organisatrice est celle du médium et des assistants ; c'est-à-dire, des vivants.
Il ne me reste qu'à passer rapidement en revue quelques cas importants de cette sorte.
Je commence par signaler un phénomène curieux, contre la réalisation duquel il importe que les expérimentateurs sachent se tenir en garde. Il est dû à la docilité avec laquelle la mentalité subconsciente d'un médium à matérialisations absorbe les idées nettement définies formulées verbalement, ou même mentalement, par les expérimentateurs en sa présence. En ce cas, on constate que si l'expérimentateur imagine à priori une théorie plus ou moins mécanique au sujet de la manière dont se réalise un phénomène physique donné, il la verra confirmée a posteriori. Il aura alors l'illusion d'avoir eu l'intuition du vrai, tandis qu'en réalité il n'a fait que suggestionner le médium de manière à le prédisposer à reproduire, avec la substance ectoplasmique, le modèle concret de sa propre théorie. Ainsi, par exemple, le Dr Crawford, professeur de mécanique, ayant imaginé a priori que les lévitations de la table se produisaient grâce à un « bras de levier » fluidique, qui, en sortant de l'organisme du médium, descendait au sol, pour allonger ensuite un bras vertical, pointer sous la table et la soulever, eut la surprise de constater que les épreuves photographiques de ces lévitations lui donnaient absolument raison : le « bras de levier » fluidique existait réellement, et était bien constitué de la façon imaginée par M. Crawford. Mais celte constatation d'un fait ne signifiait nullement que les lévitations des tables en général avaient lieu de cette, manière ; en réalité, c'était la volonté subconsciente du médium qui, ayant accueilli la suggestion verbale de Crawford, lui avait docilement servi le « bras de levier » supposé par lui. Cette explication du phénomène dont il s'agit n'est plus mise en doute par personne.
Il arrive en somme, eu fait de matérialisations, ce qui s'était produit déjà en fait d'hypnotisme, où les premiers chercheurs scientifiques, sans en exclure l'éminent Pr Charcot, avaient nettement formulé, en se basant sur les faits, les lois de la suggestion et les phases spécifiques du sommeil léthargique et cataleptique par lesquelles passaient les patients : lois et phases qui ne représentaient en réalité que la réalisation, grâce à la suggestion, des idées théoriques préconçues des différents hypnotiseurs. C'est ce qu'on observe actuellement à propos du polymorphisme de la substance vivante extériorisée, qui peut revêtir, par suggestion ou autosuggestion, toutes les formes imaginables. Il en résulte que les expérimentateurs doivent se maintenir en des conditions de pensée absolument neutres, relativement aux modalités dans lesquelles se produisent les représentations matérialisées, en réservant aux procédés scientifiques de l'analyse comparée et de la convergence des preuves, la tâche si difficile d'éclaircir le grand mystère. En ce qui concerne les cas de matérialisations plastiques de visages presque toujours plats — il ne me semble pas qu'il soit nécessaire de m'étendre à relater les récits de ces faits, que tous les métapsychistes connaissent : il nous suffira de toucher sommairement aux principaux.
Je rappellerai d'abord que, dès 1865-1870, le Dr N.-B. Wolfe avait obtenu avec le médium Mrs Hollis de magnifiques matérialisations plastiques de visages et de bustes entiers, plats ou en bas-relief, dont le buste coloré au naturel de Napoléon Ier et de l'impératrice Joséphine ; ceci en correspondance avec le fait qu'il était un grand admirateur de Napoléon et qu'il s'occupait d'études sur sa famille.
Plus récemment, des manifestations de cette sorte se sont produites quelquefois avec Eusapia Paladino, ainsi que je l'ai rappelé précédemment, en citant un passage du rapport du colonel de Rochas.
Avec le médium Mlle Linda Garrera on obtint des reproductions de cette nature, dont l'une a soulevé en France et en Italie un tourbillon de polémiques, dues pour la plupart à des journalistes ignorants et prétentieux, qui jugèrent l'occasion excellente pour dénigrer la médiumnité, étant donné que le fait se prêtait superficiellement à des accusations de fraudes. Cette reproduction idéoplastique avait été obtenue à Paris, en présence du Pr Richet, et avait été dûment photographiée. Dans cette photographie on voyait le médium plongé en un sommeil profond, les mains jointes sur la poitrine ; au-dessus d'elle, un peu en arrière, était une tête matérialisée, vue un peu de biais, qui regardait en haut, dans une attitude extatique ; cela parut si anormal aux expérimentateurs, qu'on l'avait nommée la « tête d'un fou ». Or, on ne tarda guère à découvrir que ce visage plasticisé d'extatique était un essai de reproduction de la tête de Saint Jean, peinte par Rubens, tête que le médium avait observé avec admiration, quelques jours auparavant, au Musée du Louvre. La comparaison entre les deux visages ne laisse guère de doutes au sujet de leur identité, quoique la reproduction idéoplaslique soit sensiblement différente dans les détails ; surtout pour les yeux, qui regardant bien en haut, dans la même attitude que dans le tableau de Rubens, mais sortent des orbites, tandis que dans le modèle ils sont normaux et magnifiques. Mais l'on comprend la cause de cette inexactitude idéoplastique : c'est le détail frappant des yeux du Saint, qui, regardant en haut, a les orbites envahies par la cornée blanche, tendant à produire chez l'observateur superficiel l'impression d'yeux sortant des orbites ; impression que le médium a évidemment ressentie, et qu'elle a reproduite idéoplastiquement, en l'exagérant.
Je rappellerai enfin les fameuses expériences de Mme Bisson et du Dr Schrenck-Notzing avec le médium bien connu Mlle Eva C, expériences qui ont contribué plus que toutes les autres à démontrer d'une manière expérimentalement décisive la réalité des phénomènes d'idéoplastie.
On comprend que cette série d'expériences à son tour, a soulevé des polémiques ardentes et haineuses dans les journaux quotidiens et dans les revues de variétés, au sujet du thème de la fraude universelle. Voulant être impartial, je dirai que la circonstance même que le médium Eva C. fournissait les meilleurs exemples d'images idéoplastiques, aisément reconnaissables comme telles, suffisait déjà à laisser prévoir le réveil inévitable des soupçons de fraude parmi ceux qui, ignorant tout ce qui se rapporte à la métapsychique, se considèrent comme étant les plus compétents à en parler. Mais dans le cas dont il s'agit, la mauvaise foi des contradicteurs ressort du fait que, pour soutenir leur point de vue, ils n'ont pas tenu compte des comptes-rendus des séances, qui démontraient irréfutablement l'impossibilité matérielle de la réalisation de leurs insipides fantaisies.
Le Dr de Schrenck-Notzing répondit à tous de manière à obliger au silence ce groupe d'incompétents.
Les portraits idéoplastiques dans lesquels on rencontre de fortes ressemblances avec des personnages politiques et artistiques contemporains ont été sept, sur trente ; pour trois parmi eux l'identité parut incontestable. Ce sont : le portrait du président Wilson, qui avait été publié par la revue Le Miroir, le 17 novembre 1912 ; c'est-à-dire dix jours avant la séance au cours de laquelle il a été reproduit plastiquement ; le portrait du président Poincaré qui avait paru dans la même revue le 21 avril a été reproduit par Eva C. le 6 mars ; et le célèbre tableau de Léonard de Vinci : La Joconde, qui avait été volé, quelques jours auparavant, dans les galeries du Louvre, et reproduit par un grand nombre de journaux.
Il faut remarquer à cet égard que lorsque, dans les expériences dont il s'agit, on parvint à photographier deux ou trois fois de suite, à des intervalles de quelques minutes, le même visage plasticisé, on rencontra toujours des différences très sensibles entre les diverses reproductions de la même figure ; différence qui se rapportaient à la position de la tête, aux contours du visage, à l'expression de la physionomie. Ainsi, par exemple, si dans une première photographie on observait un visage avec les yeux clos à moitié dans la deuxième on remarquait que les yeux étaient tout grands ouverts. Il y avait en outre des perfectionnements très remarquables dans la conformation générale et dans la netteté des traits ; c'est-à-dire, on constatait que dans l'intervalle entre les deux poses, l'image idéoplastique s'était perfectionnée. Or ce fait présente une considérable importance théorique, d'abord parce qu'on est parvenu ainsi à saisir en action le travail artistique de la force plasticisante ; ensuite, parce que ce fait suffit à lui tout seul, à démolir toutes les insipides présomptions de fraude, fondées sur des portraits authentiques ; exposés par le médium. Celui-ci était d'ailleurs systématiquement dépouillé, visité, revêtu et cousu en une sorte de sac en surah, avec des manches serrées aux poignets.
Le Dr de Schrenck-Notzing conclut en ces termes :
« Le fait que les phénomènes ont, dans beaucoup de cas, réalisé des idées du médium, doit être considéré comme un fait constaté au moyen de nombreuses observations. Les résultats de l'idéoplastie dépendent d'une manière étroite de la vie psychique de la personne servant à l'expérience, de sa richesse de souvenirs, ainsi que de l'intensité des conceptions dominant chaque fois. Avec Eva C, les images optiques de la mémoire jouent évidemment le rôle prépondérant (type de conception visuelle). Il s'ensuit que le point principal d'un portrait peut être complètement oublié, tandis qu'un détail peu important (par exemple la forme et le dessin d'une cravate, une verrue, la forme d'une gravure tombant sous les yeux, certaines lignes et types dans la conformation du visage) seront reproduits de la façon la plus précise... » (Annales des Sciences Psychiques, 1914, pp. 141-142).
Le Pr Flournoy remarque à son tour :
« Les souvenirs latents du médium, ou les jeux de son imagination, se matérialisent littéralement au dehors, et deviennent visibles et photographiables, en modelant à leur image la mystérieuse substance sécrétée par son organisme. C'est d'ailleurs l'explication fournie par Eva, elle-même au cours de ses transes : « le médium, dans son somnambulisme, prétend que la substance matérielle palpable n'est qu'un déchet, et que le principal, c'est une force invisible, qui se dégage de lui en même temps que la substance et la façonne comme un sculpteur pétrit sa glaise ». Une sorte de démiurge, quoi, qui crée les objets en imprimant directement dans la matière amorphe les idées qui lui passent par la tête ou les rêves de sou imagination ! » (Annales des Sciences Psychiques, 1914, p. 149).
Il me semble que ce que je viens de dire suffit à démontrer la réalité incontestable des phénomènes d'idéoplastie, dont l'existence était déjà prévue et sous-entendue par les phénomènes analogues de la « photographie de la pensée». Ceux-ci, à leur tour, laissaient déjà prévoir la réalité des phénomènes de l’« objectivation des images » visualisées par les sensitifs. Ces phénomènes confirmaient l'opinion de ceux qui regardaient comme objectives aussi les images hallucinatoires des expériences de suggestion hypnotique et post-hypnotique, ainsi que les images hallucinatoires visualisées par les artistes et les écrivains et, en principe, les hallucinations pathologiques proprement dites. Comme on peut voir, on se trouve en face d'un enchaînement de phénomènes, favorable à notre thèse, puisqu'il s'agit d'une échelle progressive et non interrompue de phénomènes, dans laquelle chaque classe de manifestations confirme les autres et est confirmée par les autres. Il s'ensuit que, si on les considère dans leur ensemble, on constate qu'elles constituent un bloc homogène et synthétisé de résultats expérimentaux, dont la signification ressort évidente et indiscutable pour qui que ce soit : c'est que la Pensée et la Volonté sont des forces plasticisantes et organisatrices.

CONCLUSIONS

La partie démonstrative de cet ouvrage est terminée. Il me reste à parler des grandes transformations qui doivent nécessairement se produire dans les domaines des sciences biologiques, physiologiques, psychologiques et philosophiques, grâce au nouveau concept relatif à la nature de l'esprit humain, concept absolument révolutionnaire, imposé par les faits.
Le Dr Geley remarque à ce sujet :
« Que veut dire ce mot « idéoplastie » ? Il veut dire modelage par l'idée de la matière vivante. La notion de l'idéoplastie imposée par les faits est capitale ; l'idée n'est plus une dépendance, un produit de la matière. C'est au contraire l'idée qui modèle la matière, lui procure sa forme et ses attributs. »
En d'autres termes, la matière, la substance unique, se résout, en dernière analyse, dans un dynamisme supérieur qui la conditionnent ce dynamisme est lui-même sous la dépendance de l'Idée.
Or, cela, c'est le renversement total de la physiologie matérialiste. Comme le dit Flammarion dans son livre admirable : Les Forces naturelles inconnues, ces manifestations « confirment ce que nous savons d'autre part : que l'explication purement mécanique de la nature est insuffisante et qu'il y a dans l'univers autre chose que la prétendue matière. Ce n'est pas la matière qui régit le monde : c'est un élément dynamique et psychique. « Oui, les matérialisations idéoplastiques démontrent que l'être vivant ne saurait plus être considéré comme un simple complexus cellulaire. L'être vivant nous apparaît, avant tout, comme un dynamo-psychisme, et le complexus cellulaire qui constitue son corps n'apparaît plus que comme un portrait idéoplastiqne de ce dynamo-psychisme. Ainsi les formations matérialisées dans les séances relèvent du même processus biologique que la génération. Elles sont ni plus ni moins miraculeuses, ni plus ni moins supra-normales ou, si l'on veut, elles le sont également : c'est le même miracle idéoplastique qui forme, aux dépens du corps maternel, les mains, le visage, les viscères, tous les tissus, l'organisme entier du fœtus ou, aux dépens du corps du médium, les mains, le visage ou l'organisme entier d'une matérialisation ».
Cette singulière analogie entre la physiologie normale et la physiologie dite supra-normale se retrouve jusque dans les détails. Voici un des principaux détails : l'ectoplasme est relié au médium par un lieu nourricier, véritable cordon ombilical, comparable à celui qui relie l'embryon à l'organisme maternel (De l'Inconscient an Conscient, p. 69-70)
Après avoir fait ressortir les grandioses conséquences biologiques, physiologiques et psychologiques qu'entraînera nécessairement la nouvelle théorie sur la puissance créatrice de l'Idée, le Dr Geley se met en devoir de la compléter en remarquant que la faculté idéoplaslique inhérente à l'Idée ne représente qu'une simple unité parmi les multiples facultés supra-normales constituant les attributs spirituels du Moi intégral subconscient. Il dit :
« ...Il est donc certain que l'organisme, loin d'être, comme l'enseignait la théorie matérialiste, le générateur de l'idée, est au contraire conditionné par l'idée et n'apparaît que comme un produit idéoplastique de ce qu'il y a d'essentiel dans l'être, c'est-à-dire son psychisme subconscient. »
Mais ce n'est pas tout encore.
Ce subconscient, qui a en lui les capacités directrices et centralisatrices du moi, dans toutes ses représentations, a aussi le pouvoir de s'élever au-dessus de ces représentations mêmes.
Les facilités de télépathie, d'action mento mentale ou de lucidité sont des facultés qui échappent aux représentations parce qu'elles échappent précisément aux conditions dynamiques ou matérielles qui les régissent.
Le subconscient est au-dessus du cadre même des représentations, c'est à dire du temps et de l'espace, dans l'intuition, le génie et dans la lucidité.
Ainsi la thèse que Carl du Prel avait soutenue dans des œuvres admirables d'intuition ; que Myers avait basée sur une documentation solide et nous-même sur un raisonnement qui n'a pas été refusé, s'offre maintenant, dans toute son ampleur, à l'examen et à la discussion des savants et des penseurs de bonne foi.
On peut l'affirmer sans réserve :
Il y a, dans l'Etre vivant, un dynamo-psychisme qui constitue l’essentiel du moi, et qui ne peut absolument pas se ramener au fonctionnement des centres nerveux. Ce dynamo-psychisme essentiel n'est pas conditionné par l'organisme ; bien an contraire, tout se passe comme, si l'organisme et le fonctionnement cérébral étaient conditionnés par lui (Ibid, 142-143).
Cette nouvelle définition scientifique de l'Etre vivant ressort irréfutable et certaine par suite de ce grand événement : qu'elle a pu être démontrée par les faits. C'est la définition selon laquelle la Pensée et la Volonté sont des forces plasticisantes et organisatrices. Et la valeur théorique de cette démonstration est si énorme, qu'elle inaugure infailliblement une nouvelle époque scientifique, en faisant d'abord écrouler totalement les constructions imposantes mais fictives, bâties laborieusement par des groupes nombreux de chercheurs appartenant à toutes les branches du savoir : constructions fondées sur le faux postulat de la toute-puissance de la matière, tandis que la construction du temple devra se fonder sur le postulaire diamétralement opposé : la toute puissance de l'esprit. Je remarquerai toutefois que la démolition de l'ancienne construction scientifique ne signifie nullement que les représentants du savoir aient travaillé en vain durant un siècle entier. Loin de là ! le nouveau temple du savoir devra être rebâti avec les précieux matériaux tirés de la démolition de l'ancienne construction. Ces matériaux étaient bons, mais la bâtisse était mal placée, parce qu'elle s'élevait sur les sables trompeurs des apparences phénoméniques, joints à des préjudices d'école et était fatalement destinée à s'écrouler dès que la Réalité qui se cache sous les apparences émergerait par suite d'une analyse plus profonde des phénomènes de la vie.
Ce qui précède concerne le point de vue scientifique de la question. En passant au point de vue philosophique, il importe d'envisager certaines inductions grandioses qui émergent spontanément de la thèse dont nous nous occupons.
Le professeur Hyslop, partant de quelques recherches beaucoup plus circonscrites que ne le sont celles envisagées dans cet ouvrage, puisqu'il s'était borné à examiner les phénomènes de « télékinésie » (mouvements d'objets sans contact), est parvenu aux mêmes conclusions relativement au fait de l'Idée qui exerce un pouvoir direct sur la matière, et il les employa à signaler la grandiose portée philosophique de ces constatations. Il écrit en effet :
« Si l'on parvenait un jour à démontrer l'existence authentiquement supra-normale de phénomènes physiques rattachés à des phénomènes intellectuels de nature supra-normale, de manière à pouvoir assigner à tous les deux la même cause, on atteindrait ainsi des conclusions qui présenteraient une grandiose valeur cosmique. La découverte que l'intelligence extra organique est capable de mouvoir la matière sans l'intervention de moyens normaux — même si la médiumnité est, la plupart du temps, associée à ces mouvements — équivaudrait à considérer ouvert le problème concernant les rapports entre l'intelligence et le mouvement. Si l'on parvenait, d'autre part à établir l'autre fait concomitant de la télékinésie due à des intelligences étrangères ; c'est-à-dire si l'on parvenait à établir l'existence de mouvements d'objets sans contact, obtenus grâce à l'intervention directe d'entités désincarnées, ce fait équivaudrait à considérer ouvert l'autre problème sur l'existence d'une Intelligence qui gouverne le Mouvement de l'univers » (Contact with the Other World, p. 337).
Comme on peut voir, le professeur Hyslop, en se basant sur des déductions tirées des pouvoirs de l'intelligence humaine « incarnée » sur les mouvements d'objets sans contact et des pouvoirs analogues, inhérents aux intelligences humaines à désincarnées », s'élève à envisager les mêmes pouvoirs dans ses rapports incontestables avec la puissance analogue, immanente dans l'univers infini ; ce qui le porte à conclure que l'on rencontre dans l'intelligence humaine finie un attribut qui caractérise l'Intelligence infinie, qui détermine et règle le Mouvement universel. D'autre part, si l'on ajoute aux spéculations du professeur Hyslop relativement aux phénomènes de télékinésie, les résultats que j'ai énoncés au sujet des autres pouvoirs, beaucoup plus prodigieux, de l'Idée (capable même d'organiser la matière vivante), on remarque que le parallélisme, complété ainsi, manifeste plus que jamais l'existence d'attributs communs entre « Intelligence finie » et « Intelligence infinie ». Ces attributs, s'ils sont partagés en des proportions infinitésimales par les individualités pensantes, s'ils sont quantitativement insignifiants en face de la toute puissance divine, sont néanmoins qualitativement analogues à celle-ci ; et cela prouve que l'intelligence humaine doit être regardée comme une parcelle individuelle de l'Intelligence Infinie, immanente dans l'univers.
Ces grandioses inductions sont philosophiquement légitimes ; mais il y a bien d'autres analogies qui émergent spontanément du nouveau concept de l'être. Le professeur William Barrett remarque :
« La Création n'est que la pensée extériorisée de Dieu, et cet attribut de la Divinité nous le partageons dans une mesure très limitée, en tant que des parcelles de l' « Intelligence Infinie » (On the Threshold of the Unseen, p. 154).
Et un peu plus loin :
« Nous sommes amenés par cela à émettre le postulat de l'existence d'une Intelligence Suprême, et à considérer l'univers comme une expression de la pensée divine, soutenue perpétuellement par sa volonté divine. C'est incontestablement la plus rationnelle et la plus sûre interprétation de la nature. » (Ibid., p. 273).
Remarquons que dans ce dernier passage, M. Barrett, disant que l'univers est l'expression de la pensée divine, soutenue perpétuellement par sa Volonté, affirme une idée qui est liée par une étroite analogie avec les manifestations de l'idéoplastie et des formes de la pensée : c'est que, hormis en des circonstances spéciales, les créations de la pensée persistent, à condition que la pensée créatrice ne cesse pas de les penser ; lorsqu'elle cesse de les soutenir en les pensant, ces créations se dissipent aussitôt. Il arrive en somme, pour les créations de la pensée humaine, ce que Barrett pense que l'on doit arguer à l'égard de l'action incessante de la pensée créatrice de l'intelligence Suprême, action incessante, philosophiquement nécessaire pour expliquer l'univers et l'ordre admirable qui règne en lui d'une manière permanente. On devrait donc en conclure que, si l'action incessante de la pensée de Dieu, objectivée dans les astres innombrables qui peuplent l'univers, dans la loi de gravitation qui les gouverne, dans l'existence même de l'espace et du temps, venait à manquer un seul instant, les mondes se dissoudraient dans le néant.
Paul Le Cour, dans une longue étude parue dans les Annales des Sciences Psychiques (1913, p. 161), et intitulée : Nébuleuses médiumniques et nébuleuses astronomiques, a fait remarquer d'une manière impressionnante les analogies existantes entre les modalités dans lesquelles se produisent, se condensent, se transforment les nébuleuses médiumniques, et les formes multiples dans lesquelles se condensent les nébuleuses astronomiques, dans lesquelles on observe un mouvement rotatoire autour du centre de gravité du système, ainsi que des formes prédominantes sphéroïdales et spiraloïdales ; ce que l'on note aussi dans les nébuleuses médiumniques. Il en déduit que, s'il est vrai — et c'est incontestablement vrai — que la force en action dans les nébuleuses médiumniques provient de la volonté subconsciente du médium, alors la force en action dans les nébuleuses astronomiques provient de la Volonté d'une Intelligence Infinie immanente dans l'univers, éternellement agissante.
Et en se rapportant aux expériences du Dr Ochorowicz, il remarque :
« Il me semble que nous saisissons à son origine le processus évolutif de la condensation de l'éther. Il est même curieux de constater que les petites nébuleuses idéoplastiques dont il s'agit se présentent elles aussi sous une forme tantôt sphéroïdale, tantôt aplatie elliptiquement. Certaine même, examinée à la loupe, se décomposait en une spirale prolongée en dehors de la boule centrale et formait quatre tours de plus en plus faibles, sorte de serpent roulé sur lui-même et dont la tête, une tâche plus claire, constituait le noyau. C'est là exactement la description de certaines nébuleuses célestes du type de celles des « Chiens de chasse », la forme spirale étant une des plus répandues et cette forme semble correspondre à un certain stade de l'évolution de la masse nébuleuse. »
L'auteur synthétise dans les termes suivants les résultats de son analyse comparée :
« Comme on l'a vu, les transformations de la matière des nébuleuses médiumniques et celles des nébuleuses célestes présentent un certain nombre d'analogies frappantes. On peut les résumer ainsi :
1° Elles sont formées des mêmes éléments (ou du même élément, l'éther), en vertu de la théorie de l'unité de la matière ;
2° Elles se forment les unes et les autres dans l'obscurité ;
3° Elles possèdent une luminosité d'origine probablement électrique et émettent des rayons ultra violets ;
4° Dans les unes comme dans les autres, l'évolution se fait par rotation des éléments constitutifs, formations sphéroïdales, etc. ;
5° Enfin les unes comme les autres aboutissent par condensation progressive à la formation de corps solides.
Mais si nous admettons que la cause originelle des nébuleuses médiumniques est la volonté du médium, et qu'elles sont constituées par des matériaux empruntés à leur propre organisme, il faudrait maintenant, pour continuer le parallélisme, hasarder les deux propositions suivantes ;
6° Les nébuleuses astronomiques sont également des idéoplasties créées par la Volonté d'un être conscient, infiniment plus puissant que l'humble médium générateur des matérialisations ;
7° Cet Etre constitue aussi de sa propre substance les nébuleuses génératrices des mondes. Ces hypothèses sont-elles absurdes ? »
Certes, nous touchons ici aux propositions les plus ardues de la métapsychique, à des questions qui ne seront peut-être jamais résolues, bien que, depuis qu'il y a des êtres pensants sur la terre maintes et maintes théories aient été émises à leur sujet. Or je ne puis m'empêcher d'être frappé en constatant que parmi tant de systèmes, il y en a un, et précisément le plus ancien, rejeté et repris successivement au cours des âges, qui s'adapte exactement aux hypothèses auxquelles nous sommes parvenus.
Je veux parler de la vieille doctrine panthéiste que nous trouvons à l'origine de l'histoire de la philosophie, de cette vieille doctrine des Védas d'après laquelle la force unique appelée Brahma par les Hindous est la seule cause de l'Univers, qui n'est qu'un produit de l’idéation divine, cette force unique devenant toutes choses sans cesser d'ailleurs d'être elle-même.
En suivant la filiation de ces idées depuis ces temps lointains jusqu'à l'époque moderne, nous les retrouvons notamment chez les Stoïciens qui divinisaient la nature ; chez Plotin, Jamblique et Proclus déclarant que Dieu est tout, que tout est Dieu, et que les êtres ne sont que des émanations de la divinité : chez Saint Paul lui-même proclamant « qu'en Dieu nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes ».
Plus tard, c'est Giordano Bruno qui professa le panthéisme le plus résolu, le plus enthousiaste et le plus religieux ; c'est Spinoza surtout, ce profond penseur que l'on nous représente affranchi de toute ambition matérielle, inaccessible à toute séduction, partageant ses heures entre l'étude et le travail manuel, vivant avec 4 sous par jour en polissant des verres de lunettes astronomiques. Spinoza nous a donné la plus vigoureuse expression du panthéisme. Dieu, a-t-il dit, est la seule substance, renfermant en elle toute existence ; il est la cause immanente de tout ce qui est. Des attributs infinis de Dieu nous ne connaissons que la pensée et l'étendue, le monde est l'ensemble des modes de ces deux attributs. Le corps provient de l'attribut étendu, l'âme de l'attribut pensée. L'âme est une pensée de Dieu ; elle lui est identique en substance...
Enfin, plus récemment encore, les monistes ont exposé également l'idée grandiose d'une cause unique, à la fois force et matière dont tout procède. Seulement, pour eux, l'esprit, l'intelligence n'est que le produit de la matière, produit qui a évolué au fur et à mesure qu'évoluaient les formes matérielles. L'âme, disent-ils, n'est qu'un complexus de fonctions cérébrales, la cause unique et inintelligente.
Nous avons vu que l'on pouvait arriver à une conclusion opposée.
Ainsi donc la grande idée philosophique du panthéisme, partagée par d'illustres penseurs de tous les temps, paraît pouvoir s'appuyer sur cette comparaison de la genèse des mondes et des matérialisations, des effets analogues devant avoir des causes identiques.
L'application de ce dernier axiome scientifique aux conclusions auxquelles était parvenu M. Paul Le Cour, en se fondant sur les analogies existant entre les nébuleuses médianimiques et les nébuleuses astronomiques, semblera beaucoup plus légitime et plus efficace si l'on tient compte cumulativement de ses recherches et des nôtres relativement au grand fait, que la pensée et la volonté sont des forces plasticisantes et organisatrices dans toutes leurs manifestations. Il ressort en effet de cela que nous sommes parvenus, chacun de son côté, à des conclusions identiques, grâce à l'analyse comparée des différents phénomènes ; ce qui constitue une confirmation réciproque des conclusions dont il s'agit.
En ces conditions, il faudra reconnaître que le « panthéisme» paraît le système philosophique qui convient le mieux pour interpréter d'une manière accessible à nos intelligences finies, le grand mystère de l'univers. Entendons-nous : en disant cela, je fais allusion au « panthéisme » compris en sens spiritualiste, et pas du tout dans le sens matérialiste. Nous avons fait remarquer déjà que cette dernière version du « panthéisme », qui revêt le nom de « monisme », est irrémédiablement condamnée par suite de la démonstration que les fonctions de la pensée ne sont pas conditionnées par le cerveau, mais que les fonctions du cerveau sont conditionnées par la pensée ; en d'autres termes, par suite à la démonstration que la Pensée et la Volonté sont des formes plasticisantes et organisatrices.
Le concept panthéiste-spiritualiste de l'univers amène nécessairement à en formuler un autre complémentaire, que j'ai soutenu déjà dans un autre de mes travaux : c'est la conception de « l'Ether-Dieu ». Ne voulant pas me répéter, je rapporte à ce sujet une belle page du Rév. John Page Hopp, qui écrit :
« Les conclusions auxquelles la Science est parvenue sont les suivantes : qu'il y a dans l'univers un laboratoire universellement diffus, dont les Formes et la Vie tirent leur origine ; c'est dans lui et de lui que se propage chaque mouvement (qui est la cause des Formes et de la Vie). A défaut d'un terme plus exact — dont nous aurions besoin — cette substance omniprésente et apparemment omnisciente est connue sous le nom d'éther. Et cet éther, qui remplit l'espace infini, et qui n'est plus de la matière dans la signification ordinaire du mot, puisqu'il n'est pas atomique, n'oppose pas de résistance à la translation des astres, et n'est pas sujet à la loi de la gravitation. Il est la substance qui pénètre toutes les choses existantes, bien qu'elle soit en elle-même si subtile, qu'elle échappe à toute analyse. En outre, lorsqu'on examine la matière dans sa constitution primitive et l'on parvient à l'atome, on constate que celui-ci, en dernière analyse, se dissipe à son tour dans l'éther. Bref : ce n'est que grâce à cet Océan Spirituel infini (comment le dénommer autrement ?), que la matière existe ; ce n'est qu'en vertu de cette mystérieuse Essence que les Formes et le Mouvement se manifestent.
Or il ne peut y avoir de meilleures considérations que celles que nous venons d'exposer pour nous aider à concevoir une idée rudimentaire de la Divinité, en qualité d'Essence Suprême omnisciente, omniprésente, toute puissante, créatrice de l'univers, dans laquelle nous vivons, nous existons, nous agissons, dans la plus stricte signification du mot ; dont tout provient, où tout rentre...
Mais nous devons nous arrêter là, car nous ne savons pas et ne comprenons pas les modes d'existence de cette Vie et Puissance infinie et omniprésente, comme nous ne savons rien, nous ne comprenons rien de notre existence même. Tout ce que nous pouvons affirmer, c'est que, en conséquence d'une impérieuse nécessitée logique, nous sommes obligés à inférer une Cause Première. D'autre part, il y a le fait de l'existence d'une Essence mystérieuse et omniprésente, qui contient toute chose, tout mouvement, Essence que nous appelons Ether et qui n'est absente nulle part, qui est le commencement et la fin de tout atome ; et ce fait nous fournit la seule possibilité de nous rapprocher de quelque manière, par l'entremise de la science, à la conception d'un Dieu omniprésent... » (Light, 1900, p. 535 et 552).
Arrêtons-nous un instant à réfléchir, pour bien saisir la valeur des arguments qu'apporte à la conception de l'Ether-Dieu la théorie de la Pensée et de la Volonté, forces plasticisantes et organisantes.
On a vu que le docteur Geley, en examinant les phénomènes idéoplastiques, a été amené à formuler une conception analogue, selon laquelle l'univers serait dominé par un « psycho-dynamisme immanent », créateur de toutes formes de Vie, qui, à son tour, serait à la dépendance d'une « Idée directrice ». Je remarquerai en passant que « l'Idée directrice » du docteur Geley n'est que « l'Idée directrice » du professeur Claude Bernard ; ce qui prouve que la nécessité d'aboutir à cette conception de la Vie est tellement impérieuse pour la raison éclairée de la Science, que le plus illustre physiologue des temps modernes s'est trouvé rationnellement obligé de la formuler, en la plaçant à la base de son système de physiologie.
Ceci dit, je remarquerai une fois encore qu'une fois que l'on a établi l'existence d'une « Idée directrice » dans les phénomènes de la Vie, elle entraîne inévitablement à formuler l'existence d'une Intelligence immanente dans l'Univers, exerçant sans cesse, simultanément, son influence directrice dans tous les règnes de la nature ; parfois sous forme d'affinité chimique dans le domaine de la matière, parfois sous forme d'instinct dans le règne animal, d'autres fois sous forme d'émergences subconscientes, ou intuitives, ou intelligentes dans l'espèce humaine. En d'autres mots : il est évident que les recherches sur les modes par lesquels agirait l'Idée directrice du docteur Geley et du professeur Claude Bernard, amènent nécessairement au concept de l'Ether-Dieu.
Une fois arrivés là, il paraît sage de s'arrêter avec les inductions et les spéculations philosophiques, étant donné qu’il ne sera jamais loisible à un mortel de soulever le voile qui cache la genèse de la Vie, car autant vaudrait vouloir pénétrer la genèse de l'Univers et la nature de Dieu. Contentons-nous donc d'examiner timidement un autre mystère, qui paraît actuellement moins impossible à étudier, grâce aux investigations métapsychiques : c'est le mystère qui contemple les modalités par lesquelles l'Idée directrice exercerait son influence sur la matière vivante.
Un ancien poète anglais, Edmond Spenser, avait écrit à cet égard le vers suivant, très suggestif : « For soul is form and doth the body make » ; c'est à dire que le phénomène dont nous nous occupons aurait lieu « parce que l'âme est déjà une Forme, et qu'elle organise le corps » sur le moule de sa propre Forme éthérique. Or, on constate aujourd'hui qu'il y a des sensitifs clairvoyants qui, en observant une plante en voie de germination, ou bien la larve d'un insecte, déclarent spontanément, sans que personne n'ait jamais songé à quelque chose de semblable, qu'ils aperçoivent autour de la plante en voie de germination la forme fluidique de la plante en plein développement, avec ses fleurs ; autour de la larve, la forme fluidique de l'insecte adulte ; ce qui paraît extraordinairement significatif dans le sens dont le poète Edmond Spenser avait eu l'intuition ; c'est à dire que les formes fluidiques des végétaux, des animaux et des êtres humains apparaîtraient préalablement sur les formes organiques en voie de développement ; ce qui fait que, par la loi des affinités, les molécules de matière vivante seraient à même de graviter infailliblement dans l'organe qui est de leur compétence, grâce au modèle fluidique existant, dans lequel était déjà déterminé d'avance le point exact dans lequel chaque molécule devait se placer.
Voici deux exemples qui aideront à comprendre.
Le professeur F. M. Melton écrit :
« Il y a réellement une différence caractéristique entre l'éther immanent dans la matière organique, et l’ectoplasme immanent dans la matière organique. Ce qu'on appelle un « ectoplasme » est en réalité de l' « éther vitalisé ». Cet « éther vitalisé », non seulement n'a perdu aucune de ses propriétés caractéristiques, mais en a acquis une autre : la faculté de prendre part au formidable mystère de la vie. La forme éthérique ou ectoplasmique est le modèle, l'archétype sur lequel sont construites les formes organisées correspondantes : les formes éthériques précèdent toujours celles organisées dans leurs différentes phases de développement.
Je vais illustrer cette idée en ayant recours à un exemple tiré de mes recherches expérimentales. Lorsque j'ai commencé à expérimenter avec le clairvoyant M. B.. celui-ci m'expliqua que la forme ectoplasmique d'une rose parvenait à son épanouissement complet avant que la rose réelle y parvint. A ce sujet, il me suggéra de photographier un bouton de rose, autour duquel il avait exercé son action fluidique dans le but de rendre suffisamment substantielle la forme ectoplasmique existante, en son plein développement, autour du bouton de rose. Sur la photographie que nous avons obtenue, nous avons compté soigneusement les pétales de la rose fluidique et lorsque la rose réelle s'épanouit et se développa, j'ai constaté qu'elle était une exacte reproduction de la rose fluidique photographiée, avec le même nombre de pétales que nous avions comptés sur la rose fluidique » (Light, 1921, p. 448).
Voici deux autres exemples du même genre. L'auteur anglais B. A. Marriott écrit :
Au cours d'une séance avec le médium Mme Dowden (Mme Travers-Smith), j'ai demandé à la personnalité qui se communiquait (celle de ma femme) si elle savait me dire quels étaient à ce moment les petits animaux que j'élevais dans la maison. On me répondit en épelant lentement les lettres : « Teignes ». Or la circonstance curieuse consiste en ceci, qu’il s’agissait réellement d'une espèce rare de teignes (que la décédée n'avait certainement jamais vue au cours de son existence terrestre), qui étaient encore à l'état de chenilles de l'âge d'un mois ; il faut de dix à douze semaines pour qu'elles se transforment en teignes ». Ayant fait remarquer à la personnalité qui se communiquait que mes « teignes » se trouvaient encore dans la phase larvaire de « chenilles », elle répondit qu'elle les avait vues à l’état qu'elles devaient atteindre au moment de leur plein développement ; c'est-à-dire à l'état de « teignes ». Il ressort de cela que, pour la vision spirituelle la seule phase qui est perceptible est celle du plein développement du « corps astral » !...
Dans une autre occasion, j'ai demandé à la même personnalité médiumnique si un paysage que j'aimais beaucoup sur les Dunes lui paraissait tel qu'il paraissait à moi. On ma répondu : « Oui, mais je vois beaucoup plus que ce que vous voyez. J'aperçois les formes de tous les bourgeons et de toutes les fleurs qui doivent se développer plus tard ». Et cette autre réponse ne fait que confirmer la précédente (Light, 1925, p. 341).
Tels sont les faits qui se prêtent, il me semble, à des inférences révélatrices au sujet du mystère de l'Etre et des modalités dans lesquelles se manifeste l'Idée directrice qui règle les phénomènes de la vie. On devrait donc en conclure ceci : dans les phénomènes de l'idéoplastie, l'Idée directrice, née dans la subconscience du médium, ou dans la volonté d'une entité de défunt, s'extériorise dans une forme fluidique correspondante qui attire à elle les molécules de l'ectoplasme ; celles-ci, grâce à la loi de l'affinité, vont se placer dans cette forme archétype, ainsi que dans l'organe qui leur revient, en créant en quelques instants un être vivant parfaitement organisé. De même, l'Idée directrice qui règle l'origine et l'évolution des espèces végétales, animales et humaines dans le milieu terrestre, s'extériorise en une forme fluidique qui précède la création somatique, dont les phases ultérieures de développement sont également précédées par les forme-archétypes fluidiques correspondantes, destinées à servir de modèle autour duquel devra graduellement se condenser la matière vivante, qui parvient à l'individualité végétale, animale et humaine, grâce à la nutrition physiologique.
Je renonce, pour ne pas être prolixe, à développer ultérieurement ce thème, pourtant si intéressant. En revenant à la thèse fondamentale traitée dans cet ouvrage, je remarquerai que, en conséquence de ce que nous avons dit jusqu'ici, on relève une circonstance digne d'attirer l'attention, puisqu'elle coïncide avec d'autres circonstances analogues que j'ai signalées déjà dans mes ouvrages précédents. C'est que, quel que soit le point de vue auquel on veuille envisager les manifestations métapsychiques, même en le faisant au point de vue insoutenable de leur origine exclusivement animique, on est amené également, nécessairement à la démonstration de l'existence et de la survivance de l'âme. Cela est tellement vrai, qu'en cet ouvrage, dans lequel nous avons pris en considération les théories soutenues par les adversaires de l'hypothèse spirite, nous avons néanmoins démontré que ces théories sont loin de revêtir la signification que leur attribuent leurs défenseurs. Ces derniers s'illusionnent en pensant qu'ayant prouvé l'origine idéoplastique d'une partie des phénomènes de la « photographie de la pensée. » et des « matérialisations », ils avaient ainsi frappé d'un coup mortel l'hypothèse spirite. Loin de là, ils avaient, au contraire, contribué à l'appuyer. En effet, avec leurs démonstrations, ils avaient contribué puissamment à abattre le matérialisme scientifique, en prouvant, par des faits, l'existence dans la subconscience humaine d'un principe spirituel ; celui-ci, doué non seulement de facultés spirituelles indépendantes de la loi d'évolution et dégagées des liens de l'espace et du temps, semblait posséder une force plasticisante et organisatrice capable de créer en un instant un organisme humain vivant. Or ceci contribuait admirablement à confirmer la supposition de l'existence dans l'homme d'un moi intégral subconscient, préexistant et survivant à la mort de ce corps qu'il avait lui-même créé pour ses fins. Qui ne voit pas que ces conclusions constituent la thèse fondamentale des défenseurs de l'hypothèse spirite ? En d'autres mots, il est évident que si nos contradicteurs contribuent si efficacement à démontrer l'existence et la survivance de l'âme, ils n'ont plus raison de s'opposer, au nom de la science, à la possibilité que les personnalités spirituelles des décédés parviennent eu, des circonstances données à se manifester aux vivants. Il est clair que cette dernière démonstration dépend exclusivement de l'existence de manifestations médiumniques inexplicables par les théories animiques. Or ces manifestations abondent dans toutes les branches des phénomènes envisagés ici. Nous en avons fourni quelques exemples à propos de la « photographie transcendantale » ; nous n'avons pas jugé nécessaire d'en fournir pour la catégorie des matérialisations, uniquement parce que nous avons traité à fond ce sujet dans un livre de date récente : A propos de l'Introduction à la Métapsychique humaine.
Concluons :
Par la démonstration expérimentale que la Pensée et la Volonté sont des forces plasticisantes et organisatrices — démonstration qui a été confirmée par le consentement unanime de tous les chercheurs, favorables ou contraires à l'hypothèse spirite — nous sommes parvenus à obtenir les objectifs scientifiques suivants, qui revêtent une immense valeur théorique :
1° Nous sommes parvenus à démolir irrémédiablement le matérialisme scientifique, en prouvant que ses défenseurs ont été entraînés en erreur par les apparences, grâce auxquelles ils avaient conclu erronément que la pensée est une fonction du cerveau, tandis que l'examen approfondi des phénomènes métapsychiques, en nous révélant la Réalité qui se cache sous les apparences, a démontré précisément le contraire : c'est-à-dire que le cerveau est conditionné par la pensée.
2° Nous sommes parvenus à confirmer ultérieurement l'hypothèse spirite par de nouvelles preuves complémentaires en faveur de l'existence et de la survivance de l'âme ; preuves capables de conférer à cette hypothèse une solidité scientifique inébranlable.
3° Nous avons enfin démontré que la conception panthéiste de l'univers, qui, conformément à toutes les conceptions philosophiques, était exclusivement fondée sur les postulats incertains de l'abstraction pure, était au contraire susceptible d'être discutée et soutenue en se basant sur les procédés scientifiques de l'analyse comparée.

TABLE DES MATIERES

LES FORCES IDÉOPLASTIQUES    2
FORMES DE LA PENSÉE    6
PHOTOGRAPHIE DE LA PENSÉE    11
IDEOPLASTIE    29
CONCLUSIONS    35