L’ÂME EST IMMORTELLE
GABRIEL DELANNE
PREFACE
Le spiritisme est venu projeter un jour nouveau sur le problème de la nature de l'âme. En faisant intervenir l'expérimentation dans la philosophie, c'est-à-dire dans une science qui n'employait comme instrument de recherche que le sens intime, il a permis de voir l'esprit d'une manière effective, et de se rendre compte qu'il avait été très mal connu jusqu'alors.
L'étude du moi, c'est-à-dire du fonctionnement de la sensibilité, de l'intelligence et de la volonté, fait percevoir l'activité de l'âme au moment où elle s'exerce, mais elle ne nous dit rien sur le lieu où se passent ces phénomènes, qui semblent n'avoir d'autre relation entre eux que celle de la continuité. Les récents progrès de la psychologie physiologique ont, cependant, établi qu'il existe une étroite dépendance entre la vie psychique et les conditions organiques de ses manifestations. À tout état de l'âme correspond une modification moléculaire de la substance cérébrale, et réciproquement. Mais là s'arrêtent les observations, et la science est incapable de nous expliquer pourquoi la matière qui remplace celle qui est détruite par l'usure vitale conserve les impressions antérieures de l'esprit.
L'expérience spirite vient à point pour combler cette lacune : elle nous prouve que l'âme n'est pas une entité idéale, une substance immatérielle sans étendue, mais qu'elle est pourvue d'un corps subtil, dans lequel s'enregistrent les phénomènes de la vie mentale et auquel on a donné le nom de périsprit. De même que dans l'homme vivant, il faut distinguer l'esprit de la matière qui l'incorpore, de même il ne faut pas confondre le périsprit avec l'âme. Le moi pensant est tout à fait distinct de son enveloppe, et ne pourrait pas plus s'identifier avec elle que le vêtement avec le corps physique ; cependant, il existe, entre l'esprit et le périsprit, les plus étroites connexions ; car ils sont inséparables, comme nous le verrons plus loin.
Est-ce à dire pour cela que nous avons trouvé la véritable nature de l'âme ? Non, car elle nous demeure encore inaccessible, aussi bien d'ailleurs que l'essence de la matière ; mais nous avons découvert une condition, une manière d'être de l'esprit, qui explique une quantité de problèmes insolubles jusqu'alors.
Les conceptions sur la nature de l'âme humaine ont évolué, au cours des âges, depuis la matérialité la plus grossière jusqu'à la spiritualité absolue. Les travaux des philosophes, aussi bien que les enseignements religieux, nous ont habitués à considérer l'âme comme une pure essence, une flamme immatérielle. Ces vues si différentes tiennent à la matière dont on envisage l'âme. Si on l'étudie objectivement, en dehors de l'organisme humain, pendant les apparitions, elle parait parfois aussi matérielle que le corps physique. Si on l'observe en soi, il semble que sa seule caractéristique soit la pensée. Toutes les observations de la première catégorie ont été reléguées parmi les superstitions populaires et l'idée d'une âme sans corps a prévalu. Dans ces conditions, il devenait impossible de comprendre par quel procédé cette entité pouvait agir sur la matière du corps ou en recevoir des impressions. Comment imaginer qu'une substance sans étendue, et par conséquent hors de l'étendue, puisse agir sur l'étendue c'est-à-dire sur des corps matériels ?
En même temps que sa spiritualité, on nous enseigne l'immortalité de l'âme. Comment s'expliquer que cette âme conserve des souvenirs ? Ici-bas, nous avons un corps défini par la forme de notre enveloppe physique, un cerveau qui parait enregistrer les archives de notre vie mentale ; mais quand ce corps meurt, quand ce substratum physique est détruit, que deviendront les souvenirs de notre existence actuelle, où donc se localiseront les acquisitions de notre activité psychique sans lesquelles il n'est pas de vie intellectuelle possible ? L'âme est-elle destinée à se fondre dans l'erraticité, à s'évanouir dans le grand Tout, en perdant sa personnalité ?
Ces conséquences sont rigoureuses, car l'âme ne saurait subsister dans l'espace sans une forme qui l'individualise. Une goutte d'eau dans l'océan est indiscernable de ses voisines, elle ne se différencie des autres parties du liquide que si elle est contenue dans quelque chose qui la délimite, ou si, isolée, elle prend la forme sphérique, sans quoi elle se perd dans la masse, et n'a plus d'existence distincte.
Le spiritisme nous fait constater que l'âme est toujours inséparable d'une certaine substantialité matérielle ; mais affectant une modalité spéciale, infiniment raréfiée, dont nous chercherons à définir l'état physique. Cette matière possède des formes variables d'après le degré d'évolution de l'esprit, et suivant qu'il habite sur la terre ou dans l'espace. Le cas le plus général est que l'âme conserve temporairement, après la mort, le type qu'avait le corps physique ici-bas. Cet être invisible et impondérable peut parfois, dans des circonstances déterminées, revêtir un caractère suffisant d'objectivité pour affecter les sens et impressionner la plaque photographique, laissant ainsi des traces durables de son action, ce qui met hors de cause toute tentative d'explication de ce phénomène par l'illusion ou l'hallucination.
Notre but, dans ce volume, est de présenter quelques-unes des preuves que l'on possède actuellement de l'existence de cette enveloppe, à laquelle on a donné le nom de PÉRISPRIT (de peri, autour, spiritus, l'esprit).
Pour cette démonstration nous ferons appel, non seulement aux spirites proprement dits, mais aussi aux magnétiseurs spiritualistes et aux savants indépendants qui ont commencé à explorer ce domaine nouveau ; en même temps, il nous sera possible de constater que la corporéité de l'âme n'est pas une idée neuve, qu'elle a eu des partisans nombreux depuis que l'humanité se préoccupe de la nature du principe pensant.
Nous verrons d'abord que l'antiquité, presque tout entière, admît plus ou moins cette doctrine; mais les connaissances que l'on possédait sur ce corps éthéré étaient vagues et incomplètes. Puis à mesure que se creusait le fossé entre l'âme et le corps, que les deux substances se différenciaient davantage, une foule de théories cherchèrent à expliquer leur action réciproque. Ce sont les âmes mortelles de Platon, les âmes animales et végétatives d'Aristote, l'ochema et l'eïdolon des Grecs, le néphesch des Hébreux, le bai de Egyptiens, le corps spirituel de Saint-Paul, les esprits animaux de Descartes le médiateur plastique de Cudworth, l'organisme subtil de Leibnitz, ou son harmonie préétablie ; l'influx physique d'Euler, l'archée de Van Helmont, le corps aromal de Fourier, les idées-force de M. Fouillée, etc. Toutes ces hypothèses, qui par certains côtés côtoient la réalité, n'ont pas le degré de certitude que comporte le spiritisme, car celui-ci n'imagine pas : il constate.
L'esprit humain, par le seul effort de ses spéculations n'est jamais sûr d'y être parvenu. Il lui faut le secours de la science, c'est-à-dire de l'observation et de l'expérience, pour asseoir sa certitude. Ce n'est donc pas guidés par des idées préconçues que les spirites enseignent l'existence, du périsprit ; c'est purement et simplement parce qu'elle est pour eux un résultat de l'observation.
Les magnétiseurs étaient arrivés déjà, en suivant d'autres méthodes, au même résultat. Nous verrons, par la correspondance échangée entre Billot et Deleuze, aussi bien que par les recherches de Cahagnet, que l'âme, après la mort, conserve une forme corporelle qui l'identifie. Les médiums, c'est-à-dire les personnes qui jouissent - à l'état normal - de la faculté de voir les Esprits, confirment absolument le témoignage des somnambules.
Ces récits constituent une série de documents qui ont une grande valeur, mais qui ne nous donnent pas encore une preuve matérielle ; aussi nous constaterons que les spirites ont fait tous leurs efforts pour fournir cette expérience inattaquable, et qu'ils y sont parvenus. Les photographies d'Esprits désincarnés, les empreintes laissées par eux dans des substances molles ou friables, les moulages de formes périspritales sont des preuves authentiques, absolues, irrécusables de l'existence de l'âme unie au périsprit, et le nombre en est si grand aujourd'hui, que le doute n'est plus possible.
Mais si l'âme possède véritablement une enveloppe, il doit être possible d'en constater la réalité pendant la vie terrestre. C'est effectivement ce qui a lieu. Les phénomènes de dédoublements de l'être humain, que l'on nomme parfois bi-corporéité, nous ont mis sur la voie. On sait en quoi ils consistent. Un individu étant à Paris, par exemple, son image, son double, peut se montrer dans une autre ville, de manière à être reconnu. Il existe à l'heure actuelle, plus de deux mille faits bien constatés d'apparitions de vivants. Nous verrons, dans le cours de notre étude, que ces visions ne sont pas toutes hallucinatoires et par quels caractères spéciaux il est possible de s'assurer de l'objectivité de certaines de ces curieuses manifestations psychiques.
Les chercheurs ne se sont pas bornés à l'observation pure et simple de ces phénomènes, ils sont arrivés à les reproduire expérimentalement. Nous constaterons, avec M. de Rochas, que l'extériorisation de la motricité est, en quelque sorte, l'esquisse de ce qui se produit complètement pendant le dédoublement de l'être humain. Enfin, nous arriverons à la démonstration physique de la distinction entre l'âme et le corps, en photographiant l'âme d'un vivant, en dehors des limites de son organisme matériel.
Pour tout chercheur impartial, ce colossal ensemble de documents établit solidement l'existence du périsprit, mais là ne doit pas se borner notre ambition. Nous devons nous demander de quelle matière ce corps est formé. Ici, nous en sommes réduits à l'hypothèse ; mais nous verrons par l'étude des circonstances qui accompagnent les apparitions des vivants et des morts, qu'il est possible de trouver, dans les dernières découvertes scientifiques sur la matière radiante et les rayons X, des analogies précieuses, qui nous permettront de comprendre l'état de cette substance impondérable et invisible. Nous espérons montrer que rien ne s'oppose, scientifiquement, à la conception d'une semblable enveloppe de l'âme; dès lors, cette étude entre dans le cadre des sciences ordinaires, et ne peut encourir le reproche d'être entachée de surnaturel ou de merveilleux.
Nous appuierons longuement sur l'identité des phénomènes produits par l'âme d'un vivant, sortie momentanément de son corps, et ceux que l'on constate de la part des Esprits. Nous verrons qu'ils se ressemblent tellement, qu'il est impossible de les différencier autrement que par leurs caractères psychiques. Donc, et c'est là un point des plus importants, il y a une continuité réelle, absolue, dans les manifestations de l'esprit, qu'il soit incarné ou non, dans un corps terrestre. Dès lors, il est inutile d'attribuer les faits spirites à des êtres fictifs, démons, élémentaux, élémentals, coques astrales, egrégores, etc : il faut reconnaître qu'ils sont produits par des âmes qui ont vécu sur la terre.
En étudiant les hauts phénomènes du spiritisme, il nous sera facile de constater que l'organisme fluidique contient toutes les lois organogéniques suivant lesquelles le corps est formé. Ici, le spiritisme apporte une idée neuve en expliquant comment la forme typique de l'individu peut se maintenir pendant toute la vie, malgré le renouvellement incessant de toutes les parties du corps. En même temps, au point de vue psychique, il devient aisé de comprendre où et comment se conservent nos acquis intellectuels. Nous avons établi ailleurs (l’évolution animique) comment nous concevons le rôle joué par le périsprit pendant l'incarnation ; il nous suffira de dire ici que, grâce à la découverte de ce corps fluidique, nous pouvons nous expliquer scientifiquement de quelle manière l'âme conserve son identité dans l'immortalité.
Puissent ces premières ébauches d'une physiologie psychologique transcendantale inciter les savants à scruter ce merveilleux domaine si nos travaux ont pour résultat d'amener quelques esprits indépendants dans nos rangs, nous n'aurons pas perdu notre temps ; mais, quel que soit le résultat de nos efforts, nous sommes assurés que le temps est proche où la science officielle, forcée dans ses derniers retranchements, sera dans l'obligation de s'occuper du sujet qui fit l'objet de nos recherches. Ce jour-là, le spiritisme apparaîtra ce qu'il est réellement : c'est-à-dire la Science de l'Avenir.
Gabriel DELANNE
PREMIÈRE PARTIE
L'OBSERVATION
CHAPITRE PREMIER
COUP D'OEIL HISTORIQUE
LES CROYANCES ANCIENNES
La nature intime de l'âme nous est inconnue. Quand on dit qu'elle est immatérielle, il faut entendre ce mot dans un sens relatif et non absolu, car l'immatérialité parfaite serait le néant ; or l'âme ou l'esprit c'est quelque chose qui pense, qui sent, qui veut ; il faut donc entendre par l'expression «immatérielle» que son essence est tellement différente de ce que nous connaissons physiquement, qu'elle n'a aucune analogie avec la matière.
L'âme ne peut se concevoir sans être accompagnée d'une matière quelconque qui l'individualise ; car, sans cela, il lui serait impossible d'entrer en rapport avec le monde extérieur. Sur la terre, le corps humain est ce médium qui nous met en contact avec la nature; mais après la mort l'organisme vivant étant détruit, il faut que l'âme ait une autre enveloppe pour être en relation avec le nouveau milieu qu'elle doit habiter. Cette induction logique a été fortement sentie de tout temps, d'autant mieux que les apparitions de personnes mortes qui se montraient cependant avec leur forme terrestre, venaient fonder cette croyance.
Le plus souvent, le corps spirituel reproduit le type que l'esprit avait dans sa dernière incarnation ; et c'est probablement à cette ressemblance de l'âme que son dues les premières notions de l'immortalité.
Si l'on veut bien songer aussi que dans les rêves, on revoit souvent des parents ou des amis qui sont morts depuis longtemps ; on pourra trouver, peut-être, dans ces faits, les causes de cette foi générale à une autre vie, qui était celle de nos ancêtres.
On constate, en effet, que les hommes de l'époque préhistorique, à laquelle on a donné le nom de mégalithique, ensevelissaient les morts et plaçaient dans les tombeaux des armes et des parures. Il faut donc penser que ces populations primitives avaient l'intuition d'une existence seconde, succédant à la vie terrestre. Or, s'il est une conception opposée au témoignage des sens, c'est bien celle d'une vie future. Lorsque l'on voit le corps physique demeurer insensible, inerte malgré toutes les stimulations que l'on peut employer lorsque l'on constate qu'il se refroidit, puis se décompose, il est difficile de supposer que quelque chose survit à cette désagrégation totale. Mais si, malgré cette destruction, on observe la réapparition complète du même être, s'il manifeste, par des actes et des paroles qu'il vit encore, alors, même chez les êtres les plus frustes, la conclusion que l'homme n'est pas mort tout entier s'impose avec une grande autorité. C'est probablement après beaucoup d'observations du même genre que s'établirent le culte rendu à la dépouille mortelle et la croyance qu'une autre vie serait la continuation de celle-ci.
L'INDE
De nos jours encore, les peuplades les plus sauvages croient à une certaine immortalité de l'être pensant , et les récits des voyageurs sont d'accord pour constater que, sur toutes les parties du globe, la survivance est affirmée unanimement. En remontant aux plus antiques témoignages que nous possédions, c'est-à-dire jusqu'aux hymnes du Rig Véda, nous voyons que les hommes qui vivaient au pied de l'Himalaya, dans le Sapta Sindhou (pays aux sept rivières), avaient des intuitions claires sur le lendemain de la mort. Se basant probablement sur les apparitions naturelles, et sur les visions des rêves, les prêtres, après bien des siècles, arrivèrent à codifier la vie future. Quelle sera cette existence ? Un poète Arya ébauche vigoureusement le ciel védique : « Demeure définitive des dieux immortels, siège de la lumière éternelle, origine et base de tout ce qui est, séjour de joie constante, de plaisirs sans fin, où les désirs s'accomplissent dès qu'ils naissent, où l'Arya fidèle vivra d'une éternelle vie».
Dès que le ciel védique fut conçu en tant que séjour divin habitable par l'être humain, la question se trouva posée de savoir, comment l'homme pourrait « s'élever si haut », et comment, avec des facultés restreintes, il serait « capable de vivre une vie céleste sans fin ». Est-il possible que le corps humain qui tient si fermement à la terre, prenant son essor, devenu léger comme un nuage, traverse l'espace pour se rendre, de lui-même, à la merveilleuse cité des dieux ? Il faudrait qu'un miracle s'accomplît. Or ce miracle ne s'est jamais produit visiblement. Serait-ce donc que le séjour divin est encore sans hôtes ? Sans prodige, quel corps physique peut perdre son propre poids ? De ce mystère, de cette pensée vague surgit en quelque sorte, la préoccupation positive des destinées de la matière après la mort, de la survivance d'une partie de l'être. Voici l'explication la plus antique que l'on connaisse sur ce mystérieux au-delà.
Le corps humain, frappé par la mort, retourne en entier aux éléments divers qui participèrent à sa formation. Les rayons du regard, matière lumineuse, sont repris par le soleil; le souffle, prêté par les airs, retourne aux airs, le sang, sève universelle, va vivifier les plantes; les muscles et les os, réduits en poussière, redeviennent terreau. « L’œil retourne au soleil ; le souffle retourne à Vayou, le ciel et la terre reçoivent chacun ce qui leur est dû ; les eaux et les plantes reprennent les parties du corps humain qui leur appartenaient ». Le cadavre de l'homme est dispersé. Les matières qui composaient le corps vivant, privées de la chaleur vitale, retournées au grand Tout, serviront à former d'autres corps : rien n'est perdu, rien n'est pris par le ciel.
Et cependant l'Arya mort saintement recevra sa récompense; il s'élèvera vers les hauteurs inaccessibles ; il jouira de sa glorification. Comment cela ? Voici : la peau n'est que l'enveloppe du corps, et lorsque Agni, le dieu chaud abandonne le moribond, il respecte l'enveloppe corporelle, peau et muscle. Les chairs, sous la peau, ne sont que matières épaisses, grossières, constituant une seconde enveloppe vouée au travail, assujettie à des fonctions déterminées. Sous cette double enveloppe de la peau et du corps, il y a l'homme vrai, l'homme pur, l'homme proprement dit, émanation divine susceptible de retourner aux dieux, comme le regard de l’œil retourne au Soleil, le souffle à l'air, la chair à la Terre. Cette âme, après la mort, revêtue d'un corps nouveau, lumineux brouillard resplendissant, de forme éclatante, « et que son éclat même dérobe à la faible vue des vivants », cette âme est transportée au divin séjour .
Si le dieu a été satisfait des offrandes de l'Arya frappé de mort, il vient lui-même donner « l'enveloppe lumineuse » dans laquelle l'âme sera transportée. Un hymne exprime rapidement la même pensée sous la forme d'une prière : « Développe, ô Dieu, tes splendeurs, et donne au mort, ainsi, le corps nouveau dans lequel l'âme sera transportée à ton gré ! »
Si l'on réfléchit que ces hymnes étaient écrits, il y a 3 500 ans environ, dans la langue la plus riche et la plus harmonieuse qui ait jamais existé, on ne peut supputer à quelles périodes reculées remontent ces notions, si précises et presque justes, sur l'âme et son enveloppe. Il faut toute l'ignorance de notre époque grossièrement matérialiste pour contester une vérité vieille comme la pensée humaine, et qui se retrouve chez tous les peuples. Nos expériences modernes sur les Esprits, qui se font photographier ou qui se matérialisent temporairement, comme nous le verrons plus tard, montrent que le périsprit est une réalité physique aussi indéniable que le corps matériel lui-même. C'était déjà la croyance des antiques habitants de la vallée du Nil, et c'est un fait bien remarquable qu'à l'aurore de toutes les civilisations, on trouve des croyances fondamentalement semblables, alors qu'il n'existait entre des peuples aussi éloignés presque aucun moyen de communication.
L'ÉGYPTE
Aussi loin qu'il soit possible d'interroger les Égyptiens, on les entend affirmer leur foi à la seconde vie de l'homme, en un lieu d'où nul ne peut revenir, où séjournent les ancêtres. Cette idée, immuable, traverse intacte toutes les civilisations égyptiennes ; rien ne peut la détruire. Au contraire, ce qui ne résiste pas aux influences venues de toutes parts, et diverses, c'est le « comment » de cette immortalité. Quelle est dans l'homme la partie durable qui résiste à la mort ou qui, revivifiée, va continuer une autre existence ?
La croyance la plus ancienne, celle des commencements (5000 ans av. J. C), ne faisait de la mort qu'une suspension de la vie; le corps, immobile pendant un temps, reprenait le «souffle », allait habiter bien loin à l'ouest de ce monde. Ensuite, mais très anciennement encore, et peut-être même antérieurement aux premières dynasties historiques, l'idée fut émise d'une « partie de l'homme » seulement, allant vivre une seconde vie. Ce n'était pas une âme, c'était un corps, autre que le corps premier, mais en provenant, plus léger, moins matériel. Ce corps, presque invisible, issu du premier corps momifié, était soumis à toutes les exigences de l'existence ; il fallait le loger, le nourrir, le vêtir ; sa forme, dans l'autre monde, par la ressemblance, reproduisait le premier corps. C'est le ka, ou double, auquel, dans l'ancien Empire, s'adressait le culte des morts (5004-3064 av. J. -C.).
Une première modification fit du « double », - du ka- un corps moins grossier que ne l'était celui de la première conception. Le deuxième corps ne fut plus qu'une « substance » - bi - une « essence » -bai - et enfin une lueur, « une parcelle de flamme », de lumière. Cette formule se généralisa dans les temples et dans les écoles. Le peuple, lui, s'en tenait à la croyance simple, originale de l'homme composé de deux parties : le corps et l'intelligence - khou - séparables. Il y eut donc un instant, à l'approche de la XVIIIe dynastie surtout, des croyances diverses coexistant. On croyait en même temps : au corps double ou ka, à la substance lumineuse ou baï, ba, à l'intelligence ou khou, et c'étaient trois âmes.
Cela fut ainsi, et sans dommage, jusqu'au moment où la formation d'un corps sacerdotal nécessitant une doctrine, imposant un choix, il fallut prendre une détermination. C'est à la fin de la XVIIIe dynastie (3064-1703 avant J.-C.) que les prêtres, très habilement, pour ne froisser aucune croyance, pour se concilier toutes les opinions, conçurent un système où toutes les hypothèses purent entrer.
La personne humaine fut dite composée de quatre parties : le corps, le double (ka), la substance intelligente (khou), et l'essence lumineuse (ba ou bai) ; mais ces quatre parties n'en firent réellement que deux, en ce sens que le double, ou ka, était partie intégrante du corps pendant la vie, comme l'essence lumineuse, ou ba, était contenue dans la substance intelligente ou khou. Et c'est ainsi qu'à la fin de la XVIIIe dynastie, pour la première fois, quoique sans en comprendre la théorie vraie, l'Égypte eut, en réalité, la notion de l'être humain composé d'une seule âme et d'un seul corps. La théorie nouvelle se simplifia encore en ceci, que le corps, avec son double, fut considéré comme demeurant à jamais dans le tombeau, tandis que l'âme-intelligence, « servant de corps à l'essence lumineuse », allait vivre la seconde vie avec les dieux. L'immortalité de l'âme se substituait ainsi à l'immortalité du corps, qui avait été la première conception égyptienne .
LA CHINE
Chez aucun peuple, peut-être, le sentiment de la survivance ne fut aussi vif que chez les Chinois. Le culte de Esprits s'imposa chez ces nations dès la plus haute antiquité. On croyait au Thian ou Chang-si, noms qu'ils donnaient indifféremment au ciel ; mais on honorait surtout les Esprits et les âmes des ancêtres. Confucius respecta ces antiques croyances, et il admira un jour, au milieu de ceux qui l'entouraient, des maximes écrites depuis plus de cinq cents ans sur une statue d'or, dans le Temple de la Lumière, parmi lesquelles était celle-ci :
« En parlant, en agissant, ne pensez pas, quoique vous soyez seul, que vous n'êtes ni vu, ni entendu : les Esprits sont témoins de tout »
On voit que, dans le Céleste Empire, les cieux sont peuplés comme la terre, non seulement par les génies, mais aussi par les âmes des hommes qui ont vécu ici bas. À côté du culte des Esprits se plaçait celui des ancêtres. « Il avait pour objet, non seulement de conserver le précieux souvenir des aïeux et de les honorer, mais encore d'attirer l'attention sur leurs descendants, qui leur demandaient des conseils dans toutes les circonstances importantes de la vie, et sur lesquels ils étaient censés exercer une influence décisive, en approuvant ou blâmant leur conduite »
Dans ces conditions, il est évident que la nature de l'âme devait être bien connue des Chinois. Confucius ne concevait pas l'existence de purs Esprits, il leur attribuait une enveloppe semi-matérielle, un corps aériforme, comme en témoigne cette citation du grand philosophe :
« Que les facultés de Koûci-Chin (Esprits divers) sont vastes et profondes ! On cherche à les apercevoir et on ne les voit pas ; on cherche à les entendre et on ne les entend pas ; identifiés avec la substance des êtres, ils ne peuvent en être séparés. Ils sont partout, au-dessus de nous, à notre gauche, à notre droite ; ils nous environnent de toutes parts. Les esprits, cependant, quelque subtils et imperceptibles qu'ils soient, se manifestent par les formes corporelles des êtres ; leur essence étant une essence réelle, véritable, elle ne peut pas ne pas se manifester sous une forme quelconque ».
Le bouddhisme pénétra en Chine et s'assimila les anciennes croyances ; il continua les relations établies avec les morts.
Voici un exemple de ces évocations et de l'apparence prise par l'âme pour se faire voir aux yeux mortels. M. Stanislas Julien, qui a traduit du chinois l'histoire de Hiouen-Thsang, lequel vivait vers l'an 650 de notre ère, raconte ainsi l'apparition de Bouddha, due à la prière faite par le saint personnage :
« Après avoir pénétré dans le caverne où vécut le grand initiateur, animé d'une foi profonde, Hiouen-Thsang s'accusa de ses péchés avec un cœur plein de sincérité ; il récita dévotement ses prières en se prosternant après chaque strophe. Lorsqu'il eut ainsi fait cent salutations, il vit paraître une lueur sur le mur oriental.
« Pénétré de joie et de douleur, il recommença ses salutations, et de nouveau il vit une lumière de la largeur d'un bassin qui brilla et s'évanouit comme un éclair. Alors, dans un transport de joie et d'amour, il jura de ne pas quitter cet endroit avant d'avoir vu l'ombre auguste de Bouddha. Il continua ses hommages, et, après deux cents salutations, soudain toute la grotte fut inondée de lumière et le Bouddha apparut, d'une blancheur éclatante, se dessinant majestueusement sur le mur. Un éclat éblouissant éclairait les contours de sa face divine. Hiouen-Thsang contempla longtemps, ravi en extase, l'objet sublime et incomparable de son admiration. Il se prosterna avec respect, célébra les louanges du Bouddha, et répandit des fleurs et des parfums, après quoi la lumière céleste s'éteignit. Le brahmane qui l'avait accompagné fut aussi ravi qu'émerveillé de ce miracle. « Maître, lui dit-il, sans la sincérité de votre foi et l'énergie de vos vœux, vous n'auriez pu voir un tel prodige ».
Cette apparition rappelle la transfiguration de Jésus lorsque se montrèrent Moïse et Élie. Les esprits supérieurs ont un corps spirituel d'une incomparable splendeur, car leur substance fluidique est plus lumineuse que les plus rapides vibrations de l'éther, comme nous pourrons nous en assurer par la suite.
LA PERSE
Dans l'ancien Iran, on trouve une conception tout à fait particulière de l'âme. Zoroastre peut revendiquer la paternité de l'invention de ce que l'on appelle aujourd'hui le moi supérieur, la conscience subliminale, et, à un autre point de vue, de la théorie des anges gardiens.
On connaît la doctrine du grand législateur : au-dessous de l'Etre incréé, éternel, il existe deux émanations opposées, ayant chacune une mission déterminée : Ormuzd est chargé de créer et de conserver le monde : Ahrima doit combattre Ormuzd, et détruire le monde, s'il le peut. Il existe des génies célestes, émanés de l'Éternel, pour aider Ormuzd dans le travail de la création ; mais il y a aussi une série d'Esprits, de « génies » de féroüers, par lesquels l'homme peut se considérer comme ayant en soi quelque chose de divin. Le féroüer, inévitable à chaque être, doué d'intelligence, était en même temps un inspirateur et un surveillant : inspirateur soufflant la pensée d'Ormuzd au cerveau de l'homme ; surveillant, gardien de la créature aimée du dieu. Il semble que les féroüers immatériels existaient par la volonté divine avant la création de l'homme, et que chacun d'eux, à l'avance, savait le corps humain qui lui était destiné . La mission de ce féroüer était de combattre les mauvais génies produits par Ahriman, de conserver l'humanité.
Après la mort, le féroüer demeure uni « à l'âme et à I'intelligence » pour subir un jugement, recevoir sa récompense ou son châtiment. Chaque homme, chaque Ized (génie céleste), et Ormuzd lui-même avait son féroüer, son fravarski, qui veillait sur lui, qui se dévouait à sa conservation .
On a pu déduire de certains passages de l'Avesta qu'après la mort de l'homme, le féroüer retournait au ciel pour y jouir d'une puissance indépendante, plus ou moins étendue, suivant que la créature dont la charge lui avait été confiée avait été plus ou moins pure et vertueuse. Parfaitement indépendant du corps humain et de l'âme humaine, le féroüer est un génie immatériel, responsable et immortel. Tout être a eu ou aura son féroüer. Il y a un féroüer certain, c'est-à-dire quelque chose de divin, dans tout ce qui existe. L'Avesta invoque les féroüers des saints, du feu, de l'assemblée des prêtres, d'Ormuzd, des arnschaspands (anges célestes), des izeds, de la « parole excellente », des « êtres purs », de l'eau, de la terre, des arbres, des troupeaux, du taureau-germe, de Zoroastre « auquel Ormuzd a pensé d'abord, qu'il a instruit par l'oreille et qu'il a formé avec grandeur au milieu des provinces de l'Iran »
En Judée, l'idée d'une âme est parfaitement inconnue des Hébreux du temps de Moïse . Il faut que ce peuple aille en captivité à Babylone pour qu'il puise chez ses vainqueurs l'idée de l'immortalité.
LA GRÈCE
Les Grecs, depuis la plus haute antiquité, ont été en possession de la vérité sur le monde spirituel. Souvent, dans Homère, les mourants prophétisent et l'âme de Patrocle vient visiter Achille dans sa tente. « Suivant la doctrine du plus grand nombre des philosophes grecs; chaque homme a pour guide un démon particulier (on appelait daimôn les Esprits) dans lequel était personnifiée son individualité morale ». Le commun des humains était guidé par des Esprits vulgaires, les sages méritaient d'être visités par des Esprits supérieurs (Id.) Thalès qui vivait six siècles et demi avant notre ère, enseignait, comme en Chine, que l'Univers était peuplé de démons et de génies, témoins secrets de nos actions, de nos pensées même, et nos guides spirituels . Il faisait même de cet article un des principaux points de sa morale, en avouant que rien n'était plus propre à inspirer chaque homme cette espèce de vigilance sur soi-même, que Pythagore nomme plus tard le sel de la vie .
Epiménide, contemporain de Solon, était guidé par les Esprits et recevait souvent des inspirations divines. Il était fortement attaché au dogme de la métempsycose, et, pour convaincre le peuple, racontait qu'il ressuscitait souvent, et que, notamment, il avait été Eacus .
Socrate et surtout Platon, trouvant la distance trop grande entre Dieu et l'homme, remplissaient l'intervalle d'Esprits, qu'ils considéraient comme les génies tutélaires des peuples et des individus, et les inspirateurs des oracles. L'âme préexistait au corps, et arrivait au monde douée de la connaissance des idées éternelles. Pareille à l'enfant, qui oublie le lendemain les choses de la veille, cette connaissance s'assoupissait en elle, par son union avec le corps, pour se réveiller peu à peu avec le temps, le travail, l'usage de la raison et des sens. Apprendre, c'était se ressouvenir ; mourir, c'était retourner au point de départ et revenir à son premier état de félicité pour les bons, de souffrance pour les méchants.
Chaque âme possède un démon, un Esprit familier qui l'inspire, se communique à elle, dont la voix parle à la conscience de chacun de nous et l'avertit de ce qu'elle a à faire ou à éviter. Fermement convaincu que, par l'intermédiaire de ces Esprits, une communication pouvait s'établir entre ce monde des vivants et ceux que nous appelons des morts, Socrate avait un démon, un Esprit familier qui lui parlait sans cesse, et dont la voix le guidait dans toutes ses démarches .
« Oui, dit Lamartine, il est inspiré ; il nous le dit, il nous le répète, et pourquoi refuserions-nous de croire sur parole l'homme qui donnait sa vie pour l'amour de la vérité ? Y a-t-il beaucoup de témoignages qui vaillent la parole de Socrate mourant ? Oui, il était inspiré... La vérité et la sagesse ne sont point de nous ; elles descendent du ciel dans les cœurs choisis qui sont suscités de Dieu selon les besoins du temps ».
Le clair génie des Grecs a compris la nécessité d'un intermédiaire entre l'âme et le corps. Pour expliquer l'union de l'âme immatérielle avec le corps terrestre, les philosophes de l'Hellade avaient reconnu l'existence d'une substance mixte désignée sous le nom d'Ochema, qui lui servait d'enveloppe, et que les oracles appelaient le véhicule léger, le corps lumineux, le char subtil. Hippocrate, en parlant de ce qui meut la matière, dit que le mouvement est dû à une force immortelle, ignis, à laquelle il donne le nom d'énormon ou corps fluidique.
LES PREMIERS CHRÉTIENS
C'est à l'obligation logique d'expliquer l'action de l'âme sur l'enveloppe physique qu'ont obéi les premiers chrétiens en croyant à l'existence d'une substance médiatrice.
D'ailleurs, il est incompréhensible que l'esprit soit purement immatériel ; car, alors, il n'aurait aucun point de contact avec la matière physique, et, lorsqu'il ne serait plus individualisé dans le corps terrestre, il ne pourrait exister.
L'individu est toujours déterminé dans l'ensemble des choses par ses rapports avec d'autres êtres ; dans l'espace par la forme corporelle, dans le temps par la mémoire.
Le grand apôtre saint Paul parle, à plusieurs reprises, de corps spirituel , impondérable, incorruptible, et Origène, dans ses commentaires sur le Nouveau Testament, affirme que ce corps, doué d'une vertu plastique, suit l'âme en toutes ses existences et toutes ses pérégrinations, pour pénétrer et informer les corps plus ou moins grossiers et matériels que cette âme revêt, et qui lui sont nécessaires dans l'exercice de ses diverses vies.
Voici, suivant Pezzani, l'avis de quelques Pères de l'Église sur cette question :
Origène et les Pères alexandrins, qui soutenaient, l'un la certitude, les autres la possibilité de nouvelles épreuves succédant à l'épreuve terrestre, avaient à se poser la question de savoir quel corps devait ressusciter au jugement dernier. Ils ont résolu cette question en n'attachant la résurrection qu'au corps spirituel, comme l'ont fait saint Paul, et, plus tard, saint Augustin lui-même ; en se représentant les corps des élus comme incorruptibles, déliés, tenus et souverainement agiles .
Alors, puisque ce corps spirituel, compagnon inséparable de l'âme, représentait par sa substance quintessenciée, toutes les autres enveloppes grossières, dont l'âme avait pu être passagèrement revêtue et qu'elle avait dû laisser à la pourriture et aux vers des mondes traversés par elle, puisque ce corps avait pénétré de son énergie toutes les matières informées pour un usage périssable et transitoire, le dogme de la résurrection de la chair substantielle recevait de cette conception sublime une éclatante confirmation. Le corps spirituel, conçu de la sorte, représentait tous les autres, qui ne méritaient pas le nom de corps si ce n'est par leur adjonction à ce principe vivifiant de la chair réelle, c'est-à-dire à ce que les spirites ont nommé périsprit .
Tertullien dit que les anges ont un corps qui leur est propre, et que se pouvant transfigurer en une chair humaine, ils peuvent, pour un temps, se faire voir par les hommes et communiquer visiblement avec eux. Saint Basile en parle de la même sorte, car, encore qu'il ait dit quelque part que les anges n'ont pas de corps, néanmoins, dans le traité qu'il a fait sur le Saint-Esprit, il avance qu'ils se rendent visibles par les espèces de leur propre corps, en apparaissant à ceux qui en sont dignes.
Il n'y a rien dans la création, nous enseigne saint Hilaire, choses visibles ou invisibles, qui ne soit corporel, Les âmes elles-mêmes, qu'elles soient ou non réunies à un corps, ont encore une substance corporelle inhérente à leur nature, par la raison qu'il faut que toute chose soit dans quelque chose. Et Dieu seul étant incorporel, d'après saint Cyrille d'Alexandrie, lui seul ne peut être circonscrit, tandis que toutes les autres créatures le peuvent, quoique leurs corps ne ressemblent point aux nôtres.
Que si l'on appelle les démons des animaux aériens, avec Apulée, c'est encore, au sens du grand évêque d'Hippone, parce qu'ils ont la nature corporelle, les uns et les autres étant de même essence .
Aussi saint Grégoire d'appeler l'ange un animal raisonnable , et saint Bernard de nous adresser ces paroles : n'accordons qu'à Dieu seul l'immortalité, aussi bien que l'immatérialité ; car il n'y a que sa nature qui n'ait besoin, ni pour elle-même, ni pour une autre, du secours d'un instrument corporel . Et cette doctrine était, en quelque sorte, celle du grand Ambroise de Milan dont voici les termes : ne nous imaginons point qu'aucun être soit exempt de matière dans sa composition, à la seule et unique exception de la substance de l'adorable Trinité .
Le maître des sentences, Pierre Lombard, laissait la question indécise, et toutefois, il exposait cette opinion de saint Augustin : Les anges doivent avoir un corps auquel ils ne sont point soumis, mais qu'ils gouvernent comme leur étant soumis, le changeant et le pliant aux formes qu'ils veulent lui donner pour le rendre propre à leurs actes.
L'ÉCOLE NÉO-PLATONICIENNE
L'école néo-platonicienne d'Alexandrie a été remarquable à plus d'un point de vue. Elle a tenté la fusion des philosophies de l'Orient avec celle des Grecs, et il est sorti des travaux de Proclus, Plotin, Porphyre, Jamblique, des idées neuves sur un assez grand nombre de questions. Sans doute, on peut reprocher à ces chercheurs une tendance trop grande vers la mysticité, mais ils sont, plus que d'autres, rapprochés de la vérité, que nous connaissons expérimentalement aujourd'hui.
Les vies successives et le périsprit faisaient partie de leur enseignement. À la séparation de l'âme et du corps se rattache, dans Plotin comme dans Platon, celle de la métempsycose, ou métensomatose (pluralité des vies corporelles).
« Demandons-nous ce qu'est dans les animaux le principe qui les anime. S'il est vrai, comme on le dit, que les corps des animaux renferment des âmes humaines qui ont péché, la partie de ces âmes qui est séparable n'appartient pas en propre à ces corps; tout en les assistant, elle ne leur est à proprement parler pas présente. En eux, la sensation est commune à l'image de l'âme et au corps, mais au corps en tant qu'organisé et façonné par l'image de l'âme. Pour les animaux dans le corps desquels ne se serait pas introduite une âme humaine, ils sont engendrés par une illumination de l'âme universelle ».
Le passage de l'âme humaine dans les corps des êtres inférieurs est présenté ici sous une forme dubitative. Nous savons, maintenant qu'aucun recul n'est possible sur l'éternelle voie du devenir ; car aucun progrès ne serait certain si nous pouvions perdre ce que nous avons acquis par notre effort personnel. L'âme qui est parvenue à vaincre un vice en est à jamais libérée, c'est ce qui assure la Perfectibilité de l'esprit et garantit le bonheur dans l'avenir à l'être qui a su s'affranchir des passions mauvaises inhérentes à son inférieur. Plotin affirme nettement la réincarnation, c'est-à-dire le passage de l'âme d'un corps humain dans d'autres corps.
« C'est une croyance universellement admise que l'âme commet des fautes, qu'elle les expie, qu'elle subit des punitions dans les enfers, et qu'elle passe ensuite dans de nouveaux corps. »
« Quand nous nous égarons dans la multiplicité que renferme l'univers, nous en sommes punis par notre égarement même et par un sort moins heureux par la suite. »
« Les dieux donnent à chacun le sort qui lui convient et qui est en harmonie avec ses antécédents dans ses existences successives ».
Ceci est profondément juste et vrai, car nous sommes placés, dans nos vies multiples, vis à vis de difficultés que nous devons surmonter pour amener notre amélioration morale ou intellectuelle ; mais cela deviendrait faux, si on appliquait ce principe aux conditions sociales ; car alors le riche aurait mérité de l'être, et le pauvre serait ici en punition ; ce qui est contraire à l'observation journalière, puisque nous pouvons constater que la vertu n'est l'apanage spécial d'aucune classe de la société.
« Il y a pour l'âme deux manières d'être dans un corps : l'une a lieu quand l'âme, étant déjà dans un corps céleste, subit une métensomatose, c'est-à-dire quand elle passe d'un corps aérien ou igné dans un corps terrestre, migration qu'on n'appelle pas ordinairement métensomatose, parce qu'on ne voit pas d'où l'âme vient ; l'autre manière a lieu quand l'âme passe de l'état incorporel dans un corps quel qu'il soit, et qu'elle entre ainsi pour la première fois en communion avec le corps. Les âmes descendent du monde intelligible dans le premier ciel; là, elles prennent un corps (spirituel), et, en vertu de ce corps même, elles passent dans des corps terrestres, selon qu'elles s'avancent plus ou moins loin (du monde intelligible) »
Cette doctrine est développée longuement par Porphyre dans sa Théorie des Intelligibles (paragraphe 82) où il s'exprime ainsi : « Quand l'âme sort du corps solide, elle ne se sépare pas de l'esprit qu'elle a reçu des sphères célestes ».
On retrouve la même idée dans les écrits de Proclus, qui appelle cet esprit le véhicule de l'âme.
Il résulte d'une étude attentive de ces doctrines que les néoplatoniciens ont senti la nécessité, pour l'âme, d'une enveloppe subtile dans laquelle s'enregistrent, s'incorporent les états de l'esprit. Il faut bien, en effet, que l'esprit, à travers ses vies successives, conserve les progrès acquis, sans quoi il se retrouverait à chaque incarnation comme à la première, et recommencerait perpétuellement la même vie.
LES POÈTES
Le moyen âge a hérité de ces conceptions, comme on peut le constater dans le passage suivant de la Divine Comédie, de Dante :
« Aussitôt qu'une place a été assignée à l'âme (après la mort), sa faculté formelle rayonne autour d'elle, de même et autant qu'elle le faisait dans ses membres vivants. Et comme l'atmosphère, lorsqu'elle est bien chargée de pluie et que les rayons viennent s'y refléter, se montre ornée de couleurs diverses, ainsi l'air qui l'entoure prend cette forme que lui imprime virtuellement l'âme en s'y arrêtant ; et, semblable à la flamme qui suit le feu partout où il va, cette forme nouvelle suit l'âme en tout lieu. Comme elle tire de là son apparence, elle est appelée ombre, et ensuite elle organise tous les sens, jusqu'à celui de la vue ».
C'est si bien une obligation pour l'intelligence d'unir l'esprit à la matière, que les plus grands poètes n'y ont jamais manqué, et ils ont toujours revêtu de formes corporelles les êtres célestes, dont la pure essence ne peut être perçue par les organes des sens. Milton, dans la Guerre des Anges, n'a pas hésité à prêter un corps, quelque subtil et aérien qu'il l'ait voulu dépeindre, à ces êtres extra-humains qu'il concevait comme purement spirituels par leur nature propre. Voici comment il s'exprime, dans son poème du Paradis perdu, au sujet des anges :
« Ils vivent tout cœur, toute tête, tout oeil, toute oreille, toute intelligence, tout sens ; ils se donnent à leur gré des membres, et ils prennent la couleur, la forme et la grosseur, dense ou rare qu'ils aiment le mieux. »
Ossian a revêtu également de formes sensibles les esprits aériens qu'il croyait voir dans les vapeurs de la nuit et entendre dans les mugissements de la tempête.
Klopstock a représenté, dans sa Messiade, le corps du séraphin Elohé comme formé par un rayon du matin et celui de l'ange de la Mort comme d'une vague de flamme dans les nuages ténébreux. Il précise son idée dans la dissertation qu'il a placée en tête du sixième livre de son épopée ; il soutient « qu'il est bien vraisemblable que les Esprits finis dont l'occupation habituelle est de méditer sur les corps dont le monde physique se compose, sont eux-mêmes revêtus de corps », et qu'on doit croire en particulier que les anges, « dont Dieu se sert si souvent pour conduire à la félicité les mortels, auront reçu eux-mêmes quelque sorte de corps qui corresponde à ceux des élus, que Dieu appelle à cette suprême félicité. »
Le pénétrant génie de Leibnitz ne s'y est pas trompé :
« Je crois, dit-il, avec la plupart des anciens, que tous les génies, toutes les âmes, toutes les substances simples créées, sont toujours jointes à un corps, et qu'il n'y a jamais des âmes qui en soient entièrement séparées... J'ajoute encore qu'aucun dérangement des organes visibles n'est capable de porter les choses à une entière confusion dans l'animal, ou de détruire tous les organes et de priver l'âme de tout son corps organique et des restes ineffaçables de toutes les traces précédentes. Mais la facilité qu'on a eue de quitter les corps subtils joints aux anges (qu'on confondait avec la corporalité des anges mêmes), et l'introduction de prétendues intelligences séparées dans les créatures (à quoi celles qui font rouler les cieux d'Aristote ont contribué beaucoup), et enfin l'opinion mal entendue où l'on a été que l'on ne pouvait conserver les âmes des bêtes sans tomber dans la métempsycose, ont fait, à mon avis, qu'on a négligé la manière naturelle d'expliquer la conservation de l'âme ».
Il faut arriver jusqu'à Charles Bonnet pour avoir une théorie qui, bien qu'elle ne s'appuie pas sur les faits se rapproche singulièrement de celle que le spiritisme nous a permis d'édifier en nous basant sur l'expérience. Nous allons citer librement les passages les plus importants de ses ouvrages, relatif à notre sujet. On admirera la logique puissante de ce profond penseur qui a trouvé, il y a plus de cent cinquante ans, les véritables conditions de l'immortalité.
« En étudiant avec quelque soin, dit-il, les facultés de l'homme, en observant leurs dépendances mutuelles ou cette subordination qui les assujettit les unes aux autres, et à leurs objets, nous parvenons facilement à découvrir quels sont les moyens naturels par lesquels elles se développent et se perfectionnent ici-bas. Nous pouvons donc concevoir des moyens analogues plus efficaces, qui porteraient ces facultés à un plus haut degré de perfection.
« Le degré de perfection auquel l'homme peut atteindre ici-bas est en rapport avec les moyens qui lui sont donnés de connaître et d'agir. Ces moyens sont eux-mêmes en rapport direct avec le monde qu'il habite actuellement.
« Un état plus relevé des facultés humaines n'aurait donc pas été en rapport avec ce monde dans lequel l'homme devait passer les premiers moments de son existence. Mais ses facultés sont indéfiniment perfectibles, et nous concevons fort bien que quelques-uns des moyens naturels qui les perfectionneront un jour peuvent exister dès à présent dans l'homme.
« Ainsi, puisque l'homme était appelé à habiter successivement deux mondes différents, sa constitution originelle devait renfermer des choses relatives à ces deux mondes. Le corps animal devait être en rapport direct avec le premier monde, le corps spirituel avec le second.
« Deux moyens principaux pourront perfectionner dans le monde à venir toutes les facultés de l'homme : des sens plus exquis et de nouveaux sens. Les sens sont la première source de toutes nos connaissances. Nos idées les plus réflectives, les plus abstraites, dérivent toujours de nos idées sensibles.
L'esprit ne crée rien, mais il opère sans cesse sur cette multitude presque infinie de perceptions diverses qu'il acquiert par le ministère des sens.
« De ces opérations de l'esprit, qui sont toujours des comparaisons, des combinaisons, des abstractions, naissent par une génération naturelle, toutes les sciences et tous les arts.
« Les sens, destinés à transmettre à l'esprit les impressions des objets, sont en rapport avec les objets. L’œil est en rapport avec la lumière, l'oreille avec le son, etc .»
Plus les rapports que les sens soutiennent avec les objets sont parfaits, nombreux, divers, et plus ils manifestent à l'esprit de qualités de objets, et plus encore les perceptions de ces qualités sont claires, vives, complètes.
Plus l'idée sensible que l'esprit acquiert d'un objet est vive, complète, et plus l'idée réfléchie qu'il s'en forme est distincte.
Nous concevons sans peine que nos sens actuels sont susceptibles d'un degré de perfection fort supérieur à celui que nous leur connaissons ici-bas, et qui nous étonne dans certains sujets. Nous pouvons même nous faire une idée nette de cet accroissement de perfection, par les effets prodigieux des instruments d'optique et d'acoustique.
Qu'on se figure Aristote observant une mite avec un microscope, ou contemplant avec un télescope Jupiter et ses lunes ; quels n'eussent point été sa surprise et son ravissement ! Quels ne seront point aussi les nôtres, lorsque, revêtus de notre corps spirituel, nos sens auront acquis toute la perfection qu'ils peuvent recevoir de l'auteur bienfaisant de notre être !
On imaginera, si l'on veut, que nos yeux réuniront alors les avantages des microscopes et des télescopes, et qu'ils se proportionneront exactement à toutes les distances. Et combien les verres des ces nouvelles lunettes seront-ils supérieurs à ceux dont l'art se glorifie ! On doit appliquer aux autres sens ce qui vient d'être dit de la vue. Quels ne seraient alors point les rapides progrès de nos sciences physico-mathématiques, s'il nous était donné de découvrir les premiers principes des corps soit fluides, soit solides ! Nous verrions alors, par intuition, ce que nous tentons de deviner à l'aide de raisonnements et de calculs, d'autant plus incertains que notre connaissance directe est plus imparfaite. Quelle multitude innombrable de rapports nous échappent, précisément parce que nous ne pouvons pas apercevoir la figure, les proportions, l'arrangement de ces corpuscules infiniment petits, sur lesquels pourtant repose le grand édifice de la nature.
Il ne nous est pas fort difficile non plus de concevoir que le germe du corps spirituel peut contenir, dès à présent, les éléments organiques de nouveaux sens, qui ne se développeront qu'à la résurrection .
Ces nouveaux sens nous manifesteront dans les corps des propriétés qui nous seront toujours inconnues ici-bas. Combien de qualités sensibles que nous ignorons encore, et que nous ne découvririons point sans étonnement. Nous ne connaissons les différentes forces répandues dans la nature que dans le rapport aux différents sens sur lesquels elles déploient leur action. Combien de forces dont nous ne soupçonnons pas même l'existence, parce qu'il n'est aucun rapport entre les idées que nous acquérons par nos cinq sens et celles que nous pourrons acquérir par d'autres sens !
Élevons nos regards vers la voûte étoilée : contemplons cette collection immense de soleils et de mondes disséminés dans l'espace, et admirons que ce vermisseau qui porte le nom d'homme ait une raison capable de pénétrer l'existence de ces mondes et de s'élancer ainsi jusqu'aux extrémités de la création.
Poursuivant logiquement ce qui était pour lui une hypothèse, et pour nous une certitude expérimentale l'auteur ajoute :
« Si notre connaissance réfléchie dérive essentiellement de notre connaissance intuitive ; si nos richesses intellectuelles s'accroissent par les comparaisons que nous formons entre nos idées sensibles de tout genre ; si nous comparons d'autant plus que nous connaissons davantage ; si enfin notre intelligence se développe et se perfectionne à proportion que nos comparaisons s'étendent, se diversifient, se multiplient, quels ne seront point l'accroissement et le perfectionnement de nos connaissances naturelles, lorsque nous ne serons plus bornés à comparer les individus, les espèces aux espèces, les règnes aux règnes, et qu'il nous sera donné de comparer les mondes aux mondes !
« Si la suprême intelligence a varié ici-bas toutes ses œuvres ; si elle n'a rien créé d'identique ; si une progression harmonique règne entre tous les êtres terrestres ; si une même chaîne les embrasse tous, combien est-il probable que cette chaîne merveilleuse se prolonge dans tous les mondes planétaires qu'elle les unit tous et qu'ils ne sont que les parties consécutives et infinitésimales de la même série .
« De quels sentiments notre âme ne sera-t-elle donc point inondée, lorsque, après avoir étudié à fond l'économie d'un monde, nous volerons vers un autre, et que nous comparerons entre elles ces deux économies ! Quelle ne sera point alors la perfection de notre cosmologie ! Quels ne sera point la généralisation et la fécondité de nos principes, l'enchaînement, la multitude et la justesse de nos conséquences ! Quelle lumière rejaillira de tant d'objets divers sur les autres branches de nos connaissances, sur notre astronomie, sur nos sciences rationnelles, et principalement sur cette science divine qui s'occupe de l'Être des êtres ! »
Ces inductions, si bien établies par le raisonnement ont été pleinement justifiées à notre époque. Le corps destiné à une vie supérieur existe dès maintenant dans l'organisme humain ; il y joue un rôle de premier ordre, et c'est grâce à lui que nous pouvons conserver le trésor de nos acquisitions intellectuelles. Nous constaterons plus loin que le périsprit est une réalité physique aussi certaine que celle de l'organisme matériel : on le voit, on le touche, on le photographie ; en un mot, ce qui n'était qu'une théorie philosophique, grandiose et consolante, il est vrai, mais toujours récusable, est devenu un fait scientifique, qui donne à ces envolées de l'esprit la consécration inattaquable de l'expérience.
CHAPITRE II
ETUDE DE L’AME PAR LE MAGNETISME
Nous venons de voir, dans le chapitre précédent, que l'idée d'une certaine corporéité, inséparable de l'âme, a été la croyance presque générale de l'antiquité et celle d'une multitude de penseurs jusqu'à notre époque . Il est évident que cette conception résulte de la difficulté que nous éprouvons à imaginer une entité purement spirituelle. Nos sens ne nous font connaître que la matière, et il faut exercer la vue intérieure pour sentir qu'il y a, en nous, autre chose que ce principe. La pensée, seule, nous fait admettre par son absence de caractères physiques qu'il existe quelque chose qui diffère de ce qui tombe sous les sens.
Mais l'idée d'un corps fluidique résulte aussi des apparitions. Il est évident que, lorsqu'on voit l'âme d'une personne morte, il faut bien qu'elle ait une certaine objectivité, sans quoi elle demeurerait invisible. Or, ce phénomène s'est produit dans tous les temps, et les histoires religieuses et profanes fourmillent d'exemples de ces manifestations de l'au-delà.
Nous n'ignorons pas que la critique contemporaine a fait litière de ces faits. Elle les a attribués, en bloc, à des illusions à des hallucinations ou à la crédulité superstitieuse de nos aïeux. Strauss, Taine, Littré, Renan, etc, passent systématiquement sous silence tous les cas que nous pourrions revendiquer. Mais ce procédé n'est pas justifié, car, de nos jours, nous pouvons constater les mêmes apparitions, et cette fois avec tous les procédés qui permettent d'en faire un contrôle sévère. Dès lors, nous pouvons admettre que ces savants se sont trompés et qu'il y a lieu de tenir compte de ces récits du passé.
D'ailleurs, c'est un fait positif que les phénomènes du spiritisme ne sont pas nouveaux. ils ont eu lieu de tout temps. Toujours il a existé des maisons hantées et des apparitions ; dès lors, on conçoit que l'idée que l'âme n'et pas purement immatérielle a pu se conserver, malgré l'enseignement contraire des philosophies et des religions .
Mais cette notion d'une enveloppe de l'âme était bien vague, bien indéterminée. Ce corps fluidique était-il formé subitement au moment de la mort terrestre ? L'âme se revêtait-elle de cette substance subtile pour un certain temps, ou pour toujours ? Ou bien, cette apparence vaporeuse n'était-elle due qu'à une action momentanée, transitoire de l'âme sur l'atmosphère, devant cesser avec la cause qui l'avait produite ? Autant de questions insolubles, tant que l'on ne pourrait observer à loisir les apparitions.
LA VOYANTE DE PRÉVORST
Le magnétisme est venu fournir le premier un moyen de pénétrer dans ce domaine inaccessible du lendemain de la mort. Le somnambulisme, découvert par M. de Puységur, a été l'instrument d'investigation de ce monde nouveau. Les somnambules, soumis à cet état nerveux, ont pu entrer en rapport avec les âmes désincarnées, les décrire minutieusement, de manière à convaincre les assistants qu'ils causaient véritablement avec des Esprits.
Le Dr Kerner, aussi réputé pour son savoir que pour sa parfaite honnêteté, a écrit la biographie de Madame Hauffe, plus connue sous le nom de : la voyante de Prévorst . Elle n'avait pas besoin d'être endormie pour voir les Esprits ; sa nature délicate et affinée par la maladie lui permettait de percevoir des formes invisibles pour les autres personnes présentes. Sa première vision eut lieu dans une cuisine du château de Lowenstein. C'était un fantôme de femme qu'elle revit ailleurs, quelques années plus tard.
Elle racontait, mais quand on la questionnait beaucoup, jamais spontanément, avoir toujours près d'elle, comme en ont eu Socrate, Platon et autres, un ange ou daimon, l'avertissant des dangers à éviter, non seulement pour elle, mais aussi pour d'autres personnes. C'était l'esprit de sa grand'mère, Mme Schmidt Gall. Il était vêtu, comme tous les esprits féminins qui lui apparaissaient, d'une robe blanche à ceinture et d'un grand voile, également blanc.
La voyante de Prévorst disait qu'après la mort, l'âme conserve un esprit nervique qui est sa forme. C'est cette enveloppe qu'elle avait la faculté de voir sans être endormie, et beaucoup mieux à la clarté du soleil ou de la lune que dans l'obscurité. « Les âmes n'ont, disait-elle, point d'ombre. Leur forme est grisâtre ; leurs vêtements, ceux qu'elles ont portés dans ce monde, mais grisâtres comme elles-mêmes. Les meilleures ont seulement de grandes robes blanches et semblent planer, tandis que les mauvaises marchent péniblement. Leurs yeux sont tous étincelants. Elles peuvent non seulement parler, mais produire des sons, tels que soupirs, frôlements de soie ou de papier, coups sur des murs ou des meubles, bruits de sable, de cailloux ou de chaussures traînées sur le sol. Elles sont aussi capables de mouvoir les objets les plus lourds et d'ouvrir ou de fermer les portes. »
Ces visions étaient-elles objectives ? C'est-à-dire avaient-elles lieu ailleurs que dans le cerveau de Mme Hauffe ? Le Dr Kerner fit plusieurs enquêtes pour s'assurer de la réalité de ces esprits, perceptibles seulement pour la voyante.
« À Oberstenfald, une de ces âmes, celle du comte Weiler, qui avait assassiné son frère, se présenta à Mme Hauffe jusqu'à sept fois. Mme Hauffe seule la vit ; mais plusieurs de ses parents entendirent une explosion, virent des carreaux, des meubles et des chandeliers se déplacer sans que personne y touchât, chaque fois que le fantôme revint.
« Une autre âme d'assassin, vêtue d'un froc, poursuivit la voyante toute une année, lui demandant, comme l'avait fait le comte Weiler, des prières et des leçons de catéchisme. Cette âme ouvrait et fermait violemment les portes, remuait la vaisselle, bouleversait les piles de bois, frappait de grands coups sur les murailles, et semblait se faire un jeu de changer de place à tout moment. Vingt personnes respectables l'on entendue, soit dans la maison, soit dans la rue, et certifieraient au besoin le fait.
« Un fantôme de femme, portant dans ses bras un enfant, se montra à Mme Hauffe plusieurs fois. Comme ce fut le plus souvent dans sa cuisine, elle fit lever quelques dalles, et l'on trouva, à une assez grande profondeur, le cadavre d'un enfant.
« À Weinsperg, l'âme d'un teneur de livres, qui avait commis quelques infidélités pendant sa vie, la vint prier, en redingote noire râpée, de dire à sa veuve de ne pas cacher davantage les livres dans lesquels se trouvaient ses fausses écritures et lui indiqua les endroits où ils étaient, pour qu'elle les dénonçât à la justice. Elle obéit. À l'aide de ces livres, quelques torts du mort furent réparés.
« À Lenach, ce fut l'âme d'un bourgmestre nommé Bellon, mort en 1740, à l'âge de soixante-dix-neuf ans, qui vint lui demander des conseils pour échapper à la persécution de deux orphelins. Elle lui donna ces conseils, et après six mois l'âme ne revint plus.
« On trouve cette mort mentionnée dans les registres de la paroisse de Lenach, avec une note portant que le bourgmestre avait fait tort à plusieurs enfants dont il était tuteur. »
Le Dr Kerner ajoute qu'il pourrait citer encore une vingtaine d'apparitions dont l'authenticité a été vérifiée ultérieurement. L'honorabilité de ce docteur étant parfaitement établie, Mme Hauffe, presque toujours alitée, ne pouvant se déplacer et entourée de membres de sa famille, aucune supercherie n'aurait été possible. Les faits sont donc réels, et bien qu'ils se soient produits longtemps avant que l'on parlât de spiritisme, ils ont avec ceux observés de nos jours les plus grandes analogies.
LA CORRESPONDANCE DE BILLOT ET DE DELEUZE
Écoutons maintenant un second témoin autorisé, médecin et fort honnête homme, le vénérable Billot, affirmer sa croyance aux Esprits, dans la correspondance qu'il entretint avec Deleuze .
« Un phénomène qui constaterait positivement l'existence des Esprits, de ces êtres immatériels qui, selon les esprits forts, ne peuvent en aucune manière tomber sous les sens de l'homme, serait bien propre sans doute à piquer la curiosité publique et à fixer surtout l'attention des savants de tous les pays, quelque opinion qu'ils eussent à cet égard... Eh bien ce phénomène existe. Cette assertion, qui, de prime abord, a l'air d'un paradoxe, pour ne pas dire d'une extravagance, n'en est pas moins une grande vérité ».
Notre auteur rapporte qu'il a fait partie pendant longtemps d'une association de magnétiseurs et de sujets où il observa des phénomènes de communication avec les Esprits, ce qui détermina sa croyance à un monde invisible, peuplé par les âmes de personnes décédées.
« Les séances commençaient par la partie mystique, c'est-à-dire par l'athanotophanie, ou apparition des Esprits, et se terminaient par la partie médicale, c'est-à-dire par le raphaelisme ou médecine angélique. Quand je dis apparition, je n'entends point que ces Esprits se rendissent visibles aux sociétaires, ils ne l'étaient que pour les somnambules. Néanmoins, leur présence était marquée par quelque signe positif, fait que je puis attester, attendu que j'étais chargé d'écrire tout ce qui passait dans ces séances. »
Le plus souvent, ces intelligences qui dirigent les somnambules prennent des formes d'anges. Ils ont des tuniques blanches, des ceintures d'argent et parfois des ailes. Il arrive aussi que les lucides reconnaissent des personnes du pays, mortes depuis plus ou moins longtemps. Même à l'état normal les sujets perçoivent souvent la voix des guides invisibles.
« Je sens d'abord, dit l'un d'eux, un petit souffle comme celui du plus léger zéphir, qui rafraîchit et glace bientôt mon oreille. Dès ce moment, je perds l'ouïe, et je commence à entendre un petit bourdonnement dans l'oreille, comme celui d'un cousin. Prêtant alors l'attention la plus sévère, j'entends une petite voix qui me dit ce que je répète ensuite. »
Hallucination de l'ouïe dira le docteur moderne qui lira ce récit, provoquée probablement par auto-suggestion ou par une suggestion inconsciente du Dr Billot. Mais cette explication ne sera plus de mise si l'on constate que l'être invisible exerce un action physique sur le somnambule, sans que celui-ci ait songé à ce qui va arriver, et la première fois en l'absence du docteur.
En effet, ces guides spirituels peuvent agir sur le corps des sujets, car le docteur a été témoin d'une saignée qui s'arrêtait d'elle-même, lorsque la quantité de sang sortie était suffisante. Il n'y avait, dans ce cas, nul besoin de faire de ligature .
On remarque à chaque instant, dans les lettres de ce savant, qu'il a pu assister, pendant de longues années, à des visions d'Esprits, lesquels sont soigneusement décrits par les somnambules. Avec un remarquable sens critique, Billot a soumis ses sujets à des expériences nombreuses, et ce n'est qu'après avoir longuement étudié qu'il se prononce catégoriquement. Nous n'avons pas affaire à un croyant qui accepte aveuglément toutes les doctrines. Il raisonne froidement et ne se rend qu'à l'évidence. Il a trop de bon sens pour attribuer l'action de l'Esprit sur la matière à ces causes surnaturelles, il n'y voit que l'effet de lois encore ignorées, mais que l'on découvrira un jour :
« Quant aux opérations des Esprits sur le corps, s'il en est quelques-unes qui tiennent du prodige, elles ne sont pas pour cela contre nature, mais contre ce qui est connu de la nature. Or, comme il y a encore dans la nature bien des choses cachées aux hommes, il n'est pas bien étonnant que l'on trouve surnaturels certains phénomènes qui rentrent pourtant dans l'ordre des choses créées ; et si certaines lois de la nature nous sont cachées, c'est parce que l'on n'a pas encore étudié l'homme comme il doit l'être, c'est-à-dire dans tous ses rapports avec la création . »
Il est curieux d'observer dans cette correspondance le caractère particulier de chacun des interlocuteurs ; Deleuze, froid et défiant, ne se rend qu'avec peine aux pressantes objurgations du « solitaire », ainsi que s'intitule Billot. Cependant, il convient à la fin qu'il a pu observer des sujets qui étaient en rapport avec les âmes des morts.
« Le magnétisme, dit-il, démontre la spiritualité de l'âme et son immortalité ; il prouve la possibilité de la communication des intelligences séparées de la matière avec celles qui lui sont encore unies, mais il ne m'a jamais présenté des phénomènes qui m'aient convaincu que cette possibilité se réalise souvent ».
Un peu plus tard, il devient plus affirmatif, il écrit au Dr Billot :
« Le seul phénomène qui semble établir la communication avec les intelligences immatérielles, ce sont les apparitions. Il y en a plusieurs exemples, et, comme je suis convaincu de l'immortalité de l'âme, je ne vois pas de raison pour nier la possibilité de l'apparition des personnes qui ayant quitté cette vie, s'occupent de ceux qu'elles ont chéris et viennent se présenter à eux pour leur donner des avis salutaires. Je viens d'en avoir un exemple, le voici :
« Une demoiselle somnambule, qui avait perdu son père, l'a vue deux fois très distinctement. Il est venu lui donner des avis importants. Après lui avoir donné des éloges sur sa conduite, il lui a appris qu'il allait se présenter un parti pour elle : que ce parti paraîtrait convenable, et que le jeune homme ne lui déplairait point, mais qu'elle ne serait pas heureuse avec lui et qu'il lui conseillait de le refuser. Il ajouta que, si elle n'acceptait pas ce parti, un autre se présenterait bientôt après, et que tout serait conclu avant la fin de l'année. C'était au mois d'octobre.
«Le premier jeune homme a été proposé à la mère ; mais la fille, frappée de ce que son père lui avait dit, a refusé.
« Un second jeune homme, qui arrivait de province, a été présenté à la mère par des amis ; il a demandé la demoiselle et le mariage a été arrêté le 30 décembre.
« Je ne prétends pas donner ce fait comme une preuve sans réplique de la réalité des apparitions ; mais, du moins, il la rend vraisemblable, d'autant plus que l'on sait qu'il existe d'autres faits de ce genre. »
Afin d'amener son ami à une croyance complète, Billot se décide à lui raconter les phénomènes d'apports dont il a été le témoin. Ici, on ne peut douter qu'une intelligence étrangère aux assistants ne soit en relations avec la somnambule, puisqu'il reste une preuve tangible de cette action supra-terrestre.
Voici comment ce phénomène est relaté par notre docteur :
« Je prends Dieu à témoin de la vérité du contenu des observations qui vont suivre... la cause ressortira des seules démonstrations matérielles, et tombera sous les sens, par suite de l'observation et de l'expérience.
1ère Observation :
« Une dame, frappée depuis quelque temps de cécité incomplète, sollicitait auprès de nos somnambules quelques secours pour arrêter les progrès de l'amaurose qui, bientôt, ne lui laisserait plus distinguer la clarté des ténèbres. Lorsque, un jour de séance (17 octobre 1820), la somnambule consultée dit : « Une jeune vierge me présente une plante.. elle est tout en fleurs... je ne la connais point... on ne m'en dit pas le nom... cependant, elle est nécessaire à Mme J ... »
« D. - Où la trouver ? lui dis-je, car nous n'avons aucune plante en floraison à la campagne dans la saison froide où nous sommes. Faudra-t-il aller la chercher loin d'ici ? »
« R. - Ne nous en inquiétez point, répondit la somnambule, on nous la procurera s'il le faut. »
« Et, comme nous insistions pour savoir dans quel endroit la jeune vierge voudrait bien nous l'indiquer, la dame aveugle, qui se trouvait en présence devant la somnambule, s'écria : « Mais, mon Dieu ! j'en palpe une tout en fleurs sur mon tablier, on vient de l'y déposer... Voyez donc, Virginie (c'était le nom de la somnambule)... voyez, serait-ce celle qu'on vous présentait tantôt ? Oui, madame, c'est bien celle-là même, répondit Virginie : que chacun de nous loue et bénisse Dieu de cette faveur. »
« J'examine alors la plante. C'était un arbustre à peu près comme une plante moyenne de thym. Les fleurs labiées, en épis, donnaient une odeur délicieuse. Elle me parut être le thym de Crète. D'où venait cette plante ? De son pays natal ou bien de quelque serre chaude ? C'est ce qu'on n'a pas su. Mais ce que je sais fort bien, c'est que j'en possède une tige que la jeune vierge ne m'accorda qu'après de longues prières. »
Pour qui a pu se convaincre, par la lecture de son livre, de la bonne foi et de la loyauté du docteur Billot, il n'est pas possible de mettre en doute la sincérité de ce récit. Nous dirons donc avec lui : « Cette première observation ne prouve-t-elle pas d'une manière irrécusable le spiritualisme ? A-t-elle besoin de commentaire ? Ne met-elle pas en défaut toute théorie différente de celle que nous exposons (intervention des esprits) ? Avons-nous tort de dire qu'elle est la seule qui puisse donner raison d'un phénomène si extraordinaire ? »
Nous ferons remarquer qu'il ne pouvait y avoir de supercherie, puisque la plante était inconnue dans le pays, et de plus en fleurs, alors que la saison ne s'y prêtait nullement. N'oublions pas non plus cette odeur délicieuse qui se répand tout à coup dans l'appartement, alors que la plante apparaît. Ce détail, seul, suffirait à affirmer l'authenticité du phénomène. Nous avons cité ce fait, non seulement pour affirmer la réalité de la vision, mais aussi afin de bien établir le pouvoir qu'ont les Esprits d'agir sur la matière, au moyen de procédés qui nous sont encore complètement inconnus.
Deleuze ne met pas en doute le phénomène, car on lui en a rapporté souvent de semblables :
« J'ai eu ce matin la visite, répond-il, d'un médecin fort distingué, homme d'esprit, qui a lu plusieurs mémoires à l'Académie des sciences. Il venait pour me parler du magnétisme. Je lui ai raconté quelques faits que je tiens de vous, sans pourtant vous nommer. Il m'a répondu qu'il n'en était pas étonné, et il m'a cité un grand nombre de faits analogues que lui ont présentés plusieurs somnambules. Vous jugez que j'ai été bien surpris, et que notre conversation a eu le plus grand intérêt. Entre autres phénomènes, il m'a cité celui d'objets matériels que le somnambule faisait arriver devant lui, ce qui est du même ordre que la branche du thym de Crète ... ».
On voit, par ce témoignage, que les phénomènes d'apports n'étaient pas inconnus dès le commencement du siècle dernier. Ceci démontre, une fois de plus, la continuité des manifestations spirites qui ont eu lieu constamment, mais que le public rejetait comme diaboliques, ou qu'il croyait apocryphes et produites par des charlatans.
Si l'espace ne nous était mesuré, nous ferions connaître comment Billot entrait en rapport avec les Esprits par l'intermédiaire du doigt de son sujet, alors parfaitement éveillé, au moyen d'une sorte de typtologie particulière. Nous nous contenterons de renvoyer le lecteur à cette intéressante correspondance, pour donner la parole à d'autres témoins.
LES RÉCITS DE CHARDEL
Voici plusieurs extraits de Chardel qui nous instruisent à la fois sur les rapports des somnambules avec le monde désincarné, et sur l'état de l'âme du sujet pendant le somnambulisme .
Un jour que la somnambule Lefrey dictait à son magnétiseur quelques prescriptions thérapeutiques, elle lui dit d'un ton singulier :
« Vous entendez bien qu'il me l'ordonne ?
- Qui demande le docteur, vous ordonne cela ? - Mais lui, vous ne l'entendez pas ?
- Non, je n'entends ni ne vois personne.
- Ah ! c'est juste, reprit-elle, vous dormez, tandis que moi, je suis éveillée...
- Comment vous rêvez, ma chère, vous prétendez que je dors pendant que j'ai les yeux parfaitement ouverts, que je vous tiens sous mon influence magnétique, et qu'il ne dépend que de ma volonté de vous ramener à l'état dans lequel vous étiez tout à l'heure. Vous vous croyez éveillée parce que vous me parlez et que vous avez jusqu'à un certain point votre libre arbitre, tandis que vous ne pouvez pas desserrer vos paupières.
- Vous êtes endormi, je le répète ; moi, au contraire, je suis presque aussi complètement éveillée que nous le serons tous un jour à venir. Je m'explique : tout ce que vous pouvez voir actuellement est grossier, matériel ; vous en distinguez la forme apparente, mais les beautés réelles vous échappent ; tandis que moi dont les sensations corporelles sont momentanément suspendues, dont l'âme est presque entièrement dégagée de ses entraves ordinaires, je vois ce qui est invisible à vos yeux, j'entends ce que vos oreilles ne peuvent entendre, je comprends ce qui pour vous est incompréhensible.
« Par exemple, vous ne voyez pas ce qui sort de vous pour venir à moi, lorsque vous me magnétisez ; moi, je le vois très bien. À chaque passe que vous dirigez vers moi, je vois comme de petites colonnes d'une poussière de feu qui sort du bout de vos doigts, et vient s'incorporer en moi, et, quand vous m'isolez, je suis environnée à peu près d'une atmosphère ardente de cette même poussière de feu . J'entends, quand j'en ai le désir, le bruit qui se fait au loin, les sons qui partent et se répandent à cent lieues d'ici ; en un mot, je n'ai pas besoin que les choses viennent à moi, je puis aller à elles, en quelque lieu qu'elles se trouvent, et en faire une appréciation beaucoup plus juste que ne le pourrait tout autre personne qui ne serait pas dans un état analogue au mien. »
L'auteur de la physiologie du Magnétisme rapporte aussi qu'une somnambule avait, la nuit, pendant le sommeil naturel, une sorte d'extase qu'elle expliquait en ces termes.
« J'entre, alors, disait-elle, dans un état semblable à celui que le magnétiseur me procure et mon corps se dilatant peu à peu, je le vois très distinctement loin de moi, immobile et froid comme un mort ; quant à moi, je me parais une vapeur lumineuse et je me sens penser séparée de mon corps ; dans cet état, je comprends et je vois beaucoup plus de choses que dans le somnambulisme, lorsque la faculté de penser s'exerce sans que je sois séparée de mes organes ; mais, après qu'il s'est écoulé quelques minutes, un quart d'heure au plus, la vapeur lumineuse de mon âme se rapproche de plus en plus de mon corps, je perds connaissance et l'extase cesse. »
L'auteur ajoute qu'à ce degré d'épanouissement du système nerveux, l'homme spiritualisé, ou, si l'on aime mieux, fluidifié dans tout son être, jouit de toutes les facultés de ceux qu'on appelle les Esprits, et que c'est seulement en cet état que la centralisation de la sensibilité nerveuse est comme rompue et toute diffuse.
Nous verrons que le récit de cette somnambule, relatif à l'état de vapeur lumineuse qu'elle revêt une fois sortie de son corps, est confirmé expérimentalement par les travaux de M. de Rochas sur l'extériorisation de la sensibilité.
Poursuivons.
Une autre somnambule qui avait, comme celle-ci, dans les heures de la nuit, des visions qui ne ressemblaient en rien aux rêves ordinaires, et la laissaient dans une fatigue extrême, dit un jour au même docteur :
« Je croyais être suspendue dans l'air sans forme matérielle, mais toute vapeur et toute lumière ; je vous montrais mon corps que j'avais quitté, étendu dans mon lit : ce n'était qu'un cadavre. Vous voyez, vous disais-je, il est mort, il sera ainsi dans trente jours. Puis, insensiblement, cette lumière que je sentais être moi se rapprocha du cadavre, s'y mit, et je repris mes sens, brisée comme après un long et pénible sommeil magnétique. »
AUTRES TÉMOIGNAGES
Pour ceux qui croient à l'immortalité de l'âme, il est certain que, si l'on peut communiquer avec les Esprits, ce doit être en se mettant dans une position qui se rapproche le plus de celle que l'on aura après la mort.
Or, le somnambulisme chez certains sujets paraît éminemment propre à produire ce résultat. L'esprit, momentanément dégagé, du moins en partie, du lien physiologique, se trouve dans un état voisin de celui qui deviendra permanent un jour. De plus, si l'on admet que les âmes désincarnées communiquent entre elles, ce qui semble évident, il est clair qu'elles pourront se manifester aux somnambules lorsque ceux-ci seront dans le sommeil magnétique.
C'est ce que la plupart des magnétiseurs ont été forcés. de reconnaître. Malgré son scepticisme, le Dr Bertrand nous dit , parlant d'une somnambule très lucide :
« Cette femme s'exprimait toujours comme si un être distinct, séparé d'elle, et dont la voix se faisait entendre au creux de l'estomac, lui eût révélé toute les notions extraordinaires qu'elle acquérait en somnambulisme. J'ai vu le même phénomène sur le plus grand nombre des somnambules que j'ai observés. Le cas le plus ordinaire est celui où il semble au somnambule que les événements qu'il annonce lui sont révélés par une voix. »
Le baron du Potet, longtemps incrédule, fut contraint à son tour de confesser la vérité. Il nous apprend comment il a retrouvé dans le magnétisme la spiritologie antique, et par quels exemples lui-même a été amené à croire au monde des Esprits « que le savant, dit-il , rejette comme une des plus grandes erreurs du temps passé ; mais aujourd'hui, l'homme profond est amené à croire par un examen sérieux des faits. »
Ailleurs , il affirme qu'on peut entrer en rapport avec les Esprits dégagés de la matière, au point d'obtenir d'eux ce dont on a besoin.
Nous pourrions multiplier les citations empruntées à la riche bibliothèque du magnétisme spiritualiste, et montrer que Charpignon, Ricard, l'abbé Loubet, Teste, Aubin, Gauthier, Delage, etc, ont cru aux communications entre vivants et désincarnés. Mais nous n'oublions pas que notre but spécial est l'étude du périsprit, c'est pourquoi nous arrivons immédiatement à un chercheur consciencieux, un homme de bonne foi, Cahagnet, qui a le mieux étudié ces phénomènes.
LES EXPÉRIENCES DE CAHAGNET
Jusqu'ici, nous entendons bien des magnétiseurs affirmer des relations avec un monde supra-normal. Les sujets voient le plus souvent « leur guide » ou « ange gardien », qu'ils décrivent presque toujours comme un beau jeune homme vêtu de blanc. Les visions sont très souvent mystiques : parfois c'est la Vierge qui apparaît ; on récite des prières pour éloigner les méchants Esprits. Rarement le personnage décrit est un défunt.
Les sujets voient-ils toujours des personnages réels ? Nous ne le croyons pas ; ils sont fort souvent suggestionnés par l'expérimentateur et aussi par leur imagination ; il faut donc soigneusement se garder d'accorder une créance quelconque à leurs affirmations, tant qu'elles ne sont pas appuyées par des preuves absolues, dans le genre de celles que nous avons rapportés d'après le Dr Billot.
La vision d'un Esprit n'a de valeur positive qu'autant qu'il est tout à fait certain que ce n'est pas une auto-suggestion du somnambule, ou une transmission de pensée de la part de l'opérateur.
Le fait suivant, cité par le Dr Bertrand dans une de ses conférences, et reproduit par le général Noizet, en est une preuve convaincante :
Un magnétiseur fort imbu d'idées mystiques avait un somnambule qui pendant son sommeil, ne voyait que des anges et des esprits de toute espèce. Ces visions servaient à confirmer de plus en plus le magnétiseur dans sa croyance religieuse. Comme il citait toujours les rêves de son somnambule à l'appui de son système, un autre magnétiseur se chargea de le détromper, en lui montrant qu'un somnambule n'avait les visions qu'il rapportait que parce que le type en existait dans sa propre tête. Il proposa pour prouver ce qu'il avançait de faire voir au même somnambule la réunion de tous les anges du paradis à table et mangeant un dindon. Il endormit donc le somnambule, et au bout de quelque temps, il lui demanda s'il ne voyait rien d'extraordinaire ; celui-ci répondit qu'il apercevait une grande réunion d'anges. - Et que font-ils ? dit le magnétiseur. Ils sont autour d'une table et ils mangent. Il ne put indiquer cependant quel était le mets qu'ils avaient devant eux.
Il est donc nécessaire d'être excessivement circonspect dans l'acceptation des récits de somnambules, puisque nous savons qu'ils sont parfois très suggestibles, même mentalement. Défions-nous des descriptions du paradis et de l'enfer comme en ont tant faites les sujets et les mystiques de tous les pays, et de toutes les époques.
Avec Cahagnet tout change. Ce ne sont plus des êtres angéliques qui se montrent, mais bien des Esprits qui ont vécu parmi nous. Il se font reconnaître parce qu'ils ont le même extérieur qu'ici-bas, des vêtements semblables à ceux qu'ils portaient ; que leurs souvenirs sont nets et précis, et qu'ils font preuve de jugement, de volonté, comme s'ils étaient encore sur la terre. Ce ne sont pas de simples images reproduisant des êtres disparus : ces apparitions sont des individualités qui causent, remuent, vivent et affirment catégoriquement que la mort ne les a pas atteints. C'est déjà du vrai spiritisme ; aussi quel tollé général lorsque parurent les Arcanes de la vie future dévoilés. Tout ce que l'ignorance, le fanatisme, la sottise a réédité depuis contre notre doctrine, vint fondre sur le malheureux magnétiseur. Écoutons sa plainte douloureuse :
« Notre adversaire, M. le baron du Potet , nous avait dit ces mots qui étaient prophétiques pour nous, lorsque nous publiâmes le premier volume de cet ouvrage : «Vous traitez vingt ans trop tôt de ces questions, l'homme n'est pas préparé à les comprendre. »
« Hélas, répondions-nous alors, pourquoi le voyons-nous baigner de ses larmes la cendre de ceux qu'il croit à jamais perdus pour lui ? À quel moment de l'existence humaine pouvons-nous arriver plus à propos pour dire à cet homme : console-toi, frère, celui que tu crois à jamais séparé de toi, est là à tes côtés, qu’il est plus heureux que sur la terre, et qu'il t'assure par ma voix qu'il vit et qu'il t’attend dans des sphères rapprochées, pour continuer ses intimités avec toi. Si tu ne veux pas en croire ma parole, tiens, regarde cette jolie tête enfantine, qui pleure parce qu'elle te voit pleurer ; parce que tu lui dis qu'elle ne reverra plus sa mère chérie ; pose ta main sur son front, et dans quelques minutes, tu vas la voir sourire à celle que tu crois morte : elle va te conter ce qu'elle est, où elle est et ce qu'elle fait. Tu ne pourras douter un instant que ce marbre qui t'effraie est la porte du temple de l'immortalité où nous vivrons tous éternellement pour nous aimer éternellement. »
« Je dis cela à ce frère malheureux, et, loin de me serrer la main en signe de gratitude, il me regarde avec mépris, en s'écriant : Cet homme est fou ! »
Mais c'était un fier lutteur que cet ouvrier qui a eu la gloire de se faire ce qu'il est devenu: un des pionniers de la vérité. Il a combattu vigoureusement ses contradicteurs, et ceux-ci ont été réduits au silence. Les deux premiers volumes des Arcanes renferment des récits d'expériences faites avec huit extatiques qui possédaient la faculté de voir les Esprits désincarnés. Le point culminant fut atteint avec l'un deux, Adèle Maginot, qui obtint une longue série d'évocations. L'ouvrage renferme plus de 150 procès verbaux, émanant de témoins qui affirment avoir reconnu les Esprits décrits par la somnambule. C'est là un fait capital sur lequel on ne saurait trop appeler l'attention. On ne peut raisonnablement supposer que des hommes appartenant à tous les mondes, d'une honorabilité indiscutable, se soient donné le mot pour attester des mensonges. Il y a donc dans ces expériences une voie nouvelle, une mine fertile à exploiter pour les chercheurs avides de connaissances sur l'au-delà. Voici un exemple qui montre comment les choses se passaient habituellement .
UNE ÉVOCATION
« M. B.... magnétiseur et souscripteur aux Arcanes, désire une séance d'apparition; sitôt Adèle en état, nous demandons M. B.... Ernest, Paul, décédé, frère de M. B... ; la mère de ce monsieur est présente à cette séance. Adèle dit : Le voilà ! - Donne-nous son signalement ? Je lui vois des cheveux châtain clair, le front beau et découvert, yeux approchant du brun, sourcils assez bien arqués, nez allant un peu en pointe, bouche moyenne ; il porte des moustaches plus claires que ses cheveux ; teint clair, pâle et délicat, menton rond, corpulence frêle, quoique ayant dû être assez forte ; la maladie l'a beaucoup affaibli ; il porte un habit couleur foncée (olive, je crois) ; son air est dolent, calme et souffrant ; il a dû souffrir du cœur et de la poitrine, et a éprouvé des fatigues dans les jambes. Il n'était pas sans chagrin, il se tourmentait beaucoup intérieurement sans en laisser rien apercevoir ; il était parfois méditatif, s'absorbait dans des idées noires ; il aimait une personne, ce qui causait une bonne partie de son chagrin; il était très sensible.
« - Quel âge te parait-il avoir ? - Environ vingt-cinq ans ; son estomac a été fatigué par des excès de jeunesse...
« - Par qui a-t-il été reçu au ciel ? Par son grand-père. - Monsieur son père a eu une vision dans laquelle il a vu son fils au ciel près de sa grand'mère ? - Cette vision est véridique, mais la première personne qui l'a reçu est son grand-père paternel, celui qu'il a connu sur la terre; il lui tendait les bras, il s'y est précipité ; sa grand'mère était parmi les autres, il ne manquait pas de monde qui l'attendait... Il n'a pas eu à peine d'agonie. Il ne croyait pas au magnétisme, il me dit de dire à monsieur son frère qu'il y croit maintenant. - Qui gardait son corps décédé ? - Sa famille. - Où a-t-il été déposé ? - Au Père Lachaise. Est-il resté dans le même tombeau ? – Non ; on l'a réuni à son grand-père, celui qui l'a reçu le premier au ciel. - Quelles étaient les personnes qui suivaient immédiatement son convoi - Il a mieux aperçu son frère que d'autres. - Adèle est fatiguée, nous cessons.
« M. B... est ravi de cette expérience ; madame sa mère est plongée dans la plus grande douleur ; son fils lui fait dire par Adèle qu'elle ne pleure pas, qu'il est plus heureux qu'elle ; il voudrait qu'elle eût fini son temps d'épreuve ; il est venu la visiter plusieurs fois dans son sommeil pour la consoler ; il ne l'en a pas fait ressouvenir pour ne pas augmenter sa douleur, connaissant l'amertume de ses regrets. Il est apparu de même à monsieur son frère, il lui apparaîtra encore ; il le remercie de l'avoir enseveli.
« M. B... ne trouve pas une syllabe à retrancher à cette masse de détails ; madame sa mère conserve un seul doute sur la nuance des yeux ; on ne peut se rappeler au juste leur couleur. Dieu a permis que notre foi soit raffermie de plus en plus. M. B..., désirant taire son nom par des considérations de famille, a signé le double de cette séance pour me garantir, à l'avenir, contre les réticences que quelques hommes, oublieux et chicaneurs, pourraient élever sur la réalité de ce qu'ils ont entendu et reconnu vrai. J'en agirai de la sorte par la suite.
« Le lendemain de cette séance, M. B... vient à la maison pour nous dire que, à la suite de cette apparition, il avait sollicité une assemblée de famille pour obtenir la certitude de la couleur exacte des yeux de son frère ; la généralité des souvenirs fut pour la couleur des yeux décrits par Adèle. Cette particularité me fit grand plaisir, parce que ce monsieur ayant dit à Adèle: - Vous faites erreur, ma mère croit les yeux bleus, persistez-vous à les voir bruns ? - Adèle lui répondit : - Il me serait très facile de dire comme madame votre mère, puisqu'elle les croit tels, et que cela ajouterait à la vérité de tout ce que je vous ai dit, mais je mentirais et ne dirais pas ce que je vois ; pour moi, ils sont bruns. C'est d'après cette affirmation que ce monsieur convoqua une assemblée de famille et se fit un devoir de m'instruire de son résultat».
À chaque pas, on trouve dans ces volumes des preuves semblables. Mais ce serait bien mal connaître notre époque que d'imaginer que ces récits eurent le don de déterminer la conviction. La bonne foi de Cahagnet ne fut jamais contestée, ses contemporains le reconnurent comme un honnête homme incapable d'altérer la vérité ; mais ils prétendirent que ces phénomènes pouvaient s'expliquer tous par une transmission de pensée, s'exerçant entre le consultant et le sujet.
Nous pouvons nous rendre compte du peu de valeur de cette objection, dans ce cas, si l'on réfléchit aux circonstances qui accompagnèrent l'apparition. Celle-ci cause, elle fait dire à sa mère, par Adèle, de ne pas se tourmenter. Si c'était une simple image, elle ne parlerait pas. Et pourquoi cette image serait-elle associée à celle du grand-père paternel, alors que, dans la pensée de la mère et du frère, c'est la grand'mère qui dit l'avoir reçu au ciel ?
D'ailleurs pour répondre à cette objection, qui a été l'épée de chevet des incrédules, l'auteur rapporte un certain nombre d'apparitions auxquelles cette explication est encore moins applicable .
En voici une, entre beaucoup d'autres.
« M. l'abbé Almignana, déjà cité, paraissant ne plus être convaincu par les détails qu'Adèle lui avait donnés sur l'apparition de monsieur son frère, qu'il avait sollicitée dans la deuxième séance, vint me faire part de ses doutes à cet égard. En ce moment, Adèle était en sommeil; il me proposa d'appeler la soeur de sa bonne, qu'on nommait Antoinette Carré, décédée depuis quelques années. Je demandai cette personne.
« Adèle dit : - Je vois une femme d'une taille moyenne, cheveux châtain clair, âgée d'environ 45 ans, pas jolie, petits yeux gris, gros nez, un peu large du bas ,teint jaunâtre, bouche plate : elle a ce que nous nommons la grosse gorge ; il lui manque des dents sur le devant de la bouche, le peu qui reste est noir comme des chicots ; elle porte ce qu'on nomme à la campagne un déshabillé : corsage d'une couleur brune, jupon rayé, un peu court ; tablier de campagne tournant autour du corps ; elle a un fichu à carreaux sur le cou ; ses mains annoncent des travaux pénibles : elle travaillait dans les champs ; elle avait un frère qui est mort après elle, mais il n'est pas dans le même rayon qu'elle : car, sans être un mauvais sujet il n'était pas très rangé. Cette femme me fait l'effet d'avoir été très bonne.
« M. Almignana emporta par écrit ces détails, et me répondit par la même voie ; j'extrais les passages suivants : « Après avoir lu pendant quatre fois, à Marie-Françoise Rosalie Carré, le signalement ci-dessus, elle a déclaré qu'il était si exact qu'elle ne pouvait pas faire moins que de reconnaître sa propre sœur. Antoinette Carré, dans la femme apparue à la somnambule ; quant à son frère, elle déclare qu'il est décédé après sa sœur, comme l'a dit Adèle. Elle joint une circonstance qui ne laisse pas d'attirer l'attention ; elle dit avoir rêvé la nuit du 30 au 31 janvier (veille de la séance) se trouver auprès du tombeau de sa sœur et de son frère, mais son attention était plus portée sur la tombe de sa sœur (elle ne l'avait jamais rêvée depuis sa mort).
Signé.- Almignana. « Je ferai observer à mon tour que M. l'abbé Almignana ainsi que sa bonne, ne savaient pas le jour même de cette séance que nous demanderions cette femme. Ce fut à l'improviste que je fis cette question à ce monsieur : Connaissez-vous quelqu'un de décédé dont l'apparition pourrait vous convaincre ? Il me répondit : Demandez la sœur de ma bonne : de cette manière il n'y aura aucune influence, ni communication de pensée, puisqu'elle n'est pas ici et qu'elle ne sait rien de ce qui va se passer. Comme on vient de le voir, la réussite a été parfaite ; cette femme, pour mieux prouver à son maître que ce qu'il avait entendu était vrai, dit avoir donné elle-même le fichu décrit à sa sœur. L'apparition d'Antoinette Carré doit détruire cette objection malveillante de la transmission de pensée, ou alors nous sommes tous des fous de vouloir prouver l'existence d'une âme à des ânes. »
Un dernier détail relatif à cette apparition :
« M. Almignana vint quelques jours après cette séance à la maison, et me conta que sa bonne avait vu la veille un homme de son pays auquel elle avait lu le signalement de sa sœur, qu'elle avait entre les mains, en lui demandant s'il connaissait cette personne. Cet homme lui répondit : Mais c'est votre sœur qui est morte de laquelle vous me faites le portrait ; c'est à ne pas s'y tromper. La bonne de M. Almignana fit observer à son pays que ce signalement mentionnait un petit bouton sur la joue et qu'elle ne lui avait jamais vu de signe de ce genre ; cet homme lui répondit : Vous faites erreur, car elle en avait un là, en lui montrant la place. Cette femme s'en ressouvint et n'en fut que plus convaincue, ainsi que M. Almignana, qui désirait cette exactitude parfaite qui ne laisse prise à aucun doute.
« Il a fallu qu'une troisième personne vint pour établir la vérité de cette particularité, qui de cette manière ne pouvait se voir dans la pensée de personne. (J'avais oublié de mentionner ce petit signe dans le signalement qu'on a lu). »
Ce sont des faits de cette nature qui assurent la conviction. Le lecteur, en se reportant aux Arcanes, en trouvera un assez grand nombre. Ces récits constituent des documents précieux, car ils sont signés authentiquement : ils nous montrent que l'Esprit conserve ou peut reprendre dans l'espace la forme qu'il avait sur la terre. Il la reproduit avec une extraordinaire fidélité, de manière à être reconnu, même par des étrangers. Ces êtres, qui se présentent au voyant, affirment leur personnalité par un langage qui est identique à celui qu'ils employaient ici-bas et par la révélation de détails, d'événements de leur vie passée, que seuls ils pouvaient connaître.
Un point encore doit appeler notre attention. Si l'on peut comprendre que l'âme humaine soit immortelle, puisqu'elle diffère du corps, qu'elle est une unité indécomposable, on comprend moins comment elle peut se présenter revêtue d'un costume. Où le prend elle, ce vêtement ? Celui-ci n'est évidemment pas immortel. Nous étudierons plus loin cette question et nous espérons l'avoir clairement élucidée. Voyons comment Cahagnet y répond :
« M. du Potet, dans son appréciation du premier volume de cet ouvrage, ridiculisa ce que nous disons sur les vêtements que portent les Esprits qui sont demandés par nous dans nos séances d'apparitions, en criant : « Voyez-vous tel Esprit habillé en garde national ? » Tel autre fut dans la même appréciation jusqu'à nous nier la possibilité de converser avec ces Esprits dans le patois que nous parlons ; aussi ne voulut-il pas admettre qu'ils portassent des vêtements terrestres.
« Le 162è numéro du Journal du Magnétisme contient un récit très curieux sur les manifestations spirituelles qui ont lieu, de nos jours, en Amérique, par lesquelles les Esprits lient rapport avec les hommes de la terre, conversent avec eux et leur rendent leur présence sensible par des attouchements, par des transports de meubles et des bruits que tous les spectateurs entendent.
« L'auteur de cet article, suivant les mêmes errements que M. du Potet, ne parait pas admettre que ces Esprits soient couverts des vêtements que les spectateurs accusent voir.
« Nous demanderons à ces écrivains s'ils préféreraient que ces Esprits se montrassent à nos yeux dans le costume d'Adam ?
« Nous leur demanderons, en plus, qui leur prouverait que ce sont des êtres pensants, s'ils ne parlaient pas ? Qui leur prouverait que ce ne sont pas de simples images de décédés, daguerréotypées dans la mémoire du demandant, s'ils ne répondaient pas à leurs questions, dans le patois que nous parlons, bien entendu, pour être compris de nous ?
« S'ils n'avaient pas un langage tant représentatif que terrestre, on dirait que l'on ne peut les questionner.
« S'ils nous répondaient dans un langage musical, aromal ou sensitif, on dirait que ce sont des linguistes orgueilleux, qui ne veulent pas salir leur langue par des phrases et des sons dont ils se servaient sur la terre.
« S'ils sont vêtus comme ici-bas, on les trouve trop communs, et en dehors du progrès des modes terrestres.
« S'ils sont plus élégamment vêtus, on les trouve trop attachés à l'idéal des Mille et une Nuits.
« S'ils sont nus, on les trouve impudiques, et l'on veut savoir comment ils étaient habillés sur la terre.
« De quoi veut-on donc les couvrir ? Car tel tissu, si spiritualisé soit-il, sera toujours une tissu exigeant un tisserand ».
La vérité est que l'Esprit crée, volontairement ou non, non vêtement fluidique, comme nous le verrons plus tard.
En somme, l'idée d'un corps spirituel de l'âme s'est dégagée d'une partie de son obscurité. Nous sommes d'ores et déjà, par le somnambulisme, en possession d'un moyen de voir les Esprits et de nous assurer qu'ils se présentent avec une forme corporelle qui reproduit fidèlement le corps physique qu'ils possédaient sur la terre. Ceci n'est plus une hypothèse ; c'est un fait qui résulte de l'observation expérimentale. Il faut lire les attestations nombreuses qui sont à la fin du second volume pour se bien persuader que les travaux de Cahagnet ne sont pas isolés. Ils ont été repris et vérifiés par un grand nombre de magnétiseurs, qui ont affirmé avoir obtenu les mêmes résultats. C'est donc pour nous un point acquis, et il nous est facile de renouveler ces phénomènes puisqu'il suffit de nous placer dans les conditions indiquées par l'auteur.
Nous allons voir maintenant, par les expériences faites en compagnie des médiums, aussi bien que par les apparitions spontanées, que c'est une loi générale que celle d'après laquelle l'âme se montre, après sa mort, avec une apparence identique à celle qu'elle possédait de son vivant.
CHAPITRE III
TEMOIGNAGES DES MEDIUMS ET DES ESPRITS EN FAVEUR DE L’EXISTENCE DU PERISPRIT
Nous avons constaté que certains somnambules, plongés dans le sommeil magnétique, peuvent voir les Esprits et les décrire fidèlement. Mais cette faculté appartient aussi à des personnes non endormies auxquelles on a donné le nom de médiums voyants.
Pour bien comprendre ce qui se passe alors, il ne faut pas oublier que dans la vie ordinaire ce n'est pas l’œil qui voit, pas plus que ce n'est l'oreille qui entend. L’œil est un instrument destiné à recevoir les images apportées par la lumière, mais son rôle se borne là ; par lui-même, il est incapable de nous faire distinguer les objets. La preuve en est facile à fournir. Si le nerf optique est coupé ou paralysé, le monde extérieur vient toujours se peindre sur la rétine, mais le sujet ne le voit plus ; il est devenu aveugle, bien que son organe visuel soit intact. La vue est donc une faculté de l'esprit ; elle peut s'exercer sans le concours du corps, puisque les somnambules naturels ou artificiels voient à distance et les yeux fermés . C'est lorsque ces phénomènes se produisent qu'il est permis de constater l'existence d'un sens nouveau, que l'on peut désigner sous le nom de sens spirituel.
Le somnambulisme et la médiumnité sont des degrés divers de l'activité de ces sens ; ils présentent, comme on le sait, des nuances innombrables et constituent des aptitudes spéciales. Allan Kardec a bien mis ce fait en évidence . Il fait observer qu'en dehors de ces deux facultés, plus remarquées parce qu'elles sont plus apparentes, ce serait une erreur de croire que le sens spirituel n'existe qu'à l'état exceptionnel. Comme les autres sens, il est plus ou moins développé, plus ou moins subtil selon les individus ; mais tout le monde le possède, et ce n'est pas celui qui rend le moins de services, par la nature toute spéciale des perceptions dont il est la source. Loin d'être la règle, son atrophie est l'exception, et peut être considérée comme une infirmité, de même que l'absence de la vue ou de l'ouïe
C'est par ce sens que nous percevons les effluves fluidiques des Esprits, que nous nous inspirons à notre insu de leurs pensées, que nous avons le pressentiment ou l'intuition des choses futures ou absentes, que s'exercent la fascination, l'action magnétique inconsciente et involontaire, la pénétration de la pensée, etc. Ces perceptions appartiennent à l'homme au même titre que celles de la vue, du toucher, de l'ouïe du goût ou de l'odorat, pour sa conservation ce sont des phénomènes très vulgaires, qu'il remarque à peine par l'habitude qu'il a de les éprouver, et dont il ne s'est pas rendu compte jusqu'à ce jour, par suite de son ignorance des lois du principe spirituel, de la négation même, chez beaucoup de savants, de l'existence de ce principe. Mais quiconque porte son attention sur les effets que nous venons de citer, et sur beaucoup d'autres de même nature, reconnaîtra combien ils sont fréquents, et de plus, complètement indépendants des sensations perçues par les organes du corps.
LA VUE SPIRITUELLE, OU DOUBLE VUE
La vue spirituelle, vulgairement appelée double vue ou seconde vue, lucidité, clairvoyance, ou enfin télesthésie, et maintenant cryptesthésie est un phénomène moins rare qu'on ne le croit généralement ; beaucoup de personnes ont cette faculté sans s'en douter ; seulement elle est plus ou moins développée, et il est facile de s'assurer qu'elle est étrangère aux organes de la vision puisqu'elle s'exerce sans le secours des yeux pendant le somnambulisme naturel ou provoqué. Elle existe chez certaines personnes dans l'état normal le plus parfait, sans la moindre trace apparente de sommeil ou d'état extatique. À ce sujet, voici un témoignage d'Allan Kardec :
« Nous connaissons, à Paris, une dame chez laquelle la vue spirituelle est permanente, et aussi naturelle que la vue ordinaire ; elle voit, sans effort et sans concentration, le caractère, les habitudes, les antécédents de quiconque l'approche ; elle décrit les maladies et prescrit des traitements efficaces avec plus de facilité que beaucoup de somnambules ordinaires ; il suffit de penser à une personne absente pour qu'elle la voie et la désigne. Nous étions un jour chez elle, et nous vîmes passer dans la rue quelqu'un avec qui nous sommes en relation et qu'elle n'avait jamais vu. Sans y être provoquée par aucune question, elle en fit le portrait moral le plus exact et nous donna à son sujet des avis très sages.
Cette dame n'est cependant pas somnambule ; elle parle de ce qu'elle voit, comme elle parlerait de toute autre chose, sans se déranger de ses occupations. Est-elle médium ? Elle n'en sait rien elle-même, car il y a peu de temps elle ne connaissait pas même le nom du spiritisme ».
Nous pouvons joindre notre témoignage à celui du Maître. Il y a une vingtaine d'années, nous avons été en rapport avec une Mme Bardeau, qui jouissait de cette faculté. Elle a pu décrire exactement des personnages qui demeuraient en province, fort loin dans le Midi, qu'elle n'avait jamais vus, et donner sur leur caractère des détails circonstanciés. Elle a fait certaines prédictions qui se sont réalisées. Cependant elle était à l'état ordinaire, les yeux grands ouverts, elle continuait la conversation sur d'autres sujets, s'interrompant de temps à autre pour ajouter quelques traits, qui complétaient la physionomie ou le caractère des personnes absentes.
Aujourd'hui nous connaissons encore une sage-femme, Mme Renardat, qui peut voir à distance, sans être endormie. Nous en avons eu la preuve indéniable : car elle a décrit avec fidélité un de nos oncles habitant à Gray, indiqué sa maladie ignorée des médecins et prédit sa mort, sans l'avoir jamais connu. Cette dame voit les Esprits comme les vivants. Maintes fois, nous avons pu nous convaincre, par les affirmations de nos amis, qu'elle était en rapport avec des âmes qui ont quitté la terre ; car elle en faisait des portraits ressemblants et leur langage rappelait celui qu'ils avaient pendant leur vie terrestre.
Depuis quinze ans, nous avons eu des occasions nombreuses d'étudier la médiumnité voyante. Elle ne se présente pas toujours avec ce caractère de constance que nous remarquons dans les récits précédents : le plus souvent, elle est fugitive, momentanée, mais telle qu'elle, elle permet de s’assurer que la croyance en 1’immortalité n'est pas une vaine illusion de notre esprit prévenu, mais une réalité grandiose, consolante et surabondamment démontrée. D'ailleurs nous allons citer un certain nombre d'expériences qui établissent que la vision des Esprits est objective, car elle coïncide, en les expliquant, avec des phénomènes physiques qui tombent sous les sens matériels et que chacun peut contrôler.
Lorsqu'une table se meut et qu'un médium voyant décrit l'Esprit qui agit ; lorsque ce médium annonce même ce qui va être dicté par l'intermédiaire du meuble, il est déraisonnable d'imaginer qu'il ne voit pas réellement, puisque sa prédiction se réalise et que l'Esprit témoigne de sa présence par son action sur la matière.
Si l'on veut bien réfléchir (que, depuis cinquante années les recherches spirites se poursuivent dans le monde entier ; qu'elles ont lieu dans les milieux les plus divers ; qu'elles ont été contrôlées des milliers de fois par des investigateurs appartenant aux classes les plus instruites et, par conséquent, les moins crédules de la société, il faudra bien admettre qu'il est absurde de supposer que ces phénomènes ne sont pas produits par les Esprits. C'est donc au moyen d'incessantes communications avec le monde de l'au-delà, par des rapports ininterrompus avec les habitants de l'espace, que nous sommes arrivés à posséder des connaissances certaines sur les conditions de la vie d'outre-tombe.
Rappelons-nous qu'il existe plus de deux cents journaux publiés dans toutes les langues qui se parlent sur le globe, que les travaux de chacun se poursuivent isolément, et que, malgré cette diversité prodigieuse des sources d'informations, l'enseignement général est le même dans ses parties fondamentales. On conviendra qu'un pareil accord est bien propre à asseoir la conviction qui s'est produite pour chacun des expérimentateurs, après qu'il eût étudié par lui-même.
Exposons donc sans cesse les résultats acquis, ne nous lassons pas de remettre sous les yeux du public les documents que nous possédons et, lentement peut-être, mais sûrement, nous arriverons à faire pénétrer dans les masses ces connaissances indispensables à leur progrès et à leur bonheur.
L'enveloppe de l'âme a été l'objet d'études persévérantes de la part d'Allan Kardec. Il avoue lui-même n'avoir jamais eu, avant de connaître le spiritisme, d'idées particulières sur ce sujet. Ce sont ses entretiens avec les Esprits qui lui ont fait connaître le corps fluidique, et permis de comprendre son rôle et son utilité. Nous engageons ceux qui voudraient assister à la genèse de cette découverte à lire la Revue Spirite de 1858 à 1869. Ils verront comment, petit à petit, cet enseignement a été réuni, de manière à fournir une théorie rationnelle expliquant tous les faits, avec une irréprochable logique.
Ne pouvant nous étendre trop longuement sur ce point, nous nous bornons à citer une évocation qui pourra servir de modèle à tous les investigateurs désireux de vérifier par eux-mêmes ces enseignements.
ÉVOCATION DU DOCTEUR GLAS
Les demandes sont faites par Allan Kardec, les réponses sont données par un médium écrivain.
D. - Faites-vous une distinction entre votre esprit et votre périsprit, et quelle différence établissez-vous entre ces deux choses ?
R. - Je pense, donc je suis et j'ai une âme comme a dit un philosophe : je n'en sais pas plus que lui sur ce point. Quant au périsprit, c'est une forme, comme vous le savez, fluidique et naturelle ; mais chercher l'âme, c'est vouloir chercher l'absolu spirituel.
D. - Croyez-vous que la faculté de penser réside dans le périsprit ; en un mot, que l'âme et le périsprit soient une seule et même chose ?
R. - C'est absolument comme si vous me demandiez si la pensée réside dans notre corps; l'un se voit, l'autre se sent et se conçoit.
D. - Vous êtes ainsi non un être vague et indéfini, mais un être limité et circonscrit ?
R. - Limité, Oui, mais rapide comme la pensée.
D. - Veuillez préciser la place où vous êtes ici ?
R.- À votre gauche et à la droite du médium.
Nota. - M. Allan Kardec se met à la place même indiquée par l'Esprit.
D. - Avez-vous été obligé de quitter votre place pour me la céder ?
R. - Du tout ; nous passons à travers tout, comme tout passe à travers nous, c’est le corps spirituel.
D. - Je suis donc placé dans vous ?
R. - Oui.
D. - Pourquoi donc est-ce que je ne vous sens pas ?
R. - Parce que les fluides qui composent le périsprit sont trop éthérés, pas assez matériels pour vous ; mais par la prière, la volonté, la foi en un mot, les fluides peuvent devenir plus pondérables, plus matériels, et affecter même le toucher, ce qui arrive dans les manifestations physiques.
Remarque. - Supposons un rayon lumineux pénétrant dans un endroit obscur ; on peut le traverser, s'y plonger, sans en altérer la forme ni la nature ; quoique ce rayon soit une sorte de matière, elle est si raréfiée qu'elle ne fait aucun obstacle au passage de la matière plus compacte.
Il était évident que la meilleure manière de savoir si les Esprits ont un corps était de le leur demander. Or jamais, depuis que l'on évoque, on n'a constaté que les désincarnés aient fait une réponse négative. Tous affirment que leur enveloppe périspritale a autant de réalité pour eux que notre corps physique en a pour nous. C'est donc un point établi par le témoignage unanime de tous ceux qui ont été interrogés. Ceci explique et confirme les visions des somnambules et des médiums. Arrivons à cet ordre de témoignages qui font tout à fait sortir le périsprit des conceptions purement philosophiques pour lui donner une existence positive.
UN AVARE DANS L'ESPACE
Dès l'origine des manifestations spirites, des groupes d'études furent organisés dans presque toutes les villes de France. On s'y livrait à des recherches suivies et les résultats obtenus étaient consignés, le plus souvent, dans des procès-verbaux, dont des extraits étaient envoyés à Presse.
Notre doctrine n'a donc point été imaginée ; c'est lentement qu'elle s'est constituée et l’œuvre de ces documents innombrables.
Voici un de ces récits publié dans un journal spirite de 1864, à Bordeaux :
« Tout le monde a connu à Angoulême un homme d'une avarice sordide, malgré sa position de fortune, que l'on savait aisée. Cet homme, nommé L.... logé dans le grenier de sa maison, dont le reste était inhabité, n'ayant pas été aperçu de ses voisins pendant plusieurs jours, fut trouvé par la police, qui fit ouvrir sa porte, afin de savoir ce qu'il était devenu. On le trouva dans un état voisin de la mort. Coiffé d'un bonnet de papier à moitié brûlé, s'appuyant sur une table couverte de poussière, il semblait contempler quelques pièces d'or qui s'y trouvaient éparses. La justice, dans l'intérêt de cet homme, qui s'était depuis longtemps éloigné de sa famille, fit rassembler tout l'argent qui se trouvait caché çà et là dans la maison, fit déposer le tout au greffe, puis envoya le pauvre abandonné à l'hospice, où il mourut peu après.
« Une première évocation fut faite quelques jours après sa mort ; il vint et déclara qu'il n'était point mort, mais qu'il voulait l'argent qu'on lui avait pris. Plusieurs mois s'écoulèrent, et l'on fit de nouveau, dans le même groupe, le 25 septembre 1863, une seconde évocation avec l'aide d'un médium écrivain et d'un médium voyant en état de somnambulisme. Ce dernier décrivit la physionomie et le costume de l'Esprit évoqué, qui lui était inconnu de son vivant, causa avec lui ou transmit les réponses qui lui étaient posées par son intermédiaire. De son côté, et en même temps, le médium écrivain obtenait, sous l'impulsion de l'Esprit la communication suivante mise en regard, pour faciliter l'intelligence de la simultanéité, de celle provenant de la somnambule.
Médium écrivain :
M. Guimberteau
ÉVOCATION
D. - Que me veut-on donc encore ?
Je vous prie de me laisser partir : cela commence à m'ennuyer. Vous feriez mieux de me rendre l'argent qu'on m'a volé. Croyez-vous que ce n'est pas abélinable (abominable); moi qui ai travaillé toute ma vie pour me ramasser un petit boursicaut honnête. Eh bien ! messieurs, on m'a tout pris : on m'a ruiné, je suis sur le pavé, je suis sur la paille. Je ne sais pas où reposer ma tête. Oh ! ayez donc la bonté de me faire rendre tout cela. Je vous serai reconnaissant si vous pouvez réussir à me faire donner satisfaction.
Médium voyant Mme B : Je vois un vieux qui écrit là. Il est bien vilain, qu'il est vilain! Il n'a pas seulement de dents dans la bouche. Il a des lèvres énormes, pendantes. Il a un bonnet de coton sale, une blouse est un vêtement blanc, sale aussi. Est-il vilain, mon Dieu !
L’évocateur fait observer à 1’esprit que rien n’a pu lui manquer depuis qu'il a quitté la terre.
R. - Vous me dites que rien ne m'a manqué ; vous avez du toupet. Et mon argent, CE N'EST DONC RIEN ?
D. - Où êtes-vous ?
R. - Vous le voyez bien, je suis auprès de vous
D. - Mais pourquoi chercher toujours votre trésor terrestre, vous devriez songer plutôt à en conquérir un au ciel.
R. - Oh ! pour le coup VOUS devriez me dire OÙ il est, celui que je dois trouver vous êtes un mauvais farceur, entendez-vous ?
D. - VOUS ne connaissez donc pas Dieu ?
R. - Je n'ai pas cet honneur. Je veux mon argent.
D. - Êtes-vous donc forcé de venir ?
R.- Vous pouvez le croire, et si l'on ne me forçait pas à être là, exposé à vos regards, il y a longtemps que je serais parti.
D. - Vous vous ennuyez donc avec nous ?
R. - Beaucoup (Le crayon frappe sur la table avec une telle précipitation et une telle violence qu il se casse).
D. - Est-ce lui qui fait écrire M. Guimberteau ?
R. - Oui, il est à côté de lui, il est comme quelqu'un qui est lapidé. C'est un vieux tigre, cela !
D. - Est-il donc forcé de venir ?
R. - il y a quelqu'un qui le pousse.
D. - Pourquoi ne s'en va-t-il pas ? Puisqu'il s'ennuie avec nous ?
R. - Vous l'avez appelé - Cela peut lui servir à connaître sa situation.
« Dans la suite de la séance, le sujet endormi décrit d'autres Esprits, puis il voit un prêtre qui vient se manifester. En même temps le médium écrivain recevait une communication de l'abbé C.... connu de quelques personnes. Cet abbé fait écrire: «Voyons, je vais vous faire écrire quelques lignes paisiblement, pour que votre médium voyant ait bien le temps de m'examiner en tous sens. Il faudra bien que l'on me reconnaisse à force de détails donnés sur ma personne. Cela vous mettra à même de croire que les Esprits que vous évoquez viennent bien à votre appel ».
Ici, on le voit, l'action du désincarné est manifeste ; il s'ingénie, s'efforce de bien marquer sa personnalité. Sa tentative est couronnée de succès ; les assistants reconnaissent un ecclésiastique de la ville, récemment décédé, et M. B... dit à un interrogateur : « Oui, j'ai vu cet homme autrefois, c'est un curé ; il est gros, rouge ; je ne sais pas son nom, il a peu de cheveux qui sont blancs ».
La vue somnambulique confirme l'authenticité de l'agent qui fait écrire le médium, et démontre le peu de valeur de la théorie qui prétend que les communications émanent toujours de l'inconscient de l'écrivain.
Le récit suivant permet de constater que le médium voyant est tout à fait incapable de tromper, et que si la vérité sort de la bouche de l'innocence, ce proverbe est applicable ici.
VISION D'UN ENFANT
Le compte rendu suivant a été fait le 20 octobre 1863, à la Société des Études spirites de Turin, par M. le professeur Morgari .
L'auteur rapporte que, se trouvant au mois d'octobre à Fossano, il fit la connaissance du professeur P.... homme très instruit, qui avait un chagrin profond de la mort de sa jeune femme, le laissant veuf avec trois petits enfants. Pour chercher à calmer sa douleur, M. Morgari lui parla du spiritisme :
Il miser suole darfacile credenza quel che vuole .
Il fut donc décidé que l'on tenterait d'obtenir une communication de la chère défunte. M. Morgari, avec deux compagnons d'études, se mit à la table, en compagnie du professeur P.... et sa sœur. Ils obtinrent le nom d'un de leurs parents, un certain frère Augustin. Après quoi, survint un autre Esprit, celui de leur père Louis qui outre son nom, indiqua exactement l'âge qu'il avait au moment de sa mort. Il n'est pas inutile de faire observer que ces noms étaient absolument inconnus de M. Morgari et de sa sœur, nouveaux venus à Fossano.
Cédons maintenant la parole à l'auteur de ce récit :
« Si l'expérience s'était arrêtée là, je ne vous en parlerais point, la chose étant très commune parmi nous ; mais c'est ici que commence le merveilleux.
« L'esprit de l'épouse défunte, qui était venu adresser de touchantes paroles à son mari, manifeste le désir d'aller voir ses enfants qui dorment dans des chambres attenantes, et soudain la table se meut avec une telle vitesse que jamais je n'en ai vu de pareille, glissant et tournant si vivement qu'à peine deux ou trois parmi nous, l'effleurant par intervalles avec l'extrémité de nos doigts, pouvions courir après. Elle entre ensuite dans la chambre voisine, où la petite fille, âgée de trois ans, dormait profondément dans son berceau : s'approchant de ce berceau comme si elle était douée de vie et de sentiment, elle se soulève et se penche, suspendue, vers la petite fille qui, dormant toujours, en tendant ses petites mains vers la table, s'écrie avec cette tranquille surprise qui nous séduit tant dans le jeune âge : Maman ! Oh ! Maman ! Le père et la tante, émus jusqu'aux larmes, lui demandent si elle voit réellement sa mère : Oui, je la vois, comme elle est belle ! Oh ! Comme elle est belle! et lui ayant demandé où elle la voyait : Dans une grande clarté, répondit-elle ; je la vois en Paradis. Dans ce moment, nous vîmes l'enfant faire un cercle avec ses deux bras, comme si elle eût voulu entourer le cou de sa mère, et, chose très surprenante, entre les bras et la figure de l'enfant, il y avait juste l'espace nécessaire pour recevoir la tête de la mère. Pendant cela, la fillette remuait doucement les lèvres comme si elle eût voulu donner des baisers, jusqu'à ce que la table retombât à terre, et ce petit ange demeura alors les mains jointes avec un sourire inexprimable.
« Voilà la vérité pure, simple et loyale, dont je me porte garant, tant en mon nom qu'en celui de mes compagnons, prêts au besoin à confirmer ce récit par leurs signatures, comme je le fais moi-même. »
Ce témoignage d'un enfant de trois ans, reconnaissant sa mère, ne saurait être suspecté, même par les plus sceptiques.
On ne saurait y voir non plus aucune suggestion, puisque l'enfant dormait et que le père et la tante s'occupaient pour la première fois de spiritisme. C'est bien une confirmation de cette croyance que la mère avait survécu dans l'espace et qu'elle continuait à prodiguer son amour à son mari et à ses enfants.
Voici d'autres exemples qui appuient encore ceux que nous venons de citer.
EXPÉRIENCES DE M. LE PROFESSEUR ROSSI-PAGNONI ET DU Dr MORONI
Il a paru, en 1889, un volume très sérieux relatant les expériences spirites de ces Messieurs, poursuivies à Pezaro (Italie), avec un très grand souci de l'observation scientifique. Au milieu de beaucoup de phénomènes intéressants, nous allons rapporter les cas suivants, qui rentrent complètement dans notre sujet.
Le Dr Moroni se servait d'une femme nommée Isabelle Cazetti, excellent sujet hypnotique, pour contrôler les Esprits qui venaient se manifester par la table. À maintes reprises, il lui fut possible de constater que les indications fournies par la somnambule étaient contraires aux croyances des assistants ; elle décrivait un Esprit qui n'était nullement celui que l'on évoquait, et la table épelait effectivement un nom tout autre que celui de l'Esprit qu'on avait appelé. En voici un exemple :
Deux de mes amis se mirent à la table typtologique, placée à quelques mètres de l'hypnotisée, pour évoquer l'esprit d'une de leurs amies appelée Livia, évocation déjà obtenue par le même moyen. Pendant ce temps, l'hypnotisée faisait des signes spéciaux à sa faculté, dès qu'elle voit un Esprit.
Moroni, moi et les autres assistants, qui étions restés voyait ; elle répondit : « Une dame, parente de la plus petite des personnes assises à la table » Nous craignions qu'elle ne fût dans l'erreur, car, nous le savions, ils évoquaient une amie et point une parente ; la table tout à coup frappa : « Je suis ta tante Lucie, je viens parce que je t'aime ».
« En effet, l'assistant le plus petit de taille, avait parmi ses morts une tante de ce nom, à laquelle il ne pensait pas, et dont l'autre assistant n'avait pas connaissance. Ensuite le médium murmura à l'oreille de Moroni qu'un jeune homme, dont le nom commençait par un R. était à la table ; en effet la table frappa R., la première lettre du nom du jeune ami, qui nous salua. Après, nous entendîmes dans la bibliothèque un grand bruit, et le médium nous dit en souriant que cet Esprit avait voulu nous donner le signe de son départ. »
Nous appelons tout particulièrement l'attention du lecteur sur ces expériences, car elles prouvent évidemment que ce sont bien des Esprits qui se manifestent, et non des entités quelconques. On ne peut faire intervenir ici aucune de ces prétendues explications qui ont pour base la transmission de la pensée de l’évocateur au médium - puisque celui-ci annonce à l'avance un nom auquel les assistants ne songent pas - non plus qu'un être hybride forme de toutes les pensées des assistants pas davantage d'ailleurs qu’il ne faut y voir des élémentals, des élémentaires et des influences démoniaques.
C'est l'âme des Morts qui affirme sa survivance par des actions mécaniques sur la matière. Leur forme n'est pas quelconque, elle reproduit celle du corps terrestre pendant l'incarnation. L'intelligence est restée lucide et vivace, elle se révèle avec route son activité après la mort. Nous sommes en présence du même être qui vivait jadis ici-bas ; il n'a fait que changer d'état physique, mais rien n'a été perdu de sa personnalité passée.
Comme on ne saurait trop insister sur ces faits, nous allons en rapporter encore quelques-uns. Voici le récit d'une autre séance :
« Deux de nos amis s'assirent à la table de typtologie en évoquant Lucie ; la première lettre frappée leur fit croire qu'ils réussissaient, mais le médium murmura à l'oreille de Moroni (qui en prit note sur un morceau de papier, le plia sans rien dire et le déposa sur une table), qu'au lieu de Lucie, c'était l’Esprit de Livie qui frappait le mot merci ; cela s'effectua comme il l'avait annoncé, et ce mot, réellement, fut trouvé écrit.
« Le médium invita Moroni à prendre la place de l'un de ces messieurs à la table de typtologie : il obéit, et une autre personne se plaça à côté du médium, lui demandant ce qu'il voyait. il lui répondit de manière à n'être pas entendu : C'est la sœur « du docteur » ; en effet, la table frappa Assunta, nom d'une sœur décédée qui l'invita à rester à la table. Le médium murmura à l’oreille de l'ami qui était auprès de lui que le père de Moroni voulait se communiquer ; la table frappa ces mots : « je suis ton père et je puis appeler heureux le moment où je me trouve avec toi. »
Voici un autre récit où l'évidence n'est pas moindre que dans les derniers cas cités :
Après des essais de typtologie, le médium déclara que le père d'un M.L désirait lui parler.
« Nous fîmes lever la table M. L... et l'engageâmes à essayer d'écrire sur une autre table, parce qu'un Esprit voulait se communiquer par lui, et nous l'entourâmes pour l'aider dans cette première expérience. D'eux d'entre nous s'approchèrent du médium, lui demandèrent combien d'Esprits il voyait en ce moment autour de nous. il répondit qu'il en voyait trois ; le premier déjà indiqué et deux dames ; l'une était la tante de celui qui l'interrogeait : ce dernier qui avait sur lui une photographie de cette tante, la mêla avec plusieurs autres photographies de dames que nous pûmes réunir ; le paquet fut placé dans la main du médium, celui-ci, sans les regarder, ne pouvant pas même le faire à cause de la demi obscurité qui régnait dans ce coin de la chambre, et ne pouvant pas être, comme on dit, suggestionné par celui qui l'interrogeait, puisqu'il ne voyait pas les photographies et ne savait pas dans quel ordre le hasard les avait disposées, le médium dis-je, écarta une à une les photographies étrangères et lui remit celle de sa parente. Le médium donna à M. L... des détails intimes sur ses affaires de famille. Ce monsieur, étant étranger, ne résidait que depuis peu de temps dans votre ville ; son père était mort il y avait une vingtaine d'années ».
Pour terminer les trop courtes citations de cet important travail, voici Comment le Dr Moroni fut amené à étudier les phénomènes spirites :
« L'un des premiers faits qui le firent commencer à croire lui jusqu'alors simple magnétiseur, que toutes les images que la somnambule disait voir n'étaient pas des hallucinations, fut le suivant : Un soir, Cazzeti (le médium), ayant été endormie magnétiquement, s'écria tout à coup en secouant un bras : Ah ! Moroni lui demandant : Qu'y a-t-il ? Elle répondit : - C'est Isidore qui m'a pincée - C'était le frère de Moroni, mort depuis quelques années - Le médecin découvrit le bras et y trouva, en effet, une empreinte semblable à celle que fait la pression de deux doigts ; jusqu'ici, rien d'étrange : cela pouvait être l'effet d'une autosuggestion de la dame elle-même. - Alors Moroni lui dit : S'il est vrai que mon frère soit ici présent, qu'il m'en donne quelque preuve. Le sujet répondit en souriant : Regardez là. (Il montrait avec le doigt le mur bien loin de lui). - Le médecin regarda et vit un portemanteau, lequel, au moyen d'un clou, était suspendu à ce mur, s'agiter fortement à droite et à gauche, comme s'il était tiré par une main invisible. »
Ici, Ce témoignage du médium est confirmé, appuyé par une manifestation matérielle. Nous avons pu constater par les exemples précédents que ce n'est pas à une extériorisation du médium que les phénomènes sont dus, puisque l'être qui se manifeste révèle des choses ignorées de ce médium.
On ne peut davantage évoquer la transmission de la pensée :
1°- Parce que les mouvements de la table se produisent sans que le sujet y touche ; ces mouvements, annoncés au préalable, indiquent un nom auquel les assistants ne songent pas.
2° - Parce que la transmission de la pensée ne pouvait se faire entre l'hypnotiseur et son sujet, comme le relate le Dr Moroni , qui n'a pu lui faire prononcer le nom de Trapani auquel il songeait fortement. À plus forte raison ne peut-on concevoir comment le médium lirait dans la pensée des assistants, qui sont pour lui tout à fait étrangers, le rapport magnétique n'ayant pas été établi entre eux et le sujet.
« Au mois de novembre dernier, un illustre étranger assista à quelques séances de notre cercle, et, après quelques expériences médianimiques, il en désira d'autres de clairvoyance terrestre. Cette demande me déplaisait parce que ces expériences n'entraient plus dans le champ de nos études ; j'avais cette crainte naturelle que, sur ce sujet, notre médium fût inférieur à cent autres, pendant que je le crois supérieur à mille autres en fait de médiumnité.
« Cependant, parce que je voyais le Dr Moroni y consentir volontiers, je me tus, me mettant à l'écart sans prendre part à l'expérience, que je ne croyais pas heureuse.
« L'étranger présenta un étui dans lequel il avait enfermé un billet avec quelques mots écrits, et demanda que la somnambule essayât de les lire ; on perdit une heure dans cette tentative et sans le moindre résultat.
« Ensuite il essaya une épreuve de transmission de pensée ; il écrivit à l'écart sur un morceau de papier le mot Trapani, et après l'avoir montré à l'hypnotiseur, il demanda que celui-ci, par suggestion mentale, le transmit au sujet. Cet essai dura presque une autre heure, et en voyant que, de cette façon, on perdait le temps que bien plus utilement on pouvait faire employer à l'hôte qui allait partir, je proposai l'abandon de l'expérience. La somnambule s'entêtait, mais elle ne peut parvenir à deviner le mot, et fut contrainte par la fatigue à cesser.
Devant de pareils phénomènes l’incrédulité doit désarmer si toutefois elle est sincère. Mais il est des individus que l'orgueil subjugue à un tel point qu'ils rougiraient d'avouer une erreur. Tant pis pour ces retardataires ; il reste encore assez de chercheurs sans parti pris pour que nous ayons à cœur de leur faire part de nos découvertes.
Il suffit d'ailleurs de poursuivre ces études avec le ferme désir de s'instruire, pour être certain d'arriver à se faire une conviction raisonnée, basée sur des faits personnels. Les exemples abondent. Nous croyons bon de mettre sous les yeux du lecteur un cas récent, pour bien montrer que les manifestations ont lieu dans tous les milieux. Le tout est de savoir et de vouloir les susciter.
TYPTOLOGIE ET VOYANCE
Cher Monsieur,
À mon retour de Caen, je suis allé passer quelques jours chez mon frère à Meurchin, petit village du Pas-de-Calais. Comme ma famille me sait très amateur de spiritisme, comme aussi elle me voit heureux d'en pratiquer les maximes, on n'a pas manqué de me poser mille questions sur ce sujet ; et moi d'y répondre de manière à faire naître chez ceux qui m'écoutaient l'envie de soulever un coin du voile qui nous cache les splendeurs d'outre-tombe.
C'est à la suite de ces conversations que mon frère organisa une réunion à laquelle il invita ses amis, de braves campagnards, qui ne se firent pas prier pour y assister. Il y avait une quinzaine de personnes, toutes choisies parmi les gens réputés sérieux du village. En attendant l'heure fixée pour l'évocation, on cause un peu. Chacun raconte les faits plus ou moins étranges dont il a été témoin dans le cours de sa vie, et qui me permettent d'en déduire, en passant, cette conclusion que les manifestations spirites sont beaucoup plus fréquentes qu'on ne se l'imagine.
À huit heure, je lis quelques passages du Livre des Esprits, puis, appelant à nous les bons Esprits, j'adresse au Tout-Puissant une courte invocation que l'auditoire écoute dans un profond recueillement.
Trois personnes ont les mains posées sur une petite table. Celle-ci se meut au bout de dix minutes.
D. - Est-ce un Esprit ? Frappez un coup pour oui et deux coups pour non.
R. - Oui.
D. - Voulez-vous nous dire votre nom ? Je vais prononcer les lettres de l'alphabet : vous voudrez bien frapper au moment où j'en serai à la lettre que vous désirez me faire inscrire.
R. – Marie-Joseph.
« C'est ma mère, s'écrie un des assistants, M. Sauvage. D'ailleurs, je viens de voir son spectre devant moi, mais il n'a fait que passer et a disparu aussitôt ».
D. - Êtes-vous bien la mère de M. Sauvage ?
R. - Oui.
D. - Puisque votre fils vous a aperçue, pourriez-vous vous montrer à lui plus visiblement si je diminuais l'éclat de la lumière ?
R. - Oui.
La lampe est baissée. Il reste encore suffisamment de lumière pour que nous puissions voir ce qui se passe. Sauvage nous déclare, après quelques minutes d'attente, qu'il voit très distinctement sa mère, décédée le 24 mai 1877.
D. - Pouvez-vous, demandai-je à l'Esprit, vous faire entendre de votre fils ?
R. - Elle me fait des signes avec le doigt, dit M. Sauvage. Je ne sais ce qu'elle veut dire... Ah ! Voici sa voix ; je l'entends très bien.
R. - Heureuse ; elle dit qu'elle est heureuse.
D. (A l'esprit). - Vous n'avez donc pas besoin que l'on prie pour vous ?
R. - Si, cela fait toujours plaisir, je suis fatiguée, bonsoir, je reviendrai une autre fois.
Aussitôt après cette vision, la table se remet en mouvement ; elle fait des soubresauts tellement violents que nous en sommes effrayés.
La lumière rétablie, nous prions en faveur de cet Esprit, et nous demandons à Dieu et à nos guides invisibles de nous continuer leur appui, pour qu'il se produise d'autres visions.
Un autre Esprit s'annonce par la table. D'après son dire c'est l'Esprit de la première femme de M. Grégoire, présent à la séance.
D. - L'Esprit pourrait-il se montrer à M. Sauvage ?
R. - Oui.
Après un moment d'attente, le médium nous dit qu'il voit une femme ayant une coiffe blanche et un mouchoir par-dessus : « C'est la coiffure qu'elle portait en Belgique pendant sa maladie », déclare M. Grégoire.
D. - Avez-vous quelque chose à dire à votre mari ?
R. - Non.
La présence de la seconde Mme Grégoire gêne visiblement l'Esprit.
D. - Connaissez-vous Sidonie Descatoire, ma mère, demandai-je à l'Esprit ?
R. - Oui, elle est ici près de vous.
D. - Pourriez-vous la prier de se montrer au médium ? Je serais bien heureux de causer avec elle.
R. - L'Esprit s'éloigne, dit M. Sauvage, je ne le vois plus... Ah ! Voici une vieille dame.
D. - Comment est-elle ?
R. - Elle est très forte de corpulence. La figure est ronde, les pommettes saillantes et rouges, les yeux bruns, les cheveux châtains grisonnants. Elle rit en vous regardant.
D. - C'est bien cela. Ne remarquez-vous aucun signe sur la figure ?
R. - Oui, un sorte de grain de beauté ici, dit-il en montrant sa tempe droite.
(Ma mère avait une petite tache noire sur la tempe gauche mais comme elle avait la face tournée vers le médium, celui-ci voyait cette tache du côté droit.)
D. - C'est absolument exact. C'est bien ma mère ! M'écriai-je tout ému. Chère mère, êtes-vous heureuse ?
R. - Oui, très heureuse, dit M. Sauvage, qui entend la voix de ma mère et répète ce qu'elle dit.
D. - Etes-vous quelquefois près de moi ?
R. - Presque toujours.
D. - Voyez-vous mon frère Edmond, qui est ici présent ?
R. - Votre mère se tourne du côté de M. Edmond, dit le médium ; elle lui sourit ; elle paraît heureuse de cette entrevue.
D. - Avez-vous été longtemps avant de recouvrer votre lucidité après l'instant de votre désincarnation ?
R. - Deux jours.
D. - Voyez-vous quelquefois Emilie (ma femme décédée) ?
R. - Oui, mais elle n'est pas ici, elle est plus loin.
D. - Puis-je espérer qu'elle viendra aussi se communiquer ?
R. - Oui, plus tard.
D. - Et père ?
R. - Il est ici.
« Je vois une autre figure derrière votre mère, dit le médium, mais je ne distingue pas très bien. C'est une figure grosse et allongée... Le voici à côté de votre mère ; il est fort de corpulence ; ce sont deux bons vieux, bien assortis »
Un entretien intime s'établit entre mes parents et moi. Nous sommes mon frère et moi, émus jusqu'aux larmes. Nous ne doutions pas de leur présence. M. Sauvage ne connaissait pas, ne pouvait pas connaître nos chers défunts qui habitaient dans le Nord. En outre, la séance a été improvisée et exécutée dans la même soirée, et le médium qui ignorait un instant auparavant la faculté dont il est doué, n'avait pu en aucune façon prévoir quelles seraient les personnes évoquées, ni la nature des questions qui allaient être posées. Les expressions employées par mes parents, certaines phrases qui leur étaient habituelles, tout cela était pour nous autant de preuves d'identité. D'ailleurs d'autres Esprits sont encore venus qui ont révélé des choses connues seulement d'eux et de l'une des personnes présentes. Ainsi, un mari est venu rappeler à sa femme des paroles qu'il lui avait confiées au moment de sa mort, et qui sont déclarées exactes par l'intéressée.
Les Esprits nous ont annoncé de nouveaux phénomènes entre autres un apport, qu'ils espèrent pouvoir produire ultérieurement.
Cette touchante manifestation fut terminée par d'unanimes remerciements adressés à notre Père céleste qui, dans une première réunion, nous donnait une si grande preuve de sa bonté, et chacun se promit de pratiquer la philosophie spirite.
L'effet produit sur les assistants a été considérable. On sentait qu'une révolution se produisait au dedans de chaque être. Des hommes qui, jusque-là, n'avaient aucune foi dans l'avenir d'outre-tombe, étaient pris de remords, et ils faisaient tout haut des réflexions qui les eussent fait rougir une heure avant, s'accusant de n'avoir pas plus tôt employé leur temps pour le bien-être de l'humanité. Que sera-ce quand tout le monde s'occupera de ce genre d'études, et lorsque toutes les facultés médianimiques, actuellement latentes, seront mises en oeuvre ?
Louis DELATRE. télégraphiste. Meurchin, le 10 octobre 1896.
La plupart des assistants ont tenu à signer ce récit comme étant l'expression de la vérité :
SAUVAGE, M. AVRANSART, LOHEZ Etienne. SAUVAGE, RIGOLÉ, H. AVRANSART, E. DELATTRE, T. HUGO, Mme GRÉGOIRE, Ernest GRÉGOIRE, C. SAUVAGE, C. HOCA.
UN BEAU CAS D'IDENTITÉ
Il est telle manifestation qui, pour n'avoir pas immédiatement un caractère physique, matériel, n'en est pas moins convaincante pour celui qui la constate. Le cas suivant est fort instructif à cet égard.
M. A. Delanne se trouvait à Cimiez, à côté de Nice ; là il rencontre M. Fleurot professeur, et sa femme, dont il avait fait la connaissance dans un voyage précédent. La conversation s'engage sur le spiritisme et voici ce que lui raconta Mme Fleurot.
- Peu de temps après votre passage dans notre ville, mon mari et moi, encore sous l'impression des récits que vous nous fîtes au sujet des manifestations spirites dont vous fûtes témoin, nous achetâmes les livres d'Allan Kardec. Je brûlais du désir de devenir médium, mais ma conviction fut établie en dehors des procédés habituels de la table ou de l'écriture. Il y a environ six mois, je vois en rêve différents personnages de qualité ; ils discutaient sur des questions d'une haute portée philosophique. Je m'approche toute craintive et bien émue. Je m'adresse à celui qui me semblait le plus sympathique.
- Voulez-vous, lui dis-je, m'éclairer sur un sujet important dont la solution m'est inconnue ; que devient l'âme après la mort ?
Lui, souriant avec bonté, me dit : « L'âme est immortelle, elle ne peut s'anéantir jamais ; la tienne est en ce moment dans l'espace, affranchie momentanément des entraves de la matière ; elle jouit par anticipation de sa liberté. Il en sera toujours ainsi, quand tu quitteras définitivement ton corps charnel pour vivre de notre propre vie spirituelle. »
J'ai peine à vous croire, lui dis-je, car, si vous étiez des habitants de l'erraticité, vous n'auriez plus le type humain et vous ne seriez plus couverts de vêtements semblables à ceux des hommes.
il me répondit :
- Si nous nous étions présentés à toi sous une forme entièrement spiritualisée, tu ne nous aurais pas aperçus et encore moins reconnus.
- Vous reconnaître, dites-vous ? Mais rien ne me rappelle vos traits, et je n'ai nul souvenir de vous avoir jamais vus.
- En es-tu bien sûre ?
Alors, chose merveilleuse, la personne qui me répondait fut subitement éclairée par un intense rayon fluidique, et un nom se forma en perles électriques au-dessus de sa tête, et je lus, tout éblouie et charmée, le nom vénéré de Blaise Pascal.
Sa figure est tellement gravée en moi que, de ma vie, elle ne s'effacera de ma mémoire. Et, comme je n'avais vu nulle part l’image de l'illustre savant, je m'empressai à mon réveil, accompagnée de mon mari que j'avais mis au courant de mon singulier rêve, de courir chez les marchands d'estampes. Nous allâmes chez Visconti, le plus renommé des libraires de Nice, pour acheter le portrait de Blaise Pascal : il nous montra plusieurs gravures du grand homme, mais aucune ne représentait entièrement les traits de mon inconnu. C'étaient bien sa noble figure, ses grands yeux, son nez aquilin, sa tête surmontée d'une superbe perruque ondulée ; mais je ne trouvais nulle par la petite difformité de la lèvre inférieure qui avait particulièrement attiré mon attention pendant la vision. La lèvre était retroussée, sensiblement comme si ce défaut avait été produit à la suite d'un accident quelconque, pendant sa jeunesse.
Le libraire expérimenté nous affirma qu'il avait souvent eu des gravures de la physionomie de Pascal et vu de ses portraits peints à l'huile ou à l'aquarelle ; mais aucun ne reproduisait la défectuosité que je signalais avec persistance.
En retournant à la maison, je vis réapparaître le petit sourire sceptique de M. Fleurot ; j'enrageais, moi qui me réjouissais de lui faire partager ma conviction, en lui apportant une preuve de l'identité du personnage vu dans mon rêve.
Bien des fois je revis mon protecteur pendant le sommeil ; il me promit de veiller sur moi pendant ma captivité terrestre, et que plus tard il m'expliquerait les causes de son affection pour ma famille. J'osai même lui parler de la petite difformité de sa lèvre, et je lui demandai si elle avait été reproduite pendant sa vie sur un de ses portraits.
- Oui, me répondit-il, dans les premiers tirages qui furent faits peu de temps après ma mort.
- En existe-t-il encore ? Dites-le moi, je vous en conjure ?
- Cherche, et tu trouveras ! ...
Mme Fleurot raconte que, profitant des grandes vacances de son mari, ils fouillèrent toutes les boutiques de Marseille et de Lyon sans rencontrer le portrait révélateur. Ils allaient abandonner leurs recherches, lorsque M. Fleurot eut l'inspiration d'aller à Clermont-Ferrand. Leur persévérance fut enfin couronnée de succès : ils trouvèrent chez un antiquaire le véritable portrait de leur illustre ami, avec la réelle déformation de la lèvre inférieure, telle que Mme Fleurot l'avait vue dans son rêve.
Cette relation est instructive à plus d'un titre. En premier lieu, elle établit l'identité de l'Esprit, puisque aucun des portraits qui étaient dans la ville de Nice ne portait le signe caractéristique qui se trouvait sur l'original, dans le pays de l'auteur des Provinciales. Secondement, une phrase de l'Esprit est à remarquer ; c'est celle que nous avons soulignée intentionnellement : si nous nous étions présentés à toi sous une forme entièrement spiritualisée, tu ne nous aurais pas vus et encore moins reconnus.
On constate ici que le périsprit est d'autant plus subtil et éthérisé que l'âme est plus épurée. Allan Kardec dit, en effet, que les Esprits avancés sont invisibles pour ceux dont l'état moral leur est très inférieur ; mais cette élévation n'empêche pas l'Esprit de reprendre l'aspect qu'il avait sur la terre, et il peut le reproduire avec une fidélité parfaite, jusque dans ses plus petits détails. La forme ancienne est contenue dans le périsprit ; il suffit à l'âme d'exercer sa volonté pour redonner à cette apparence une existence momentanée. De même que rien ne se perd dans le domaine intellectuel, de même rien n'a pu disparaître de ce qui a constitué la forme plastique, le type d'un Esprit. Voici encore un exemple de ce remarquable phénomène.
LE PORTRAIT DE VIRGILE
Mme Lucie Grange, directrice du journal la Lumière, excellent médium voyant à l'état normal, put voir assez distinctement le célèbre poète Virgile pour en publier le portrait dans le numéro du 25 septembre 1884 de sa revue. Voici le texte exact de cette description :
VIRGILE - Couronné de lauriers. Il a la figure forte, un peu allongée, le nez saillant avec bosse sur la côte ; les yeux gris bleu foncé, les cheveux châtain foncé. Il est vêtu d'une longue robe. Virgile a toutes les apparences d'un homme fort et bien portant. Il m'a dit, en se présentant, ce vers latin qui le rappelle :
Tu Marcellus eris.
On trouva ce portrait fantastique ; l'Esprit fut traité de suspect, car, disait-on au médium, le doux Virgile devait avoir très probablement les traits fins, vu que le poète était très féminin, « plus femme qu'une femme ».
Que répondre à ces discours ? Rien. Mais voici qu'une découverte inattendue est venue donner raison à Mme Grange.
En faisant des travaux de voirie à Sousse, on a retrouvé récemment une fresque du 1er siècle où le poète est représenté en train de composer l'Enéide. Ce qui le désigne, c'est que, sur le rouleau ouvert, on lit le huitième vers : Musa mihi causas memora. La Revue Encyclopédique de Larousse a reproduit ce portrait authentique. On peut constater que la description faite par le médium s'applique parfaitement au grand homme, qui n'a nullement l’air efféminé.
Cette observation confirme la précédente en établissant par l'observation, que le périsprit contient toutes les formes qu'il a pu représenter ici-bas.
UNE APPARITION
Dans le cas suivant, il est impossible d'attribuer l'apparition à une idée préconçue, car l'Esprit qui s'est manifesté était complètement inconnu de la dame qui l'a vu. Ce n'est que par suite de circonstances diverses qu'on a pu savoir qui il était, et vérifier son identité. Nous allons laisser la parole à l'auteur de cette narration :
Eeich, le 1er juin 1862,
MONSIEUR,
Ma femme ne croyait nullement aux Esprits, et moi je ne me préoccupais pas de cette question. Elle disait parfois :
« Je crains les vivants, mais je ne redoute en aucune façon les morts. Si je savais qu'il y eût des Esprits, je souhaiterais d'en voir, car ils ne pourraient me faire de mal et je puiserais dans cette apparition la confirmation du dogme chrétien qui assure que tout ne s'éteint pas avec nous. »
Nous vivions à la campagne ; notre chambre est située au nord, et depuis que nous l'occupions il s'y était souvent produit des bruits singuliers, que nous nous efforcions d'attribuer à des causes naturelles. Une nuit du mois de février de l'année dernière, Mme Mahon fut réveillée par un attouchement très sensible aux pieds, comme si, dit-elle, on lui eût appliqué deux petites tapes. Elle me dit aussitôt :
« Il y a quelqu'un ici ! » Puis, comme elle était tournée du côté gauche, elle entrevit dans un angle obscur de la chambre quelque chose d'informe qui se mouvait, ce qui lui fit répéter : « Je t'assure qu'il y a quelqu'un. »
Je couchais alors dans un lit placé près du sien, je lui répondis : « C'est impossible. Tout est bien fermé et je puis t'affirmer qu'il n'y a personne parce que, depuis dix minutes, je ne dors point et je sais qu'il règne un profond silence. Tu te trompes. »
Cependant, comme elle se tournait du côté opposé, elle vit distinctement, entre le lit et la fenêtre, un homme grand, mince, vêtu d'une sorte de justaucorps à raie et tenant la main droite levée, comme un signe de menace. Il se détachait dans une demi obscurité. En présence de cette apparition, elle éprouva un certain saisissement, supposant toujours qu'un voleur s'était introduit dans la maison, et elle me répéta pour la troisième fois : « Si, si, il y a quelqu'un ici ! » En même temps, et sans perdre de vue un seul instant l'apparition qui conservait son immobilité, elle se mit en devoir d'allumer la bougie.
Je dois le dire, j'avais une telle conviction que ma femme se trouvait sous l'empire d'une illusion, suite de quelque rêve ; j'étais si bien persuadé que nulle personne étrangère ne pouvait avoir pénétré dans l'appartement, où d'ailleurs mon chien de garde avait fait sa ronde accoutumée, après le repas des domestiques ; le silence était si profond depuis mon réveil que, bercé par ma pensée, je ne songeai même pas à ouvrir les yeux. Si ma femme m'eût dit : « Je vois quelqu'un », c'eût été différent, j'eusse immédiatement regardé ; mais il n'en fut rien. Il fallait probablement que les choses se passassent ainsi.
Quoi qu'il en soit, tout le temps qu'elle mit à allumer la bougie, l'apparition fut présente devant elle. Avec la lumière, elle s'évanouit. Je me levai au récit détaillé qui me fut fait. Je visitai tout. Rien. Je regardai ma montre, il était quatre heures.
Depuis lors, divers faits étranges se sont produits dans l'appartement : bruits inexplicables, lumières vues du dehors par moi aux fenêtres du premier étage lorsque tout le monde était en bas ; disparitions soudaines de pièces de monnaie entre mes mains mêmes ; coups frappés, etc., etc. Mais l'apparition ne se renouvela plus. Il est vrai de dire que nous avions conservé une lampe de nuit.
Dernièrement, étant à Paris, Mme Mahon demanda à la lucide de M. Cahagnet si elle pouvait lui faire connaître quel était l'Esprit qui s'était manifesté à elle. Voici la réponse qui lui fut faite:
« Je le vois... C'est un homme qui porte une robe de juge avec de grandes manches ». Ma femme objecta qu'il ne s'était point montré ainsi devant ses yeux, à quoi la lucide répliqua: « Il importe peu. Je vous dis que c'est lui que je vois. Il a pris le costume qui lui convenait. Il était juge de son vivant, très processif par nature. Au moment de sa mort, cet homme avait la raison troublée par un procès injuste qu'il était sur le point de perdre. Il s'est alors suicidé aux environs de votre maison. Il est errant. Vous avez parfois dit que vous vouliez voir un Esprit..., il est venu. »
Cette explication ne satisfit que médiocrement Mme Mahon pour qui tous ces détails étaient nouveaux. Peu de jours après son retour à Luxembourg, étant un soir chez des Personnes auxquelles elle racontait la réponse de la lucide, tout le monde s'écria : « Mais c'est M. N ... qui s'est noyé dans l'étang tout auprès, il y a plusieurs années. Il était juge .... d'un caractère morose. Il était sur le point de perdre un procès contre l'une de ses neveux ... à s'agissait de rendre des comptes de tutelle ... la tête s'est perdue... il s'est suicidé. »
Exactement ce qu'avait dit la lucide.
Je ne vous cache point que l'impression fut profonde sur tous les assistants ... Je ne dois pas omettre de vous dire que Mme Mahon ignorait, ainsi que moi, cette histoire du sieur N .... et par conséquent la lucide n'a pu lire dans son esprit les détails si précis qu'elle a donnés.
Je vous livre un fait et je vous autorise à le publier en ce qui touche son exactitude, je l'affirme sous la garantie de ma parole.
EUGÈNE MAHON, Vice-Consul de France
QUELQUES RÉFLEXIONS
Ainsi donc, nous voici arrivés peu à peu à constater que ce corps fluidique, entrevu comme une nécessité logique dans l'antiquité, est une réalité positive affirmée.
Par les apparitions, aussi bien que par la vue des somnambules et des médiums. Ces êtres qui vivent dans l'espace c'est-à-dire autour de nous, ont une forme parfaitement déterminée qui permet de les décrire avec exactitude. Le doute concernant ce point n'est plus permis aujourd'hui, car les témoignages provenant d'expérimentateurs sérieux sont trop nombreux pour que la négation pure et simple soit admise dans une discussion sincère.
Il reste à nous demander si cette enveloppe se constitue après la mort ou bien, ce qui est plus probable, si elle est toujours attachée à l'âme. Si cette dernière supposition est exacte, il doit être possible d'en constater l'existence pendant la vie. C'est ce que nous allons faire immédiatement en appelant à notre secours, non plus des magnétiseurs ou des spirites, mais des investigateurs tout à fait étrangers à nos études, des savants impartiaux dont les constatations auront d'autant plus de prix, qu’elles ne se rattachent à aucune théorie philosophique.
CHAPITRE IV
LE DEDOUBLEMENT DE L’ETRE HUMAIN
Toutes les théories, si séduisantes soient-elles, ont besoin d'être appuyées sur des phénomènes physiques, sans quoi on ne peut y voir que de brillants produits de l'imagination, sans valeur positive.
Lorsque les spirites annoncent que l'âme est toujours revêtue d'une enveloppe fluidique, aussi bien pendant la vie qu'après la mort, ils ont le devoir de faire la preuve que leurs assertions sont justifiées. C'est parce que nous sentons vivement cette nécessité, que nous allons exposer un certain nombre de cas de dédoublement de l'être humain, pris parmi un très grand nombre que notre cadre restreint ne nous permet pas de reproduire.
Nous avons, dans un livre précédent , cité déjà pas mal de cas de bi corporéité, mais, en de telles matières, il ne faut pas craindre de multiplier les exemples, afin d'imposer la conviction. De plus, nous trouverons dans ces récits des circonstances caractéristiques, qui mettent en évidence l'immortalité de l'âme et les propriétés de ce corps impondérable dont nous avons entrepris l'étude.
LA SOCIÉTÉ DE RECHERCHES PSYCHIQUES
Le scepticisme contemporain a été violemment ébranlé par la conversion au spiritisme des savants les plus considérables de notre époque. L'invasion des Esprits dans le monde terrestre s'est produite par des manifestations si véritablement stupéfiantes pour les incrédules que des hommes sérieux se sont pris à réfléchir, et ont résolu d'étudier par eux-mêmes ces faits anormaux, tels que - la transmission de la pensée, à distance et sans contact entre les opérateurs, la double vue, les apparitions de vivants ou de morts, - rangés jusqu'alors, parmi les superstitions populaires.
Sous l'empire de ces idées, il s'est fondé en Angleterre une Société de Recherches Psychiques , dont les travaux ont conquis immédiatement une grande autorité, justement acquise, par la précision, le scrupule et la méthode apportés par ces chercheurs dans cette grande enquête. Les résultats principaux obtenus depuis dix ans ont été consignés par MM. Myers, Gurney et Podmore en deux volumes intitulés : Phantasms of the living (fantômes de vivants), et les observations recueillies journellement sont relatées dans des procès verbaux, dont la publication a lieu tous les mois, sous le nom de Proceedings.
La société anglaise a donné naissance à des branches américaine et française. Dans notre pays, les membres correspondants furent notamment : MM. Baunis, Bernheim, Ferré, Pierre Janet, Liébault, Ribot et Richet M. Marillier, maître de conférences à l'École des Hautes Études, a donné une traduction abrégée des Phantasms of the living sous ce titre impropre : les Hallucinations télépathiques. C'est dans ce livre que nous allons puiser la plupart des témoignages nouveaux, qui mettent en évidence la dualité de l'être humain .
Les spirites doivent une grande reconnaissance aux membres de la Société de Recherches Psychiques, car ces messieurs ont passé de longues années à collectionner des observations, bien constatées, d'apparitions de toutes natures. Tous les cas ont été soumis à un examen sévère, aussi complet que possible, certifiés soit par les témoins effectifs, soit par ceux qui les tenaient de ces témoins directs. Étant donné la haute valeur des investigateurs, le soin qu'ils ont pris pour éliminer les causes d'erreurs, nous sommes en présence d'une masse considérable de documents authentiques, sur lesquels nous pouvons faire porter nos études.
Les expériences ont eu pour objet, en premier lieu, la possibilité pour deux intelligences de se communiquer leurs pensées, sans aucun signe extérieur. Des résultats remarquables ont été obtenus , et cette action d'un esprit sur un autre, sans contact sensible, a été nommée télépathie. Mais le phénomène a pris bientôt un autre aspect : il s'est développé à ce point, que certains opérateurs, au lieu de transmettre simplement leur pensée, se sont montrés à leur sujet : il y a eu une véritable apparition.
Quelle explication pouvait-on donner de ces faits ? Les expérimentateurs ne sont pas spirites, ils n'admettent pas l'existence de l'âme, telle qu'elle est définie par cette doctrine, ils ont donc été contraints de faire une hypothèse. Voici celle à laquelle ils se sont arrêtés : le sujet impressionné n'a pas une vision réelle, mais simplement une hallucination, c'est-à-dire qu'il se figure voir l'apparition, de la même façon qu'il voit une personne ordinaire, mais ce fantôme n'est pas extérieur, il n'existe que dans son cerveau ; la vision est subjective, c'est-à-dire interne et non objective ; cependant cette illusion psychique coïncide avec un fait vrai : l'action volontaire de l'opérateur, c'est pourquoi on l'appelle hallucination véridique ou télépathique.
Les observations se multipliant, on a remarqué ensuite que la volonté consciente de l'agent n'était pas nécessaire, et qu'un individu pouvait apparaître à un autre, sans dessein arrêté d'avance : ce sont des coïncidences, entre une vision et un événement véridique qui s'y rattache, qui forment la majorité des dépositions reproduites par les Phantasms of the living.
Si nous avions le loisir de passer en revue tous les phénomènes d'actions télépathiques relatés dans les deux livres cités et les Proceedings, il nous serait facile de faire voir que l'hypothèse de l'hallucination est tout à fait insuffisante pour expliquer tous les faits. Nous pouvons, avec le grand naturaliste anglais Alfred Russel Wallace , relever dans ces récits, cinq preuves de l'objectivité de certaines de ces apparitions :
1° - La simultanéité de la perception du fantôme par plusieurs personnes ;
2° - L'apparition est vue par divers témoins comme occupant différentes places, correspondant à un mouvement apparent ; ou bien, elle est vue à la même place, malgré le déplacement de l'observateur ;
3° - Les impressions produites par les fantômes sur les animaux domestiques ;
4° - Les effets physiques produits par la vision ;
5° - Les apparitions, qu'elles soient visibles ou non pour les personnes présentes, peuvent être et ont été photographiées.
La théorie de l'hallucination télépathique, provoquée ou spontanée, n'a été imaginée, croyons-nous, que pour ne pas trop heurter de front les idées préconçues du public, encore si peu familiarisé avec ces phénomènes naturels, mais présentant un côté mystérieux qu'ils doivent à leur imprévu et aux circonstances graves dans lesquelles ils se produisent généralement. Voici, en effet, les réflexions de M. Gurney, rédacteur des Phantasms :
« On peut se demander si nous avons le droit d'établir un lien entre les résultats expérimentaux que nous avons discutés (transmission de pensée) dans les chapitres précédents et les phénomènes que nous venons de décrire (apparitions d'expérimentateurs). J'ai dit que c'étaient des phénomènes de transition et qu'ils pouvaient permettre de passer des phénomènes de transmission expérimentale de pensée aux cas de télépathie spontanée ; mais on pourrait soutenir qu'il y a un abîme infranchissable entre les phénomènes ordinaires de transmission de pensée et ces apparitions de l'agent . La différence radicale, c'est que l'objet qui apparaît n'est pas celui sur lequel s'était concentrée la pensée de l'opérateur. Dans les cas que nous venons d'étudier, l'agent ne songeait pas à lui, à sa tournure visible. L'aspect extérieur d'une personne tient relativement peu de place dans l'idée qu'elle se fait d'elle-même; et cependant, c'est seulement cet aspect extérieur qui est perçu par le sujet. Nous nous heurterons à cette même difficulté dans les cas de télépathie spontanée ; tant que l'impression produite sur l'esprit du sujet n'est que la reproduction d'une image ou d'une idée qui existe dans l'esprit de l'agent, on peut concevoir un fondement physiologique aux phénomènes de transmission de pensée. Mais l'interprétation des faits devient beaucoup plus difficile lorsque ce n'est plus l'image qui est présente aux yeux de l'agent qui apparaît au sujet.
« A... meurt, il apparaît à B... qui est à une grande distance de lui. Nous ne pouvons saisir de lien entre ces deux phénomènes, du moins dans le domaine de la conscience claire. Nous pourrions cependant concevoir l'action de l'agent sur le sujet en faisant intervenir les phénomènes inconscients. Mais peut-être vaut-il mieux encore reconnaître la difficulté et dire que, dans le rapprochement que nous avons tenté entre la transmission expérimentale de la pensée et la télépathie spontanée, nous n'avons tenu compte que de l'aspect physiologique des phénomènes ».
Les scrupules de M. Gurney sont tout à fait légitimes, car la lecture des Proceedings les justifie amplement. La transmission de la pensée, déjà difficile à produire est un fait relativement simple, en regard de celui qui nous occupe. On peut, en effet, constater, lorsqu'on se livre à une longue série d'expériences, que le nombre de fois où la divination d'un chiffre exact est obtenue est, le plus souvent, à peine supérieur au résultat indiqué par le calcul des probabilités. Une figure géométrique est encore plus difficilement perçue par le sujet, et pour que des ordres mentaux s'exécutent il faut le plus souvent, comme pour les transmissions de sensations, que les personnes soumises à l'expérience soient plongées dans le sommeil hypnotique.
On voit donc qu'il y a un abîme entre ces modalités rudimentaires d'une intelligence influencée par une autre, et les apparitions, qui sont un phénomène complexe, mettant en jeu toutes les facultés de l'esprit.
Cependant, dans certains cas, on peut soutenir que l'apparition est une hallucination pure et simple, produite par la pensée de l'agent. Ce sont les circonstances qui accompagnent la vision qui doivent servir de critérium pour juger de l'objectivité de l'apparition.
D'ailleurs, nous allons juger du bien fondé de l'explication hallucinatoire, en examinant les faits. Ne pouvant citer tous les cas, nous prendrons un exemple parmi chacune des classes de phénomènes, renvoyant, pour plus amples informations, le lecteur aux documents originaux.
APPARITION SPONTANÉE
Mme Pole-Carew, Antony, Torpoint, Devonport, nous a envoyé la relation suivante :
31 décembre 1883.
« En octobre 1880, lord et lady Waldegrave vinrent avec leur femme de chambre écossaise, Hélène Alexander, passer quelques jours chez nous. (Le récit indique alors comment on s'est aperçu qu'Hélène avait pris la fièvre typhoïde). Elle ne semblait pas bien malade pour cela, et comme on pensait qu'il n'y avait aucun danger à craindre, et que lord et lady Waldegrave avaient un long voyage à faire le lendemain (jeudi), ils se décidèrent à la laisser aux soins de leur amie.)
« La maladie suivit son cours habituel et Hélène sembla aller tout à fait bien jusqu'au dimanche de la semaine suivante ; le médecin me dit alors que la fièvre l'avait quittée, mais que l'état de faiblesse dans lequel elle se trouvait le rendait très inquiet. Je fis venir immédiatement une garde-malade, malgré Reddell, ma femme de chambre, qui, pendant toute sa maladie avait servi de garde à Hélène, et qui lui était dévouée. Cependant comme la garde ne pouvait venir que le jour suivant, je dis à Reddell de veiller Hélène cette nuit-là encore, pour lui donner sa potion et ses aliments ; il fallait, en effet, lui donner sans cesse à manger.
« À quatre heures 30 environ, cette nuit-là, ou plutôt le lundi matin, Reddell regarda sa montre, versa la potion dans une tasse et elle se penchait sur le lit pour la donner à Hélène quand la sonnette du passage sonna. Elle se dit : « Voilà encore cette ennuyeuse sonnette dont le fil s'est embrouillé ». (Il semble qu'elle ait, parfois, sonné d'elle-même de cette façon). À ce moment cependant, elle entendit la porte s'ouvrir, et, comme elle regardait autour d'elle, elle vit entrer une vieille femme fort grosse. Elle était vêtue d'une chemise de nuit et d'un jupon de flanelle rouge; elle tenait à la main un chandelier de cuivre d'un ancien modèle. Le jupon avait un trou. Elle entra dans la chambre et sembla se diriger vers la table de toilette pour poser sa chandelle dessus. Elle était tout à fait inconnue de Reddell, qui, cependant, pensa tout de suite que c'était la mère d'Hélène, qui venait la voir ; il lui sembla que la mère avait l'air fâché, peut-être parce qu'on ne l'avait pas envoyé chercher plus tôt. Elle donna sa potion à Hélène et quand elle se retourna, l'apparition avait disparu et la porte était fermée. L'état d'Hélène avait beaucoup changé pendant ce temps, et Reddell vint me trouver ; j'envoyai chercher le médecin et en l'attendant on appliqua à Hélène des cataplasmes chauds.... mais elle mourut un peu avant l'arrivée du médecin ; elle avait toute sa conscience une demi-heure avant sa mort ; elle parut s'endormir à ce moment.
« Pendant les premiers jours de sa maladie, Hélène avait écrit à l'une de ses sœurs ; elle lui disait qu'elle n'était pas bien, mais sans y insister, et comme elle n'avait jamais parlé que de sa soeur, les gens de la maison, pour qui elle était tout à fait une étrangère, supposaient qu'elle n'avait pas d'autres parents vivants. Reddell lui offrait toujours d'écrire à sa place, mais elle refusait toujours ; elle disait que c'était inutile et qu'elle écrirait elle-même dans un jour ou deux. Personne chez elle ne savait donc qu'elle était aussi malade aussi est-il très remarquable que sa mère, qui n'est point du tout nerveuse, ait dit ce soir-là en allant se coucher : « Je suis sûre qu'Hélène est très malade. »
« Reddell m'a parlé de l'apparition, ainsi qu'à ma fille, une heure environ après la mort d'Hélène. « Je ne suis pas superstitieuse, ni nerveuse, nous dit-elle tout d'abord, et je n'ai pas été effrayée le moins du monde ; mais sa mère est venue la nuit dernière. » Elle nous raconta alors toute l'histoire et nous donna une description très précise de la figure qu'elle avait vue.
« On prévint les parents pour qu'ils pussent assister aux funérailles ; le père et la mère vinrent, ainsi que la soeur, et Reddell reconnut dans la mère la figure qu'elle avait vue ; je la reconnus comme elle, tant sa description était exacte l'expression même était bien celle qu'elle avait indiquée ; elle était due non pas à l'inquiétude, mais à la surdité. On jugea qu'il valait mieux ne pas parler de la chose à la mère, mais Reddell raconta tout à la soeur, qui lui dit que sa description correspondait très exactement aux vêtements qu'aurait eus la mère, si elle s'était levée pendant la nuit ; qu'il y avait chez eux un chandelier tout à fait pareil à celui qu'elle avait vu ; le jupon de sa mère avait un trou, ce trou était dû à la manière dont elle portait toujours son jupon. Il est curieux que ni Hélène, ni sa mère, ne paraissent s'être aperçues de cette visite. Ni l'une ni l'autre en tous cas n'ont jamais dit qu'elles s'étaient apparu l'une à l'autre, ni même qu'elles l'avaient rêvé.
F. A. POLE-CAREW
« Francis Reddell dont le récit confirme celui de Mme Pole-Carew, affirme qu'elle n'a jamais vu d'autre apparition. Mme Lyttleton, Selwyn college, Cambridge, qui la connaît, nous dit qu'elle semble être une personne fort positive (matter of fact), et que ce qui l'avait surtout impressionnée, c'était qu'elle avait vu dans le jupon de flanelle de la mère d'Hélène un trou fait par le busc de son corset, trou qu'elle avait remarqué dans le jupon de l'apparition. »
Nous retrouvons ici un caractère commun à toutes les apparitions de personnes vivantes, et que nous avons signalé dans les descriptions d'esprit faites par les sujets de Cahagnet, c'est d'être toujours revêtues d'un costume. Étant donné la dualité de l'être humain, on peut admettre que l'âme se dégage et agisse à distance de son enveloppe, mais il n'est pas évident que les vêtements aient une doublure fluidique et qu'ils puissent se déplacer comme le fantôme du vivant. Il en est de même des objets qui se présentent en même temps que l'apparition.
Dans le récit précédent, nous voyons la mère d'Hélène revêtue d'un jupon rouge, semblable à celui qu'elle portait habituellement ; de plus, elle tient à la main un chandelier, d'une forme spéciale, dont la description est reconnue exacte par la soeur de la morte. Il faut donc chercher à comprendre comment le double humain opère pour se montrer, et pour fabriquer ses vêtements ainsi que les ustensiles dont il se sert. Ceci fera l'objet d'une étude spéciale, quand nous aurons vu tous les cas.
La narration précédente nous met en face d'un exemple bien net de dédoublement. Reddell est parfaitement éveillée ; elle entend tinter la sonnette de l'entrée, ouvrir la porte, elle voit la mère d'Hélène se déplacer dans la chambre, en se dirigeant vers la toilette ; ce sont là des faits qui montrent qu'elle est à l'état normal, que tous ses sens fonctionnent comme à l'ordinaire, et qu'il n'y a pas place ici pour une hallucination. L'apparition est si positive, que la femme de chambre en fait à sa maîtresse une description minutieuse, et que toutes deux reconnaissent plus tard la mère d'Hélène, qu'elles n'avaient jamais vue.
Que disent les rédacteurs des Phantasms d'un cas semblable ? On sait que suivant la thèse qu'ils ont adoptée, il n'y a pas apparition, mais vision interne produite par la suggestion d'un être vivant (nommé l'agent) sur une autre personne qui éprouve l'hallucination. Ici quel est l'agent ? Voici la note de l'édition française :
« On peut se demander quel a été l'agent véritable. Est-ce la mère ? Mais son état n'avait rien d'anormal, et elle éprouvait seulement quelque inquiétude au sujet de sa fille, elle ne connaissait pas Reddell ; la seule condition favorable est que leur esprit était alors occupé du même objet. Il est possible aussi que l'agent véritable ait été Hélène, et que, pendant son agonie, elle ait eu devant les yeux une vivante image de sa mère ».
Il nous semble que ces réflexions ne s'accordent nullement avec les circonstances du récit. Pour qu'une hallucination soit produite, il faut qu'un rapport soit établi entre l'agent et le percipient, autrement dit, ici, entre Reddell et la mère d'Hélène ; or on nous affirme qu'elles ne se connaissent pas du tout ; ce n'est donc pas la mère qui est l'agent. Est-ce Hélène ? Non, puisque Mme Pole Carew dit formellement que la malade n'a pas vu sa mère. D'ailleurs comment cette image de sa mère aurait-elle le pouvoir d'ouvrir la porte de la maison en la faisant sonner, et d'ouvrir aussi celle de la chambre où la malade était couchée ? Ces sensations auditives ne sont pas plus hallucinatoires que les sensations visuelles ; or celles-ci sont reconnues absolument véridiques par la description exacte du visage de la mère, de celle du jupon, avec le trou fait par le busc, et du chandelier de forme spéciale. Il n'y a donc pas eu hallucination, mais apparition véritable.
Le rédacteur croit qu'il faut toujours un évènement anormal pour que l'âme se dégage, c'est une opinion hasardée, car nous verrons dans les cas suivants que le sommeil ordinaire est parfois suffisant pour permettre le dégagement de l'âme.
Nous constatons que le double est la reproduction exacte de l'être vivant ; remarquons aussi que le corps physique de l'agent est plongé dans le sommeil pendant la manifestation. Nous verrons que c'est le cas le plus général. L'édition anglaise contient quatre-vingt trois observations analogues.
GOETHE ET SON AMI
Wolfang von Goethe se promenait un soir d'été pluvieux avec son ami K.... revenant avec lui du Belvédère à Weimar. Tout à coup le poète s'arrête, comme devant une apparition, et allait lui parler. K... ne se doutait de rien. Soudainement Goethe s'écria: « Mon Dieu ! Si je n'étais sûr que mon ami Frédéric est en ce moment à Francfort, je jurerais que c'est lui ! ... » Ensuite il poussa un formidable éclat de rire : - « Mais c'est bien lui... mon ami Frédéric ! ... Toi ici à Weimar ? ... Mais au nom de Dieu, mon cher, comme te voilà fait... habillé de ma robe de chambre... avec mon bonnet de nuit ... avec mes pantoufles aux pieds... ici sur la grande route ?... » K .... comme je viens de le dire plus haut, ne voyait absolument rien de tout ceci, et s'épouvanta croyant le poète atteint subitement de folie. Mais Goethe préoccupé seulement de sa vision s'écria en étendant les bras: « Frédéric ! Ou es-tu passé... grand Dieu ? mon cher K... N'avez-vous pas remarqué où a passé la personne que nous venons de rencontrer? » - K... stupéfait, ne répondait rien. Alors le poète tournant la tête de tous les côtés, s'écria d'un air rêveur : « Oui ! Je comprends... C'est une vision, cependant quelle peut être la signification de tout cela ? ... Mon ami serait-il mort subitement ?... Serait-ce donc son esprit ? ... »
Là-dessus Goethe rentra chez lui, et trouva Frédéric à la maison... Les cheveux se dressèrent sur sa tête : « Arrière, fantôme ! » s'écria-t-il en reculant, pâle comme un mort.
- « Mais, mon cher, est-ce là l'accueil que tu fais à ton plus fidèle ami ? ... » « Ah ! cette fois s'écria le poète en riant et pleurant à la fois, ce n'est pas un esprit, c'est un être « de chair et d'os », et les deux amis s'embrassèrent avec effusion.
Frédéric était arrivé au logis de Goethe trempé par la pluie et s'était revêtu de vêtements secs du poète ; ensuite il s'était endormi dans son fauteuil et avait rêvé qu'il allait à la rencontre de Goethe, et que celui-ci l'avait interpellé avec ces paroles : « Toi ici à Weimar?... quoi... avec ma robe de chambre... mon bonnet de nuit... et mes pantoufles, sur la grande route ?.. . » - De ce jour le grand poète crut en une autre vie après la vie terrestre .
Ici nous assistons bien à une sorte d'hallucination télépathique, puisque Goethe, seul, voit le fantôme, mais cette image est extérieure, elle n'est pas logée dans son cerveau, comme le serait une véritable hallucination, car il résulte du témoignage de Frédéric qu'il est allé en rêve au devant de son ami ; et ce qui établit que son extériorisation est objective, c'est que les paroles qu'il a entendues sont exactement celles prononcées par l'illustre écrivain. Nous voyons que ce que Frédéric prend pour un rêve est le souvenir d'une action réelle qui s'est passée durant son sommeil : c'est son âme qui s'est dégagée pendant que son corps reposait et qui a entendu et retenu les paroles de Goethe.
Faisons, à ce propos, une remarque très importante. Si Frédéric ne s'était pas souvenu des événements survenus lorsqu'il sommeillait les membres de la Société de Recherches Psychiques auraient conclu à une action de la conscience subliminale de Frédéric, c'est-à-dire à la mise en jeu d'une personnalité seconde de ce sujet. Or, il paraît évident, ici, que c'est toujours la même personnalité qui agit, puisqu'elle a conscience de ce qui s'est passé ; seulement il peut arriver qu'elle ne se souvienne pas toujours de ce qu'elle a fait pendant le repos du corps. Cette perte du souvenir est insuffisante pour autoriser les psychologues, anglais et français, qui ont traité ces questions , à conclure qu'il y a en nous des personnalités qui coexistent et s'ignorent mutuellement.
La seule induction qui nous semble logiquement permise est celle qui admet que notre personnalité ordinaire - celle de l'état de veille - est séparée de la personnalité pendant le sommeil, par une catégorie de souvenirs qui ne sont plus conscients au réveil. Il n'y a pas deux individualités dans le même être, mais seulement deux états différents de cette individualité.
Les récits suivants - extraits de la déposition faite le 15 mai 1869, par M. Cromwel Varley, ingénieur en chef des lignes télégraphiques de l'Angleterre, devant le comité de la Société Dialectique de Londres - sont tout à fait typiques, ils montrent exactement les rapports qui existent entre la même individualité pendant le sommeil ou la veille.
DÉPOSITION DE CROMWEL VARLEY
Ingénieur en chef des lignes télégraphiques de l'Angleterre.
« Voici un quatrième cas dans lequel je suis le principal acteur . J'avais fait des expériences sur la fabrication de la faïence, et les vapeurs d'acide fluorhydrique dont j'avais fait un large emploi m'avaient causé des spasmes de la gorge. J'étais très sérieusement malade, et il m'arrivait souvent d'être réveillé par des spasmes de la glotte. On m'avait recommandé d'avoir toujours sous la main de l'éther sulfurique pour le respirer et me procurer un prompt soulagement. J'y eu recours six ou huit fois, mais son odeur m'était si désagréable, que je finis par me servir du chloroforme. Je le plaçais à côté de mon lit, et lorsque je devais m'en servir, je me penchais au-dessus de lui dans une position telle que quand l'insensibilité survenait, je retombais en arrière tandis que l'éponge roulait à terre. Une nuit cependant je me renversai sur le dos en retenant l'éponge, qui reste appliquée sur ma bouche.
« Mme Varley, nourrissant un enfant malade, était dans la chambre au-dessus de la mienne. Au bout de quelques instants je pris conscience de ma situation :
Je voyais ma femme en haut, moi-même couché sur le dos avec l'éponge sur la bouche, et dans l'impossibilité absolue de ne faire aucun mouvement. J'appliquai toute ma volonté à faire pénétrer dans son esprit une claire notion du danger que je courais. Elle s'éveilla, descendit, enleva aussitôt l'éponge et fut grandement effrayée. Je fis tous mes efforts pour lui parler et je lui dis : « Je vais oublier tout ceci et ignorer comment ceci s'est passé, si vous ne me le rappelez dans la matinée ; mais, ne manquez pas de me dire ce qui vous a fait descendre et je serai alors capable de me souvenir de tous les détails. » Dans la matinée suivante elle fit ce que je lui avais recommandé mais je ne pus rien me rappeler d'abord. Cependant je fis tout le jour les plus grands efforts, et j'arrivai enfin à me souvenir d'une partie, et à la longue, de la totalité des faits. Mon esprit était dans la chambre près de Mme Varley lorsque je lui donnai conscience de mon danger.
« Ce cas m'a aidé à comprendre les moyens de communication des esprits. Mme Varley vit ce que mon esprit demandait, et elle éprouva les mêmes impressions. Un jour, étant tombée en transe, elle me dit : « Actuellement, ce ne sont pas les esprits qui vous parlent : c'est moi-même et je me sers de mon corps de la même façon que font les esprits lorsqu'ils parlent par ma bouche. »
« J'ai observé un autre fait en 1860. Je venais d'établir le premier câble atlantique. Lorsque j'arrivai à Halifax, mon nom fut télégraphié à New York ; M. Cyrus Fied transmit la nouvelle à St-John et au Havre : de telle sorte que quand j'arrivai, je fus cordialement reçu partout, et qu'au Havre je trouvai un banquet tout préparé. Plusieurs discours furent prononcés et l'on s'attarda beaucoup. Je devais prendre le steamer qui partait dans la matinée suivante et j'avais la vive préoccupation de ne pas m'éveiller à temps. J'employai donc un moyen qui m'avait toujours réussi jusque-là : c'était de formuler énergiquement en moi-même la volonté de m'éveiller en temps utile. Le matin vint et je me voyais moi-même profondément endormi dans mon lit.
« J'essayai de m'éveiller, mais je ne le pus. Après quelques instants, comme je cherchais les moyens les plus énergiques pour me tirer d'affaire, j'aperçus une cour dans laquelle se trouvait un grand tas de bois dont deux hommes s'approchaient. Ils montèrent sur ce tas et en enlevèrent une lourde planche. J'eux alors l'idée de provoquer en moi le rêve qu'une bombe était lancée contre moi, sifflait à sa sortie du canon, et qu'elle éclatait et me blessait à la face, au moment où les hommes jetaient la planche du haut du tas. Cela me réveilla en me laissant le souvenir bien net des deux actes : le premier consistant dans l'action de mon être intellectuel commandant à mon cerveau de croire à la réalité d'illusions ridicules provoquées par la puissance de volonté de l'intelligence. Quant au second acte, je ne perdis pas une seconde pour sauter à bas de mon lit, ouvrir la fenêtre, et constater que la cour, la pile de bois, les deux hommes étaient bien tels que mon esprit les avait vus. Je n'avais auparavant aucune connaissance de la localité ; il faisait nuit, quand j'arrivai, la veille, dans cette ville et je ne savais pas du tout qu'il y avait là une cour. Il est évident que mon esprit vit tout cela tandis que mon corps gisait endormi. Il m'était impossible de voir la pile de bois sans ouvrir la fenêtre »
Dans le récit suivant, c'est la même personne qui se dédouble à plusieurs reprises, et cela, sans aucune participation consciente ou volontaire de sa part.
APPARITIONS MULTIPLES DU MÊME SUJET
Mme Stone, Shute Haye, Walditch, Bridport .
X... 1883 « J'ai été vue trois fois, alors que je n'étais pas réellement présente, et chaque fois par des personnes différentes. La première fois, ce fut ma belle-sœur qui me vit. Elle me veillait après la naissance de mon premier enfant. Elle regarda vers le lit où je dormais, et elle me vit distinctement, ainsi que mon double. Elle vit d'une part mon corps naturel, et de l'autre mon image spiritualisée et affaiblie. Elle ferma plusieurs fois les yeux, mais en les rouvrant elle voyait toujours la même apparition : la vision s'évanouit au bout d'un peu de temps. Elle pensa que c'était signe de mort pour moi, et je n'entendis parler de cela que plusieurs mois après. »
« La seconde vision fut aperçue par ma nièce. Elle habitait avec nous à Dotchester. C'était un matin de printemps, elle ouvrit la porte de sa chambre et me vit qui montais l'escalier en face de sa chambre. J'étais habillée d'une robe de deuil noire, j'avais un col blanc, un bonnet blanc, c'étaient les vêtements que je portais habituellement, étant alors en deuil de ma belle-mère. Elle ne me parla pas, mais elle me vit, et elle crut que j'allais dans la nursery. À déjeuner elle dit à son oncle : « Ma tante était levée de bonne heure ce matin, je l'ai vue dans la nursery. – Oh ! Non, Jane, répondit mon mari, elle n'était pas très bien, et elle doit déjeuner dans sa chambre avant de descendre. »
« Le troisième cas fut le plus remarquable. Nous avions une petite maison à Weymouth, où nous allions de temps en temps pour jouir de la mer. Une certaine Mme Samways nous servait quand nous étions là et gardait la maison en notre absence ; c'était une femme agréable et tranquille, tout à fait digne de confiance ; elle était la tante de notre chère vieille domestique Kitty Balston, qui était alors avec nous à Dorchester. Kitty avait écrit à sa tante le jour qui précéda la vision ; elle lui annonçait la naissance de mon plus jeune enfant et lui disait que j'allais bien.
« La nuit suivante, Mme Balston alla à une «réunion de prières » près de Clarence Buildings ; elle était baptiste. Avant de partir, elle ferma une porte intérieure qui conduisait à une petite cour derrière la maison ; elle ferma la porte de la rue, elle emporta les clefs dans sa poche. À son retour, en ouvrant la porte de la rue, elle aperçut une lumière à l'extrémité du passage; en approchant elle vit que la porte de la cour était ouverte. La lumière éclairait la cour dans tous ses détails, j'étais au milieu. Elle me reconnut distinctement ; j'étais couverte de vêtements blancs, très pâle et l'air fatigué. Elle fut très effrayée, elle s'élança vers la maison d'un voisin (celle du capitaine Court) et s'évanouit dans le passage. Lorsqu'elle fut revenue à elle, le capitaine Court l'accompagna dans la maison, qui était exactement telle qu'elle l'avait laissée ; la porte de la cour était hermétiquement fermée. J'étais à ce moment très faible, et je restai plusieurs semaines entre la vie et la mort. »
Il semble résulter du récit de cette dame que sa santé laissait à désirer et que c'était pendant qu'elle était couchée que son âme se dégageait. Pour que l'hypothèse de l'hallucination pût expliquer ces apparitions, à trois personnes inconnues les unes des autres, et cela à des époques différentes, il faudrait supposer à Mme Stone un pouvoir hallucinatoire qu'elle exercerait à son insu, et encore ne comprendrait-on guère comment Mme Balston, qui était à une grande distance, aurait pu en être influencée. Nous croyons que le dédoublement explique plus clairement les faits, puisque dans une autre circonstance, sa belle-sœur voyait simultanément et bien distinctement le corps matériel et le corps fluidique.
Remarquons également que la vision du double par la belle-sœur n'est pas subjective, puisque à plusieurs reprises elle ferme les yeux et que pendant ce temps la vision disparaît, pour redevenir visible lorsque de nouveau elle les ouvre.
Une image hallucinatoire siégeant dans le cerveau ne serait pas invisible pour des yeux clos.
Les mêmes remarques que précédemment sont applicables aux apparitions de cette dame: Similitude complète entre la forme physique et le fantôme, et repos de l'organisme pendant la manifestation.
DÉDOUBLEMENT INVOLONTAIRE, MAIS CONSCIENT
Le sujet est un jeune homme d'une trentaine d'années, artiste graveur de talent .
« Il y a peu de jours, me dit-il, je rentrais chez moi, le soir, vers 10 heures, lorsque je fus saisi d'un sentiment de lassitude étrange que je ne m'expliquais pas. Décidé, néanmoins, à ne pas me coucher tout de suite, j'allumai ma lampe et la laissai sur la table de nuit, près de mon lit. Je pris un cigare, le présentai à la flamme de mon carcel, et j'en aspirai quelques bouffées, puis je m'étendis sur une chaise longue. »
« Au moment où je me laissais aller nonchalamment à la renverse pour appuyer ma tête sur le coussin du sofa, je sentis que les objets environnants tournaient ; j'éprouvai comme un étourdissement, un vide ; puis, brusquement, je me trouvai transporté au milieu de ma chambre. Surpris de ce déplacement dont je n'avais pas eu conscience, je regardai autour de moi, et mon étonnement s'accrut bien autrement. »
« Tout d'abord, je me vis étendu sur le sofa, mollement, sans raideur, seulement ma main gauche se trouvait élevée au-dessus de moi, le coude était appuyé et tenait mon cigare allumé, dont la lueur se voyait dans la pénombre produite par l'abat-jour de ma lampe. La première idée qui me vint fut que je m'étais, sans doute, endormi et que ce que j'éprouvais était le résultat d'un rêve. Néanmoins, je m'avouais que jamais je n'en avais eu de semblable et qui me parût si intensivement la réalité. Je dirai plus, j'avais l'impression que jamais je n'avais été autant dans la réalité. Aussi, me rendant compte qu'il ne pouvait être question d'un rêve, la deuxième pensée qui se présenta soudainement à mon imagination fut que j'étais mort. Et, en même temps, je me souvins d'avoir entendu dire qu'il y a des Esprits, et je pensai que j'étais devenu Esprit moi-même. Tout ce que j'avais pu apprendre sur ce sujet se déroula longuement mais en moins de temps qu'il n'en faut pour y songer, devant ma vue intérieure. Je me souviens très bien d'avoir été pris comme d'une sorte d'angoisse et de regrets de choses inachevées ; ma vie m'apparut comme dans une formule... »
« Je m'approchai de moi ou plutôt de mon corps, ou de ce que je croyais être mon cadavre. Un spectacle que je ne compris pas tout de suite appela mon attention ; je me vis respirant, mais, de plus, je vis l'intérieur de ma poitrine, et mon cœur y battait lentement par faibles à-coups, mais avec régularité. À ce moment, je compris que je devais avoir eu une syncope d'un genre particulier, à moins que les gens qui ont une syncope, pensai-je à part moi, ne se souviennent plus de ce qui leur est arrivé pendant leur évanouissement. Et, alors, je craignis de ne plus me souvenir quand je reviendrais à moi... »
« Me sentant un peu rassuré, je jetai les yeux autour de moi, me demandant combien de temps cela allait durer, puis je ne m'occupai plus de mon corps, de l'autre moi qui reposait toujours sur sa couche. Je regardai ma lampe, qui continuait à brûler silencieusement, et je me fis cette réflexion qu'elle était bien près de mon lit et pourrait communiquer le feu à mes rideaux : je pris le bouton, la clef de la mèche pour l'éteindre, mais, là encore, nouveau sujet de surprise ! Je sentais parfaitement le bouton avec sa molette, je percevais pour ainsi dire chacune de ses molécules, mais j'avais beau tourner avec mes doigts, ceux-ci seuls exécutaient le mouvement, et c'est en vain que je cherchais à agir sur le bouton. »
« Je m'examinai alors moi-même et je vis que, bien que ma main pût passer au travers de moi, je me sentais bien le corps, qui me parut, si ma mémoire ne me fait pas défaut sur ce point, comme revêtu de blanc. Puis je me plaçai devant mon miroir, en face de la cheminée. Au lieu de voir mon image dans la glace, je m'aperçus que ma vue semblait s'étendre à volonté, et le mur, d'abord, puis la partie postérieure des tableaux et des meubles qui étaient chez mon voisin, et ensuite l'intérieur de son appartement, m'apparurent. Je me rendis compte de l'absence de lumière dans ces pièces où ma vue s'exerçait pourtant, et je perçus très nettement comme un rayon de clarté qui partait de mon épigastre et éclairait les objets. »
« L'idée me vint de pénétrer chez mon voisin, que d'ailleurs je ne connaissais pas, et qui était absent de Paris à ce moment. À peine avais-je eu le désir de visiter la première pièce, que je m'y trouvais transporté : comment ? Je n'en sais rien, mais il me semble que j'ai dû traverser la muraille aussi facilement que ma vue la pénétrait. Bref, j'étais chez mon voisin pour la première fois de ma vie. J'inspectai les chambres, me gravai leur aspect dans la mémoire et me dirigeai vers une bibliothèque où je remarquai tout particulièrement plusieurs titres d'ouvrages placés sur un rayon à hauteur de mes yeux. »
« Pour changer de place, je n'avais qu'à vouloir et, sans effort, je me trouvais là où je devais aller »
« À partir de ce moment, mes souvenirs sont très confus : je sais que j'allai loin, très loin, en Italie, je crois, mais je ne saurais donner l'emploi de mon temps. C'est comme si, n'ayant plus le contrôle de moi-même, n'étant plus maître de mes pensées, je me trouvais transporté ici ou là, selon que ma pensée s'y dirigeait. Je n'étais pas encore sûr d'elle et elle me dispersait en quelque sorte avant que j'aie pu la saisir ; la folle du logis, à présent, emmenait le logis avec elle ».
« Ce que je puis ajouter, en terminant, c'est que je m'éveillai à cinq heures du matin, raide, froid sur mon sofa et tenant encore mon cigare inachevé entre les doigts. Ma lampe s'était éteinte ; elle avait enfumé le verre. Je me mis au lit sans pouvoir dormir et je fus agité par un frisson. Enfin le sommeil vint ; quand je m'éveillai, il était grand jour. »
«Au moyen d'un innocent stratagème, j'induisis mon concierge à aller voir dans l'appartement de mon voisin s'il n'y avait rien de dérangé et, montant avec lui, je pus retrouver les tableaux, les meubles vus par moi la nuit précédente, ainsi que les titres des livres que j'avais attentivement remarqués ».
« Je me suis bien gardé de parler de cela à personne, dans la crainte de passer pour fou ou halluciné. »
Ce récit est éminemment instructif. D'abord il prouve que cette extériorisation de l'âme n'est pas le résultat d'une hallucination ou le souvenir d'un rêve, parce que la vision de l'appartement voisin, que le graveur ne connaissait pas, et dans lequel il a pénétré pour la première fois pendant cet état particulier, est parfaitement réelle. En second lieu nous constatons que l'âme, lorsqu'elle est dégagée du corps, possède une forme définie et le pouvoir de passer à travers des obstacles matériels sans éprouver de résistance, sa volonté suffisant à la transporter dans le lieu où elle désire se trouver. Troisièmement, elle a une vue plus pénétrante qu'à l'état normal, puisque le jeune homme voyait battre son cœur à travers sa poitrine .
La conservation du souvenir des événements survenus pendant le dédoublement est ici très nette, mais elle peut être beaucoup moins vive et alors l'agent, en se réveillant ne saura plus s'il a rêvé, ou si son âme a bien quitté son enveloppe physique ; enfin, le plus souvent, l'esprit oublie en rentrant dans son corps ce qui s'est passé pendant le dégagement. Il faut bien se garder de conclure - comme on le fait trop souvent - que cette sortie est une manifestation inconsciente de l'âme ; la vérité, c'est que c'est simplement la mémoire de ce phénomène qui a disparu, mais pendant qu'il s'exécutait, l'âme en avait la parfaite connaissance.
Faisons une dernière remarque au sujet de l'impossibilité pour le jeune graveur de tourner le bouton de sa lampe, bien qu'il en perçût, pour ainsi dire, la texture intime. Cette impuissance, qui est commune à tous les esprits dans l'espace, tient à la raréfaction du périsprit ; mais il peut arriver aussi que, grâce à un influx d'énergie emprunté au corps matériel, l'enveloppe fluidique acquière un degré suffisant d'objectivation pour agir sur des objets matériels. L'apparition de la mère d'Hélène, avait cette substantialité.
Jusqu'alors, les apparitions, dites télépathiques, dont nous venons de parler n'avaient rien révélé sur leur nature intime ; sauf les mouvements qu'elles exécutent et les portes qu'elles semblent ouvrir et fermer, on les prendrait pour des projections de la pensée, pour de simples images, pour des apparences seulement, et non pour des êtres vraiment matériels. Voici plusieurs cas où la tangibilité s'accuse davantage.
APPARITION TANGIBLE D'UN ÉTUDIANT
Révérend P. H. Newnham, Maker Vicarage, Devonport :
« Au mois de mars 1856, j'étais à Oxford, je faisais ma dernière année d'études et j'habitais une chambre garnie. J'étais sujet à de violents maux de tête névralgiques, surtout pendant mon sommeil. Un soir, vers huit heures, j'eus un mal de tête plus violent que d'habitude. Vers neuf heures, il devint insupportable ; j'allai dans ma chambre à coucher, je me jetai sur mon lit, sans me déshabiller, et bientôt je m'endormis. »
« Alors je fis un rêve d'une netteté et d'une intensité singulière. Tous les détails de ce rêve sont aussi vivants dans ma mémoire qu'au moment même où je rêvais. Je rêvais que j'étais avec la famille de la dame qui devint plus tard ma femme. Tous les jeunes gens étaient allés se coucher, et j'étais resté à causer, debout près de la cheminée ; puis je leur dis bonsoir, je pris ma bougie et m'en allai me coucher. Lorsque j'arrivai dans le vestibule, je m'aperçus que ma fiancée était restée en bas et qu'elle arrivait seulement alors en haut de l'escalier ; je montai l'escalier quatre à quatre et, la surprenant sur la dernière marche, je passai par derrière mes bras autour de sa taille. Je portais mon chandelier de la main gauche, pendant que je montais l'escalier, mais cela, dans mon rêve, ne me gêna pas du tout. Je me réveillai alors, et presque immédiatement une pendule de la maison sonna dix heures.
« L'impression produite sur moi par ce rêve fut si forte que j'en écrivis, le lendemain matin, un récit détaillé à ma fiancée. Je reçus une lettre de la dame en question, lettre qui n'était pas une réponse à la mienne, mais qui s'était croisée avec elle en route. En voici le contenu : « Est-ce que vous avez tout particulièrement pensé à moi, hier au soir, vers dix heures ? Comme je montais l'escalier pour aller me coucher, j'ai entendu distinctement vos pas derrière moi, et j'ai senti que vous mettiez vos bras autour de ma taille. »
« Les lettres en question sont actuellement détruites, mais nous avons vérifié les faits, quelques années plus tard, quand nous avons relu nos vieilles lettres, avant de les détruire. Nous nous sommes aperçus que nos souvenirs personnels étaient restés très fidèles. Ce récit peut donc être accepté comme très exact.
«P. H. NEWHAM.»
La relation de cause à effet est évidente dans ce cas. Le rêve du jeune étudiant est la reproduction de la réalité. Pendant son sommeil, l'âme s'est dégagée de son corps et s'est transportée vers sa fiancée. Son désir d'embrasser la jeune dame a été si intense qu'il a déterminé la matérialisation partielle du périsprit, c'est-à-dire de son double. Le fait est positif, car la dame dit avoir entendu distinctement des pas qui montaient l'escalier ; la sensation des bras autour de la taille est bien nettement affirmée aussi. Ces détails rapportés identiquement par les deux acteurs de la scène, sans s'être concertés, ni l'avoir prévue, éloignent évidemment toute idée d'hallucination.
Voici encore un exemple d'une impression tactile produite par une apparition ; mais cette fois l'auteur est visible pour le sujet.
APPARITION OBJECTIVE AU MOMENT D'UN DANGER
Mme Randolph Lichfield, Cross Deep, Twickenham : 1883
(Nous abrégeons un peu le récit, en supprimant ce qui n'est pas indispensable. )
« J'étais assise dans ma chambre, un soir, avant mon mariage, près d'une table de toilette, sur laquelle était posé un livre que je lisais ; la table était dans un coin de la chambre, et le large miroir qui était dessus touchait presque le plafond, de sorte que l'image de toute personne qui se trouvait dans la chambre pouvait s'y refléter tout entière. Le livre que je lisais ne pouvait nullement affecter mes nerfs, ni exciter mon imagination. Je me portais très bien, j'étais de bonne humeur et rien ne m'était arrivé depuis l'heure où j'avais reçu mes lettres, le matin, qui eût pu me faire penser à la personne à laquelle se rapporte l'étrange impression que vous me demandez de raconter. »
« J'avais les yeux fixés sur mon livre. Tout à coup je sentis, mais sans le voir, quelqu'un entrer dans ma chambre. Je regardai dans le miroir pour savoir qui c'était, mais je ne vis personne. Je pensais naturellement que ma visite, me voyant plongée dans ma lecture, était ressortie, quand, à mon vif étonnement, je sentis sur mon front un baiser, un baiser long et tendre. Je levai la tête, nullement effrayée, et je vis mon fiancé debout derrière ma chaise, penché sur moi comme pour m'embrasser de nouveau. Sa figure était très pâle et triste au delà de toute expression. Très surprise, je me levai et, avant que j'aie pu parler, il avait disparu, je ne sais comment. Je ne sais qu'une chose, c'est que, pendant un instant, je vis bien nettement tous les traits de sa figure, sa haute taille, ses larges épaules, comme je les ai toujours vus, et le moment d'après, je ne vis plus rien de lui. »
« D'abord, je ne fus que surprise ou, pour mieux dire, perplexe ; je n'éprouvai aucune frayeur; je ne crus pas un instant que j'avais vu un Esprit ; la sensation qui s'ensuivit fut que j'avais quelque chose au cerveau, et j'étais reconnaissante, que cela n'eût pas amené une vision terrible au lieu de celle que j'avais éprouvée et qui m'avait été fort agréable. »
La narratrice raconte alors qu'elle n'a pas eu de nouvelle de son fiancé pendant trois jours; un soir elle crut sentir son influence, mais elle ne le vit pas, malgré son attente ; enfin, elle apprit qu'il avait été victime d'un accident en voulant dresser un cheval fougueux ; la pensée de ce Monsieur se porta immédiatement vers sa fiancée, et il dit, au moment de perdre connaissance : « May, ma petite May, que je ne meure pas sans te revoir. » Ce fut pendant cette nuit qu'il se pencha vers le jeune fille, et l'embrassa.
Nous voyons, encore, l'apparition ressembler traits pour traits au vivant, se déplacer quelle que soit la distance, et témoigner d'une manière effective de sa corporéité, en embrassant sa fiancée. Quelque rôle qu'on veuille faire jouer à l'hallucination, elle ne nous semble pas en mesure d'expliquer ce qui s'est produit là.
Voici encore un autre exemple de matérialisation de l'enveloppe fluidique.
UN DOUBLE MATÉRIALISÉ
Les Annales Psychiques de septembre-octobre 1896, sous le titre : « Formation d'un double », page 263, racontent le fait suivant, traduit du Borderland d'avril 1896.
M. Stead rapporte qu'il est en relation avec Mme A. dont l'état de santé lui inspirait à cette époque de vives inquiétudes. En causant, M. Stead avait recommandé à Mme A. de venir assister aux offices du dimanche ; mais celle-ci assez sceptique, n'avait pas répondu à son désir. Sur ces entrefaites, elle tomba sérieusement malade et fut obligée de s'aliter.
Le dimanche soir, 13 octobre, M. Stead fut surpris de voir Mme A. entrer dans le temple et s'installer sur un banc. La lumière était suffisante pour lui permettre de la très bien reconnaître. Un membre de la congrégation lui offrit un livre de prières qu'elle prit mais n'ouvrit pas. Alors l'ouvreuse lui donna un livre qu'elle prit aussi d'un air distrait, et laissa sur l'appui devant elle. Elle resta assise pendant tout le service, jusqu'au dernier hymne, qu'elle écouta debout. Pendant le second et le troisième hymne, elle leva quelquefois son livre, mais ne parut pas chanter. Après le dernier verset, elle posa brusquement son livre, et, descendant rapidement la nef, elle disparut.
Des témoins nombreux affirment avoir vu Mme A. et l'avoir parfaitement reconnue comme la même dame qui y était venue antérieurement. Sa toilette élégante, mais excentrique, la désignait à l'attention. M. Stead se rendit le lendemain chez Mme A. elle était encore fort souffrante, couchée sur une chaise longue. Elle affirma n'être pas sortie la veille ; les témoignages du docteur, de la femme de chambre, de deux amies, confirmèrent absolument ses assertions. La distance qui sépare l'habitation de Mme A. du temple est assez considérable ; or, en comparant les heures où elle est apparue et le moment où elle fut vue, soit par le médecin, soit par ses amies, il est établi qu'il lui aurait été impossible d'accomplir le voyage en état de somnambulisme, ce que sa santé lui eût d'ailleurs interdit.
C'est encore là une preuve manifeste de cette action tangible du corps fluidique matérialisé. Un point à noter, c'est la très grande durée du phénomène, qui a été d'une heure et demie.
APPARITION PARLANTE
Cette fois, indépendamment des autres circonstances typiques, nous allons entendre parler le double fluidique : Mlle Paget, 130 Fulham. Road. S. W., Londres
17 juillet 1885.
« Voici le récit exact d'une apparition curieuse, que j'ai eue de mon frère. C'était en 1874 ou 1875, mon frère était troisième officier à bord d'un grand navire de la Société Wigram. Je savais qu'il était alors sur les côtes de l'Australie : mais, autant que je m'en souviens, je ne pensais pas à lui particulièrement à ce moment-là ; cependant comme c'était mon seul frère et que nous étions grands amis, il y avait entre nous des liens très étroits. Mon père habitait la campagne ; un soir, je descendis à la cuisine moi-même, peu après dix heures, pour prendre de peau chaude au fourneau. Il y avait une grande lampe Duplex dans la cuisine, de sorte qu'il y faisait très clair ; les domestiques étaient couchés, et c'était à moi d'éteindre la lampe. Pendant que je prenais mon eau chaude, je levai les yeux, et, à ma grande surprise, je vis mon frère qui entrait dans la cuisine par la porte du dehors, et qui se dirigeait vers moi. Je ne vis pas si la porte était ouverte, parce qu'elle était dans un recoin, et que mon frère était déjà dans la cuisine. La table était entre nous, et il s'assit sur le coin le plus éloigné.
« Je remarquai qu'il avait son uniforme de marin et une vareuse et que l'eau brillait sur sa vareuse et sa casquette. Je m'écriai : « Miles ! D'où viens-tu ? » Il répondit de son ton de voix habituel, mais très vite : « Pour l'amour de Dieu, ne dis pas que je suis ici ». Ceci se passa en quelques secondes, et comme je m'élançai vers lui, il disparut. J'eus très peur ; car j'avais bien cru voir mon frère en personne ; et ce ne fut qu'après sa disparition que j'ai compris que j'avais vu son ombre. Je montai dans ma chambre et j'écrivis la date sur une feuille de papier que je rangeai dans mon secrétaire, sans parler de cet incident à personne.
« Environ trois mois plus tard, mon frère revint à la maison, et, le soir de son arrivée, je m'assis auprès de lui, dans la cuisine, pendant qu'il fumait. Je lui demandai, comme par hasard, s'il n'avait pas eu quelque aventure, et il dit : « Je me suis presque noyé à Melbourne». Il me raconta alors que, descendu à terre sans permission, il remontait à bord après minuit, lorsqu'il glissa de la passerelle et tomba entre le quai et le navire. L'espace était très étroit et, si on ne l'avait retiré tout de suite, il se noyait infailliblement. »
« Il se rappelle qu'il avait pensé qu'il se noyait et avait perdu connaissance. On ne sut pas qu'il était descendu à terre sans permission, de sorte qu'il n'encourut pas la punition qu'il attendait. Je lui dis alors comment il m'était apparu dans la cuisine, et je lui demandai la date. Il put la donner exactement parce que le navire avait quitté Melbourne le matin suivant. C'était là ce qui lui avait fait craindre une punition, tous les hommes devant être à bord la veille au soir. Les deux dates coïncidaient, mais il y avait une différence dans l'heure : je le vis peu après dix heures du soir, et son accident eut lieu peu après minuit. Il ne se rappela pas avoir pensé spécialement à moi à ce moment-là, mais il fut frappé de la coïncidence, et il en parla souvent ».
Toujours le fantôme est le sosie du vivant. Pas d'hallucination, parce que Melle Paget voit l'âme de son frère se déplacer dans la cuisine, et constate que les vêtements de l'apparition sont mouillés, et cette circonstance coïncide précisément avec l'accident survenu au marin qui faillit se noyer. La distance énorme de Melbourne à l'Angleterre n'affecte en rien l'intensité du phénomène de dédoublement, puisque le frère parle à sa sœur, ce que nous n'avions pas constaté jusqu'alors.
EFFETS PHYSIQUES PRODUITS PAR UNE APPARITION
Le docteur Britten, dans son livre : Man and his relations, cite le cas suivant. Un M. Wilson, demeurant à Toronto (Canada) s'endort sur son bureau et rêve qu'il se trouve à Hamilton, ville située à quarante milles anglais à l'ouest de Toronto. Il fait en rêve ses recouvrements habituels et va sonner à la porte d'une amie, Mme D.
Une servante vient lui ouvrir et lui annonce que sa maîtresse est sortie ; il entre cependant et boit un verre d'eau, puis il sort en chargeant la servante de faire ses compliments à sa maîtresse. M. Wilson se réveille, il avait dormi 40 minutes.
Quelques jours plus tard, une Mme G., demeurant à Toronto, reçoit une lettre de Mme D. d'Hamilton, dans laquelle celle-ci racontait que M. Wilson était venu chez elle, avait bu un verre d'eau, puis était parti sans repasser, ce qui l'avait contrariée, car elle aurait vivement désiré le voir. M. Wilson affirma n'avoir pas été à Hamilton depuis un mois mais, songeant à son rêve il pria Mme G. d'écrire à Mme D. pour la prier de ne pas parler de l'incident aux domestiques afin de savoir si, par hasard, on le reconnaîtrait. Il se rendit donc à Hamilton avec quelques camarades, et tous ensemble se présentèrent chez Mme D. Deux servantes reconnurent M. Wilson pour être la personne qui était venue, avait sonné à la porte, bu un verre d'eau et transmis ses compliments pour Mme D.
Cet exemple montre un voyage accompli par l'âme pendant le sommeil, avec souvenir au réveil des événements survenus pendant ce dégagement. Le double est si matériel qu'il sonne et boit un verre d'eau ; il est vu et reconnu par des étrangers. Il est clair qu'il ne s'agit plus ici de télépathie : c'est une bi corporéité complète ; et l'apparition qui marche, cause, avale de l'eau ne peut-être une image mentale c'est une véritable matérialisation de l'âme d'un vivant.
QUELQUES REMARQUES
Parmi les cas excessivement nombreux (que l'exiguïté de notre cadre ne nous a pas permis de reproduire) rapportés par les auteurs anglais, nous avons pris ceux qui mettent en évidence l'objectivité du fantôme vivant ; si l'on peut admettre quelquefois l'hallucination pour cause du phénomène, il est hors de doute que le plus grand nombre ne peut se comprendre qu'en admettant la bi corporéité de l'être humain.
Si l'on suppose que les différents faits que nous venons d'énumérer sont dus à l'hallucination, nous sommes amenés à faire deux remarques qui sont très importantes. Pour que le cerveau du sujet soit impressionné, en dehors des conditions habituelles, il faut que l'agent exerce, à distance, une action d'une nature spéciale, qui ne peut être assimilée à aucune force connue.
Tout d'abord, la distance n'affecte pas le phénomène ; que l'agent soit à Melbourne et le sujet à Londres, l'apparition a lieu; donc la forme d'énergie qui transmet la pensée n'a rien de commun avec les ondes lumineuses, sonores, calorifiques ; car elle se propage dans l'espace, sans s'affaiblir et sans conducteur matériel. De plus, elle ne se réfracte pas en route, elle va, à travers tous les obstacles, atteindre le but qui lui est assigné.
Nous savons aujourd'hui que l'électricité peut affecter la forme ondulatoire et se propager sans conducteur matériel. On pourrait donc admettre qu'il y a une similitude entre la télégraphie sans fil et les phénomènes télépathiques. Il est évident que, s'il n'y avait qu'une simple transmission de sensations, on pourrait assimiler le fluide qui sert à transmettre la pensée au fluide électrique et le cerveau du sujet qui voit, à un récepteur télégraphique. Mais ici le phénomène est beaucoup plus complexe.
Si l'on réfléchit que l'agent n'a pas eu la volonté de se montrer, il devient difficile de croire que ce soit sa pensée seulement qui ait, à son insu, cette singulière puissance. Si l'on tient compte que l'image est matérialisée suffisamment pour ouvrir ou fermer une porte, donner des baisers, tenir un livre de prières, causer, etc, il faut admettre qu'il y a autre chose dans ces faits qu'une simple impression mentale du sujet. Nous concevons mieux un dédoublement momentané de l'agent, dont le souvenir ne s'est pas conservé pour lui en revenant à la vie ordinaire. Alors, c'est l'âme de l'agent lui-même qui se montre, et elle se meut dans l'espace comme le font les Esprits désincarnés.
C'est précisément parce que c'est l'âme sortie du corps qui est la cause du phénomène, que la mémoire de cet exode n'est généralement pas conservée, car le cerveau de l'agent n'a pas été impressionné par les évènements survenus en dehors de sa participation. Pour que le souvenir revint, il faudrait mettre l'agent en somnambulisme, c'est-à-dire dans un état analogue à celui où il se trouvait lorsque le dédoublement a eu lieu.
En réunissant les caractères divers, propres à chacune de ces apparitions, on peut déjà formuler des remarques générales qui nous instruisent sur ces manifestations si peu connues, de l'activité psychique.
Pendant la vie, l'âme est unie intimement au corps et ne s'en sépare complètement qu'à la mort ; mais, sous l'action de diverses influences : sommeil naturel, sommeil provoqué, troubles pathologiques, ou émotion forte, il lui est possible de s'extérioriser assez pour se transporter, presque instantanément, dans un lieu déterminé ; arrivée là, elle peut se rendre visible de manière à être reconnue. Nous avons vu deux exemples de ce genre d'action : ceux du fiancé de Mme Randolph Lichfied et du jeune marin.
Le souvenir des choses perçues dans cet état peut être parfois conservé, comme cela est arrivé pour le révérend Newnham, pour le jeune graveur et pour Varley ; il faut pour cela que l'impression ressentie soit très vive. il est possible aussi qu'il subsiste parfois quelques réminiscences vagues, mais en général, il n'y a aucune conscience, au réveil, de ce qui s'est produit.
Cette lacune de la vie mentale est assimilable à l'oubli pour les somnambules, de ce qui s'est passé pendant leur sommeil magnétique. Nous en avons donné ailleurs l'explication .
Il peut arriver encore que le dédoublement se produise, sans que la personne qui en est l'objet l'ait désiré ; c'est le cas de cette dame qui s'est montrée à trois reprises différentes ; son état maladif permet de supposer que l'âme étant moins fortement retenue à son corps, a pu s'en dégager aisément ; c'est une possibilité assez fréquente pour être signalée. En voici quelques exemples :
Leuret rapporte qu'un homme, convalescent d'une fièvre, se croyait formé de deux individus, dont l'un était au lit, tandis que l'autre se promenait. Quoiqu'il n'eût pas d'appétit, il mangeait beaucoup, ayant, disait-il, deux corps à nourrir.
Pariset, ayant été affecté dans sa première jeunesse d'un typhus épidémique, demeura plusieurs jours dans un anéantissement voisin de la mort. Un matin, un sentiment plus distinct de lui-même se réveilla ; il pensa, et ce fut comme une résurrection ; mais, chose merveilleuse, à ce moment il avait deux corps, ou du moins il croyait les avoir, et ces corps lui semblaient couchés dans des lits différents. Tant que son âme était présente en l'un de ces corps, il se sentait guéri et goûtait un repos délicieux. Dans l'autre corps l'âme souffrait, et il se disait - « Comment suis-je si bien dans ce lit, et si mal, si accablé dans l'autre ? » Cette pensée le préoccupa longtemps, et cet homme, si fin dans l'analyse psychologique, m'a plusieurs fois raconté l'histoire détaillée des impressions qu'il éprouvait alors .
Cahagnet, le célèbre magnétiseur, fait aussi le récit suivant :
« J'ai connu plusieurs personnes qui ont eu de ces vues (dédoublements), qui, du reste, sont très fréquentes dans l'état de maladie. Le vénérable abbé Merice m'a assuré que dans une fièvre très forte qu'il eût, il se vit pendant plusieurs jours séparé de son corps, qui lui apparaissait couché auprès de lui, et auquel il s'intéressait comme à un ami. Ce monsieur se palpait et s'assurait, par tous les moyens qui déterminent la conviction, qu'il était bien un corps pondérable, quoiqu'il pût avoir la même conviction à l'égard de son corps matériel. »
Nous voyons donc, d'une manière générale, qu'il faut, pour que l’âme puisse se dégager, que le corps soit plongé dans le sommeil ou que les liens qui l'y attachent ordinairement soient détendus par une émotion forte ou par la maladie. Les pratiques magnétiques ou les agents anesthésiques amènent parfois le même résultat .
Cette nécessité du sommeil pendant le dédoublement s'explique, d'abord, par ce fait que l'âme ne peut être simultanément en deux endroits différents ; ensuite, elle peut se comprendre par la grande loi qui veut que tout développement anormal d'une partie du corps s’opère au détriment physiologique du balancement des autres organes. Si la presque totalité de l'énergie nerveuse est employée à produire, à l'extérieur de l’être, une manifestation visible, le corps, pendant ce temps, est réduit à la vie végétative et organique ; les fonctions de relation sont temporairement suspendues. On peut même dans certains cas, établir un rapport direct entre l'intensité de l'action périspritale et l'état de prostration du corps. La plus ou moins grande tangibilité du fantôme est liée, d'une manière intime, au degré d'énergie morale de l'individu, à la tension de son esprit vers un but déterminé, à son âge, à sa constitution physique, et sans doute à des conditions du milieu extérieur, qu'il faudra déterminer par la suite.
Dans tous les exemples cités plus haut, la forme visible de l'âme est la copie absolue du corps terrestre ; il y a identité complète entre une personne et son double, et l'on peut affirmer que cette ressemblance ne se borne pas à reproduire les contours extérieurs de l'être matériel, mais qu'elle se poursuit jusque dans l'intimité de la structure périspritale, autrement dit : tous les organes de l'être humain existent dans sa reproduction fluidique .
Nous avons remarqué, dans le récit concernant le jeune marin, que l'apparition parle, ce qui suppose qu'elle a un organe pour produire la parole, et une force intérieure qui met cet appareil en mouvement. La machine phonétique est la même que celle du corps, et la force est puisée dans l'organisme vivant. Nous verrons dans le chapitre relatif aux matérialisations comment ceci peut avoir lieu.
Signalons encore, comme un des caractères les plus remarquables, le déplacement quasi-instantané de l'apparition. Nous voyons dans la même nuit l'âme du marin, dont le corps était en Australie, se manifester à sa sœur, en Angleterre. Dans tous les récits, l'apparition voyage avec une rapidité vertigineuse ; elle se rend, pour ainsi dire instantanément, là où elle veut aller ; elle semble se déplacer aussi vite que l'électricité. Cette vitesse considérable tient à la raréfaction des molécules dont elle est formée, avant la matérialisation plus ou moins complète qu'elle opère pour se rendre visible et tangible.
Nous terminerons cette trop courte exposition des faits, par trois cas typiques, dans lesquels nous trouverons réunis tous les caractères que nous avons constatés isolément, jusqu'alors, dans les apparitions de vivants.
LE DEVIN DE PHILADELPHIE
M. Dassier reproduit l'histoire suivante :
Stilling donne des détails intéressants sur un homme qui vivait en 1740, qui menait une vie très retirée, avec des habitudes étranges, et habitait dans le voisinage de Philadelphie, aux États-Unis. Cet homme passait pour posséder des secrets extraordinaires et pour être capable de découvrir les choses les plus cachées. Parmi les preuves de son pouvoir, celle qui suit est la plus remarquable qu'il a données et regardée par Stilling comme bien constatée.
Un capitaine de navire était parti pour un long voyage en Europe et en Afrique ; sa femme, qui n'avait pas reçu de ses nouvelles depuis longtemps, étant très inquiète sur son sort, reçut le conseil de s'adresser à ce devin ; il la pria de l'excuser pendant qu'il allait chercher les renseignements qu'elle désirait. Il passa dans une chambre voisine, et elle s'assit en attendant. Comme son absence se prolongeait, elle s'impatienta et crut qu'il l'avait oubliée ; elle s'approcha doucement de la porte, regarda à travers une fente et fut étonnée de le voir couché sur un sofa, sans aucun mouvement, comme s'il était mort. Elle ne crut pas devoir le troubler, mais elle attendit son retour. Il lui dit que son mari avait été dans l’impossibilité d'écrire pour telles ou telles raisons ; qu'il était dans ce moment dans un café de Londres, et qu'il serait bientôt de retour chez lui.
Le retour du mari eut lieu conformément à ce qui avait été ainsi annoncé, et la femme lui ayant demandé les motifs de son silence si longtemps prolongé, il allégua précisément les raisons qu'avait données le devin. La femme eut un grand désir de vérifier le surplus de ces indications. Elle eut pleine satisfaction à cet égard, car son mari n'eût pas plus tôt jeté les yeux sur le magicien, qu'il le reconnut pour l'avoir vu, un certain jour, dans un café de Londres, où cet homme lui avait dit que sa femme était très inquiète de lui : à quoi le capitaine avait répondu en expliquant pourquoi il avait été empêché d'écrire, et avait ajouté qu'il était à la veille de s'embarquer pour l'Amérique. Le capitaine avait ensuite perdu de vue cet étranger qui s'était confondu dans la foule, et n'en avait plus entendu parler.
Nous voyons se dérouler, mais cette fois volontairement, la série des phénomènes déjà décrits : sommeil du sujet, séparation entre son corps et son âme, déplacement rapide matérialisation de l'apparition, et souvenir au réveil.
Dans la Revue Spirite de 1858, à la page 328, nous avons une confirmation de la possibilité, pour l'esprit dégagé, de matérialiser assez son enveloppe pour la rendre tout à fait semblable au corps matériel. Voici le fait.
UN VOYAGE PÉRISPRITAL
Un des membres de la Société Spirite, habitant Boulogne-sur-Mer, écrivit la lettre suivante, le 26 juillet 1856, à Allan Kardec :
« Mon fils, depuis que je l'ai magnétisé par l'ordre des Esprits, est devenu un médium très rare, du moins c'est ce qu'il m'a révélé dans son état somnambulique, dans lequel je l'avais mis, sur sa demande, le 14 mai dernier, et quatre ou cinq fois depuis.
« Pour moi, il est hors de doute que mon fils, éveillé, converse librement avec les Esprits qu'il désire, par l'intermédiaire de son guide, qu'il appelle familièrement son ami ; qu'à sa volonté il se transporte en Esprit où il désire, et je vais vous en citer un exemple dont j'ai les preuves écrites entre les mains.
« Il y a juste aujourd'hui un mois, nous étions tous deux dans la salle à manger. Je lisais le cours de magnétisme de M. du Potet, quand mon fils prend le livre et le feuillet ; arrivé à un certain endroit, son guide lui dit à l'oreille : lis cela. C'était l'aventure d'un docteur d'Amérique dont l'Esprit avait visité un ami à quinze ou vingt lieues de là, pendant qu'il dormait. Après l'avoir lu, mon fils dit : Je voudrais bien faire un petit voyage semblable. Eh bien ! Où veux-tu aller ? lui dit son guide. - À Londres, répond mon fils, voir mes amis. Et il désigna ceux qu'il voudrait visiter.
« C'est demain dimanche, lui fut-il répondu ; tu n'es pas obligé de te lever de bonne heure pour travailler. Tu t'endormiras à huit heures et tu iras voyager à Londres jusqu'à huit heures et demie. Vendredi prochain, tu recevras une lettre de tes amis, qui te feront des reproches d'être resté si peu de temps avec eux.
« Effectivement, le lendemain matin, à l'heure indiquée, il s'endormit d'un sommeil de plomb ; à huit heures et demie je l'éveillai, il ne se rappelait rien ; de mon côté, je ne dis pas un mot, attendant la suite.
« Le vendredi suivant, je travaillais à une de mes machines et, suivant mon habitude, je fumais, car c'était après déjeuner ; mon fils regarde la fumée de ma pipe et me dit : Tiens, il y a une lettre dans ta fumée. - Comment vois-tu une lettre dans ma fumée ? - Tu vas le voir, reprend-il, car voilà le facteur qui l'apporte. Effectivement, le facteur vint remettre une lettre, de Londres, dans laquelle les amis de mon fils lui faisaient un reproche d'être allé dans cette ville, le dimanche précédent, et de n'avoir pas été les voir : une personne de leur connaissance l'ayant rencontré. J'ai la lettre, comme je vous l'ai dit, qui prouve que je n'invente rien. »
Ce récit montre la possibilité de produire artificiellement le dédoublement de l'être humain; nous verrons plus loin que ce procédé a été utilisé par certains magnétiseurs.
Voici le troisième fait, que nous empruntons aux annales de l'Église catholique .
SAINT ALPHONSE DE LIGUORI
L'Histoire générale de l'Église, par M. le baron Henrion (Paris, 1851, tome II,page 272), raconte ainsi qu'il suit, le fait miraculeux arrivé à Alphonse de Liguori :
Dans la matinée du 21 septembre, Alphonse, après avoir dit la messe, se jeta dans son fauteuil ; il était abattu et taciturne, et sans faire le moindre mouvement sans articuler un seul mot de prières ni adresser jamais la parole à personne, il resta dans cet état tout le jour et toute la nuit suivante ; durant ce temps il ne prit aucune nourriture et on ne vit pas qu'il désirât aucun service autour de sa personne. Les domestiques, qui s'étaient d'abord aperçus de sa situation, se tenaient à portée de sa chambre, mais ils n'osaient entrer.
Le 22, au matin, ils reconnurent qu'Alphonse n'avait pas changé d'attitude, et ils ne savaient plus ce qu'il fallait en penser ; ils craignaient que ce ne fut autre chose qu'une extase prolongée. Cependant, quand l'heure est un peu plus avancée, Liguori agite la sonnette pour annoncer qu'il veut célébrer la sainte messe.
À ce signe, ce n'est pas seulement le frère laïque chargé de le servir à l'autel, mais toutes les personnes de la maison, et d'autres étrangères, qui accourent avec empressement. Le prélat demande, avec un air de surprise, pourquoi tant de monde. On lui répond qu'il y a deux jours qu'il ne parle ni ne donne aucun signe de vie. « C'est vrai, répliqua-t-il, mais vous ne savez pas que j'ai été assister le pape qui vient de mourir. »
Une personne qui avait entendu cette réponse, alla, le jour même, la porter à Sainte-Agathe; elle s'y répandit aussitôt comme à Arienzo, où résidait Alphonse. On crut que ce n'était là qu'un songe, mais on ne tarda pas à avoir la nouvelle de la mort de Clément XIV, qui avait passé à une autre vie le 22 septembre, précisément à sept heures du matin, au moment même où Liguori avait repris ses sens.
L'historien des papes, Novaès, fait mention de ce miracle en racontant la mort de Clément XIV. Il dit que le souverain Pontife avait cessé de vivre le 22 septembre 1774, à sept heures du matin (la treizième heure pour les Italiens), assisté des généraux des Augustins, des Dominicains, des Observantins et de Conventuels, et, ce qui intéresse encore davantage, assisté miraculeusement par le bienheureux Alphonse de Liguori, quoique éloigné de son corps, ainsi qu'il résulte du procès juridique du susdit bienheureux, approuvé par la Sacrée Congrégation des Rites.
On peut citer des cas analogues pour saint Antoine de Padoue, saint François-Xavier et surtout Marie d'Agréda, dont les dédoublements se produisirent pendant plusieurs années.
CHAPITRE V
LE CORPS FLUIDIQUE APRES LA MORT.
LE PERISPRIT DECRIT EN 1804
Sous le titre : Apparition réelle de ma femme après sa mort, Chemnitz, 1804, - le docteur Woetzel publia un livre qui causa une assez grande sensation dans les premières années de ce siècle. L'auteur fut attaqué dans plusieurs écrits ; Wieland surtout le tourna en ridicule dans l'Enthauesia .
Pendant une maladie de sa femme, Woetzel avait demandé à cette dernière de se montrer à lui après sa mort. Elle lui en fit la promesse, mais plus tard, à sa prière, son mari la lui rendit. Cependant, quelques semaines après sa mort, un vent violent sembla souffler dans la chambre, quoique fermée ; la lumière fut presque éteinte ; une petite fenêtre dans l'alcôve s'ouvrit, et, à la faible clarté qui régnait, Woetzel vit la forme de sa femme qui lui dit d'une voix douce : « Charles, je suis immortelle, un jour nous nous reverrons ». L'apparition et ses paroles consolantes se renouvelèrent une seconde fois. Sa femme se montra en robe blanche sous l'aspect qu'elle avait avant de mourir. Un chien, qui n'avait pas bougé à la première apparition, se mit à frétiller et à décrire un cercle comme autour d'une personne de connaissance.
Dans un second ouvrage sur le même sujet (Leipzig, 1805), l'auteur parle d'invitations qui lui auraient été faites de démentir toute l'affaire « parce qu'autrement beaucoup de savants seraient forcés de renoncer à ce que, jusque-là, ils avaient crû être des opinions vraies et justes, et que la superstition y trouverait un aliment. »
Mais il avait déjà prié le conseil de l'Université de Leipzig de lui permettre de déposer un serment judiciaire à ce sujet. L'auteur développe ainsi sa théorie : « L'âme, après sa mort, serait enveloppée d'un corps éthéré, lumineux, au moyen duquel elle pourrait se rendre visible; elle pourrait mettre d'autres vêtements par dessus cette enveloppe lumineuse ; l'apparition n'avait pas agi sur son sens intérieur, mais uniquement sur son sens extérieur ».
Nous avons, dans cette observation, une preuve de son objectivité, en ce qu'elle a été vue et reconnue par le chien. Il est certain qu'une image subjective, c'est-à-dire siégeant dans le cerveau du savant, n'aurait pu avoir cette influence sur un animal domestique.
IMPRESSIONS PRODUITES PAR LES APPARITIONS SUR LES ANIMAUX
Dans le récit de Justinus Kerner sur la voyante de Prévorst il est question d'une apparition qu'elle vit durant toute une année ; chaque fois que l'esprit paraissait, un lévrier noir de la maison semblait sentir sa présence, et aussitôt que la figure était perceptible à la voyante, le chien accourait auprès de quelqu'un, comme pour demander protection, et souvent en hurlant très fort. Depuis le jour où il vit cette figure, il ne voulut plus rester seul la nuit.
Dans le terrible cas de maison hantée raconté à Robert Dale Owen par Mme S-C. Hall, on constate qu'il fut impossible de faire rester un chien, ni jour ni nuit, dans la chambre où se produisaient les manifestations ; peu de temps après qu'elles eurent commencé, il s'enfuit et fut perdu.
John Wesley, le fondateur de la secte qui porte son nom, a fait connaître les bruits qui eurent lieu à la cure d'Epworth. Après avoir décrit des sons étranges semblables à ceux que produiraient des objets de fer ou de verre jetés à terre, il ajoute : « Peu après, notre grand chien mâtin accourut se réfugier entre moi et Mme Wesley ; tant que les bruits continuèrent, il jappait et bondissait en happant l'air, de côté et d'autre, et cela fréquemment, avant que personne dans la chambre n'eût entendu quoi que ce soit ; au bout de deux ou trois jours, il tremblait et s'écartait en rampant avant que le bruit commençât. La famille connaissait à ce signe ce qui allait arriver, et cela ne manquait jamais. »
Nous ferons à ce sujet quelques remarques, empruntées à l'illustre naturaliste, sir Alfred Russel Wallace .
Cette série de cas où l'on voit des impressions produites par les fantômes sur les animaux, est certainement remarquable et digne d'attention. Ces faits ne devraient pas se présenter, si la théorie de l'hallucination et de la télépathie était vraie, et pourtant on doit y ajouter foi, parce qu'ils sont presque toujours introduits dans le récit comme des choses inattendues ; d'un autre côté, ils sont notés, pour qu'on s'en souvienne, c'est une preuve que les observateurs avaient bien gardé leur sang-froid.
Ils nous montrent irréfutablement qu'un grand nombre de fantômes perçus par la vue ou par l'ouïe, même s'ils ne le sont que par une seule personne, sont des réalités objectives. La terreur manifestée par les animaux qui les perçoivent, et leur contenance si différente de celle qu'ils ont en présence des phénomènes naturels, établissent, non moins clairement que bien qu'objectifs, les phénomènes ne sont pas normaux et ne peuvent pas être expliqués par quelque tromperie ou par des éventualités naturelles mal interprétées.
Nous allons continuer maintenant l'étude des apparitions se produisant après la mort. Nous mettrons en relief les ressemblances qui existent entre ces apparitions et celles des vivants, et nous verrons qu'elles ont une similitude de caractères qui implique celle de la cause. Bien qu'il nous semble peu possible d'imaginer, pour les cas précédents, une action encore inconnue d'un cerveau humain sur un autre cerveau humain, de manière à l'halluciner aussi complètement, il deviendra impossible avec les théorie matérialistes de supposer cette action de la part d'un mort ; cependant, si les faits sont identiques, il faudra bien admettre que la véritable cause est l'âme, soit qu'elle habite sur la terre, soit qu'elle ait quitté ce monde.
Il est vrai que les incrédules sont fort habiles à forger des théories lorsqu'ils se trouvent en présence de phénomènes embarrassants dont ils ne peuvent nier la réalité. C'est ainsi qu'ils ont étendu l'hypothèse de la télépathie aux morts. Ils ont prétendu que l'action télépathique d'un mourant pouvait pénétrer inconsciemment dans l'esprit du sujet, de manière que l'hallucination ait lieu assez longtemps après la mort de celui auquel elle est due.
Cette supposition s'appuie sur les expériences de suggestions à longue échéance. On sait qu'il est possible de faire accomplir à des sujets très sensibles des actes compliqués, quelques jours et même quelques mois plus tard. Le sujet réveillé n'a pas conscience de cet ordre qui sommeille en lui, mais quand arrive le jour fixé, il accomplit fidèlement la suggestion.
Si donc la pensée d'un mort est violemment portée vers un des ses proches, celui-ci peut l'emmagasiner inconsciemment et lorsque l'hallucination se produira, ce ne sera pas une apparition, mais simplement la réalisation d'une suggestion. Cette conception est ingénieuse, mais elle est fort loin d'expliquer tous les faits d'apparition des morts. En premier lieu, l'analogie entre la vision d'un mort et une suggestion retardée est tout à fait fausse, car l'agent - dans la plupart des cas - ne songe pas à intimer au sujet l'ordre de le voir plus tard ; ensuite si, comme dans les apparitions de vivants, il y a des phénomènes physiques produits par l'apparition, il devient évident que ce n'est pas une image mentale qui les exécute ; il faut que ce soit l'être décédé, ce qui établit sa survivance. Nous aurons dans la suite l'occasion de montrer combien ces explications, soi-disant scientifiques, sont souvent fausses et toujours incomplètes.
Revenons à nos exemples empruntés aux Phantasm of the living :
Voici un cas où l'apparition se produit peu de temps après le décès. Ce récit est dû à Mme Stella Chieri, Italie .
APPARITION APRÈS LA MORT
Le 18 janvier 1884.
« Lorsque j'avais environ 15 ans, j'étais en visite chez le Dr J. G.... à Twyford, Hants. Je m'y liai d'amitié avec le cousin de mon hôte, un garçon de 17 ans. Nous étions devenus inséparables, nous canotions ensemble, nous montions ensemble à cheval, et nous partagions les mêmes amusements comme frère et sœur. »
« Il était d'une santé très délicate ; j'avais soin de lui, je veillais sur lui, de sorte que nous ne passions jamais une heure éloignés l'un de l'autre. »
« Je vous donne tous ces détails pour vous montrer qu'il n'y avait pas entre nous une trace de passion ; nous étions l'un pour l'autre comme deux garçons. »
« Une nuit on vint chercher M. G... pour voir son cousin tombé tout à coup gravement malade d'une inflammation des poumons. On ne m'avait pas dit combien il était malade ; je ne savais donc rien du danger où il était, et ne m'inquiétais nullement de lui ; la nuit où il mourut, M. G... et sa sœur s'en allèrent à la maison de leur tante, me laissant seule au salon. Il y avait un feu clair dans la cheminée, et, comme beaucoup de jeunes filles, j'aimais à rester auprès du foyer et à lire à la lumière de la flamme. Ne sachant pas que mon ami était en danger, je n'étais pas inquiète ; j'étais seulement fâchée qu'il ne pût pas venir passer la soirée avec moi, tant je me sentais seule. »
« Je lisais tranquillement lorsque la porte s'ouvrit et que Bertie (mon ami) entra. Je me levai brusquement pour lui pousser un fauteuil près du feu, car il paraissait avoir froid, et il n'avait pas de manteau, bien qu'il neigeât. Je me mis à le gronder d'être sorti sans se bien envelopper. Au lieu de répondre, il mit sa main sur sa poitrine et secoua la tête, ce qui, selon moi, devait signifier qu'il n'avait pas froid, qu'il souffrait de la poitrine et qu'il avait perdu la voix, ce qui lui arrivait quelquefois. Je lui reprochai encore son imprudence. Je parlais encore, lorsque M. G... entra et me demanda à qui je parlais. Je lui répondis : « Voici cet ennuyeux garçon sans manteau et avec un si mauvais rhume qu'il ne peut parler, prêtez-lui donc un manteau et renvoyez-le chez lui. »
« Jamais je n'oublierai l'horreur et la stupeur peintes sur la figure du bon docteur, car il savait (ce que je ne savais pas) que le pauvre garçon était mort il y avait une demi-heure, et il venait pour m'apprendre cette nouvelle. Sa première impression fut que je l'avais déjà apprise, et que cela m'avait fait perdre l'esprit. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi il me fit sortir de la chambre en me parlant comme à un petit enfant. Pendant quelques moments nous échangeâmes des propos incohérents, et puis il m'expliqua que j'avais éprouvé une illusion d'optique. Il ne nia pas que je n'eusse vu Bertie de mes propres yeux, mais il me donna une explication très scientifique de cette vision, craignant de m'effrayer ou de me laisser sous une impression affligeante.
« Jusqu'à présent je n'ai parlé à qui que ce soit de cet événement, d'abord parce que c'est pour moi un très triste souvenir, et aussi parce que je craignais d'être prise pour un esprit chimérique et de ne pas être crue. Ma mère me dit que j'avais rêvé ; je lisais un livre intitulé M. Verdant Green : ce livre-là ne porte pas au sommeil, et je me rappelle bien que je riais de bon cœur, de quelque absurdité du héros au moment même ou la porte s'ouvrit. »
À quelques questions posées par les investigateurs, Mme Stella répond :
« Leur maison devait être à peu près à un quart d'heure de marche de la maison de M. G.... et Bertie est mort environ vingt minutes avant que le docteur ait quitté la maison. Il y avait à peu près cinq minutes que l'apparition était dans la chambre lorsque M. G... entra. Ce qui m'a toujours semblé bien étrange, c'est que j'entendis tourner le bouton ou ouvrir la porte. En effet, ce fut le bruit du pêne qui tournait qui me fit lever les yeux de dessus le livre. La figure marcha à travers la pièce vers la cheminée et s'assit, tandis que j'allumais les bougies. Tout était si réel et si naturel que je puis à peine admettre à présent que ce n'était pas une réalité. »
Cette observation montre la jeune fille dans son état habituel ; elle riait en lisant un livre gai, et n'était nullement prédisposée à une hallucination. L'esprit de Bertie, qui venait à peine de quitter son corps, entre dans la chambre en faisant tourner le bouton de la porte. Ce bruit est si réel qu'il fait lever la tête de la jeune fille. Si c'était une hallucination, par qui serait-elle produite ?
Nous avons vu déjà la mère d'Hélène - fantôme de vivant ouvrir une porte; nous assistons ici au même phénomène produit par Bertie à l'état d'esprit. L'âme du jeune homme n'est pas visible pour le docteur - pas plus que ne l'était le double de Frédéric pour l'ami de Goethe, - mais elle agit télépathiquement sur Stella et objectivement sur la matière de la porte.
« Nous commençons à nous apercevoir, dit M. F. H. Myers, l'un des auteurs des Phantasms, combien nos preuves de télépathie entre les vivants sont intimement liées avec la télépathie entre les vivants et les morts, mais on craint de s'en occuper, de peur d'être accusé de mysticisme. »
L'apparition est tellement semblable à Bertie lorsqu'il vivait, que la jeune fille lui cause, le gronde d'être sorti sans son manteau ; en un mot, elle est persuadée qu'il est là, puisqu'il est allé de la porte au fauteuil sur lequel il s'est assis.
Le phénomène aurait précédé de quelques minutes la mort de Bertie, au lieu de se produire après, qu'il rentrerait dans la classe de ceux étudiés plus haut ; mais le corps ici est sans vie, c'est l'âme seule qui se manifeste, et cependant rien n'est changé dans les circonstances extérieures par lesquelles elle affirme sa présence. Les traits sont identiques à ceux du corps matériel ; la taille, la démarche, tout rappelle l'être vivant.
Citons un nouveau cas dans lequel l'esprit qui se manifeste donne à son périsprit assez de tangibilité pour prononcer quelques paroles, bien qu'il ne soit plus parmi les vivants .
APPARITION DE L'ESPRIT DUN INDIEN
Mme Bishop, née Bird, voyageuse et écrivain bien connue, nous a envoyé ce récit en mars 1884 ; il est presque identique à une version de seconde main qui nous avait été communiquée en mars 1883. En voyageant dans les Montagnes Rocheuses, Mlle Bird avait fait la connaissance d'un Indien métis, M. Nugent, connu sous le nom de « Moutain Jim », et elle avait pris sur lui une influence considérable. « Le jour où je pris congé de Moutain Jim, il était très ému et très excité. J'avais eu une longue conversation avec lui sur la vie mortelle et l'immortalité, conversation que j'avais terminée par quelques paroles de la Bible. Il était très impressionné, mais très excité, et il s'écria : « Je ne vous verrai peut-être plus dans cette vie, mais je vous verrai quand je mourrai. » Je le réprimandai doucement à cause de sa violence, mais il répéta encore la même chose avec plus d'énergie, ajoutant : « Et je n'oublierai jamais ces mots que vous m'avez dits, et je jure que je vous reverrai quand je mourrai. » Nous nous séparâmes sur cette phrase.
« Pendant quelques temps, j'eus de ses nouvelles ; j'appris qu'il s'était mal conduit, puisqu'il était retombé dans ses habitudes sauvages, et, plus tard, qu'il était fort malade d'une blessure qu'il avait reçue dans une rixe ; puis, enfin, qu'il se portait mieux, mais qu'il formait des projets de vengeance. La dernière fois que je reçus de ses nouvelles, j'étais à l'hôtel Interlaken, à Interlaken (Suisse), avec Mlle Clayson et les Ker. Quelque temps après les avoir reçues (c'était en septembre 1874), j'étais étendue sur mon lit, un matin vers six heures. J'étais occupée à écrire une lettre à ma sœur, lorsqu'en levant les yeux je vis Moutain Jim debout devant moi. Ses yeux étaient fixés sur moi et, lorsque je le regardai, il me dit à voix basse, mais très distinctement : « Je suis venu comme j'avais promis. » Puis il me fit un signe de la main et ajouta : « Adieu ! ».
« Lorsque Mme Bessie Ker vint m'apporter mon déjeuner, nous primes note de l'événement en indiquant la date et l'heure. La nouvelle de la mort de Moutain Jim nous arriva un peu plus tard, et la date, si on tenait compte de la différence de longitude, coïncidait avec celle de son apparition. »
En réalité, d'après les auteurs, l'apparition a suivi la mort de huit heures, ou de quatorze heures si c'est le lendemain du jour indiqué par Mme Bishop qu'elle s'est produite.
Nous constatons toujours que la distance n'est pas un obstacle au déplacement de l'esprit, puisqu'il peut manifester sa présence en Europe, très peu de temps après sa mort en Amérique. Les mêmes remarques que précédemment s'appliquent à l'aspect extérieur de l'esprit; nous croyons cependant que sa matérialisation est plus complète que dans le dernier récit, puisqu'il adresse un adieu à la voyageuse, et ceci nous ramène au cas où le fantôme de vivant prononce aussi quelques paroles. Cette observation établit que l'Esprit a, lui aussi, un organe pour produire des sons articulés, et une force pour le mettre en action. Nous verrons tout à l'heure qu'il n'y a pas que le larynx qui existe dans le périsprit, mais bien tous les organes du corps matériel. Ce qu'il nous importait surtout de signaler, c'est la remarquable unité qu'on constate dans les agissements du fantôme, soit qu'il provienne d'un dédoublement ou qu'il soit la matérialisation temporaire d'un habitant de l'espace.
Rapportons un dernier cas où le même Esprit se manifeste à deux personnes à très peu d'intervalle.
APPARITION À UN ENFANT ET À SA TANTE
Mme Cox, Summer Hill, Queenstown, Ireland .
« Dans la nuit du 21 août 1869, entre huit et neuf heures j'étais assise dans ma chambre à coucher, dans la maison de ma mère, à Devonport. Mon neveu, un garçon de sept ans, était couché dans la chambre voisine ; je fus très surprise de le voir entrer tout à coup en courant dans ma chambre ; il criait d'un ton effrayé : « Oh, tante, je viens de voir mon père tourner autour de mon lit ! » Je répondis : « Quelle bêtise ! Tu as dû rêver ! » Il dit : « Non, je n'ai pas rêvé », et il refusa de retourner dans sa chambre. Voyant que je ne pouvais lui persuader d'y rentrer, je le mis dans mon lit. Entre dix et onze heures, je me couchai.
« Une heure après environ, je crois, je vis distinctement, en regardant du côté de l'âtre, à mon grand étonnement, la forme de mon frère assise sur une chaise, et, chose qui me frappa particulièrement, ce fut la pâleur mortelle de sa figure. (Mon neveu était à ce moment tout à fait endormi). Je fus si effrayée (je savais que mon frère était à ce moment à Hong Kong) que je me cachai la tête sous les couvertures. Peu après, j'entendis nettement sa voix m'appeler par mon nom ; mon nom fut répété trois fois. Lorsque je regardai, il était parti. Le lendemain matin, je dis à ma mère et à ma sœur ce qui était arrivé, et je dis que j'en prendrais note, ce que je fis. Le courrier suivant de Chine nous apporta la triste nouvelle de la mort de mon frère; elle avait eu lieu le 21 août 1869, dans la rade de Hong Kong, subitement, par suite d'insolation .»
«MINNIE COX».
D'après des renseignements complémentaires, la date de la mort a précédé de quelques heures l'apparition.
Il est impossible d'admettre ici l'hallucination, car le même esprit se fait voir à un enfant et à une femme qui n'étaient pas ensemble. Chacun reconnaît l'apparition et, dans le dernier cas, pour affirmer son identité, le frère appelle sa sœur à trois reprises différentes. L'âme tenait évidemment à signaler sa présence d'une manière efficace, et nous devons en induire légitimement qu'elle était matérialisée. La sœur a regardé si attentivement son frère, qu'elle a noté la pâleur excessive dont ses traits étaient empreints ; écartons donc ici toute autre interprétation que celle qui attribue à l'âme désincarnée la puissance de démontrer sa survivance.
Terminons nos emprunts à la Société de recherches psychiques par deux cas tellement probants que tous commentaires seraient superflus.
APPARITION COLLECTIVE DE TROIS ESPRITS
19 mai 1883.
Mlle Catherine, M. Weld .
« Philippe Weld était le plus jeune fils de M. James Weld, de Archers Lodge, près Southampton ; il était neveu de feu le cardinal Weld. Il fut envoyé par son père, en 1842, au collège de Saint-Edmond, près de Ware, dans le Herfordshire, pour faire ses études. C'était un garçon de bonnes manières, aimable, et très aimé de ses maîtres et de quelques camarades. L'après-midi du 16 avril 1845, Philippe, accompagné d'un de ses maîtres et de quelques camarades, alla canoter sur la rivière ; c'était un exercice qu'il aimait beaucoup. Lorsque le maître fit la remarque qu'il était temps de rentrer au collège, Philippe demanda la permission de faire une course encore ; le maître consentit, et l'on rama jusqu'à l'endroit où l'on tournait. Arrivé là, en faisant tourner le bateau, Philippe tomba accidentellement dans une partie de la rivière, et, malgré tous les efforts faits pour le sauver, il se noya.
« Son corps fut ramené au collège, et le Très Rév. DrCox (le directeur) fut profondément saisi et affligé. Il se décida à aller lui-même chez M. Weld, à Southampton.
« Il partit l'après-midi même, et, passant par Londres, il arriva à Southampton le lendemain; il alla en voiture à Archers Lodge, résidence de M. Weld ; avant d'entrer dans la propriété, il vit M. Weld à une petite distance de sa grille, qui marchait vers la ville. Le Dr Cox arrêta la voiture aussitôt, descendit, et il allait parler à M. Weld, lorsque celui-ci l'en empêcha en disant :
« Vous n'avez pas besoin de parler, car je sais que Philippe est mort. Hier après-midi, je me promenais avec ma fille Catherine et nous l'avons vu tout à coup. Il se tenait dans le sentier, de l'autre côté de la route, entre deux personnes, dont l'une était un jeune homme vêtu d'une robe noire. Ma fille la première les aperçut et s'écria : « Ah ! Papa, as-tu jamais vu quelqu'un ressembler à Philippe comme cette personne ? Comme lui, répondis-je, car c'est lui ! »
« Chose étrange, ma fille n'attacha aucune importance à cet événement, sinon que nous avions vu quelqu'un qui ressemblait étrangement à son frère. Nous marchâmes vers ces trois formes. Philippe regardait avec une expression souriante et heureuse le jeune homme en robe noire, qui était plus petit que lui. Tout à coup, ils parurent s'évanouir à mes yeux, et je ne vis rien, si ce n'est un paysan que je voyais auparavant à travers ces trois formes, ce qui me fit penser que c'étaient des Esprits. Cependant je n'en parlai à personne, de peur d'inquiéter ma femme. Je guettai anxieusement la poste le lendemain suivant. À ma grande joie aucune lettre n'arriva. J'oubliais que les lettres de Ware n'arrivaient que l'après-midi, et mes terreurs se calmaient, je ne pensai plus à cet événement extraordinaire, jusqu'au moment où je vous vis en voiture à ma grille. Alors tout est revenu à mon esprit, et je n'ai point douté que vous ne soyez venu m'annoncer la mort de mon cher garçon. »
« Le lecteur peut s'imaginer l'étonnement inexprimable du Dr Cox à ces mots. Il demanda à M. Weld s’il n’avait jamais vu le jeune homme en robe noire que Philippe regardait avec un sourire si heureux. M. Weld répondit qu'il ne l'avait jamais vu auparavant, mais que les traits de son visage étaient si nettement gravés dans son esprit qu'il était sûr de le reconnaître aussitôt, où qu'il le rencontrât. Le Dr Cox raconta alors au père désolé toutes les circonstances de la mort de son fils, qui avait eu lieu à l'heure même où il était apparu à son père et à sa sœur. M. Weld alla à l'enterrement de son fils, et comme il quittait l'église, après la triste cérémonie, il regarda autour de lui pour voir si aucun des religieux ne ressemblait au jeune homme qu'il avait vu avec Philippe, mais il ne put trouver chez aucun d'eux la moindre ressemblance avec la figure qui lui avait apparu.
« Environ quatre mois plus tard, il rendit visite avec sa famille à son frère, M. Georges Weld, à Seagram Hall, dans le Lancashire. Un jour il allait se promener avec sa fille Catherine au village voisin de Chikping, et, après avoir assisté à un service à l'église, fit une visite au prêtre. Il se passa un moment avant que le Rév. Père pût venir auprès d'eux, et ils s'amusèrent, en attendant, à examiner les gravures suspendues au mur de la chambre. Tout à coup M. Weld s'arrêta devant un portrait (on ne pouvait lire le nom écrit au dessous du portrait parce que le cadre le recouvrait) et s'écria : C'est la personne que j'ai vue avec Philippe ; je ne sais de qui c'est le portrait, mais je suis certain que c'est cette personne que j'ai vue avec Philippe. » Le prêtre entra dans la chambre quelques instants après, et M. Weld le questionna immédiatement au sujet de la gravure. Il répondit que la gravure représentait saint Stanislas Kostka, et qu'il croyait que c'était un très bon portrait du jeune saint.
M. Weld fut très ému ; saint Stanislas était un jésuite qui était mort très jeune ; et, comme le père de M. Weld avait été un grand bienfaiteur de cet ordre, on supposait que sa famille était placée sous la protection particulière des saints jésuites ; puis Philippe avait été amené depuis peu, par suite de différentes circonstances, à une dévotion spéciale à saint Stanislas. En outre, saint Stanislas est regardé comme l'intercesseur spécial des noyés, ainsi qu'il est dit dans sa vie. Le Rév. Père donna aussitôt le portrait à M. Weld, qui, naturellement, le reçut avec la plus grande vénération et le garda jusqu'à sa mort, et à sa mort il le passa à sa fille (la narratrice), qui avait vu l'apparition en même temps que son père ; elle l'a encore chez elle ».
Les circonstances de ce récit sont typiques. Non seulement le fils se présente à son père sous une forme qui, bien que transparente permet de le reconnaître parfaitement, mais encore un de ses compagnons a une physionomie si caractéristique que M. Weld est à même de désigner son portrait, qu'il ne voit que quatre mois plus tard. Sa fille le reconnaît également, ce qui exclut toute supposition d'hallucination. D'ailleurs, le fait que M. Weld ne connaissait pas, avant la manifestation, l'image de saint Stanislas Kostka montre bien qu'il ne peut avoir été illusionné.
Voici un dernier cas où l'apparition est reconnue par toutes les personnes de la maison.
APPARITION COLLECTIVE D'UN MORT
M. Charles A, - W. Lette, Military and Royal Naval Club, Albermale street, Londres .
« Le 5 avril 1873, le père de ma femme, le capitaine Towns, mourut dans son habitation, à Cambroock, Rosebay, près de Sydney, N.S. Wales. Environ six semaines après sa mort, ma femme entra, par hasard, un soir vers neuf heures, dans une des chambres à coucher de la maison. Elle était accompagnée d'une jeune personne, Mme Berton, et, comme elles entraient dans la chambre - le gaz était allumé - elles furent surprises de voir l'image du capitaine Towns reflétée sur la surface polie de l'armoire. L'on voyait la moitié de son corps, la tête, les épaules et la moitié du bras ; en réalité, on eût dit un portrait de grandeur naturelle. Sa figure était pâle et maigre, comme avant sa mort ; et il avait une jaquette de flanelle grise, avec laquelle il avait l'habitude de coucher. Surprises et à demi-effrayées, elles pensèrent d'abord que c'était un portrait qu'on avait pendu dans la chambre et qu'elles en voyaient l'image reflétée ; mais il n'y avait aucun portrait de ce genre.
« Pendant qu'elles regardaient, la sœur de ma femme, Mlle Towns, entra, et, avant que les autres lui aient parlé, elle s'écria : « Mon Dieu ! Regardez papa ! » Une des femmes de chambre passait dans les escaliers à ce moment-là, on l'appela et on lui demanda si elle voyait quelque chose ; sa réponse fut : « Oh ! Mademoiselle, le maître ! » On fit venir Graham, l'ordonnance du capitaine Towns, et il s'écria aussitôt : « Dieu nous garde ! Madame Lett, c'est le capitaine. » On appelle l'intendant, puis Mme Crane, la nourrice de ma femme, et tous deux dirent ce qu'ils voyaient. Enfin, on pria M. Towns de venir. En voyant l'apparition, elle s'avança les bras étendus comme pour la toucher, et, comme elle passait la main sur le panneau de l'armoire, l'image, peu à peu disparut, et on ne la vit jamais dans la suite, quoique la chambre fût occupée.
« Tels sont les faits qui ont eu lieu, et il est impossible d'en douter ; l'on n'influença en rien les témoins ; on leur posa la même question lorsqu'ils entraient dans la chambre, et tous répondirent sans hésiter. Ce fut par accident que je ne vis pas l'apparition. J'étais dans la maison à ce moment mais je n'entendis pas qu'on m'appelait. »
«C. A. W. LETT.»
« Les soussignés, après avoir lu le récit ci-dessus, certifient qu'il est exact. Nous avons été toutes deux témoins de l'apparition. »
« SARA LETT. SIBBIE SINGTH (née Towns). »
En plus des cas cités dans les Hallucinations télépathiques, l'édition anglaise contient soixante-trois cas analogues.
Les vérités nouvelles ont tant de peine à se frayer un passage à travers l'inextricable hallier des idées préconçues, que l'inévitable hallucination n'a pas manqué d'être invoquée, pour expliquer les cas où les apparitions d'Esprits sont vues simultanément par plusieurs personnes. Les négateurs disent tout bonnement, avec une renversante désinvolture, que l'hallucination, au lieu d'être unique, est collective. En vain objecte-t-on que les témoins sont en parfaite santé, qu'ils jouissent de toutes leurs facultés, que ces témoignages divers se rapportent à un même objet, décrit ou reconnu identiquement par tous les observateurs, ce qui est un signe certain de sa réalité : les incrédules secouent la tête dédaigneusement, et, se drapant dans leur ignorance, préfèrent attribuer le fait à un dérangement momentané des facultés mentales des observateurs, à une illusion qui gagne tous les assistants que de reconnaître loyalement la manifestation d'une intelligence désincarnée.
Mais la négation, pour être légitime, doit avoir des limites, car elle ne peut se soutenir loyalement si on la met en face des preuves expérimentales, qui restent comme des témoignages authentiques de la réalité des manifestations.
Remarquons que, dans tous les cas rapportés précédemment, la certitude de la vision elle-même n'est généralement pas contestée ; ce que l'on nie, c'est qu'elle soit objective, c'est-à-dire qu'elle ait lieu ailleurs que dans le cerveau du ou des assistants. Les rapports des témoins ne peuvent, prétend-on, être d'une valeur absolue, car plutôt que d'admettre une chose aussi invraisemblable que l'apparition d'un mort, il vaut mieux supposer chez les vivants une aberration de l'esprit, que la réalité d'un phénomène surnaturel. Mais les incrédules négligent encore ici un fait très important : car si c'est une hallucination, celle-ci n'est pas quelconque, elle se lie à un événement réel avec lequel elle se trouve en connexion étroite. On ne peut donc attribuer au hasard ou à de coïncidences les visions télépathiques, et si nous démontrons qu'on peut provoquer artificiellement ces phénomènes, il sera hors de doute que ceux qui se produisent accidentellement sont dus à une loi naturelle que nous ignorions jusqu'alors.
C'est précisément ce qui va être établi au chapitre suivant. Poussant même plus loin l'expérimentation, nous allons constater que certaines apparitions sont si réelles qu'on les photographie, dès lors, il ne pourra rester l'ombre d'un doute sur leur objectivité, si opiniâtrement contestée.
DEUXIEME PARTIE
L’EXPERIENCE :
CHAPITRE PREMIER
ETUDES EXPERIMENTALES SUR LE DEGAGEMENT DE L’AME HUMAINE
Une science n'est véritablement constituée que lorsqu'elle peut vérifier expérimentalement les hypothèses qui lui sont suggérées par les faits. Le spiritisme a droit au nom de science, parce qu'il ne s'est pas borné à la simple observation des phénomènes naturels qui établissent l'existence de l'âme pendant l'incarnation terrestre et après la mort. Il a employé tous les procédés pour arriver à la démonstration de ses théories, et l'on peut dire que le magnétisme et la science pure lui ont été de puissants auxiliaires pour établir la justesse de ses enseignements.
Les exemples nombreux qui existent à présent du dédoublement de l'âme, montrent que l'on doit pouvoir reproduire expérimentalement ces phénomènes ; aussi des recherches nombreuses ont été faites dans cette voie et couronnées de succès. On a donné le nom d'animisme à l'action extra-corporelle de l'âme, mais cette distinction est purement nominale, ces manifestations étant toujours identiques, soit pendant la vie, soit après la mort.
En effet, l'action de l'âme en dehors des limites de son corps ne se traduit pas seulement par des phénomènes de transmission de pensée ou d'apparitions, elle peut encore s'accuser par des déplacements d'objets matériels qui témoignent de sa présence. Alors les assistants se trouvent en face des mêmes faits que ceux produits par l'âme désincarnée.
C'est une remarque de la plus haute importance et à laquelle on ne s'est pas suffisamment attaché. Si, vraiment, l'esprit d'un homme qui vit sur la terre, sorti momentanément de son enveloppe corporelle, peut faire mouvoir une table de manière à dicter une communication par un alphabet conventionnel ; si l'esprit d'un incarné est capable d'agir sur un médium écrivain pour lui transmettre sa pensée ; si l'esprit d'un habitant de la terre peut être photographié à une grande distance de son corps ; si, enfin, il est possible d'obtenir un moulage de la personnalité extériorisée de cet individu, il est superflu d'attribuer ces mêmes phénomènes à d'autres facteurs que l'âme désincarnée, lorsqu'on les observe dans les manifestations spirites, c'est-à-dire dans celles où toute intervention d'un être vivant est impossible suivant la méthode scientifique, toutes les fois que les effets d'une cause ont été bien définis, il suffit ensuite de constater les mêmes effets pour être certain que la cause n'a pas changé. Dans l'étude des phénomènes de spiritisme, on doit appliquer la même règle. Puisque l'âme humaine possède le pouvoir d'agir en dehors de son corps, c'est-à-dire quand elle est dans l'espace, il est logique d'admettre que sa puissance est la même après la mort, si elle survit intégralement, et si elle est en communication avec un organisme vivant, analogue à celui qu'elle possédait. Or nous savons, par des témoignages authentiques, qu'elle conserve un corps réel, mais fluidique, qu'elle n’a rien perdu de ses facultés, puisqu'elle les exerce comme jadis; donc si les faits observés de l'animisme sont tout à fait semblables à ceux du spiritisme, c'est que la cause est la même, c'est-à-dire l’âme incarnée en nous.
Cette relation de cause à effet, que nous signalions dans les cas de télépathie, nous allons la créer volontairement, de sorte qu'il ne sera plus possible d'attribuer au hasard ou à des coïncidences fortuites les phénomènes que nous produirons. En un mot, nous procéderons expérimentalement en vue d’ obtenir des résultats désignés à l'avance. Si ces prévisions se réalisent, C'est que les hypothèses d'après lesquelles ces recherches ont été instituées sont exactes.
Voyons donc les expériences qui ne permettent plus de doutes sur la possibilité pour l'âme de sortir de son enveloppe corporelle ; elles sont multiples et variées, comme nous allons le constater.
Revenons un instant aux Phantasms of the living pour leur emprunter le récit suivant, où la manifestation est consécutive à la volonté d'apparaître en un endroit déterminé.
APPARITION VOLONTAIRE
Ce cas est intéressant, parce que deux personnes ont vu l'apparition volontaire de l'agent ; le récit a été copié dans un manuscrit de M. S. H. B. ; il l'avait lui-même transcrit d'un journal, sur lequel il relatait les événements qui lui survenaient quotidiennement.
« Un certain dimanche du mois de novembre 1881, vers le soir, je venais de lire un livre où l'on parlait de la grande puissance que la volonté humaine peut exercer. Je résolus, avec toute la force de mon être, d'apparaître dans la chambre à coucher du devant, au second étage d'une maison située 22, Hogarth Road, Kensington. Dans cette chambre couchaient deux personnes de ma connaissance : Mlle L. S. V... et Mlle C. E. V.... âgées de vingt-cinq et de onze ans. Je demeurais, à ce moment, 23, Kildare Gardens, à une distance de trois milles à peu près de Hogarth Road, et je n'avais parlé de l'expérience que j'allais tenter à aucune de ces deux personnes, pour la raison bien simple que l'idée de cette expérience me vint ce dimanche soir, en allant me coucher. Je voulais apparaître à une heure du matin, très décidé à manifester ma présence.
« Le jeudi suivant, j'allai voir ces dames, et, au cours de notre conversation (et sans que j'eusse fait aucune allusion à ce que j'avais tenté), l'aînée me raconta l'incident suivant :
« Le dimanche précédent, dans la nuit, elle m'avait aperçu debout près de son lit et en avait été très effrayée, et, lorsque l'apparition s'avança vers elle, elle cria et éveilla sa petite sœur qui me vit aussi. »
« Je lui demandai si elle était bien réveillée à ce moment, elle m'affirma très nettement qu'elle l'était. Lorsque je lui demandai à quelle heure cela s'était passé, elle me répondit que c'était vers une heure du matin. »
« Sur ma demande, cette dame écrivit un récit de l'événement et le signa. »
« C'était la première fois que je tentais une expérience de ce genre, et son plein et entier succès me frappa beaucoup. »
« Ce n'est pas seulement ma volonté que j'avais fortement tendue, j'avais aussi fait un effort d'une nature spéciale, qu'il m'est impossible de décrire. J'avais conscience d'une influence mystérieuse qui circulait dans mon corps, et j'avais l'impression distincte d'exercer une force que je n'avais pas encore connue jusqu'ici, mais que je peux maintenant mettre en action à certains moments, lorsque je le veux. »
«S. - H. B ... » M. B... ajoute :
« Je me souviens d'avoir écrit la note qui figure dans mon journal, à peu près une semaine après l'événement, et pendant que le souvenir que j'en avais était encore très frais. »
Voici comment Mlle Vérity raconte l'événement :
Le 28 janvier 1883.
« Il y a à peu près un an qu'un dimanche soir, à notre maison de Hogarth Road, Kensington, je vis distinctement M. B... dans ma chambre, vers une heure du matin. J'étais tout à fait réveillée et fort effrayée ; mes cris réveillèrent ma sœur qui vit aussi l'apparition. Trois jours après, lorsque je rencontrai M. B... je lui racontai ce qui était arrivé. Je ne me remis qu'au bout de quelque temps du coup que j'avais reçu, et j'en garde un souvenir si vif qu'il ne peut s'effacer de ma mémoire.
« L. - S. Vérity. » En réponse à nos questions, Mlle Vérity ajoute :
« Je n'avais jamais eu aucune hallucination. »
Plusieurs circonstances de ce récit sont tout à fait caractéristiques, et vont nous permettre d'asseoir notre opinion.
En premier lieu, il est bon d'observer que Mlle Vérity n'est pas un sujet magnétique, qu'elle n'a jamais eu d'hallucinations, et que sa santé est normale. L'apparition se montre à elle avec tous les caractères de la réalité ; elle est si persuadée de la présence physique de M. B... dans sa chambre qu'elle pousse un cri, lorsqu'elle le voit s'avancer vers son lit ; elle constate donc que le fantôme se déplace par rapport aux objets environnants, ce qui n'aurait pas lieu si sa vision était intérieure. À ce moment, sa sœur s'éveille, et voit aussi l'apparition.
Si l'on peut supposer, ce qui est déjà difficile, étant données les circonstances, une hallucination de Mlle Vérity, il est tout à fait improbable que la petite sœur fût aussi, en se réveillant, immédiatement illusionnées. Dans la vie ordinaire, il ne suffit pas de dire à quelqu'un : voici M. un tel, pour qu'une hallucination se produise aussitôt. Donc, puisque l'image de M. B... se déplace, qu'elle est perçue simultanément par les deux sœurs, c'est qu'elle a une existence objective, qu'elle se trouve réellement dans la chambre.
Quelles conséquences tirer de cette présence effective ?
L'hallucination étant écartée comme cause du phénomène, il nous faut admettre que M. B... s'est dédoublé, c'est-à-dire que pendant que son corps physique restait chez lui, son âme s'est transportée dans l'appartement de Hogarth Road, et a pu se matérialiser suffisamment, pour donner aux deux jeunes filles l'impression que c'était M. B... lui-même. Nous remarquerons que l'âme, dans cet état, reproduit identiquement la physionomie, la taille, les allures de l'être vivant. De plus, la distance qui sépare le corps de son principe intelligent ne paraît influer en rien sur le phénomène. Nous avons constaté que ces observations sont générales et s'appliquent à tous les cas spontanés que l'on a observés.
L'agent, ici, a pu se dédoubler volontairement. Dans le cas suivant, nous allons constater qu'il a besoin du secours d'autrui pour arriver au même résultat.
EFFETS PHYSIQUES PRODUITS PAR DES ESPRITS DE
VIVANTS
Voici une autre expérience dans laquelle le double a pu témoigner de sa présence par une action physique. Il est dû à Mme de Morgan, la femme du professeur auquel on doit le livre : From matter to spirit (La matière et l'Esprit) .
Elle avait eu l'occasion de traiter fréquemment par le magnétisme une jeune fille, et plusieurs fois elle mit à profit sa faculté de clairvoyance pour la faire aller, en esprit, à différents endroits. Un jour, elle eut le désir que le sujet se rendît dans la maison qu'elle habitait : « Bien, dit la jeune fille, m'y voici, j'ai frappé avec force contre la porte ». Le lendemain, Mme Morgan s'informa de ce qui s'était passé dans sa maison au même moment. «Plusieurs méchants enfants, lui répondit-on, étaient venus cogner contre la porte, et puis s'étaient sauvés. »
Dans un autre cas, l'esprit vivant qui produit la manifestation tangible est vu par un des assistants. Ce récit est dû à M. Desmond Fitzgerald, ingénieur . Il raconte qu'un nègre appelé H. E. Lewis possédait une très grande force magnétique, dont il faisait la démonstration dans des réunions publiques. À Blackheath, en février 1856, dans une de ces séances, il magnétisa une jeune fille qu'il n'avait jamais vue. Après l'avoir plongée dans un profond sommeil, il lui enjoignit d'aller chez elle, et de rendre compte au public de ce qu'elle y verrait. Elle raconta alors qu'elle voyait la cuisine, qu'il s'y trouvait deux personnes occupées aux besognes domestiques.
Lewis lui commanda alors de toucher une de ces deux personnes. La jeune fille se mit à rire et dit : « Je l'ai touchée, comme elles sont effrayées ! » S'adressant au public, Lewis demanda si quelqu'un connaissait la jeune personne. Ayant reçu une réponse affirmative, il proposa qu'une députation allât au domicile du sujet. Plusieurs personnes s'y rendirent et lorsqu'elles furent de retour, elles confirmèrent en tous points ce que la jeune fille endormie avait raconté. La maisonnée était en effet sens dessus dessous et dans une profonde excitation, parce qu'une des personnes qui se trouvait dans la cuisine avait déclaré avoir vu un fantôme et que celui-ci lui avait touché l'épaule.
On peut rapprocher de cette observation celle du Dr Kerner, dans laquelle le double de la somnambule Suzanne B... est apparu au Dr Rufi, et a éteint sa bougie.
Voici des coups frappées qui ont une analogie complète avec ceux dus aux Esprits .
Une Mme Lauriston, de Londres, à sa sœur qui habite Southampton. Un soir que cette dernière travaillait dans sa chambre, elle entendit trois coups contre la porte : « Entrez », dit cette dame. Personne n'entra : mais le bruit s'étant répété, elle se leva et ouvrit la porte, il n'y avait personne. Mme Lauriston, qui avait été fort gravement malade, en revenant à elle, raconta que, prise d'un ardent désir de revoir sa sœur avant de mourir, elle avait rêvé qu'elle était allée à Southampton, qu'elle avait frappé à la porte de la chambre, puis qu'après qu'elle eut frappé une seconde fois, sa sœur s'était montrée dans la porte, mais que l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de lui parler l'avait tellement émue qu'elle revint à elle.
Il nous faudrait plus de place que celle dont nous pouvons disposer, pour exposer les nombreux témoignages que l'on possède au sujet d'actions physiques exercées par l'âme des mourants, pour se rappeler au souvenir de parents ou d'amis éloignés. On peut consulter à cet égard les ouvrages de Perty : Action à distance des mourants et le Spiritualisme moderne. Les Proceedings de la Société de recherches psychiques et les Phantasms of the living en relatent une multitude. Nous n'insisterons donc pas sur ces phénomènes absolument hors de doute .
PHOTOGRAPHIES DE DOUBLES
Les faits que nous avons relatés jusqu'ici établissent la réalité des fantômes de vivants, c'est-à-dire la possibilité, dans certains cas, du dédoublement de l'être humain. Cette apparition reproduit dans tous ses détails le corps physique, elle peut aussi manifester sa réalité par des déplacements d'objets matériels, et par la parole. Nous avons exposé les raisons pour lesquelles l'hypothèse de l'hallucination télépathique n'est pas toujours recevable, et si elles n'ont pas convaincu tous les lecteurs, nous espérons que les faits qui suivent suffiront pour montrer, avec une rigueur véritablement scientifique, que c'est bien l'âme qui est la cause efficiente de tous ces phénomènes.
Toutes les objections tombent d'elles-mêmes devant la photographie de l'esprit en dehors de son corps. Dans ce cas, plus d'illusion possible; la plaque photographique est un témoin irréfutable de la réalité du phénomène, et il faudrait un parti pris bien enraciné, pour nier l'existence du périsprit. Voici plusieurs exemples que nous empruntons à M. Aksakof .
M. Humber, spiritualiste très connu, photographiait un jeune médium, M. Herrod, dormant sur une chaise, en état de transe. On vit sur le portrait, derrière le médium, l'image astrale de sa propre personne (c'est-à-dire de son périsprit) se tenant debout, presque de profil, la tête un peu inclinée vers le sujet.
Un second cas de photographie d'un double est constaté par le juge Carter, dans sa lettre au Banner of Light, du 31 juillet 1875, et reproduite dans Human Nature, de 1875, pages 424 et 425. Enfin, un troisième cas de photographie d'un double est signalé par M. Glandinning, dans le Spiritualist n° 234. (Londres, 15 février 1877, page 76.) Le double du médium était resté à une place occupée par ce dernier, quelques minutes auparavant.
LE CAS DE M. STEAD
Le Borderland du mois d'avril 1896, page 175, contient un article de W. T. Stead sur une photographie de l'esprit d'un vivant.
Voici ce récit résumé.
Mme A... est douée de la faculté de se dédoubler et de se présenter à une grande distance, avec tous les attributs de sa personnalité. M. Z... lui proposa de photographier son double et convint avec elle qu'elle s'enfermerait dans sa chambre entre 10 et 11 heures, puis qu'elle s'efforcerait d'apparaître chez lui, dans son cabinet.
La tentative échoua, ou du moins, si M. Z... sentit l'influence de Mme A... il ne se servit pas de son appareil photographique, dans la crainte de ne rien obtenir. Mme A... consentit à recommencer le lendemain, et comme elle était indisposée, elle se coucha et s'endormit. M. Z... vit entrer le double dans son cabinet à l'heure convenue et lui demanda la permission de la photographier, puis de couper de ses cheveux pour mettre hors de doute sa présence effective. L'opération faite et la mèche coupée, il se retira dans la chambre noire pour développer la photographie.
Il y était à peine depuis une minute, lorsqu'il entendit un grand craquement qui le fit accourir. En entrant dans le cabinet, il s'y rencontra avec sa femme qui était montée vivement en entendant le bruit. Le double avait disparu. Mais l'écran qui avait servi comme fond pendant l'exposition avait été arraché de son support, déchiré en deux et jeté sur le sol. Mme A... qui était couchée dans son lit, n'avait pas, à son réveil, la moindre idée de ce qui était arrivé. La photographie de son double existe, et M. Stead en possède le négatif. Le souvenir de ce qui s'est passé pendant le dégagement de l'âme est oublié en revenant à l'état normal. Voici un autre cas où la mémoire est conservée.
Nous verrons que la pensée est une force créatrice et dès lors on pourrait imaginer que ces photographies sont le résultat d'une pensée extériorisée du sujet. Voici une expérience qui établit que cette hypothèse n'est pas exacte, puisque le double n'est pas une simple image, mais un être qui agit sur la matière.
AUTRES PHOTOGRAPHIES DE DOUBLES
Dans son livre sur l'iconographie de l'invisible , le docteur Baraduc, à la page 122 (Explications XXIV bis), reproduit une photographie obtenue par télépathie entre M. Istrati et M. Hasdeu, de Bucarest, directeur de l'enseignement en Roumanie. Voici, textuellement, comment elle fut obtenue :
« Le docteur Istrati se rendant à Campana, il est convenu qu'il doit à date fixe, apparaître à Bucarest sur une plaque du savant roumain, à une distance d'environ Paris-Calais. »
« Le 4 août 1893, le Dr Hasdeu évoque l'esprit de son ami en se couchant, un appareil au pied, l'autre à la tête de son lit. »
« Après une prière à l'ange protecteur, le Dr Istrati s'endort à Campana, en voulant, avec toute sa force de volonté, apparaître dans un appareil de M Hasdeu. Au réveil le docteur s'écrie : « Je suis sûr que je suis apparu dans l'appareil de M. Hasdeu, comme une petite figurine, car je l'ai rêvé très clairement. »
« Il écrit au professeur P... qui va lettre en main et trouve M. Hasdeu en train de développer ».
« Je copie textuellement la lettre de M. Hasdeu à M. de R., qui me l'a communiquée : »
« Sur la plaque A., on voit trois essais, dont l'un, celui que j'ai noté au dos avec une croix, est extrêmement réussi. On y voit le docteur regarder attentivement dans l'obturateur de l'appareil dont l'extrémité en bronze est illuminée par la lumière propre de l'esprit. »
« M. Istrati revient à Bucarest et reste tout étonné devant son profil physionomique ; son image fluidique est très caractéristique, en ce sens qu'elle l'exprime plus exactement que son profil photographique. La réduction du portrait et la photographie télépathique sont très ressemblants. »
Pour terminer, nous rappellerons que M. le capitaine Volpi a pu, lui aussi, obtenir la photographie du double d'une personne vivante, en allant se faire photographier . L'image astrale est très visible et présente des caractères particuliers, qui ne permettent pas de mettre en doute son authenticité.
MATÉRIALISATION D'UN DÉDOUBLEMENT
Le point culminant de l'expérimentation, en ce qui regarde le dédoublement, a été obtenu avec le médium Eglinton. Un comité de chercheurs dont faisaient partie le Dr Carter Blake et MM. Desmond, G. Fitz-Gerald, M. S. Tel E., ingénieurs télégraphistes, affirme que le 28 avril 1876, à Londres, ils obtinrent un moule en paraffine, reproduisant exactement le pied droit du médium, qui n'avait pas une fois été perdu de vue par quatre des assistants.
Voici l'attestation de la réalité de ce phénomène, parue dans le Spiritualist de 1876, page 300.
« Dédoublement du corps humain. Le moule en paraffine d'un pied droit matérialisé, obtenu à une séance, Great Russell street, 38, avec le médium Eglinton, dont le pied droit est visible pendant toute la durée de l'expérience, pour les observateurs placés en dehors du cabinet, s'est trouvé être la reproduction exacte du pied de M. Eglinton, ainsi qu'il résulte de l'examen minutieux du Dr Carter Blake » .
L'exemple n'est pas unique; mais il est remarquable à cause de la haute compétence scientifique des observateurs et des conditions dans lesquelles cette preuve si palpable du dédoublement a été obtenue.
Dans les expériences faites par M. Siemiradski, avec Eusapia, des empreintes de son double, sur du noir de fumée, furent obtenues plusieurs fois à Rome. Voir l'ouvrage de M. de Rochas : L'extériorisation de la Motricité.
Comment nier en présence de semblables témoignages ? Toutes les conditions sont remplies pour que la certitude s'impose avec une puissance de conviction irrésistible.
Nous recommandons tout spécialement à ceux qui dénient au spiritisme le titre de science, ces remarquables études. Elles montrent la justesse des déductions qu'Allan Kardec a tirées de ses travaux, il y a cinquante ans, en même temps qu'elles nous ouvrent les portes de la véritable psychologie positive, de celle qui emploiera l'expérimentation comme adjuvant indispensable du sens intime.
Que dire et que penser des savants qui ferment les yeux devant ces évidences ? Nous voulons bien croire qu'ils n'ont pas connaissance de ces recherches ; qu'aveuglés par le préjugé, ils en sont encore à se figurer que le spiritisme réside tout entier dans le mouvement des tables ; car s'il en était autrement, ce serait une véritable lâcheté morale de leur part, que ce mutisme qu'ils observent vis-à-vis de notre philosophie.
La conspiration du silence ne peut indéfiniment se prolonger ; les phénomènes ont eu et ont encore trop de retentissement ; les expérimentateurs, une valeur scientifique trop bien établie, pour qu'on ne se mette pas résolument à l'étude. Nous savons bien, parbleu ! Que cette démonstration irréfutable de l'existence de l'âme est la pierre d'achoppement qui nous vaut cette inimitié, ces sarcasmes, cette mise hors la science. Mais qu'ils le veuillent ou non, les matérialistes sont d'ores et déjà battus. Leurs affirmations erronées sont détruites par les faits. C'est en vain qu'ils allègueront les grands mots de superstition, fanatisme, etc. ; la vérité finira par éclairer le public, qui délaissera ces théories démodées et démoralisatrices pour en revenir à la grande tradition de l'immortalité, aujourd'hui assise sur des fondements inébranlables.
Maintenant que nous avons la preuve scientifique du dédoublement de l'être humain, il sera beaucoup plus facile de comprendre les phénomènes très variés que l'âme peut produire, lorsqu'elle sort, de son corps physique.
ÉVOCATION DE L'ESPRIT DE PERSONNES VIVANTES
Communications par l'écriture.
La doctrine constante du spiritisme est que l'âme, lorsqu'elle n'est plus dans son corps, jouit de toutes les facultés dont elle dispose dans l'erraticité. Chacun de nous, pendant le sommeil corporel, reconquiert une partie de son indépendance et peut, par conséquent, se manifester. Allan Kardec a consigné dans sa Revue plusieurs exemples de ces évocations :
En 1860, c'est l'esprit du Dr Vignal qui vient volontairement donner, par l'intermédiaire d'un médium écrivain, des détails sur ce mode de manifestation. Il décrit comment il perçoit la lumière, les couleurs et les objets matériels. Il ne pourrait se voir dans une glace sans l'opération qui rend l'esprit tangible . Il constate son individualité par l'existence de son périsprit qui a pour lui, - bien que fluidique, - la même réalité que son enveloppe matérielle, et par le lien qui le rattache à son corps endormi.
Un autre Esprit, non prévenu, se manifeste la même année à la suite d'un appel. C'est celui de Mlle Indermulhe, sourde et muette de naissance, qui, cependant, exprime clairement sa pensée. Elle est reconnue par son frère, à certains détails caractéristiques qui établissent son identité. Sous le titre : L'Esprit d'un côté et le Corps de l'autre, dans le numéro de janvier 1860, la Revue relate l'évocation d'une personne vivante, faite avec son autorisation. Il en résulte un entretien intéressant sur la situation respective du corps et de l'esprit pendant le transport de celui-ci à distance, sur le lien fluidique qui les unit, et la clairvoyance de l'esprit attaché au corps, inférieure à celle de l'esprit dégagé par la mort. Dans ce cas encore, l'esprit emploie des tournures de phrases qui sont bien celles dont il se sert habituellement dans la vie courante.
Pour les détails, nous renvoyons les lecteurs aux numéros cités de la Revue. Ils pourront se convaincre qu'il y a quarante ans déjà que les phénomènes de l'animisme ont été très bien étudiés ; qu'il n'y a pas lieu de les séparer des phénomènes spirites proprement dits, puisqu'ils sont dus tous deux à la même cause : c'est-à-dire à l'âme.
On peut évoquer également l'esprit d'un crétin ou d'un aliéné, et se convaincre expérimentalement que le principe pensant n'est pas fou. C'est le corps qui est malade et qui n'obéit plus aux volontés de l'âme, de là une situation douloureuse et terrible produisant une épreuve des plus redoutables .
M. Alexandre Aksakof a consacré une partie de son livre : Animisme et Spiritisme à relater les cas, excessivement nombreux, d'incarnés se manifestant à des amis ou à des étrangers, par les procédés spiritiques. Résumons quelques-uns des exemples le plus caractéristiques de ces observations .
L'écrivain russe bien connu, M. Wsevolod Solowiof, raconte que, fréquemment, sa main était saisie par une influence étrangère à sa volonté, et il écrivait alors très rapidement, avec beaucoup de netteté, mais de droite à gauche, de sorte qu'on ne pouvait lire ce message qu'en tenant l'écrit devant une glace, ou par transparence.
Un jour sa main écrit le nom de Véra. À la demande : Quelle Véra ? Il obtint par écrit le nom de famille d'une jeune parente à lui. Étonné, il insista pour savoir si c'était véritablement sa parente qui se manifestait ainsi. L'intelligence répondit : « Oui, je dors, mais je suis ici, et je suis venue pour vous dire que nous nous verrons demain au Jardin d'Été. » Ce fut effectivement ce qui arriva, sans préméditation de la part de l'écrivain. La jeune fille de son côté, avait raconté dans sa famille qu'elle était allée en songe visiter son cousin, et qu'elle lui avait annoncé leur rencontre .
Il existe donc une preuve matérielle : l'écrit de la visite périspritale de l'esprit de cette jeune fille qui par clairvoyance, annonce un évènement futur. Quelques jours après, un fait similaire se reproduisit, presque dans les conditions semblables, avec les mêmes personnages.
Voici un second exemple emprunté à l'article de Max Perty, intitulé : Nouvelles expériences dans le domaine des faits mystiques, qui est des plus démonstratifs.
Mlle Sophie Swoboda, après une fête de famille qui la fit veiller assez tard, pensa tout à coup que son devoir d'allemand n'était pas fait. Comme elle aimait beaucoup sa maîtresse et n'aurait pas voulu la contrarier, elle essaya de se mettre à l'ouvrage ; mais voilà que sans s'en rendre compte, sans même en éprouver aucun étonnement, Sophie croit se trouver en face de Mme W.., l'institutrice en question ; elle lui parle, lui fait part, d'un ton enjoué, de son dépit. Soudain la vision disparaît, et Sophie, l'esprit calme, rejoint la société et raconte aux convives ce qui lui est arrivé. L'institutrice, qui était spirite, avait pris le même jour, vers dix heures du soir, un crayon pour correspondre avec son mari défunt, et elle fut étonnée d'écrire des mots d'allemand, dans une écriture qu'elle reconnut être celle de Sophie. C'étaient des excuses faites en langage plaisant, sur l'oubli involontaire de sa tâche. Sophie put se convaincre le lendemain, que non seulement l'écriture du message était la sienne, mais que les expressions étaient celles qu'elle avait employées dans sa conversation fictive avec Mme W...
L'article de Perty relate encore un cas, particulièrement édifiant, à cause des circonstances qui l'ont entouré, dû à l'esprit de la même demoiselle Sophie. Voici le résumé des faits:
Le 21 mai 1866, jour de la Pentecôte, Sophie qui habitait Vienne, après une promenade au Prater, éprouva un violent mal de tête qui l'obligea à se coucher, vers trois heures de l'après-midi. Se sentant en bonnes dispositions pour se dédoubler, elle se transporta avec la rapidité de la pensée à Moedling, chez M. Stratil, le beau-père de son frère Antoine. Elle vit, dans le cabinet de M. Stratil, un jeune homme, M. Gustave B... qu'elle estimait beaucoup et auquel elle voulait donner une preuve de l'indépendance de l'âme vis-à-vis du corps. Elle s'adressa à ce monsieur sur un ton gai et enjoué lorsque, soudain, elle s'interrompit, rappelé à Vienne, par un cri partant de la chambre voisine de la sienne, où dormaient ses neveux et nièces. La conversation de Sophie avec M. B... avait présenté les caractères d'une conversation spirite donnée à un médium.
M. Stratil voulut s'assurer de la personnalité qui était ainsi venue se manifester. Il écrivit à sa fille, qui se trouvait à Vienne, dans la famille de Mlle Sophie, en lui posant ces questions : Comment Sophie a-t-elle passé la journée du 21 mai ? Qu'a-t-elle fait ? N'a-t-elle pas dormi ce jour-là entre trois et quatre heures ? Si oui, qu'a-t-elle vu en songe ?
Interrogée, Mlle Sophie parla bien d'un dédoublement pendant son sommeil, mais le brusque rappel de son esprit dans son corps lui avait fait oublier la plus grande partie de la conversation. Cependant, elle se souvint de s'être trouvée en conversation avec deux messieurs et d'avoir, un moment, éprouvé une sensation désagréable, provenant d'un dissentiment avec ses interlocuteurs. M. Stratil, en réponse à ces détails, envoya à Vienne, à son gendre, une lettre cachetée, avec prière de n'en pas parler à Sophie tant que celle-ci n'aurait pas reçu une lettre de M. B. Quelques jours se passèrent et le pli fut complètement oublié, au milieu des préoccupations journalières.
Le 30 mai, Sophie reçut par la poste une lettre coquette de M. B... renfermant sa photographie. La lettre disait :
« Madame,
Me voilà. Me reconnaissez-vous ? Dans ce cas, je vous prie de m'assigner une place modeste, soit sur le rebord du plafond, soit sur la voûte. Vous m'obligeriez beaucoup de ne pas me suspendre, si cela était possible ; il vaudrait mieux me reléguer dans un album ou dans votre missel, où je pourrais facilement passer pour un saint dont on fête l'anniversaire le 28 décembre (jour des Innocents). Mais si vous ne me reconnaissez pas, mon portrait ne saurait avoir de valeur pour vous et, dans ce cas, je vous serais fort obligé de me le renvoyer.
Agréez, etc.
Signé : N. N.»
Les termes et les tournures de phrases étaient familiers à Sophie ; il lui paraissait que c'étaient les siens, mais elle n'en avait qu'une vague souvenance. En ayant parlé à son frère Antoine, on ouvrit la lettre de M. Stratil. Elle contenait le procès-verbal d'une conversation psychographique avec un personnage invisible, à une séance où les questions étaient posées par M. Stratil lui-même, M. B.... servant de médium.
Il résulte de ce document que l'esprit de Sophie annonce que son corps est plongé dans le sommeil, qu'elle dicte la lettre que M. B... lui a envoyée, et qu'elle entend, comme dans un demi-songe, les enfants crier. Elle termine brusquement par ces mots : Adieu, je me rév... il est quatre heures.
À la lecture de ce procès-verbal, les souvenirs de Sophie devenaient de plus en plus précis, et elle s'écriait de temps en temps : « Oh ! Oui, c'est bien cela.» Vers la fin de la lecture, Sophie était maîtresse de sa mémoire et se souvenait de tous les détails qui lui avaient échappé à son réveil. Antoine avait remarqué que l'écriture en question ressemblait beaucoup à celle de Sophie dans ses devoirs de français. Quant à Sophie, elle ne pouvait qu'être du même avis.
Nous trouvons dans cette observation tous les caractères nécessaires pour établir l'identité de l'être qui se manifeste. Rien n'y manque. Cette lettre dictée par l'esprit de Sophie, en sortie périspritale, avec la demande de la photographie, réveille ses souvenirs et, jusqu'à l'écriture, tout confirme que c'est bien elle qui s'est manifestée. Il y a donc la ressemblance la plus étroite, la similitude la plus grande entre cette communication donnée par l'esprit d'une vivante, et celles que nous recevons journellement des Esprits qui ont jadis habité la terre.
Il faut lire, dans l'ouvrage du savant russe, les rapports de Mme Adelina von Vay, de M. Thomas Everitt, de Mme Florence Marryat, de miss Blackwell, du juge Edmonds, pour se convaincre que la communication des Esprits des vivants par l'écriture médianimique bien que moins fréquente - est aussi possible et aussi normale que celle des morts . L'identité de ces êtres invisibles, mais appartenant encore à notre monde, s'établit de la même façon que celle des désincarnés.
ESPRITS DE VIVANTS SE MANIFESTANT PAR
L'INCARNATION
Mme Hardinge Britten, l'écrivain spiritualiste bien connu, dans plusieurs articles publiés par le Banner of Light « sur les doubles », rapporte un cas intéressant qui s'est présenté chez M. Cuttler, en 1853. Un médium féminin se mit à parler l'allemand, bien que cette langue lui fût tout à fait inconnue. « L'individualité qui se manifestait par elle se donnait pour la mère de miss Brant, une jeune personne allemande qui se trouvait présente. » Quelques temps après, un ami de la famille, venant d'Allemagne, apporta la nouvelle que la mère de miss Brant, après avoir traversé une maladie sérieuse, à la suite de laquelle elle était tombée dans son long sommeil léthargique, déclara à son réveil avoir vu sa fille, qui se trouvait en Amérique. Elle dit qu'elle l'avait aperçue dans une chambre spacieuse, en compagnie de plusieurs personnes, et qu'elle lui avait parlé. Là encore, la relation de cause à effet est tellement évidente que nous croyons devoir ne pas insister.
« M. Damiani raconte, de son côté, qu'aux séances de la baronne Cerrapica, à Naples, on a souvent reçu des communications provenant de personnes vivantes. Il dit, entre autres : « Il y a de cela environ six semaines, le Dr Nehrer, notre ami commun, qui vit en Hongrie, son pays natal, se communiqua à moi par la bouche de notre médium la baronne. La personnification ne pouvait être plus complète : ses gestes, sa voix, sa prononciation, le médium nous les transmettait avec une fidélité absolue, et nous étions persuadés que nous nous trouvions en présence du Dr Nehrer lui-même. Il nous dit qu'en ce moment il faisait un somme, se reposant des fatigues de la journée, et nous fit part de divers détails d'ordre privé, et que tous les assistants ignoraient également. Le lendemain, j'écrivis au docteur... Dans sa réponse, il constata que les détails donnés par la baronne étaient exacts en tous points. »
AUTRES MATÉRIALISATIONS DE DOUBLES DE VIVANTS
Nous avons assisté à des manifestations diverses de l'âme dégagée temporairement de son corps matériel, mais c'est bien dans les matérialisations que l'action extra-corporelle de l'homme acquiert son plus haut point d'objectivité, car elle se traduit par des phénomènes intellectuels, physiques et plastiques.
Le spiritisme, seul, fournit la preuve absolue de ces phénomènes. Malgré toutes les controverses, il est bien établi maintenant, que les frères Davenport n'étaient pas de vulgaires charlatans. Seulement, ce qui a fait croire à des fourberies de leur part, c'est que les manifestations s'opéraient, le plus souvent, au moyen de leurs périsprits matérialisés . Dans les expériences faites devant le professeur Mapes, celui-ci, ainsi que sa fille, purent constater le dédoublement des bras et des manches des médiums.
Les mêmes observations ont été faites en Angleterre avec d'autres sujets. M. Cox relate un cas où les plus rigoureuses conditions d'examen ont été réunies. Citons-le d'après M. Aksakof.
Il s'agit d'un médium à matérialisation dont la présence dans le cabinet d'expériences est assurée par un courant électrique qui traverse son corps. Si le médium cherchait à tromper en se détachant, la supercherie serait immédiatement indiquée par le déplacement instantané de l'aiguille d'un galvanomètre. C'est M. Cox qui parle :
« Dans son excellente description de la séance dont il s'agit, M. Crookes dit qu'une forme humaine entière a été vue par moi ainsi que par d'autres personnes. C'est la vérité. Lorsqu'on me remettait mon livre, le rideau s'écartait suffisamment pour voir la personne qui me le tendait. C'était la forme de Mme Fay dans son intégralité : sa chevelure, sa figure, sa robe de soie bleue, ses bras nus jusqu'au coude et portant des bracelets ornés de perles fines. À ce moment, le courant galvanique n'enregistra pas la moindre interruption, ce qui se serait produit inévitablement si Mme Fay avait dégagé ses mains des fils conducteurs. Le fantôme apparut du côté du rideau opposé à celui où se trouvait Mme Fay, à une distance d'au moins huit pieds de sa chaise, de sorte qu'il lui eût été impossible, de toutes les manières, d'atteindre le livre sur le rayon, sans se dégager des fils conducteurs. Et, cependant, je le répète, le courant n'a pas subi la moindre interruption.
« Il y a un autre témoin qui a vu la robe bleue et les bracelets. Personne de nous n'a fait part aux autres de ce qu'il avait vu avant que la séance ne fût terminée ; par conséquent, nos impressions sont absolument personnelles et indépendantes de toute influence.»
Nous sommes en présence d'une expérience rigoureusement concluante, non seulement à cause de la grande compétence des observateurs, mais aussi parce que les précautions prises ont été strictement scientifiques. Il est clair que le déplacement du corps étant rendu impossible sans qu'on s'en aperçut immédiatement, par la variation du courant électrique, puisque l'apparence de Mme Fay s'est montré avec assez de tangibilité pour tenir un livre et le donner, il y a eu dédoublement, avec matérialisation certaine, de ce médium.
Nous avons vu que les annales Psychiques de septembre - octobre 1896 contiennent un récit où le double d'une dame a été observé pendant plus d'une heure dans une église, tenant aussi un livre de prières.
Dans les expériences faites en compagnie d'Eusapia Paladino, il a été possible, avec plusieurs observateurs, de constater matériellement son dédoublement. Le Dr Azévédo a publié, dans la Revue Spirite de 1889, le récit d'une expérience dans laquelle la main fluidique d'Eusapia avait produit, en pleine lumière, l'empreinte de trois doigts.
M. le colonel de Rochas, dans l’Extériorisation de la Motricité publie le fac-similé d'un moulage de la main naturelle du médium, à côté d'une photographie des traces laissées dans de la terre glaise ; il y a entre les deux empreintes les plus grandes analogies. Nous pourrions joindre bien d'autres documents à ceux rapportés ici, mais nous renvoyons le lecteur aux originaux. Nous en avons assez dit pour imposer cette conviction que l'action physique et psychique de l'homme n'est pas limitée à son organisme matériel.
Comment se produit cet étrange phénomène ? C'est ce que les récits antérieurs ne nous font pas connaître. Nous voyons bien l'âme en dehors des limites de l'organisme, mais nous n'assistons pas à sa sortie de l'enveloppe corporelle. Les recherches de M. de Rochas sont venues jeter un jour nouveau sur ces dédoublements, nous allons donc les étudier de suite.
CHAPITRE II
LES RECHERCHES DE M. DE ROCHAS ET DU DR LUYS
Les communications des Esprits, jointes aux récits des somnambules et des médiums voyants, confirmées par les photographies et les matérialisations de vivants et de désincarnés, nous affirment que l'âme a toujours une forme fluidique.
L'existence de cette enveloppe de l'âme, appelée périsprit par les spirites, ressort de même avec évidence des faits relatés plus haut ; ce double éthéré, inséparable de l'esprit, existe donc dans le corps humain à l'état normal, et des expériences récentes vont nous permettre d'étudier expérimentalement ce nouvel organe.
Nous venons d'assister à l'extériorisation totale de l'âme humaine. Nous l'avons photographiée dans l'espace quand elle est presque libre, et dans un état voisin de celui qui deviendra permanent à la mort. - Il est intéressant de savoir par quels procédés ce phénomène peut se produire. En même temps que cette étude nous instruira sur le processus de la sortie astrale, elle peut nous faire acquérir des notions directes sur les propriétés du périsprit, et ces connaissances nous seront précieuses pour nous renseigner sur le genre de matière dont il est composé.
RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LES PROPRIÉTÉS
DU PÉRISPRIT
Un savant investigateur, M. de Rochas , est parvenu à établir l'objectivité de la lumière odique, que le baron de Reichenbach attribuait à tous les corps dont les molécules ont une orientation déterminée . Il a examiné particulièrement les effluves produits par les pôles d'un puissant électro-aimant - au moyen d'un sujet hypnotique - en lui faisant analyser les lumières qu'il voyait, au moyen du spectroscope, qui donne les longueurs d'onde caractéristiques de chaque couleur, et en vérifiant ses affirmations par une contre-épreuve, au moyen de la lumière polarisée. Les interférences et les renforcements de la lumière ont toujours été conformes à ce qui doit se passer dans l'étude d'une lumière réellement perçue.
Il semble résulter de ces expériences, que les effluves pourraient être uniquement dus aux vibrations constitutionnelles des corps, se transmettant à l'éther ambiant ; mais il faut peut-être aller plus loin, et admettre qu'il y a émission, par entraînement, d'un certain nombre de particules se détachant du corps lui-même, car les effluves ondulent comme les flammes, avec les déplacements de l'air :
Le corps humain émet donc des effluves dont la coloration est variable, suivant les sujets. Les uns voient le côté droit du corps rouge, et le côté gauche violet, de même ils voient nuancés de la même façon, les jets fluidiques qui jaillissent par toutes les ouvertures de la figure. D'autres inversent ces couleurs, mais elles sont toujours disposées d'un manière semblable pour le même sujet, si l'expérience ne se prolonge pas trop. En poursuivant ses études sur l'hypnose, le savant chercheur est arrivé à découvrir des modifications remarquables dans la manière dont s'exerce la sensibilité. Jusqu'alors, on croyait que son domaine se bornait à la périphérie du corps, il faut reconnaître qu'elle peut s'extérioriser.
Voici ce qu'affirme M. de Rochas :
« Je vais reprendre maintenant l'étude des modifications de la sensibilité en me servant d'abord des indications d'un sujet A, dont les yeux ont été préalablement amenés dans l'état où ils perçoivent les effluves extérieurs et qui examine ce qui se passe lorsque je magnétise un sujet B., présentant à l'état de veille une sensibilité cutanée normale.
« Dès que, chez celui-ci, la sensibilité normale commence à disparaître, le duvet lumineux recouvrant sa peau à l'état de veille semble se dissoudre dans l'atmosphère, puis reparaît au bout de quelques temps sous la forme d'un brouillard léger qui, peu à peu, se condense en devenant de plus en plus brillant, de manière à prendre en définitive l'apparence d'une couche très mince, suivant, à trois ou quatre centimètres en dehors de la peau, tous les contours du corps.
« Si, moi, magnétiseur, j'agis sur cette couche d'une façon quelconque, B éprouve les mêmes sensations que si j'avais agi sur sa peau, et il ne sent rien, ou presque rien, si j'agis ailleurs que sur cette couche ; il ne sent rien non plus si c'est une personne non en rapport avec le magnétiseur qui agit.
« Si je continue la magnétisation, A voit se former autour de B une série de couches équidistantes, séparées par un intervalle de six à sept centimètres (le double de la distance de la première couche à la peau), et B ne sent les attouchements, les piqûres et les brûlures que sur ces couches, qui se succèdent parfois jusqu'à deux ou trois mètres en se pénétrant et s'entre croisant sans se modifier, au moins d'une façon appréciable ; leur sensibilité diminue proportionnellement à l'éloignement du corps.
« Le processus de l'extériorisation de la sensibilité étant ainsi connu, il devenait beaucoup plus facile de continuer les observations sans avoir recours au sujet voyant A. J'ai pu reconnaître alors, par de très nombreux essais, que la première couche sensible extérieure se formait généralement dans le troisième état, que chez quelques sujets elle n'apparaissait jamais, et que chez d'autres, au contraire, elle se produisait sous l'influence de quelques passes, dès l'état de crédulité qui est une modification presque invisible de l'état de veille, ou même, sans aucune manœuvre hypnotique, à la suite d'une émotion, d'un trouble nerveux et peut-être d'une simple modification de l'état électrique de l'air.
« S'il est vrai que la sensibilité se porte sur les couches concentriques extérieures, le sujet devra, en rapprochant les paumes de ses mains, percevoir la sensation du contact quand deux couches sensibles se toucheront ; c'est effectivement ce qui arrive. De plus, si on entremêle les couches sensibles de la main droite et celles de la main gauche, de manière à ce qu'elles soient régulièrement alternées, une flamme passée sur ces couches fera sentir une brûlure successivement et alternativement sur les deux mains. »
HYPOTHÈSE
Quelles conséquences devons-nous tirer de ces expériences si intéressantes ?
Lorsque l'on examine le croquis représentant un sujet extériorisé, et qu'on remarque ces couches successivement lumineuses et sombres, on est frappé de l'analogie qui existe entre ce phénomène et celui connu en physique sous le nom de franges de Fresnel. On sait comment se fait cette expérience : si dans une chambre noire, on dirige sur un écran un faisceau lumineux, l'éclairement est uniforme ; mais si un second faisceau identique au premier, tombe simultanément sur l'écran, de manière à ce qu'ils se superposent en partie, toute la région commune est sillonnée par des bandes parallèles successivement brillantes et obscures. Ceci tient à ce que le caractère essentiel des mouvements vibratoires est l'interférence, c'est-à-dire la production, par suite de la combinaison des ondes de franges de mouvements où les vibrations sont maximum, et de franges de repos sur lesquelles le mouvement vibratoire est nul ou minimum .
Dans les expériences de M. de Rochas, il se produit, croyons-nous, un phénomène analogue ; les maxima de sensibilité sont disposés suivant les couches lumineuses, séparées les unes des autres par d'autres couches qui sont insensibles et obscures. Comment expliquer cet état de choses ?
C'est ici que l'existence du périsprit s'accuse nettement. La force nerveuse, au lieu de se répandre dans l'air et de s'y dissiper, se dispose en couches concentriques au corps ; il faut donc qu'elle soit retenue par une force, car si on remarque que normalement elle s'écoule par l'extrémité des doigts, comme l'électricité par les pointes, elle devrait se perdre dans le milieu ambiant, s'il n'existait pas une enveloppe fluidique qui la retienne à sa sortie du corps.
L'analogie permet d'assimiler la force nerveuse, dont l'existence a été démontrée par Crookes , aux autres forces naturelles : chaleur, lumière, électricité, qui sont dues à des mouvements vibratoires de l'éther, se propageant en mouvements ondulatoires dont la forme, l'amplitude et le nombre de vibrations varient par seconde, suivant la force considérée. À l'état normal, la force nerveuse circule dans le corps en suivant ses conducteurs naturels, qui sont les nerfs, et elle arrive à la périphérie par les mille ramifications nerveuses qui s'épanouissent sous la peau. Mais sous l'influence du magnétisme, le périsprit, suivant la nature physiologique du sujet, s'extériorise plus ou moins, c'est-à-dire rayonne autour de son corps, et la force nerveuse se répand dans l'enveloppe fluidique et s'y propage en mouvements ondulatoires.
Il est, le plus souvent, nécessaire de faire passer le sujet dans les états profonds de l'hypnose, pour amener le rayonnement périsprital, car il faut un certain temps au magnétiseur pour neutraliser, en partie, l'action de la force vitale et permettre au double de s'extérioriser partiellement. Lorsque le dégagement commence, c'est que l'état de rapport est établi, autrement dit : les ondulations nerveuses du magnétiseur vibrent synchroniquement avec celles du sujet, à ce moment, elles interfèrent et produisent précisément ces couches alternativement sensibles ou inertes.
En somme, l'expérience est peut-être analogue à celle de Fresnel ; dans cette hypothèse, au lieu d'ondulations lumineuses, ce sont des ondulations nerveuses, les deux foyers lumineux sont remplacés par le magnétiseur et son sujet, et l'écran est figuré par le périsprit.
Le lieu des points où se montrent les zones sensibles est limité par l'expansion de la substance périspritale ; nous avons ainsi un moyen expérimental d'étudier cette enveloppe fluidique qui s'est révélée à nous, et que l'on ne connaissait pas avant les enseignements du spiritisme.
Il nous est facile en donnant par la pensée une extension plus grande à l'expérience précédente, de concevoir que l'extériorisation soit plus complète; nous arriverons alors à comprendre comment l'âme peut sortir du corps et se manifester sous forme d'apparition ; c'est ce que M. de Rochas a vérifié expérimentalement il suffit pour contrôler cette assertion de trouver des sujets aptes à produire ce genre de phénomènes, et cela n'est pas impossible, puisque le médium de Boulogne-sur-Mer, ainsi que les sujets du magnétiseur Lewis et de M. de Morgan, nous en ont offert des exemples.
Nous avons vu que les fantômes de vivants parlent, ce qui nécessite chez eux, en plus des organes de la parole, une certaine quantité de force vive dont la présence s'accuse aussi par, des déplacements d'objets matériels, tels que l'ouverture ou la fermeture d'une porte, l'agitation des sonnettes, etc. ; il faut donc qu'ils puisent cette force quelque part; dans les cas que nous avons examinés, c'est dans leur corps matériel qu'ils l'ont probablement prise, ce qui suppose qu'ils doivent y être reliés.
Allan Kardec enseigne, d'après les esprits, que lorsque l'âme se dégage, soit pendant le sommeil, soit dans les cas de bi-corporéité, elle est toujours réunie à son enveloppe terrestre par un lien fluidique.
Il nous est possible de justifier cette manière de voir par les expériences suivantes :
En continuant ses études, M. de Rochas remarqua que si l'on fait traverser un verre d'eau par une zone lumineuse, c'est-à-dire sensible, d'un sujet extériorisé, les couches qui se trouvent derrière le verre, par rapport au corps, sont interrompues ; quant à l'eau du verre, elle s'illumine rapidement dans toute sa masse, et au bout de quelque temps, il s'en dégage une sorte de fumée lumineuse.
Bien plus, prenant le verre d'eau et le portant à quelque distance, il constatait qu'il restait sensible, c'est-à-dire que le sujet ressentait les attouchements faits sur l'eau, bien qu'à cette distance il n'y eût plus trace de couches sensibles.
M. de Rochas rechercha ensuite les substances qui emmagasinent la sensibilité ; il constata que c'étaient presque toujours les mêmes que pour les odeurs : les liquides, les corps visqueux, surtout ceux d'origine animale, comme la gélatine, la cire, l'ouate, les étoffes à structure lâche ou plucheuses, comme le velours de laine, etc.
« En réfléchissant, dit-il, sur ce fait que les effluves des différentes parties du corps se fixaient surtout dans les points de la matière absorbante qui en étaient les plus rapprochés, je fus amené à supposer que j'aurais une localisation bien plus parfaite si je parvenais à réunir sur certains points de la matière absorbante, les effluves de telles ou telles parties du corps, et à reconnaître ces points. Comme les effluves se répandent d'une façon analogue à la lumière, une lentille réduisant l'image du corps répondait à la première partie du programme. Il ne s'agissait plus que d'avoir une matière absorbante sur laquelle se serait fixée l'image réduite ; je pensai qu'une plaque au gélatino-bromure pourrait réussir, surtout si elle était légèrement visqueuse.
PHOTOGRAPHIE D'UNE EXTÉRIORISATION
« De là mes essais avec un appareil photographique, essais que je vais raconter d'après mon registre d'expériences. »
« 30 juillet 1892. - J'ai photographié Mme Lux d'abord éveillée, puis endormie sans être extériorisée, ensuite endormie et extériorisée, en ayant soin de me servir, dans ce dernier cas, d'une plaque que j'avais eu soin de faire séjourner quelques instants contre son corps, dans son châssis, avant de la porter dans son appareil. »
« J'ai constaté qu'en piquant avec une épingle la première plaque, Mme Lux ne sentait rien; avec la seconde, elle sentait un peu ; avec la troisième, elle ressentait vivement, tout cela quelques instants après l'opération. »
« 2 août 1892, - Mme Lux étant présente, j'essayai la sensibilité des plaques qui avaient été impressionnées le 30 juillet et qui avaient été développées. La première ne donna rien, la deuxième fort peu de chose, la troisième était aussi sensible que le premier jour. Voulant voir jusqu'où irait la sensibilité de cette troisième plaque, je donnai deux forts coups d'épingle sur l'image de la main ; de manière à déchirer la couche de gélatino-bromure. »
« Mme Lux, qui était à deux mètres de moi et ne pouvait pas voir la partie que je piquais, tomba aussitôt en contracture en poussant des cris de douleur. J'eus assez de peine à la faire revenir à son état normal ; elle souffrait de la main, et, quelques secondes après, je vis apparaître sur la main droite, celle dont j'avais piqué l'image, deux petits traits rouges dont l'emplacement correspondait aux piqûres. Le Dr P. qui assistait à l'expérience, constata que l'épiderme n'était pas entamé et que les rougeurs étaient dans la peau. Je constatai, en outre, que la couche de gélatino-bromure (qui était beaucoup plus sensible que la plaque qui la supportait) émettait des radiations avec des maxima et des minima comme le sujet lui-même ; ces radiations ne se présentaient presque pas de l'autre côté de la plaque. »
Arrêtons ici notre citation : elle nous permet de constater qu'il y a une relation établie d'une manière continue entre Mme Lux et sa photographie extériorisées. Du 30 juillet au 2 août, malgré l'éloignement prolongé du sujet, le lien ne s'est pas rompu, et toute action produite sur la photographie se transporte sur le corps, de manière à laisser des traces visibles. Il est donc légitime de supposer que la liaison est encore plus intime lorsque c'est le périsprit, lui-même, qui est tout à fait extériorisé, quelle que soit la distance qui le sépare du corps physique.
Les expériences de M. de Rochas ont été vérifiées par le Dr Luys à la Charité et par le Dr Paul Joire, qui avait signalé déjà cette extériorisation dans son traité d'hypnologie publié en 1892. Tout dernièrement il a pu constater que l'extériorisation de la sensibilité est un phénomène réel qui ne dépend nullement de la suggestion orale, comme avait voulu l'insinuer le Dr Mavroukakis, pas plus que d'une suggestion mentale, car si l'opérateur est séparé du sujet par quatre ou cinq personnes qui se tiennent, il y a retard régulier et progressif dans la sensation éprouvée par l'hypnotisé, ce qui n'aurait évidemment pas lieu si cette sensation était produite par une suggestion mentale de l'opérateur.
RÉPERCUSSION DE L'ACTION DU PÉRISPRIT DÉGAGÉ
SUR LE CORPS
Le magnétiseur Cahagnet, comme nous l'avons vu, croyait fermement à la possibilité du dégagement de l'âme. Il rapporte, sans pouvoir l'expliquer, une expérience qui doit tenir à une action matérielle exercée sur le périsprit, compliquée probablement d'autosuggestion. Voici le fait .
Un M. Lucas, de Rambouillet, était fort inquiet sur le sort d'un beau-frère qui disparut du pays une douzaine d'années auparavant, à la suite d'une discussion avec son père. M. Lucas résolut d'avoir recours à la lucidité d'Adèle Maginot pour savoir si ce beau-frère était encore vivant. La lucide vit cet homme et le décrivit de manière à le faire reconnaître de sa mère et de son beau-frère. Mais voici où l'expérience se complique. Nous citons textuellement :
« Ce qui ne contribua pas moins à étonner cette brave femme, ainsi que M. Lucas et les personnes présentes à cette curieuse séance, ce fut de voir Adèle qui, pour s'abriter des rayons ardents du soleil de ces contrées, mettait ses mains devant le côté gauche de sa figure en paraissant étouffer de chaleur ; mais le plus merveilleux de cette scène fut qu'elle reçut un violent coup de soleil qui lui rendit tout le côté de la figure, depuis le front jusqu'à l'épaule, d'un rouge bleu, quand l'autre côté resta d'un blanc mat ; ce ne fut que 24 h. plus tard que cette couleur foncée commença à disparaître. La chaleur était si violente dans ce moment qu'on ne pouvait y tenir la main. Était présent M. Haranger-Pirlat, ancien magnétiseur, honorablement connu depuis 30 ans dans le monde magnétique. »
Il est certain pour ceux qui ont connu Cahagnet qu'il était tout à fait incapable de mentir. Nous pouvons donc admettre son récit, confirmé par un témoignage honorable.
Pour expliquer ce cas, nous croyons que l'idée de la chaleur intense du soleil du Brésil a pu suggestionner fortement le sujet, dont le périsprit était peut-être assez peu dématérialisé pour être encore sensible aux radiations calorifiques. Il y a donc eu, croyons-nous, répercussion sur le corps matériel de l'action physique du soleil, facilitée, et probablement augmentée, par l'autosuggestion, d’autant plus que dans ce pays la chaleur est torride.
Le fait de transport de l'altération du périsprit au corps physique a été observé assez souvent pour que nous en concevions bien le mécanisme .
On est parvenu à s'en rendre compte expérimentalement, comme nous allons le faire voir.
M. Aksakof, dans une expérience faite à Saint-Pétersbourg en compagnie du célèbre médium Kate Fox, put constater un transport de noir de fumée, de la main fluidique du médium au bout de ses doigts matériels. Ceux-ci n'avaient pas bougé, car le savant russe avait fait placer les mains de Mme Fox sur une plaque lumineuse, de manière à bien s'assurer de leur immobilité et, par surcroît de précaution, il avait placé ses propres mains sur celles du médium.
On voit donc qu'il y a mieux que des présomptions pour établir la solidarité du corps et de son double fluidique. Dans son traité de Magie Pratique , Papus rapporte le cas d'un officier russe qui, en proie à l'obsession d'une individualité incarnée, fondit le sabre haut sur l'apparition, et lui fendit la tête. La blessure faite au périsprit se reproduisit sur la femme qui était la cause du phénomène, et elle mourut le lendemain des suites de ce coup de sabre, reçu par son corps fluidique.
Dassier cite plusieurs exemples semblables empruntés aux archives judiciaires de l'Angleterre . Une certaine Jeanne Broocks, en se dédoublant, causait force méfaits chez ceux auxquels elle en voulait. S'étant attaquée à un enfant, celui-ci dépérit rapidement, et l'on ne savait à quelle cause attribuer le mal, lorsque le petit malade dit en désignant un endroit du mur : « C'est Jeanne Broocks qui est là ! » Un assistant ayant donné un coup de couteau à la place indiquée, l'enfant prétendit que la femme était blessée à la main. On se rendit à la maison de la sorcière et l'on constata qu'elle était effectivement blessée, comme l'enfant l'avait indiqué.
Dans des circonstances à peu près semblables, une autre femme, Julianne Cox, fut blessée à sa jambe fluidique par la jeune fille qu'elle obsédait, et lorsqu'on se transporta chez elle, on put reconnaître que la plaie de la jambe charnelle s'adaptait exactement à la lame du couteau qui avait atteint le double fluidique.
Remarquons la dernière phrase de M. de Rochas : « L'image de Mme Lux émettait des radiations avec des minima et des maxima. » Or, comme ces radiations sont invisibles pour l’œil ordinaire, nous prenons acte qu'il est possible de photographier de la matière invisible. Ceci peut servir à comprendre la photographie des esprits.
ACTION DES MÉDICAMENTS À DISTANCE
Il nous est possible de mettre encore en évidence, par une autre série de preuves, l'existence du périsprit chez l'homme. C'est en examinant les effets produits sur certains sujets hypnotiques, en approchant de leur corps des substances enfermées dans des flacons soigneusement bouchés.
Les faits exposés par MM. Bourru et Burot échappent à toute explication scientifique, par la bonne raison que, ne connaissant pas le périsprit et ses propriétés, il était impossible aux savants de comprendre le genre d'action qui s'exerce dans ce cas. Grâce aux expériences de M. de Rochas, en faisant intervenir le périsprit extériorisé, il devient plus facile de s'expliquer ces phénomènes.
Après avoir pris toutes les précautions pour éviter la simulation ou les suggestions, ces observateurs ont constaté la réalité des faits suivants :
La boule d'un thermomètre, tenue à une distance de dix à quinze centimètres du sujet endormi, produisait une sensation de douleur très vive, des convulsions et une attraction du bras. Un cristal d'iodure de potassium déterminait des éternuements. L'opium a fait dormir. Un flacon de jaborandi amenait la salivation et la sueur. Les mêmes expériences continuées avec la valériane, la cantharide, l'apomorphine, l'ipécacuanha, l'émétique, la scammonée, les alcools, ont donné des résultats précis et concordants. Chacun de ces médicaments, placé simplement près de la tête, et sans contact, produisait l'effet en rapport avec sa nature, c'est-à-dire une véritable action physiologique, comme si le sujet l'avait introduit dans son organisme.
On a essayé aussi l'action des poisons dilués dans l'eau et l'on a constaté les mêmes symptômes que si le patient les avait pris par les voies ordinaires. Le laurier-cerise a déterminé une crise d'extase chez une femme juive, qui crut voir la Vierge Marie.
Le docteur Luys, d'abord fort sceptique, fut ensuite convaincu. Il rapporte que dix grammes de cognac contenus dans un tube scellé à la lampe et approché de la tête du sujet hypnotisé, déterminent l'ivresse au bout de dix minutes. Dix grammes d'eau, toujours dans un tube scellé, produisent, au bout de quelques minutes, la constriction de la gorge, la raideur du cou et les symptômes de l'hydrophobie. Quatre grammes d'essence de thym, enfermés de la même manière et présentés sur le devant du cou d'une femme hypnotisée, bouleversent en elle la circulation, font saillir les yeux hors de l'orbite, gonflent le cou de la malade d'une manière effrayante, et déterminent, dans l'innervation circulatoire du cou, de la face et des muscles inspirateurs, un trouble croissant accompagné d'un bruit de cornage à caractère sinistre qui effraye l'expérimentateur, et le force à s'arrêter, pour éviter des accidents foudroyants .
« En présence de manifestations tangibles si nettes, écrit le docteur Luys, si précises, dont j'ai été si fréquemment témoin, en présence de ces cas si surprenants de retentissement des actions à distance sur l'innervation viscérale chez les sujets, chez lesquels je déterminai la nausée, puis des vomissements, en leur présentant un tube contenant de la poudre d'ipéca, et des envies d'aller à la garde-robe que j'ai vu survenir en leur plaçant sur le cou un tube contenant vingt grammes d'huile de ricin, je n'hésite pas à reconnaître que nous assistons là à une série de phénomènes étranges qui se développent en dehors des lois naturelles, de leur évolution normale, et qui déroutent tout ce que nous croyons savoir sur l'action des corps. Mais ils existent, ils s'imposent à l'observation, et tôt ou tard ils serviront de point de départ pour l'explication d'un grand nombre de phénomènes étranges de la vie nerveuse . »
Sans aucun doute, ces faits sont étranges, mais leur explication n'est pas impossible, maintenant que l'extériorisation du périsprit et du fluide nerveux est un phénomène démontré. Dans une expérience de M. de Rochas, nous avons constaté que l'eau accumule la sensibilité, et qu'en agissant sur cette eau, on transmet au corps des sensations ; nous pouvons comprendre que d'autres liquides soient dans le même cas, mais alors les sensations ressenties seront en rapport avec les propriétés de ces liquides, et l'on pourra constater chez le sujet les mêmes symptômes que s'ils avaient été ingérés naturellement.
Dans les expériences précédentes, les substances étaient enfermées dans des flacons bouchés à l'émeri ou scellés à la lampe, mais le fluide périsprital pénètre tous les corps, et le fluide nerveux un grand nombre ; on n'a donc remarqué des phénomènes que lorsque le médicament en expérience était capable d'être assimilé, dans sa partie volatile, par la force nerveuse.
CHAPITRE III
PHOTOGRAPHIES ET MOULAGES DE FORMES D’ESPRITS DESINCARNES
LA PHOTOGRAPHIE DES ESPRITS
Nous avons vu que l'un des phénomènes qui démontrent authentiquement l'existence de l'âme durant la vie, est la photographie du double pendant sa sortie temporaire du corps. La grande loi de continuité qui régit les phénomènes naturels devait amener les spirites à se dire que, puisque l'âme humaine - pendant son dégagement - est capable d'impressionner une plaque photographique, elle devait posséder encore ce pouvoir après la mort. C'est effectivement ce que l'on est arrivé à constater, lorsque l'on a pu réaliser les conditions nécessaires à ces manifestations transcendantes.
Ici, toutes les objections disparaissent. La preuve photographique a une valeur documentaire d'une importance extrême, parce qu'elle montre que la fameuse théorie de l'hallucination est notoirement inapplicable à ces faits. La plaque sensible est un témoin scientifique qui certifie que l'âme survit à la désagrégation du corps qu'elle conserve une forme physique dans l'espace, et que la mort n'a pu amener sa destruction.
Que deviennent toutes les déclamations ampoulées sur le surnaturel et le merveilleux devant de semblables résultats ? Il faut avouer que les Esprits ont mis une singulière obstination à contrecarrer leurs négateurs. Non contents de se faire voir à leurs parents ou amis, ils sont apparus sur des photographies, et il a bien fallu reconnaître que, cette fois, le phénomène était vraiment objectif, puisque la plaque collodionnée en conservait la trace indélébile. Résumons sommairement, d'après Russel Wallace, l'éminent naturaliste, les faits bien constatés .
On se moque fréquemment de ce qu'on appelle les photographies spirites, parce qu'on peut facilement en imiter quelque-unes. Mais un peu de réflexion montrera que cette facilité même permet également de se mettre en garde contre l'imposture, puisque les moyens d'imitation sont si bien connus. Dans tous les cas, on admettra qu'un photographe expérimenté qui fournit les plaques et surveille les opérations, ou les fait lui-même, ne peut être trompé à ce point.
D'ailleurs, un moyen très simple de constater si la figure qui apparaît est bien celle d'un Esprit désincarné, c'est de voir si elle est reconnue par la personne qui pose ou par les membres de sa famille ; si oui, le phénomène est réel. C'est le cas de Wallace, qui le raconte comme il suit :
« Le 14 mars 1874, je suis allé chez M. Hidson, ayant été invité à le faire pour la première et la seule fois, accompagné par Mme Guppy comme médium. Je m'attendais à ce que, si j'obtenais quelque portrait spirite, ce serait celui de mon frère aîné au nom duquel des messages avaient été fréquemment reçus par l'entremise de Mme Guppy ; avant d'aller chez Hidson, j'eus une séance avec Mme Guppy, et j'eus une communication par coups frappés me faisant connaître que ma mère apparaîtrait sur la plaque, si elle le pouvait.
« Je posai trois fois, choisissant toujours ma propre position. Chaque fois sur l'épreuve négative, une seconde figure apparut conjointement avec la mienne. La première représentait une personne mâle tenant une courte épée ; la seconde, une personne en pied, se tenant apparemment à mon côté et un peu derrière moi, regardant en bas vers moi et tenant un bouquet de fleurs. À la troisième séance, après m'être placé et après que la plaque préparée fut mise dans la chambre noire, je demandai que l'apparition vint près de moi, et la troisième plaque montre une figure de femme se tenant tout contre moi et devant moi, de telle sorte que la draperie dont elle est vêtue couvre toute la partie inférieure de mon corps.
« J'ai vu toutes les plaques développées, et, dans chacun des cas, la figure de développement se montra au moment où le liquide de développement fut étendu, tandis que mon portrait ne devint visible que peut-être vingt secondes plus tard. Je ne reconnus aucune de ces figures sur les négatifs, mais au moment où j'obtins les épreuves, le premier coup d’œil me montra que la troisième plaque contenait un portrait incontestable de ma mère, et ressemblant quant aux traits et à l'expression ; ce n'était pas une ressemblance comme celle existant dans un portrait pris pendant la vie, mais une ressemblance quelque peu idéalisé, pourtant toujours pour moi une ressemblance à laquelle je ne pouvais me méprendre.
« La seconde photographie est beaucoup moins distincte ; les yeux regardent vers le bas ; le visage a une expression différente de celle de la troisième, de telle façon que je conclus d'abord que c'était là une personne différente. Ayant envoyé les deux portraits de femme à ma sœur, elle fut d'avis que le second ressemblait beaucoup plus à ma mère que le troisième, et qu'en fait il présentait une bonne ressemblance, bien qu'indistincte, tandis que le troisième avait quelque ressemblance avec elle comme expression, mais avec quelque chose d'inexact à la bouche et au menton. Il fut constaté que cela était dû, en partie, à ce que la photographie eut été lavée, elle se trouva toute recouverte de taches blanchâtres, mais meilleure comme ressemblance avec ma mère. Je n'avais pas encore constaté la ressemblance du second portrait quand, l'ayant examiné quelques semaines plus tard avec un verre grossissant, j'aperçus tout de suite un trait spécial remarquable du visage naturel de ma mère, savoir : la lèvre et la mâchoire inférieures extraordinairement saillantes.
« Les deux spectres portent un bouquet de fleurs exactement pareil ; il est digne de remarque que, tandis que je posais pour le second groupe, le médium ait dit : « Je vois quelqu'un, et il y a des fleurs. »
Ce portrait fut reconnu aussi par le frère de R. Wallace , qui n'est pas spirite.
Si un médium déclare qu'il voit un Esprit, alors que les autres assistants ne voient rien, que cet Esprit est à tel endroit, qu'il a une figure, des vêtements dont le voyant fournit la description, et qu'ensuite la plaque photographique confirme en tout point cette description, on ne pourra nier que l'Esprit existe, positivement, à la place indiquée. Voici plusieurs exemples de ces remarquables manifestations.
L'auteur de ces expériences est M. Beattie, de Clifton, dont l'éditeur du British Journal of Photography parle en ces termes :
« Quiconque connaît M. Beattie le considère comme un photographe attentif et habile, l'un des derniers hommes du monde pouvant être trompés, du moins dans tout ce qui concerne et se rapporte à la photographie ; il est incapable de tromper les autres.
« M. Beattie a été aidé dans ses recherches par le Dr Thomson, docteur-médecin à Edimbourg, qui a fait de la photographie en amateur pendant vingt-cinq années. Ces observateurs ont expérimenté dans l'atelier d'un ami non spiritualiste (mais qui devint un médium au cours des expériences) ; ils usèrent des services, comme médium, d'un négociant avec lequel ils étaient très liés. L'ensemble du travail photographique a été fait par MM. Beattie et Thomson, les deux autres personnes restant assises à une petite table. Les épreuves furent prises par séries de trois, à quelques secondes l'une de l'autre, et plusieurs de ces séries furent prises dans chaque séance...
« Il y a deux autres épreuves prises, comme toutes les précédentes, en 1872, et dont le médium décrivit toutes les phases pendant l'exposition de la plaque. La première apparition, dit-il, était un épais brouillard blanc ; l'épreuve sortit tout ombrée de blanc, sans trace d'aucun des modèles. L'autre photographie fut décrite à l'avance, comme devant être un brouillard nuageux, avec une personne au milieu : on ne voit, dans l'épreuve, qu'une figure humaine blanche au milieu d'une surface presque uniformément nuageuse. Durant les expériences faites en 1873, le médium, dans chaque cas, décrivit minutieusement et correctement les apparences qui devaient se montrer ensuite sur la plaque. Dans l'une de celles-ci, il y a une étoile lumineuse qui rayonne, de grande dimension, portant au centre un visage humain assez visible. Elle est la dernière des trois sur laquelle une image s'est manifestée, et le tout avait été soigneusement annoncé par le médium.
« Dans une autre série de trois, le médium décrivit tout d'abord ce qui suit : « Une lumière derrière lui, venant du parquet » ; ensuite : « Une lumière montant sur le bras d'une autre personne, et provenant ou semblant provenir de la jambe » ; pour la troisième : « la même lumière existait, mais avec une colonne montant sur la table, elle était chaude, jusqu'à ses mains. » Alors il s'écria soudain : « Quelle brillante lumière, en haut, là ! Ne pouvez-vous la voir ? » Il fit un geste indicateur avec la main. Toutes ces paroles décrivaient très fidèlement ce que furent les trois épreuves, et dans la dernière on apercevait la main du médium montrant une tache blanche qui apparaissait au-dessus de sa tête. »
Mentionnons encore une photographie isolée et très saisissante.
« Pendant la pose, l'un des médiums dit qu'il voyait, sur l'arrière-plan, une figure noire; l'autre médium apercevait une figure brillante à côté de la noire. Dans la photographie ces deux figures apparaissent, la brillante très faiblement, la noire beaucoup plus distinctement ; cette dernière est de dimension géante, avec une figure massive, aux traits grossiers, et une longue chevelure. »
Ces expériences n'ont pu être faites sans peine et sans persévérance. Parfois vingt épreuves consécutives ne présentaient rien d'anormal. Il en a été pris plus de cent, et plus de la moitié ont constitué un échec complet. Mais les succès obtenus valent bien la peine qu'on s'est donnée. Ils démontrent avec certitude : 1° l'existence objective des Esprits ; 2° la faculté, chez certains êtres, appelés médiums, de voir ces formes invisibles pour tout le monde.
La preuve photographique de la vue médianimique étant de la plus haute importance, nous citerons le fait suivant, emprunté à l'ouvrage de M. Aksakof : Animisme et Spiritisme, page 67 et suivantes.
« Voici une lettre de M. Bromson Murray publiée dans le Banner of Light du 25 janvier 1873 :
« MONSIEUR LE DIRECTEUR,
« Dans les derniers jours du mois de septembre dernier, M. W. H. Mumler, de votre ville (Boston) 170, West Springfield street, se trouvant dans un état de transe, au cours duquel elle donnait des conseils médicaux à l'un de ses malades, s'interrompit pour me dire que, lorsque M. Mumler ferait ma photographie, sur la même plaque il apparaîtrait à côté de mon portrait l'image d'une femme désirant ardemment annoncer sa survivance à son mari, et vainement elle avait cherché jusqu'à présent une occasion de se rapprocher de lui ; elle croyait y arriver par mon intermédiaire. M. Mumler ajouta : « Au moyen d'une loupe, on pourra distinguer sur cette plaque les lettres : R. Bonner ». Je lui demandai en vain si ces lettres ne signifiaient pas Robert Bonner. Au moment où je me préparais à poser pour avoir ma photographie, je tombai en transe, ce qui ne m'était jamais arrivé ; Mumler ne réussit pas, malgré tous ses efforts, à me mettre dans la position voulue. Il lui fut impossible de me faire rester droit et de m'appuyer la tête contre le support. Mon portrait fut par conséquent pris dans la situation que l'épreuve indique, et, à côté, apparut la figure de femme avec l'ancre et les lettres composées de boutons de fleurs, ainsi que cela m'avait été prédit. Malheureusement je ne connaissais personne du nom de Bonner, personne qui pût reconnaître l'identité de la figure photographiée.
« De retour dans la ville, je racontai à plusieurs personnes ce qui était arrivé ; l'une me dit avoir récemment rencontré un M. Bonner, de Géorgie ; elle désirait lui faire voir la photographie. Quinze jours plus tard, elle me fit prier de passer chez elle. Quelques instants après, un visiteur entra : c'était un M. Robert Bonner. Il me dit que la photographie était celle de sa femme, qu'il avait vue chez la dame en question, et trouvait la ressemblance parfaite. Personne ici ne conteste d'ailleurs la ressemblance que cette photographie présente avec un portrait de Mme Bonner fait deux ans avant sa mort .
M. Bonner obtint encore la photographie de sa femme décédée, dans une pose désignée à l'avance, par un médium de New-York qui ne la connaissait pas, non plus que le photographe qui était à Boston.
Le journal le Médium, de 1872, signale aussi une photographie d'Esprit obtenue en même temps que le médium le déclarait :
Au moment où la plaque allait être découverte, Mme Connant (le médium) se tourna vers la droite en s'écriant : « Oh ! Voilà ma petite Wash-Ti ! » (une petite fille indienne qui se manifestait très souvent par son entremise), et elle étendit vers elle sa main gauche, comme pour lui prendre la main. On voit sur la photographie la figure parfaitement reconnaissable de la petite Indienne, avec les doigts de la main droite dans la main de Mme Connant. Ici, nous avons donc la photographie d'une figure astrale, signalée et reconnue par le sujet sensitif au moment de l'exposition. C'est une autre confirmation des expériences de M. Beattie.
Nous pourrions multiplier le nombre des citations semblables, mais l'exiguïté de notre cadre nous oblige à renvoyer le lecteur aux ouvrages cités de l'éminent naturaliste et du savant russe. Nous avons reproduit dans un travail précédent la photographie d'un Esprit obtenue en pleine obscurité par M. Aksakof, assisté du médium Eglinton ; nous verrons tout à l'heure le grand physicien anglais William Crookes prendre, lui aussi, une série de photographies d'une forme matérialisée.
Examinons un autre aspect du phénomène.
EMPREINTES ET MOULAGES DE FORMES MATÉRIALISÉES
Les cas d'apparitions de doubles de personnes vivantes ou d'Esprits se manifestant après leur mort terrestre, rapportés et contrôlés par la Société de Recherches Psychiques, sont des manifestations isolées, réelles mais relativement assez rares, et se produisant dans des circonstances si exceptionnelles, qu'il était difficile d'en faire une autre analyse que celle résultant du récit véridique de l'événement. Les spirites, qui sont depuis longtemps familiarisés avec ces phénomènes, ont fait une étude minutieuse de tous les genres possibles de communication des Esprits avec nous. Parmi les plus remarquables, on peut citer les empreintes diverses, laissées dans des substances molles ou friables par les êtres, de l'espace, pendant les séances où on les évoquait. Résumons en quelques mots ces expériences si probantes, sur lesquelles nous reviendrons dans le chapitre suivant.
Les sceptiques prétendent qu'on ne peut être certain de n'avoir pas été halluciné, en constatant la présence d'une apparition, que si la forme laisse une trace de son passage qui subsiste après la disparition de l'image.
Les faits suivants répondent à ce desideratum.
Zoëllner, l'éminent astronome allemand, obtint, sur des feuilles de papier noircies et placées entre des ardoises posées sur ses genoux, deux empreintes, l'une d'un pied droit, l'autre d'un pied gauche, sans que le médium eût touché aux ardoises. Dans une autre circonstance, le papier noirci fut placé sur une planchette ; une empreinte de pied s'y imprima elle avait quatre centimètres de moins que celui de Slade . Dans un vase rempli de fleur de farine, l'impression d'une main fut trouvée, avec toutes les sinuosités de l'épiderme distinctement visibles.
Nous avons fait remarquer que toujours les apparitions ressemblent trait pour trait aux personnes dont elles sont le dédoublement; nous ferons observer que les Esprits qui se matérialisent ont momentanément un corps physique identique à un corps matériel ordinaire, car les empreintes qu'ils laissent offrent une similitude parfaite avec celles que produiraient les mêmes parties d'un corps vivants.
Le professeur Chiaïa, de Naples, avec l'aide d'Eusapia Paladino, eut l'idée de se munir de l'argile de sculpteurs, et l'Esprit imprima son visage sur cette matière plastique. En coulant du plâtre dans l'empreinte ainsi obtenue, il fut en possession d'une belle tête d'homme, à l'expression mélancolique .
En Amérique, des résultats du même ordre furent constatés, et même on découvrit un moyen nouveau d'obtenir des reproductions fidèles des apparitions. En faisant fondre de la paraffine dans de l'eau chaude, elle monte à la surface. On prie l'Esprit d'y tremper, à plusieurs reprises, la partie du corps qu'on désire conserver, et en se dématérialisant, lorsque cette enveloppe est sèche, l'apparition laisse un moule parfait. Il n'y a plus qu'à couler du plâtre à l'intérieur pour avoir un souvenir durable de l'Esprit désincarné. Donnons ici le récit d'une de ces séances. Nous le reproduisons d'après M. Aksakof, le savant russe bien connu .
« Pour compléter les expériences de M. Reimers, j'y joindrai le Procès-verbal d'une séance qui eut lieu à Manchester le 17 avril 1876, et dont rendit compte the Spiritualist du 12 mai suivant; une traduction allemande en a paru dans Psychische Studien, 1877, pp. 550-553. Parmi les cinq témoins MM. Marthèze, Oxley et Reimers me sont personnellement connus comme les plus dignes de créance :
« Nous soussignés, certifions par la présente les faits suivants qui se produisirent en notre présence dans l'habitation de M. Reimers, le 17 avril 1875. Nous pesâmes soigneusement trois quarts de livre de paraffine, la mimes dans une cuvette et y versâmes de l'eau bouillante, ce qui la fondit bientôt. Si une main est plongée plusieurs fois dans ce liquide, le dépôt de paraffine refroidi forme un moule parfait. Ce vase, ainsi qu'un autre renfermant de l'eau froide, fut placé dans un coin de la chambre. Deux rideaux de six pieds de haut et de quatre de large, suspendus à des tringles, formaient un cabinet carré ayant à chaque extrémité des ouvertures de quinze pouces de largeur ; le mur étant séparé de la maison suivante, et le cabinet étant presque rempli par les meubles, l'idée de trappe ne pouvait être émise, le plancher aussi était couvert de vases, chaises etc.
« Une dame de nos amies, douée de ce mystérieux pouvoir appelé médiumnité, fut enveloppée dans un filet couvrant la tête, les bras, les mains et le ruban passant dans les coulisses fut serré aussi fort que possible, ensuite noué ; on inséra en outre un morceau de papier qui serait tombé si le nœud eût été défait. Tous les témoins furent d'accord qu'il était impossible au médium seul de se délivrer sans se trahir. En cet état, elle fut conduite dans le coin du cabinet qui était, à part la chaise, vases et bibliothèque, parfaitement vide. Il n'y avait rien de visible près de ces objets que nous examinâmes à la pleine lumière du gaz.
« La chambre fut fermée. Nous baissâmes le gaz, mais il était encore possible de distinguer quelque chose dans la chambre, et nous nous assîmes à une distance de quatre à six pieds du rideau. Après quelque temps passé à chanter ou à faire de la musique, une figure apparût à l'ouverture de face et se mût jusqu'à l'autre. Sa belle et brillante couronne, sa coiffe blanche, et autour du cou son ruban noir auquel pendait une croix d'or, furent vus, distinctement, également par tous les assistants. Bientôt une autre figure féminine apparut aussi avec une couronne visible se montrant en même temps que la première, et s'élevant au dessus du cabinet vers le plafond, elle salua gracieusement tous les assistants. Une très forte voix d'homme sortant du coin annonça leur essai de faire des moules.
« Alors la première figure apparut de nouveau à l'ouverture, faisant signe à M. Marthèze d'approcher pour lui serrer la main, elle prit l'anneau de son doigt, et M. Marthèze vit en même temps le médium dans le coin opposé, enveloppé du filet. La figure, toutefois, s'évanouit rapidement dans la direction du médium.
« M. Marthèze s'étant rassis, la voix du cabinet demanda quelle main nous désirions, et peu après M. Marthèze fut de nouveau mandé à l'ouverture pour recevoir le moule d'une main gauche; en l'inspectant, on découvrit la bague à l'un des doigts du moule. M. Reimers fut alors appelé et reçut de la même manière la main droite destinée à ses savants amis de Leipzig, d'après le vœu qui en avait été expressément formulé. Ensuite, on entendit tousser le médium; sa toux avait été supprimée tout le temps (plus d'une heure), cela avait donné lieu à des craintes d'insuccès, tellement au début les accès avaient été violents. Quand elle sortit du cabinet, nous examinâmes les nœuds, et... et nous trouvâmes le tout dans le même état qu'antérieurement. Nous enlevâmes toute la paraffine restant dans le vase, et, la pesant conjointement avec les deux moules obtenus, nous trouvâmes un peu plus de trois quarts de livre, ce petit excédent étant dû à l'eau adhérente à la paraffine, comme cela fut constaté en la secouant bas. La proportion d'eau des moules rendait parfaitement compte du reste ; ceci termina nos expériences ».
« Les mains obtenues différent considérablement sous tous les rapports de celles du médium, mais toutes montrent les petites marques (fort bien révélées par des verres grossissants) d'une petite main, de la même individualité qui nous a plus d'une fois donné des moules dans les mêmes conditions expérimentales. »
« Ont signé : MM.
« J. N. Tiedman Marthèze, Palmeirai
square, Brington ;
« Christian Reimers, 2, Ducie avenue,
Oxford road, Manchester ;
« William Oxley, 65, Burwen road,
Manchester ;
« Thomas Gaskell, 69, Oldham road,
Manchester;
« Henry Marsh, Birch cottage, Fairy
lane, Bury new-road,
Manchester. »
On remarquera que toutes les précautions sont prises par les expérimentateurs spirites pour se mettre à l'abri d'une cause d'erreur quelconque, provenant de leur fait ou de celui du médium. Ces expériences ou d'autres analogues, fréquemment répétées, ont permis d'avoir des centaines de moulages reproduisant des parties diverses des matérialisations d'Esprits de tout âge et de tout sexe. Dans toutes les expériences, ce sont bien des membres semblables à ceux qu'on obtiendrait par la même opération, pratiquée sur des vivants.
M. de Bodisco, chambellan du czar, a publié de curieuses expériences de matérialisations faites avec un médium, Mlle K.
« Je n'hésite pas, dit-il à déclarer que le corps astral (ou psychique) est le plus important de tous les corps dans la nature, malgré la résistance des Sciences expérimentales à l'ignorer. ce corps est gouverné par des lois dont l'étude portera la lumière dans bien des cœurs, cherchant à être consolés par une preuve réelle de la vie future. Ce corps constitue la seule partie du corps humain qui soit impérissable, c'est le zoo-éther, où matière primordiale, ou force vitale. »
Quatre photographies ont été prises par M. de Bodisco ; elles montrent les divers états de matérialisations, depuis l'apparition astrale ou psychique entourant le corps du médium, jusqu'à la condensation d'une forme dont on ne voit que la tête, le reste du corps semblant drapé dans une sorte de gaze. À côté de la forme, on aperçoit le corps du médium en léthargie sur le fauteuil.
HISTOIRE DE KATIE KING
Les phénomènes de matérialisation sont les plus hautes et les plus irréfragables démonstrations de l'immortalité.
Voir un être défunt apparaître devant des assistants avec une forme corporelle, l'entendre causer, le voir marcher, écrire puis disparaître, soit instantanément, soit par degrés sous les yeux des observateurs, c'est certainement le plus captivant et le plus étrange des spectacles. Pour un incrédule ceci dépasse les bornes de la vraisemblance, et il ne faut pas moins que des preuves physiques irréfutables pour que le phénomène ne soit pas mis sur le compte de la fraude ou de l'hallucination.
Fort heureusement, il existe un bon nombre d'observations relatées par des hommes impartiaux et possédant la froideur et la compétence nécessaires pour donner à ces phénomènes l'appui de leur autorité.
M. Aksakof a fait en compagnie du médium Eglinton, une série d'expériences dans lesquelles les plus minutieuses précautions furent prises, ce qui lui permit d'arriver à des résultats tout à fait inattaquables au point de vue scientifique. Le grand nombre de matières que nous avons à traiter nous oblige, bien à regret, à renvoyer le lecteur aux ouvrages originaux où ces cas sont longuement exposés. On consultera avec fruit Animisme et Spiritisme d'Aksakof ; Essai de Spiritisme scientifique de Metzger ; Après la mort de Léon Denis et le Psychisme expérimental d'Erny.
Ici, nous désirons donner quelques renseignements peu connus sur la célèbre Katie King dont l'existence a été mise hors de doute par les travaux, désormais classiques, de William Crookes, consignés dans son livre : Recherches expérimentales sur le Spiritisme. Nous nous servirons des études publiées dans la Revue Spirite par Mme de Laversay, en abrégeant le plus possible cette intéressante traduction de l'ouvrage d'Epes Sergent, paru à Boston en 1875.
Beaucoup de personnes, peu au courant de la littérature spirite, s'imaginent que l'esprit de Katie King ne fut examiné que par William Crookes ; nous allons voir qu'il existe un très grand nombre d'attestations relatives à son existence, émanant de témoins bien connus dans le monde littéraire et scientifique. Lorsque l'illustre chimiste eût à vérifier la médiumnité de miss Cook, il y avait déjà longtemps que Katie se matérialisait. Les grands médiums, qui sont si rares, ne se manifestent pas d'emblée. Il faut un certain temps pour arriver à produire des phénomènes physiques. D'un côté le médium a besoin d'entraînement, et de l'autre, l'Esprit qui dirige les manifestations est obligé de s'exercer longuement pour manipuler les fluides subtils avec la précision nécessaire.
Miss Cook, en 1872, avait seize ans. Depuis sa plus tendre enfance elle voyait des Esprits et entendait des voix ; mais comme elle était seule à constater ces faits, ses parents n'avaient aucune confiance dans ses récits. Après avoir assisté à des séances spirites, on apprit que la jeune fille était médium et qu'elle obtiendrait les plus belles manifestations. M. et Mme Cook s'y opposèrent d'abord. Cependant, après avoir été hantés par les Esprits, ils se décidèrent à céder au désir des acteurs invisibles, et c'est alors qu'eurent lieu des phénomènes tout à fait probants.
Le 21 avril 1872, dit M. Harrison dans le journal le Spiritualiste, un incident curieux se produisit. Tout à coup on entendit frapper sur les vitres, on ouvrit la fenêtre et les volets sans rien découvrir. La voix d'un Esprit se fit alors entendre, s'écriant : « Monsieur Cook, il faut débarrasser la gouttière, si nous ne voulez pas que les fondations de votre maison soient attaquées. La gouttière est engorgée. » Fort étonné, il fit un examen immédiat. C'était vrai ! il avait plu et la cour de la maison était remplie d'eau qui avait débordé. Personne n'était instruit de cet accident avant que l'esprit ne l'eût annoncé de cette façon remarquable. En suivant la marche de la médiumnité de miss Cook on assiste au développement de la série des phénomènes qui se produisent successivement, en devenant chaque jour plus puissants, pour aboutir à la matérialisation de Katie. Voici la première séance où elle se montre.
Jusqu'alors, les séances avaient eu lieu dans l'obscurité. M. Harrison voulut remédier à cet état de choses, et fit plusieurs essais chez M. Cook avec des lumières différentes. Il obtint une lumière phosphorescente au moyen d'une bouteille chauffée, revêtue intérieurement d'une couche de phosphore, mélangée avec l'huile de clous de girofle. Grâce à ce luminaire, on pouvait voir ce qui se passait pendant la séance obscure. Le 22 mai 1872, Mme Cook, les enfants, la tante et la domestique se réunirent et l'Esprit de Katie King se matérialisa partiellement. Miss Cook ne dormait pas ainsi que cela résulte de la lettre qu'elle adressa à M. Harrison le lendemain. Voici ce récit :
« Dans l'après-midi, hier, Katie King nous dit qu'elle essaierait de produire quelques phénomènes, si toutefois nous consentions à faire un cabinet noir à l'aide de rideaux. Elle ajouta qu'il fallait lui donner une bouteille d'huile phosphorescente, parce qu'elle ne pouvait prendre le phosphore nécessaire sur moi, à cause du peu de développement de ma médiumnité; elle désirait éclairer sa figure pour se rendre visible.
« Enchantée de l'idée, je fis les préparatifs nécessaires ; tout fut prêt à huit heures et demie, hier soir ; ma mère, ma tante, les enfants et la bonne prirent place dehors, sur les marches de l'escalier. On me laissa toute seule dans la salle à manger (je n'étais pas fière, car j'étais très effrayée).
« Katie vint se montrer à l'ouverture du rideau ; ses lèvres s'agitèrent et enfin elle put parler. Elle causa avec maman pendant quelques minutes ; tout le monde a pu voir le mouvement de ses lèvres. Comme je ne la voyais pas bien de ma place, je lui demandai de se tourner vers moi. L'Esprit me répondit : « Certainement je veux bien. » Alors je vis que le haut de son corps, seulement, était formé jusqu'au buste, le reste de l'apparition était comme un nuage, vaguement lumineux.
« L'Esprit Katie commença après quelques instants d'attente, par apporter quelques feuilles fraîches de lierre ; il n'y en avait pas de pareilles dans notre jardin. Puis on vit paraître, hors du rideau, un bras et une main tenant la bouteille de sa figure et nous l'aperçûmes tous, distinctement. Elle resta deux minutes, puis elle disparut. La figure était ovale, le nez aquilin, les yeux vifs et la bouche fort jolie.
« Katie dit à maman de bien la regarder, car elle savait qu'elle avait un air lugubre. Pour ma part, j'étais très impressionnée lorsque l'esprit s'approcha de moi ; j'étais trop émue pour parler, ou même faire un geste. La dernière fois qu'elle se montra au rideau, elle resta cinq bonnes minutes et chargea maman de vous demander de venir ici un jour de cette semaine... Katie King termina la séance en appelant la bénédiction de Dieu sur nous. Elle témoigna sa joie d'avoir pu se montrer à nos yeux. »
M. Harrison se rendit à l'invitation de Katie le 25 avril; la seconde séance de matérialisation eut lieu devant lui. Il prit des notes intéressantes qu'il publia dans son journal (The Spiritualist); en voici des extraits:
« TÉMOIGNAGE DE M. HARRISON. - « Une séance eut lieu le 25 avril, chez M. Cook, en ma présence. Le médium miss Cook était assise dans un cabinet obscur. On entendait gratter, de temps en temps ; l'esprit Katie tenait un tissu léger qu'elle avait fabriqué, avec lequel elle s'efforçait de récolter, autour du médium, les fluides nécessaires pour se matérialiser complètement. Elle frottait donc le médium avec le tissu qu'elle tenait. La conversation suivante à voix basse eut lieu entre le médium et l'esprit.
« Miss Cook. - Allez-vous en, Katie, je n'aime pas à être frictionnée ainsi.
« Katie. - Ne soyez pas sotte, ôtez ce que vous avez sur la tête et regardez-moi. (Elle frictionnait toujours).
« Miss Cook. - Je ne veux pas. Laissez-moi, Katie. Je ne vous aime pas, vous me faites peur.
« Katie. - Que vous êtes sotte. (Elle frictionnait tout le temps).
« Miss Cook. - Je ne veux pas me prêter à ces manifestations je ne les aime pas, laissez-moi tranquille.
« Katie. - Vous n'êtes que mon médium, et un médium est une simple machine dont les Esprits se servent.
« Miss Cook. - En bien ! Si je ne suis qu'une machine, je n'aime pas à être effrayée de la sorte. Allez-vous-en.
« Katie. - Ne soyez pas étourdie. »
On voit par cette conversation que l'apparition n'est pas le double du médium, puisque la volonté consciente de la jeune fille est en opposition absolue avec celle du fantôme qui est devant elle. Mme d'Espérance, autre médium célèbre , résolut de ne plus tomber en transe pendant les manifestations et elle y a réussit, ce qui montre l'indépendance de son individualité psychique pendant les manifestations. M. Harrison put voir le phénomène se développer à des séances ultérieures, il en donne le témoignage suivant :
« La figure de Katie nous apparut, toute sa tête enveloppée de blanc, afin, dit-elle, « d'empêcher le fluide de se disperser trop vite. » Elle nous déclara que sa figure seulement était matérialisée ; tout le monde put voir ses traits distinctement. On remarqua que ses yeux étaient fermés. Elle se montrait pendant une demi-minute puis disparaissait. Après, elle me dit : « Willie, regardez-moi sourire, regardez-moi parler. » alors elle s'écria : « Cook, augmentez la lumière. » On s'empressa de lui obéir, et chacun put voir la figure de Katie King, brillamment éclairée ; elle avait une figure jeune, jolie, heureuse, des yeux vifs quelque peu malicieux. Son visage n'était plus mat et indéterminé, comme lors de sa première apparition, le 22 avril, parce que, disait Katie : « Je sais mieux comment il faut faire.» Lorsqu'on vit apparaître la figure de Katie, en pleine lumière, ses joues semblaient colorées naturellement ; tous les assistants s'écrièrent : « Nous vous voyons parfaitement à présent. » Katie témoigna sa joie, en avançant son bras hors du rideau et en frappant contre le mur avec un éventail qu'elle avait trouvé à sa portée. »
Les séances continuèrent avec succès. Les forces de Katie King s'augmentèrent de plus en plus, mais pendant longtemps elle ne permit qu'une faible lumière pendant qu'elle se matérialisait. Sa tête était toujours entourée de voiles blancs, parce qu'elle ne la formait pas d'une manière complète afin d'user moins de fluide et de ne pas fatiguer le médium. Après un bon nombre de séances, Katie réussit à montrer, en pleine lumière, sa figure découverte, ses bras et ses mains.
À cette époque, miss Cook était presque toujours éveillée pendant la présence de l'Esprit ; mais quelquefois, quand le temps était mauvais, ou que d'autres conditions étaient défavorables, miss Cook s'endormait sous l'influence spirite, ce qui augmentait le pouvoir, et empêchait l'activité mentale du médium de troubler l'action des forces magnétiques. Dans la suite, Katie ne parut plus sans que le médium fût entrancé. Quelques séances eurent lieu pour obtenir l'apparition d'autres Esprits ; mais on dut faire ces séances avec très peu de lumière et elles furent moins parfaites que celles où Katie se montrait ; cependant on constata l'apparition de figures connues dont l'authenticité fut bien prouvée. Nous verrons tout à l'heure le témoignage de Mme Florence Marryat, l'écrivain bien connue.
Dans une séance qui eut lieu le 20 janvier 1873, à Hackney, sa figure se transforma, et de blanche elle devint noire, en quelques secondes ; cela eut lieu plusieurs fois de suite pour montrer que ses mains n'étaient pas mues mécaniquement, elle fit une couture au rideau qui s'était déchiré. Dans une autre séance, le 12 mars et au même endroit, les mains de miss Cook furent attachées avec des liens sur lesquels on apposait des cachets de cire. Katie King se montra alors, à une certaine distance, en avant du rideau, les mains complètement libres.
On le voit, ce n'est qu'à la suite de longues expériences, très imparfaites d'abord, et se complétant successivement, que l'esprit de Katie King acquit le développement qui lui permit de se manifester librement, en pleine lumière, sous une forme humaine, en dehors et en avant du cabinet noir, devant un cercle de spectateurs émerveillés.
À partir de ce moment, des contrôles très sévères furent organisés et c'est après avoir étudié avec toute la rigueur possible que M. Benjamin Coleman, le docteur Gully, le docteur Sexton, proclamèrent la réalité de ces manifestations transcendantes. Plusieurs photographies de Katie King furent prises à la lumière du magnésium : elle était complètement matérialisée, debout, dans la salle, dans des conditions de contrôle très sévères. Dès les débuts de la médiumnité de miss Cook, M. Ch. Blackburn, de Manchester, avec une sage libéralité, lui fit une donation importante qui assura sont existence ; il agit ainsi pour l'avancement de la science. Toutes les séances de miss Cook furent données gratuitement.
PREMIÈRES PHOTOGRAPHIES DE KATIE KING
Au printemps de 1873, plusieurs séances avaient eu lieu dans le but d'obtenir des photographies de Katie King. Le 7 mai, quatre photographies furent prises avec succès ; l'une d'elles a été reproduite par la gravure.
M. Harrison nous dit que, dans la photographie, les traits sont plus fins et plus beaux et qu'il y a une expression de dignité dans la physionomie quasi-éthérée, que rend mal la reproduction de la gravure qui a été éditée.
Les expériences photographiques sont bien décrites dans le procès-verbal ci-dessous, qui a été dressé après une séance et signé des noms suivants : Amélia Corner, Caroline Corner, M. Luxmore, G. Tapp et W. Harrison. Voici les précautions qui avaient été prises au commencement de la séance. Mme Corner et sa fille avaient accompagné miss Cook dans sa chambre où elles l'avaient priée de se déshabiller, pour bien examiner ses vêtements. On lui fit mettre un grand manteau en drap gris, en place de sa robe qu'elle avait retirée, puis elle fut conduite à la salle des séances ; ses poignets furent attachés solidement avec du ruban en fil. Les nœuds furent examinés par l'assistance, et des cachets furent posés sur les bouts du ruban. Le cabinet fut examiné dans tous les sens puis miss Cook s'y assit. Le ruban qui la liait fut passé dans un anneau fixé au parquet, puis sous le châle, et le bout fut attaché à une chaise placée en dehors du cabinet ; de cette façon, si le médium eût bougé, on eût pu s'en apercevoir de suite.
La séance commença à six heures du soir et dura deux heures environ, avec un intervalle d'une demi-heure. Le médium s'endormit aussitôt qu'il fut installé dans le cabinet et quelques instants après Katie parut et s'avança dans la chambre. Mme Cook assistait aussi à la séance avec ses deux jeunes enfants, qui s'amusaient beaucoup à causer avec l'Esprit.
Katie était vêtue de blanc ; ce soir-là sa robe était décolletée et ses manches fort courtes, de sorte qu'on pouvait admirer son cou merveilleux et ses beaux bras. Sa coiffure même, qui lui serrait toujours la tête, était légèrement repoussée et laissait voir ses cheveux châtains. Ses yeux étaient grands et brillants, de couleur grise ou bleu foncé. Elle avait le teint clair et rose, ses lèvres étaient colorées, elle paraissait très vivante. Voyant notre plaisir à la contempler ainsi devant nous, Katie redoubla ses efforts pour nous permettre d'avoir une bonne séance. Puis, quand elle cessa de poser devant l'appareil, elle se promena, causant avec tout le monde, critiquant les assistants, le photographe et ses arrangements, tout à son aise. Peu à peu, elle s'avança plus près de nous, s'enhardissant davantage. Katie s'appuya sur l'épaule de M. Luxmore pendant qu'on la photographiait ; elle tint même la lampe une fois pour mieux éclairer son visage.
Elle permit à M. Luxmore et à Mme Corner de passer leurs mains sur sa robe pour s'assurer qu'elle ne portait qu'un vêtement. Puis Katie s'amusa à taquiner M. Luxmore ; elle lui tapa sur les joues, lui tira les cheveux et prit son lorgnon pour regarder les personnes dans la salle. Les photographies furent prises à la lumière du magnésium ; le reste du temps l'éclairage consistait en une bougie et une petite lampe. Lorsqu'on emporta la plaque pour la développer, Katie courut quelques pas derrière M. Harrison pour le voir développer.
Une chose curieuse se passa aussi ce soir-là ; au moment où Katie se reposait devant le cabinet, en attendant de poser on vit paraître à l'ouverture supérieure un grand bras d'homme, nu jusqu'à l'épaule et qui agitait les doigts. Katie se retourna, fit des reproches à l'intrus, disant que c'était très mal à un autre Esprit de venir déranger tout quand elle posait pour son portrait, et lui ordonna de se retirer au plus vite. Vers la fin de la séance, Katie déclara que ses forces s'en allaient, qu'elle était en train de fondre. Son pouvoir était tellement affaibli, que la lumière qui pénétrait dans le cabinet où elle s'était retirée sembla la dissoudre ; on la vit alors s'affaisser, n'ayant plus de corps du tout et son cou touchant le sol. Le médium était toujours attaché comme au commencement.
Nous appelons tout particulièrement l'attention du lecteur sur ce détail, qui montre avec évidence que l'apparition n'est pas un mannequin apprêté, ni le médium déguisé. Voici, sur ce point, un autre témoignage aussi démonstratif : c'est celui de Mme Florence Marryat .
« On demanda un jour à Katie King pourquoi elle ne pouvait pas se montrer avec une lumière plus forte. (Elle ne permettait qu'un seul bec de gaz et encore fallait-il le baisser beaucoup). La question sembla l'irriter énormément : elle nous fit la réponse suivante : « Je vous ai souvent déclaré que je ne pouvais subir l'intensité d'une grande lumière. Je ne sais pas pourquoi cela m'est impossible et si vous doutez de mes paroles, allumez partout, et vous verrez ce qui arrivera. Je vous préviens seulement que si vous me mettez à l'épreuve, je ne pourrai pas reparaître devant vous ; ainsi choisissez. »
« Les personnes présentes se consultèrent, on décida de tenter l'expérience afin de voir ce qui adviendrait. Nous voulions trancher définitivement la question de savoir si le plus ou moins d'éclairage gênait le phénomène de matérialisation. Katie fut avisée de notre décision et consentit à faire l'essai. Nous sûmes plus tard que nous lui avions causé une grande souffrance.
« L'Esprit Katie se plaça debout devant le mur du salon et elle étendit les bras en croix en attendant sa dissolution. On alluma les trois becs de gaz. (La chambre mesurait seize pieds carrés environ.)
« L'effet produit sur Katie King fut extraordinaire. Elle ne résista qu'un instant, puis nous la vîmes fondre sous nos yeux, tout comme une poupée de cire devant un grand feu. D'abord ses traits s'effacèrent, on ne les distinguait plus. Les yeux s'enfoncèrent dans les orbites, le nez disparut, le front sembla rentrer dans la tête. Puis les membres cédèrent et tout son corps s'affaissa comme un édifice qui s'écroule. Il ne resta plus que sa tête sur le tapis, puis un peu de draperie blanche qui disparut comme si on eût subitement tiré dessus : nous restâmes quelques instants les yeux fixés sur l'endroit où Katie avait cessé de paraître. Ainsi se termina cette séance mémorable. »
L'esprit, avec l'exercice, prit davantage de force puisque William Crookes put faire ensuite plus de quarante clichés au moyen de la lumière électrique. Nous venons de constater qu'un esprit avait essayé de se matérialiser en même temps que Katie. C'est qu'en effet cet esprit n'était pas le seul qui se montrât.
Voici encore une attestation de Mme Marryat qui reconnut une déformation caractéristique de la lèvre de sa fille, sur une apparition qu'elle tenait dans ses bras. Écoutons son récit.
« La séance eut lieu dans une très petite salle de l'association ; elle ne contenait aucun meuble, ni tapis. Trois chaises cannées furent placées dans la pièce pour nous permettre de nous asseoir. Dans un coin, On suspendit un vieux châle noir Pour former le cabinet nécessaire. on y mit un coussin pour que miss Cook pût y appuyer sa tête.
« Miss Florence Cook est une petite brunette, mince, aux yeux noirs, aux cheveux bouclés ; elle était vêtue d'une robe grise de mérinos, garnie de rubans cerise. Elle m'informa avant de commencer la séance, que depuis quelque temps elle était énervée pendant ses transes, et qu'il lui arrivait de venir endormie dans la salle. Elle me pria donc de bien la gronder si pareille chose se renouvelait et lui ordonner de retourner à sa place, comme si elle n'était qu'un enfant ; je promis de le faire, et là-dessus miss Cook s'assit par terre, derrière le châle noir qui formait rideau. Nous pouvions voir la robe grise du médium, car le châle n'arrivait pas jusqu'à terre. Le gaz fut baissé et nous prîmes place sur les trois chaises cannées.
Tout d'abord le médium semblait mal à l'aise. Il se plaignait d'être maltraité ; après quelques instants le châle fut agité et nous vîmes une main paraître et disparaître, se retirer plusieurs fois de suite. Puis une forme apparut, se traînant sur les genoux, Pour passer sous le châle, et, finalement, elle se dressa de toute sa hauteur. La lumière était insuffisante pour reconnaître les traits. M. Harrison demanda si nous étions en présence de Mme Stewart ? L'Esprit secoua la tête. « Qui cela peut-il être ? » demandai-je à M. Harrison.
- Ne me reconnaissez-vous pas, ma mère ? »
« Je voulus m'élancer vers elle, mais elle me dit : « Restez à votre place, et j'irai près de vous. » Un instant après Florence vint s'asseoir sur mes genoux. Elle avait les cheveux longs et flottants, ses bras étaient nus ainsi que ses pieds. Sa robe n'avait aucune forme, on eût dit qu'elle s'était enveloppée de quelques mètres de mousseline ; par extraordinaire, cet Esprit ne portait pas de coiffure, sa tête était nue.
- Florence, ma chérie, m'écriai-je, est ce vraiment toi ?
- Faites plus de lumière, répondit-elle, et regardez ma bouche.
« Nous vîmes alors, distinctement, sa lèvre déformée comme à sa naissance, cependant les médecins qui l'avaient vue alors avaient déclaré que le cas était fort rare. Mon enfant n'avait vécu que quelques jours. Elle semblait avoir 17 ans ».
« En voyant cette preuve indéniable d'identité, je fondis en larmes, sans pouvoir dire un mot. »
« Miss Cook s'agitait beaucoup derrière le châle ; puis, tout à coup, elle s'élança vers nous en s'écriant : « C'est trop, je n'en puis plus. »
« Nous la vîmes donc dehors en même temps que l'esprit de ma fille qui était sur mes genoux, mais ceci ne dura qu'un court instant, la forme que je tenais s'élança vers le cabinet et disparut. Alors, je me rappelai que miss Cook m'avait priée de la gronder si elle se promenait, et je lui fis des reproches sévères. Elle retourna à sa place, derrière le rideau, et aussitôt l'Esprit revint vers moi, en disant : « Ne la laissez pas revenir, elle me fait des peurs terribles.»
« Je m'écriai alors : « Mais Florence, dans ce monde, nous autres mortels nous avons peur des apparitions et, ce semble, vous avez peur de votre médium. »
« J'ai peur qu'elle me fasse partir », répondit-elle. Cependant miss Cook ne se dérangea plus et Florence resta avec nous un peu plus de temps. Elle jeta ses bras autour de mon cou et m'embrassa plusieurs fois. À cette époque j'étais fort tourmentée. Florence me dit que si elle avait pu paraître ainsi marquée devant moi, c'était pour bien me convaincre des vérités du Spiritisme et que j'y trouverais des sources de consolation.
« Quelquefois vous doutez, ma mère, dit-elle, et vous croyez que vos yeux et vos oreilles vous ont trompée ; il ne faut plus jamais douter et ne croyez pas que je suis défigurée en Esprit. J'ai pris cette marque ce soir pour mieux vous convaincre. Rappelez-vous que je suis toujours avec vous. »
« Je ne pouvais parler tant j'étais émotionnée, en pensant que je tenais dans mes bras l'enfant que j'avais déposée dans un cercueil, qui n'était pas morte et anéantie, mais devenue une jeune femme à présent. Je restai muette, mes bras passés autour d'elle, mon cœur battant contre le sien, puis le pouvoir diminua ; Florence me donna un dernier baiser et me laissa stupéfaite et émerveillée de ce qui s'était passé. »
Mme Florence Marryat ajoute qu'elle a revu cet Esprit plusieurs fois, en d'autres séances et avec différents médiums ; elle en reçût de fort bons conseils.
On conçoit aisément que des phénomènes aussi extraordinaires furent niés avec acharnement par les incrédules. Des polémiques ardentes s'élevèrent, même entre Spirites et il ne fallut pas moins que les expériences et les affirmations de William Crookes pour confirmer l'authenticité absolue de Katie King. Nous renvoyons le lecteur à Son ouvrage, mais nous devons spécialement signaler que Katie est bien un être anatomiquement semblable à un être vivant.
LES EXPÉRIENCES DE CROOKES
Les travaux du grand savant anglais sont particulièrement intéressants au point de vue qui nous occupe . Aussi nous reproduisons une petite partie de son récit, car il est tout à fait démonstratif ; il nous montrera un Esprit si bien matérialisé, qu'on ne saurait le distinguer d'une personne ordinaire.
Cette remarquable expérience établit pertinemment que le périsprit reproduit, non seulement l'extérieur d'une personne, mais aussi toutes les parties internes de son corps.
«Une des photographies les plus intéressantes est celle où je suis debout à côté de Katie : elle a son pied nu sur un point particulier du plancher. J'habillai ensuite Melle Cook comme Katie ; elle et moi nous nous plaçâmes exactement dans la même position, et nous fûmes photographiés par les mêmes objectifs, placés absolument comme dans l'autre expérience, et éclairés par la même lumière. Lorsque ces deux dessins sont placés l'un sur l'autre, les deux photographies de moi coïncident exactement quant à la taille, etc., mais Katie est plus grande d'une demi-tête que Melle Cook et, auprès d'elle, elle semble une grosse femme. Dans beaucoup d'épreuves, la largeur de son visage et la grosseur de son corps diffèrent essentiellement de son médium, et les photographies font voir plusieurs autres points de dissemblance... »
Ceci répond à cette objection souvent faite que, dans les séances spirites, les apparitions qu'on photographie sont dues à des dédoublements du médium. Continuons.
« J'ai si bien vu Katie récemment, lorsqu'elle était éclairée par la lumière électrique, qu'il m'est possible d'ajouter quelques traits aux différences que, dans un précédent article, j'ai établies entre elle et son médium. J'ai la certitude la plus absolue que Melle Cook et Katie sont deux individualités distinctes, du moins en ce qui concerne leurs corps. Plusieurs petites marques qui se trouvent sur le visage de Melle Cook font défaut sur celui de Katie. La chevelure de Melle Cook est d'un brun si foncé qu'elle parait presque noire ! Une boucle de celle de Katie qui est là sous mes yeux, et qu'elle m'avait permis de couper au milieu de ses tresses luxuriantes, après l'avoir suivie de mes propres doigts jusque sur le haut de la tête et m'être assuré qu'elle y avait bien poussé, est d'un riche châtain doré.
« Un soir je comptais les pulsations de Katie, son pouls battait régulièrement 75, tandis que celui de Melle Cook, peu d'instants après, atteignit 90, son chiffre habituel. En appuyant mon oreille sur la poitrine de Katie, je pouvais entendre son cœur battre à l'intérieur, et ses pulsations étaient encore plus régulières que celles du cœur de Melle Cook lorsque, après la séance, elle me permettait la même expérience. Éprouvés de la même manière, les poumons de Katie se montrèrent plus sain que ceux de son médium, car, au moment où je fis mon expérience, Melle Cook suivait un traitement médical pour un gros rhume. »
Nous avons assisté aux premières manifestations de Katie King, voici la dernière fois où elle parut. Parmi les spectateurs étaient Mme Florence Marryat, M. Tapp, William Crookes et la fille de service Mary .
LA DERNIÈRE SÉANCE
À 7 heures 23 minutes du soir, M. Crookes conduisit miss Cook dans le cabinet obscur, où elle s'étendit sur le sol, la tête appuyée sur un coussin. À 7 heures 28 minutes, Katie parla pour la première fois, et à 7 heures 30 elle se montra en dehors du rideau et dans toute sa forme. Elle était vêtue de blanc, les manches courtes, et le cou nu. Elle avait de longs cheveux châtain clair, de couleur doré, tombant en boucles des deux côtés de la tête et le long du dos jusqu'à la taille. Elle portait un long voile blanc qui ne fut abaissé qu'une ou deux fois sur son visage pendant la séance.
Le médium avait une robe bleu clair en mérinos. Pendant presque toute la séance, Katie resta debout devant eux ; le rideau du cabinet était écarté et tous pouvaient voir distinctement le médium endormi, ayant le visage couvert d'un châle rouge, pour le soustraire à la lumière. Elle n'avait pas quitté sa première position depuis le commencement de la séance durant laquelle la lumière répandait une vive clarté. Katie parla de son départ prochain et accepta un bouquet que M. Tapp lui avait apporté, ainsi que quelques lis attachés ensemble et offerts par M. Crookes. Katie invita M. Tapp à délier le bouquet et à poser les fleurs devant elle sur le plancher ; elle s'assit alors à la manière turque et nous pria tous d'en faire autant autour d'elle. Alors elle partagea les fleurs et en fit un petit bouquet, qu'elle entoura d'un ruban bleu.
Elle écrivit aussi des lettres d'adieu à quelques-uns de ses amis en les signant Annie Owen Morgan, et en disant que c'était son vrai nom pendant sa vie terrestre. Elle écrivit également une lettre à son médium, et choisit pour ce dernier un bouton de rose comme cadeau d'adieu. Katie prit alors des ciseaux, coupa une mèche de ses cheveux et nous en donna à tous une large part. Elle prit ensuite le bras de M. Crookes, fit le tour de la chambre et serra la main de chacun. Katie s'assit de nouveau, coupa plusieurs morceaux de sa robe et de son voile dont elle fit des cadeaux. Voyant de si grands trous à sa robe et pendant qu'elle était assise entre M. Crookes et M. Tapp, on lui demanda si elle pourrait réparer le dommage, ainsi qu'elle l'avait fait en d'autres occasions. Elle présenta alors la partie coupée à la clarté de la lumière, frappa un coup dessus, et à l'instant cette partie fut aussi nette et aussi complète qu'auparavant. Ceux qui étaient auprès d'elle examinèrent et touchèrent l'étoffe avec sa permission; ils affirmèrent qu'il n'existait ni trou ni couture, ni aucune partie rapportée, là où un instant auparavant ils avaient vu des trous de plusieurs pouces de diamètre.
Elle donna ensuite ses dernières instructions à M. Crookes et aux autres amis sur la conduite à tenir touchant les manifestations ultérieures, promises par elle au moyen de son médium. Ces instructions furent notées avec soin et remises à M. Crookes. Elle parut alors fatiguée et disait tristement qu'elle désirait s'en aller, que sa force disparaissait ; elle réitéra à tous ses adieux de la manière la plus affectueuse. Les assistants la remercièrent pour les manifestations merveilleuses qu'elle leur avait accordées.
Tandis qu'elle dirigeait vers ses amis un dernier regard grave et pensif, elle laissa tomber le rideau et devint invisible. On l'entendit réveiller le médium qui la pria, en versant des larmes de rester encore un peu ; mais Katie lui dit : « Ma chère, je ne puis. Ma mission est accomplie, que Dieu te bénisse ! » et nous entendîmes le son de son baiser d'adieu. Le médium se présenta alors au milieu de nous, entièrement épuisé et profondément consterné.
On voit combien miss Cook, rétive à l'origine, s'était attachée à son invisible amie. Katie disait qu'elle ne pourrait désormais ni parler ni montrer son visage ; qu'en accomplissant pendant trois ans ces manifestations physiques, elle avait passé une vie bien pénible pour expier ses fautes ; qu'elle était résolue à s'élever désormais à un degré supérieur de la vie spirituelle; que ce ne serait qu'à de longs intervalles qu'elle pourrait correspondre par écrit avec son médium, mais que ce médium pourrait toujours la voir au moyen de la lucidité magnétique .
LE CAS DE Mme LIVERMORE
Les apparitions de Katie King ont été si nombreuses et si souvent observées qu'il n'est pas possible de douter un instant que ce soit un Esprit qui se manifestait ainsi ; mais comme elle déclarait avoir vécu jadis sous le nom d'Annie Morgan, sous Charles ler, il n'était pas possible de vérifier son identité. Nous avons constaté que Florence, la fille de Mme Marryat, s'est fait reconnaître grâce à un signe particulier de la lèvre ; nous allons voir, d'après M. Aksakof , qu'il serait impossible de trouver un cas plus concluant, plus parfait comme preuve d'identité de l'apparition d'une forme matérialisée, que celui que nous présente le cas d'« Estelle » décédée en 1860, à son mari, M. Livermore.
Cette observation réunit toutes les conditions pour devenir classique ; elle répond à toutes les exigences de la critique. On peut en trouver le récit détaillé dans The Spiritual Magazine de 1861, dans des articles de M. B. Coleman, qui en tenait tous les détails directement de M. Livermore (ils ont été ensuite publiés sous forme d'une brochure intitulée : Spiritualism in America, Londres, 1861) et enfin dans l'ouvrage de Dale Owen, Debetable Land, qui en a emprunté les détails au manuscrit de M. Livermore.
La matérialisation de la même figure a continué pendant cinq ans, de 1861 à 1866, durant lesquels M. Livermore a eu 388 séances avec le médium Kate Fox, et dont les détails ont été enregistrés par M. Livermore dans un journal. Elles ont eu lieu dans une complète obscurité. M. Livermore était, le plus souvent, seul avec le médium dont il tenait les deux mains pendant toute la séance. Le médium était tout le temps dans son état normal et témoin conscient de tout ce qui se passait.
La matérialisation visible de la figure d'Estelle fut graduelle ; ce n'est qu'à la quarante-troisième séance que son mari put la reconnaître, au moyen d'un éclairage intense, de source mystérieuse, dépendant du phénomène, et généralement sous la direction d'une autre figure qui accompagnait Estelle et l'aidait dans ses manifestations. Cette deuxième apparition se donnait le nom de Franklin.
Depuis lors, l'apparition d'Estelle devint de plus en plus parfaite et put supporter même la lumière d'une lanterne apportée par M. Livermore. Heureusement pour l'appréciation du fait, la figure ne pût parler, sauf quelques mots qu'elle prononça, et tout le côté intellectuel de la manifestation dut revêtir une forme qui laissa des traces à jamais persistantes. Il s'agit des communications excessivement nombreuses écrites par Estelle elle-même ; elles furent toutes, au nombre d'une centaine, reçues sur des cartes que M. Livermore apportait et marquait lui-même; pendant que cette apparition écrivait, M. Livermore, tenant les mains de Kate Fox, pouvait voir parfaitement la main et toute la figure de celle qui écrivait.
L'écriture de ces communications est une parfaite reproduction de l'écriture de Mme Livermore vivante. Dans une lettre de M. Livermore à M. B. Coleman de Londres, dont il avait fait la connaissance en Amérique, nous lisons : « Nous venons enfin d'obtenir des lettres datées. La première de ce genre, du vendredi 3 mai 1861, était écrite très soigneusement et très correctement, et l'identité de l'écriture de ma femme a pu être établie d'une façon catégorique par des comparaisons minutieuses ; le style et l'écriture de « l'esprit » sont pour moi des preuves positives de l'identité de l'auteur, même si on laisse de côté les autres preuves encore plus concluantes que j'ai obtenues ». Plus tard, dans une autre lettre, M. Livermore ajoute : « Son identité a été établie de façon à ne laisser subsister aucun doute : d'abord par son apparence, ensuite par son écriture, et enfin par son individualité mentale, sans parler de nombreuses autres preuves qui seraient concluantes dans les cas ordinaires, mais dont je n'ai pas tenu compte, sauf comme preuves à l'appui ».
Le témoignage de M. Coleman confirme celui de M. Livermore, et des spécimens de l'écriture d'Estelle de son vivant, et après sa mort ont été publiés dans le Spiritual Magazine en 1861. L'écriture est certainement une preuve absolue et tout à fait concluante de l'identité de l'être qui se matérialise, car c'est une sorte de photographie de la personnalité, dont elle a toujours été considérée comme l'expression fidèle et constante. Outre cette preuve matérielle et intellectuelle, nous en trouvons encore une autre dans plusieurs communications écrites par Estelle en français, langue complètement inconnue du médium. Voici à ce sujet le témoignage décisif de M. Livermore : « Une carte que j'avais apportée moi-même fut enlevée de ma main et, après quelques instants, elle me fut visiblement rendue. J'y lus un message admirablement écrit en pur français. Ma femme connaissait très bien le français ; elle l'écrivait et le parlait correctement, tandis que miss Fox n'en avait pas la moindre notion ».
M. Aksakof, si difficile en fait de preuves, écrit :
« Nous trouvons ici une double preuve d'identité, elle est constatée non seulement par l'écriture en tous point semblable à celle du défunt, mais encore dans une langue inconnue du médium. Le cas est extrêmement important et présente à nos yeux une preuve d'identité absolue ».
La cessation des manifestations d'Estelle par la voie de la matérialisation présente un rapprochement remarquable avec la fin des apparitions de Katie. Nous lisons dans Owen :
« C'est à la séance n° 388, le 2 avril 1866, que la forme d'Estelle apparut pour la dernière fois. De ce jour, M. Livermore n'a plus revu la figure bien connue de lui, quoiqu'il en ait reçu jusqu'au moment où j'écris (1871), de nombreux messages pleins de sympathie et d'affection. »
Il nous paraît bien établi que l'immortalité ressort avec une complète évidence de ces manifestations suggestives. Les théories les plus osées ne pourront lutter contre des faits de cette nature, qui nous assurent à eux seuls cette vie d'Outre-tombe, dont l'existence était rendue plus que probable par tous les autres genres de communications entre les hommes et les Esprits.
RÉSUMÉ
Dans le trop court exposé que nous venons de mettre sous les yeux du lecteur, nous n'avons pu reproduire qu'un seul récit concernant chacun des cas particuliers que nous aurions voulu énumérer en plus grand nombre. Il est d'ailleurs facile de consulter les ouvrages cités, et de se convaincre que la quantité de témoignages authentiques, relatant des faits d'apparitions de vivants ou de morts, est considérable. La plupart émanent de personnes absolument dignes de foi, n'ayant aucun intérêt à tromper, et la véracité de ces affirmations a de plus été contrôlée, avec tout le soin possible, par des hommes savants, prudents et impartiaux; mais en supposant même que quelques-uns de ces rapports soient faux, d'autres inexactement reproduits, il en reste un nombre suffisant (plusieurs centaines) pour établir LA CERTITUDE DU DÉDOUBLEMENT DE L'ÊTRE HUMAIN ET DE LA SURVIVANCE DE L'ÂME APRÈS LA MORT.
Il nous a été facile de constater, dans presque toutes les narrations, que le corps dormait pendant que l'esprit manifestait au loin sa présence. La réalité de l'âme, c'est-à-dire du moi pensant et volontaire, en même temps que son individualité distincte du corps, s'affirment comme des corollaires obligés du phénomène de dédoublement.
Nous avons observé, en effet, par des témoignages précis comme ceux de Varley, du jeune graveur cité par le Dr Gibier et par les cas de Newnham et de Sophie, que pendant le sommeil, l'âme humaine peut se dégager et manifester son autonomie ; elle est donc distincte de l'organisme matériel et il est impossible d'expliquer ces phénomènes psychologiques par une action du cerveau, puisque le sommeil est, suivant la science, caractérisé par la disparition de l'activité psychique .
Ce moi qui se déplace n'est pas une substance incorporelle, c'est un être bien défini, qui a une enveloppe reproduisant les traits du corps; et lorsqu'il se fait voir, c'est grâce à cette identité absolue avec l'enveloppe charnelle qu'on peut le reconnaître.
Le degré de matérialité du périsprit est variable; tantôt c'est un simple brouillard blanc qui dessine les traits en les atténuant ; d'autres fois, il a des contours très nets et semble un portrait animé ; enfin il arrive aussi qu'il se montre avec tous les caractères de la réalité, et l'on constate qu'il a suffisamment de tangibilité pour exercer des actions physiques sur la matière inerte, et pour déceler l'existence d'un organisme interne semblable à celui d'un individu vivant.
La distance qui sépare le corps de son âme n'influe en rien sur l'intensité des manifestations. Nous en avons vu plusieurs exemples tout à fait probants.
Cette enveloppe de l'âme, qui n'accuse son existence distincte du corps que dans des circonstances assez rares, s'y trouve cependant à l'état normal, comme l'indiquent les expériences sur l'extériorisation de la sensibilité, et l'action des médicaments à distance. D'ailleurs, la certitude de la coexistence du corps et du périsprit résulte de la survivance de ce dernier à la destruction de l'enveloppe charnelle. Cette immortalité est établie par des expériences variées, offrant toutes des caractères qui imposent la conviction.
Les apparitions de morts ou de vivants sont identiques : elles agissent de la même façon, elles produisent les mêmes effets, donc la cause à laquelle elles sont dues est la même : c'est l'âme dégagée du corps. Il faut noter qu'il ne pourrait en être autrement, puisque, dans les deux cas elle est libérée de sa prison charnelle.
Si donc nous découvrons, dans les apparitions des morts, des caractères qui n'avaient pas été mis en évidence dans les apparitions de personnes vivantes, nous pourrons conclure légitimement que le double humain les possède aussi.
La continuité qui existe entre tous les phénomènes de la nature nous permettra de saisir la liaison qui existe entre les manifestations de l'âme produites par son action à distance, et celles qui sont dues à sa sortie du corps. Transmission de pensée ; télépathie ; extériorisation partielle ; dédoublement, sont des phénomènes qui forment une chaîne ininterrompue, une gradation des pouvoirs animiques.
Les circonstances qui accompagnent les apparitions de vivants sont, en général, suffisamment démonstratives par elles-mêmes, pour établir l'objectivité du fantôme. Nous avons mis en évidence ce caractère dans tous les cas cités, mais il n'a pas été possible d'en donner des preuves absolues, ces phénomènes, par leur rareté, leur spontanéité, s'opposant à toute enquête méthodique. Il n'en va pas de même lorsque ces apparitions se produisent dans les séances spirites, où elles sont sollicitées. Là on s'attend à le voir se produire et toutes les précautions sont prises pour en vérifier soigneusement l'objectivité.
La photographie est un des plus sûrs garants que nous puissions fournir. Si, à la rigueur, il est possible d'admettre, pour expliquer les apparitions, une hallucination agissant sur des cerveaux prédisposés, cette explication tombe à plat devant la réalité brutale qui s'inscrit sur la couche collodionnée ; ici, pas d'illusion possible ; le phénomène accuse sa réalité en laissant une trace indéniable sur la couche sensible. Or nous avons photographié le corps fluidique pendant la vie et après la mort, ce qui nous donne cette certitude absolue que l'âme existe toujours, aussi bien sur la terre que dans l'espace.
D'ailleurs, la continuité de l'être se décèle bien clairement par le fait des apparitions suivant la mort de quelques heures. Tout se passe Comme si l'individu qui apparaît était encore vivant ; le périsprit qui vient de quitter le corps en retrace fidèlement, non seulement l'image, mais encore la configuration physique, qui se décèle par les empreintes laissées sur du papier noirci et par des moulages ! Quelle découverte merveilleuse que cette possibilité de se convaincre, par des témoignages matériels, de la survivance intégrale de l'être pensant !
Nous voyons enfin, dans les expériences de Crookes, que l'esprit matérialisé est en tout point un être qui vit, temporairement, comme s'il était né sur la terre. Son cœur bat, ses poumons fonctionnent, il va et vient, cause, donne une mèche de ses cheveux. Son périsprit a donc en lui tout ce qu'il faut pour créer tous ces organes, avec la force et la matière empruntées au médium ; c'est l'épanouissement complet du phénomène, que nous avons vu ébauché seulement par les apparitions parlantes .
Que les savants officiels ferment les yeux, que la presse fasse obstinément le silence sur ces faits remarquables, cela n'empêchera pas la vérité d'éclater aux yeux des gens non prévenus. Cette démonstration matérielle de la survivance a une importance capitale pour l'avenir de l'humanité. Personne ne pourra détruire le faisceau de preuves que nous apportons. Tôt ou tard, il faudra que les plus orgueilleux s'inclinent devant l'évidence, et reconnaissent que les spirites, si raillés, ont cependant doté la science de la plus grande et de la plus féconde découverte qui ait jamais été faite sur la terre.
CONCLUSION
Il nous paraît donc établi par l'observation et l'expérience que :
1° L'être humain peut se dédoubler en deux parties : le corps et l'âme ;
2° L'âme, en se séparant du corps, en reproduit identiquement l'image ;
3° Les manifestations animiques sont indépendantes du corps physique ; pendant le dégagement, quand l'âme est totalement extériorisée, le corps n'est plus qu'une masse inerte ;
4° L'apparition peut présenter tous les degrés de matérialité, depuis une simple apparence jusqu'à une réalité concrète qui lui permet de marcher de parler et d'agir sur la matière brute ;
5° La forme fluidique de l'âme peut être photographiée ;
6° La forme fluidique de l'âme, durant la vie ou après la mort, peut laisser des empreintes ou des moulages ;
7° Pendant la vie, l'âme peut percevoir des sensations en dehors des organes des sens ;
8° La forme fluidique reproduit non seulement l'extérieur, mais aussi toute la constitution interne de l'être ;
9° La mort n'a pas détruit l'âme ; elle persiste avec toutes ses facultés psychiques et avec un organisme physique, visible et impondérable, qui possède à l'état latent toutes les lois biologiques de l'être humain.
LES CONSÉQUENCES
Que faut-il conclure de tous ces faits ? En premier lieu, nous sommes contraints d'admettre que le corps et l'âme sont deux entités absolument distinctes, pouvant se séparer, chacune d'elles offrant des caractères non équivoques de substantialité. Nous devons observer encore que l'organisme physique n'est qu'une enveloppe qui devient inerte, aussitôt que le principe pensant s'en sépare. La partie sensible, intelligente, volontaire de l'homme réside dans le double, et se montre comme la cause de la vie psychique. Dès lors est-il rationnel d'imaginer, pour expliquer les phénomènes spirites, d'autres facteurs que l'âme humaine ?
Évidemment non, et toutes les théories qui font intervenir des êtres imaginaires : démons, élémentals, élémentaires, eggrégores, idées collectives, ne peuvent soutenir l'examen des faits, ni rendre compte des phénomènes observés. Dans le cas où l'esprit d'un vivant se manifeste d'une manière quelconque, il nous est possible de remonter de l'effet à la cause et d'en découvrir la raison efficiente ; c'est bien la psyché humaine, en sortie temporaire hors des limites de son organisme.
Nous savons qu'elle puise dans le corps matériel la force nécessaire à ses manifestations ; que cette âme vienne à quitter définitivement son corps matériel, elle sera obligée de recourir à un médium Pour trouver chez lui cette énergie indispensable. Ainsi s'expliquent nettement toutes les manifestations. Il y a dans ces faits qui se déroulent en séries parallèles, non seulement une évidente parenté, mais une si grande ressemblance qu'elle atteint à l'identité ; donc la cause, en bonne logique, est nécessairement la même : dans tous les cas, c'est l'âme.
On a si bien senti cette continuité que des incrédules, comme Hartmann, ont tenté d'expliquer tous les faits spirites par l'action incorporelle et inconsciente du médium. Mais les phénomènes, en très grand nombre, ont répondu victorieusement à cette assertion inexacte. Les Esprits ont révélé, par des preuves irrécusables, qu'ils avaient une personnalité tout à fait autonome, et indépendante de celle des assistants. Ils ont démontré péremptoirement leur survivance par une quantité prodigieuse de communications en dehors des connaissances de tous les expérimentateurs . Il leur a été possible d'établir leur identité par leur signature authentique; par des récits qu'eux seuls pouvaient connaître ; par des prédictions concernant l'avenir, lesquelles ont été minutieusement accomplies ; en un mot, l'immortalité a été prouvée scientifiquement.
C'est certainement la plus importante et la plus féconde découverte du XIXe siècle. Arriver à des connaissances positives sur le lendemain de la mort, c'est révolutionner l'humanité tout entière, en donnant à la morale une base scientifique et une sanction naturelle, en dehors de tout credo dogmatique et arbitraire.
Certes, alors même que ces consolantes certitudes auront pénétré dans les masses, l'humanité ne sera pas brusquement changée ; elle ne deviendra pas subitement meilleure, mais elle possédera le plus puissant levier qui existe pour soulever le monceau d'erreurs accumulées depuis six mille ans. Ses instituteurs pourront parler avec autorité des devoirs qui incombent à tout homme venant ici-bas. Ils exposeront devant les yeux des plus récalcitrants les destinées futures, et cette vie d'outre-tombe, à laquelle la majorité ne croit plus, deviendra aussi évidente que la clarté du soleil. Alors, on comprendra que le séjour terrestre n'est qu'une étape dans les destinées de l'homme; qu'il y a quelque chose de plus utile que la satisfaction des appétits matériels, et qu'il faudra, quand même, arriver à réfréner ses passions et à dompter ses vices. Voilà les bienfaits certains que le spiritisme porte dans ses flancs.
Doctrine bénie et émancipatrice, puisse ton rayonnement s'étendre bientôt sur toute la terre pour apporter la certitude à ceux qui doutent, apaiser les douleurs des cœurs brisés par le départ d'être tendrement chéris, et donner, à ceux qui luttent contre les âpretés de la vie, le courage de surmonter les dures nécessités de ce monde encore si barbare.
TROISIEME PARTIE
LE SPIRITISME
ET
LA SCIENCE
CHAPITRE PREMIER
ETUDE DU PERISPRIT
De quoi est formé ce périsprit dont l'existence nous est démontrée pendant la vie et après la mort ? Quelle est la substance qui constitue cette enveloppe permanente de l'âme ? telle est la première question que nous allons chercher à résoudre.
Tous les récits, toutes les expériences citées ne nous ont pas renseignés sur ce point important ; il n'a pas été possible de soumettre ce corps matériel à nos réactifs, force nous est donc, quant à présent, de nous en rapporter à l'observation et à ce que les Esprits nous ont dit à cet égard. D'ailleurs, nous pourrions difficilement trouver de meilleurs instructeurs que ceux qui produisent ces apparitions. N'oublions pas qu'ils mettent en action des lois que nous avons encore à découvrir, car ils ont montré qu'une matière invisible à l’œil pouvait impressionner une plaque photographique, même dans l'obscurité la plus absolue . Les phénomènes d'apports sont une autre preuve de leur action sur la matière, se produisant par des procédés que nous ne soupçonnons pas. Et que dire de ces matérialisations qui engendrent, pour un instant, un être tangible, aussi vivant que les assistants, sinon que la science humaine est radicalement impuissante à expliquer ces manifestations d'une biologie extraterrestre ?
Jusqu'à plus ample informé, nous nous contenterons des renseignements que veulent bien nous donner les individualités de l'espace, et nous tenterons d’établir qu'ils n'ont rien de contraire aux lois connues, non pas prises dans leur acception étroite, mais envisagées dans leur philosophie. Dans ces études, il ne faut pas demander une démonstration en règle, qu'il serait impossible de fournir ; mais si l'on peut, par des analogies tirées des lois naturelles, se faire une idée assez claire de la cause des phénomènes et de leur mode probable de production, un progrès sera fait dans la voie de l'investigation, en bannissant de nos conceptions l'idée du surnaturel.
La connaissance du périsprit a une très grande importance pour l'explication des anomalies que présentent les sujets somnambuliques, dans les cas bien constatés de vue à distance, de télépathie, de transmissions de pensées, et de la perte du souvenir au réveil. De même, les phénomènes de personnalités multiples, les cas de bi corporéité et les apparitions tangibles dont nous avons parlé, peuvent se comprendre fort bien en admettant notre théorie, alors qu'ils sont tout à fait inexplicables par l'enseignement matérialiste.
Les savants officiels observent vis-à-vis de ces faits un mutisme prudent. Si, par le plus grand des hasards, ils parlent de ces expériences, c'est pour les déclarer apocryphes, indignes de fixer l'attention des hommes intelligents et ils les signalent comme les derniers vestiges ataviques des superstitions de nos ancêtres.
Il faudrait cependant, une fois pour toutes, s'entendre à ce sujet. Nous n'ignorons pas qu'on ne peut guère discuter avec le parti pris, et que le spiritisme est aujourd'hui, à peu près, dans la situation où se trouvait le magnétisme il y a une vingtaine d'années. L'histoire est là pour nous montrer l'obstination stupide de ceux qui sont pétrifiés dans leurs idées préconçues. Nous savons à quoi nous en tenir sur la pénétration d'esprit des successeurs de ceux qui croyaient que les pierres taillées étaient produites par le tonnerre ; qui ont nié l'électricité en raillant Galvani ; qui ont honni et persécuté Mesmer ; traité de folie le téléphone et le phonographe, comme d'ailleurs toutes les découvertes nouvelles. Aussi, sans tenir compte de cet ostracisme, plus ou moins sincère, nous exposerons courageusement notre manière de voir, en l'appuyant sur des faits positifs et bien étudiés.
En dépit de toutes les négations possibles, le phénomène spirite est une vérité si bien contrôlée aujourd'hui, qu'il n'y a pas de faits scientifiques mieux établis parmi ceux dont l'observation n'est pas journalière, tels que : la chute des aérolithes, les aurores boréales, les orages magnétiques, la rage, etc.
La science est tenue par ce dilemme : ou bien les spirites sont des charlatans, et tout ce qu'ils annoncent est faux ; alors elle doit les dévoiler, puisqu'elle est chargée de l'instruction du peuple; ou bien les faits observés par les spirites sont réels, mais mal rapportés, et les conclusions qu'on en tire sont erronées : dans ce cas, la science est encore obligée de rectifier ces erreurs. Donc, quelle que soit l'éventualité qu'on envisage, on voit que le silence ou le dédain ne sont pas de mise. C'est pourquoi nous appelons sincèrement l'attention des hommes de bonne foi sur nos théories, qui, bien que fort incomplètes encore, rendent compte d'une manière logique, des différents phénomènes dont nous avons parlé plus haut.
Voici, succinctement, les principes généraux sur lesquels nous nous appuierons. Ce sont ceux d'Allan Kardec, qui a magistralement résumé dans son oeuvre tout l'enseignement des Esprits qui l'instruisaient .
PRINCIPES GÉNÉRAUX
Nous reconnaissons l'existence d'une cause efficiente et directrice de l'univers, c'est la sublime Intelligence qui maintient l'harmonie du cosmos par sa volonté toute puissante, immuable, infinie, éternelle. L'âme, la force et la matière sont également éternelles, elles ne peuvent s'anéantir.
La science établit la conservation de la matière et de l'énergie , elle prouve rigoureusement qu'elles sont indestructibles, mais indéfiniment transformables ; de même le spiritisme établit la certitude de l'immortalité du moi pensant.
Le principe spirituel est la cause de tous les phénomènes intellectuels qui s'accomplissent chez les êtres vivants ; dans l'homme, ce principe devient l'âme. Elle se révèle à l'observation comme absolument distincte de la matière, non seulement parce que les facultés qui la déterminent (telles que la sensation, la pensée ou la volonté) ne peuvent se concevoir revêtues de propriétés physiques, mais surtout parce qu'elle est une cause de mouvement et qu'elle se connaît pleinement, ce qui la différencie de tous les autres êtres vivants, et à plus forte raison des corps bruts.
La nature de l'âme nous est inconnue ; essayer de la définir en disant qu'elle est immatérielle ne signifie rien, à moins que par ce mot, on entende préciser sa différence de constitution avec celle de la matière ; mais quel que soit son mode d'existence, elle se montre simple et identique. Notre ignorance sur la nature de l'âme est d'ailleurs du même ordre, et aussi absolue que celle qui concerne la nature de la matière ou la nature de l'énergie ; nous sommes tout à fait impuissants, quant à présent, à pénétrer les causes premières, il faut donc nous contenter de définir l'âme, la matière et l'énergie par leurs manifestations, sans vouloir rechercher si elles proviendraient les unes des autres, d'une manière quelconque.
L'âme n'est certainement pas la résultante des fonctions vitales du cerveau, puisqu'elle subsiste après la mort du corps. L'analyse de ses facultés établit qu'elle est simple, c'est-à-dire indivisible, et l'expérience spirite confirme cette vérité, en montrant qu'elle maintient, après la mort, sa personnalité intégrale. Le spiritisme qui ne s'appuie que sur les faits, réduit donc au néant toutes les théories qui prétendent que l'âme subit une désagrégation quelconque. Ce que l'on constate, au contraire, c'est l'indestructibilité du principe pensant.
L'âme développe ses facultés par une évolution incessante qui a pour théâtre, alternativement, l'espace et le monde terrestre. A chacun de ses passages, elle acquiert une nouvelle somme de connaissances intellectuelles et morales qu'elle conserve toujours, et qu'elle perfectionne et augmente par une évolution sans fin.
L'âme possède un libre arbitre qui est proportionnel au nombre de ses incarnations, et sa responsabilité dépend de son degré d'avancement moral et intellectuel. De même que le monde physique est régi par des lois immuables, de même le monde spirituel est dirigé par une justice infaillible, de sorte que les lois morales ont une sanction absolue après la mort. Comme l'Univers ne se borne pas à l'imperceptible grain de sable que nous habitons, que l'espace fourmille de soleils et de planètes, en nombre indéfini, nous admettons que les existences futures du principe pensant peuvent se développer sur ces différents systèmes, de sorte que notre existence se perpétue dans l’immensité sans limites.
Comment l'âme peut-elle accomplir ce processus évolutif en conservant son individualité et ses connaissances acquises ? Comment agit-elle sur la matière tangible pendant l'incarnation ? C'est ce que nous avons tenté d'établir dans notre étude sur l'Évolution animique. Ici, nous devons bien comprendre tout d'abord le rôle de chacune des parties qui forment l'homme vivant.
L'ENSEIGNEMENT DES ESPRITS
Si la question de l'homme spirituel est restée si longtemps à l'état hypothétique, c'est que les moyens d'investigation directe manquaient. De même que les sciences n'ont pu se développer sérieusement que depuis les inventions du microscope, du télescope, de l'analyse spectrale et de la photographie, et tout dernièrement de la radiographie, de même l'étude de l'esprit a pris un essor prodigieux avec l'hypnose, et surtout depuis que la médiumnité nous permet de soumettre à l'étude l'esprit dégagé de la matière corporelle. Voici ce que nos relations avec les Esprits nous ont appris sur la constitution de l'âme.
Des nombreuses observations faites dans le monde entier, il résulte que l'homme est formé par la réunion de trois principes : 1° l'âme ou esprit, cause de la vie psychique ; 2° le corps, enveloppe matérielle à laquelle l'âme est temporairement associée pendant son passage sur la terre ; 3° le périsprit, substratum fluidique servant de lien entre l'âme et le corps, par l'intermédiaire de l'énergie vitale. C'est de l'étude de cet organe que résultent des connaissances nouvelles qui nous permettent d'expliquer le rapports de l'âme et du corps ; l'idée directrice qui préside à la formation de tout individu vivant ; la conservation du type individuel et spécifique, malgré les changements perpétuels de la matière; enfin le mécanisme si compliqué de la machine vivante.
La mort est la désagrégation de l'enveloppe charnelle, de celle que l'âme abandonne en quittant la terre ; le périsprit suit l'âme à laquelle il est toujours attaché. Il est formé par de la matière dans un état de raréfaction extrême. Ce corps éthéré, invisible pour nous à l'état normal, existe donc pendant la vie terrestre. C'est l'intermédiaire par lequel passent les sensations physiques perçues par le moi, et c'est par cet intermédiaire que l'esprit peut témoigner, à l'extérieur, de son état mental.
On a dit que l'esprit est une flamme, une étincelle, etc., ceci doit s'entendre de l'esprit proprement dit, comme principe intellectuel et moral, auquel on ne saurait attribuer une forme déterminée ; à quelque degré qu'il se trouve dans l'animalité ou l'humanité, il est toujours intimement associé au périsprit, dont l'éthérisation est en raison de son avancement moral. De sorte que, pour nous, l'idée d'esprit est inséparable de celle d'une forme quelconque, et que nous ne concevons pas l'un sans l'autre. « Le périsprit fait donc partie intégrante de l'esprit, comme le corps fait partie intégrante de l'homme ; mais le périsprit seul n'est pas plus l'esprit que le corps seul n'est l'homme, car le périsprit ne pense pas, n'agit pas seul, il est à l'esprit ce que le corps est à l'homme; c'est l'agent ou l'instrument de son action».
D'après l'enseignement des Esprits, cette forme fluidique est puisée dans le fluide universel, dont elle est, comme tout ce qui existe matériellement, une modification. Nous justifierons tout à l'heure cette manière de voir.
Malgré la ténuité extrême du corps périsprital, il est constamment tenu agrégé par l'âme que l'on peut considérer comme un centre de force. Sa constitution lui permet de traverser tous les corps avec plus de facilité que la lumière ne traverse le verre, la chaleur ou les rayons X les différents obstacles opposés à leur propagation. La vitesse du déplacement de l'âme semble supérieure à celle des ondulations lumineuses, et en diffère essentiellement, en ce qu'elle n'est arrêtée par rien, et s'opère par son propre effort. L'organisme fluidique étant très raréfié, la volonté agit sur le fluide universel et produit le déplacement. On conçoit aisément que la résistance du milieu étant presque nulle, la plus faible action physique amènera une translation dans l'espace, dont la direction sera soumise à la volonté de l'être.
Le périsprit semble impondérable, de sorte que l'action de la pesanteur paraît tout à fait nulle à son égard ; mais il ne faudrait pas en conclure que l'esprit dégagé du corps peut se transporter, à sa fantaisie, dans toutes les parties de l'univers. Nous verrons dans un instant que l'espace est rempli de matières variées, à tous les états de raréfaction, de sorte qu'il existe pour l'esprit certains obstacles fluidiques qui ont autant de réalité pour lui, que la matière tangible peut en avoir pour nous.
Chez les êtres plus évolués, le périsprit n'a pas, dans l'espace, de forme absolument fixe ; il n'est pas rigide et figé comme le corps physique dans un type particulier ; le plus généralement, c'est la forme humaine qui prédomine, et à laquelle revient naturellement le corps fluidique, lorsqu'il a été déformé par la volonté de l'Esprit.
C'est par l'intermédiaire de l'enveloppe fluidique que les Esprits perçoivent le monde extérieur, mais leurs sensations sont d'un autre ordre que sur la terre. Leur lumière n'est pas la nôtre ; les ondulations de l'éther que nous ressentons comme chaleur ou lumière sont trop grossières pour les influencer normalement ; ils sont de même insensibles aux sons et aux odeurs terrestres. Nous parlons ici des Esprits avancés. Mais toutes nos sensations terrestres ont leurs équivalents plus raffinés. C'est en quelque sorte une transposition sur un registre plus élevé, de la même gamme ; ils perçoivent, en outre, des vibrations en bien plus grand nombre que celles qui nous arrivent différenciées par les sens, et les sensations déterminées par ces mouvements vibratoires différents créent une série de perceptions d'un tout autre ordre que celles dont nous avons conscience.
Les Esprits inférieurs, qui sont en majorité dans l'espace qui entoure la terre, peuvent être accessibles à nos sensations, surtout si leur périsprit est tout à fait grossier ; mais ce n'est encore, malgré tout, que d'une manière atténuée. La sensation chez eux n'est pas localisée ; elle s'exerce par toutes les parties du corps spirituel, tandis que, chez les hommes, elle est toujours rapportée à l'endroit du corps qui lui donne naissance.
Telles sont les données générales qui se trouvent dans l’œuvre d'Allan Kardec, la plus complète et la mieux raisonnée que nous possédions sur le spiritisme. À vrai dire, c'est même la seule qui traite dans toutes ses parties la philosophie spirite, et l'on reste étonné en voyant avec quelle sagesse et quelle prudence cet initiateur a tracé les grandes lignes de l'évolution spirituelle.
Le caractère distinctif de cette doctrine, c'est la déduction rigoureuse. Au lieu de forger des êtres imaginaires pour expliquer les faits médianimiques, le spiritisme a laissé le phénomène se révéler lui-même. Dans toutes les parties du monde, depuis soixante-dix ans, ce sont les âmes des morts qui viennent s'entretenir avec nous, qui affirment qu'elles ont vécu sur la terre, qui en donnent les preuves que les évocateurs vérifient plus tard et reconnaissent exactes. En un mot, nous sommes en présence d'un fait réel, visible palpable que rien ne saurait infirmer. Toutes les négations ne prévaudront pas contre la lumineuse évidence de l'expérience moderne. Il n'y a pas de démons, de vampires, de lémures, d'élémentals ou autres être fantastiques, imaginés pour effrayer le vulgaire, ou détourner, au profit d'obscurs grimoires, l'attention des chercheurs. C'est l'âme des morts qui se révèle par la table, l'écriture directe et les matérialisations.
CE QU'IL FAUT ÉTUDIER
Nous avons été conduits par l'observation et l'expérience à constater que l'enveloppe de l'âme est matérielle puisqu'on peut la voir, la toucher, la photographier. Mais il est évident que cette matière est différente, au moins sous son état physique, de celle avec laquelle nous sommes journellement en contact.
Le périsprit existant dans le corps humain n'y est pas visible pour nous ; il ne possède aucun poids appréciable, et lorsqu'il sort du corps pour se monter au loin, l'on constate que rien ne saurait lui faire obstacle. Nous devons conclure de ces remarques qu'il est formé d'une substance invisible impondérable et d'une subtilité telle que rien ne lui est impénétrable. Or ce sont là des caractères qui semblent tout à fait connaître comme appartenant à la matière.
Nous devons donc savoir exactement ce qu'il faut entendre par le mot matière, et pour cela il est urgent de connaître ce que c'est que l'atome, le mouvement et l'énergie. Une fois ces notions acquises ; nous pourrons nous demander comment il se fait qu'une matière fluidique puisse conserver une forme déterminée, et surtout comment la mort n'amène pas la dissolution de ce corps spirituel, puisqu'elle détermine celle du corps physique.
Il deviendra alors nécessaire de nous familiariser avec l'idée de l'unité de substance, car une fois admise, il est clair que si le périsprit est formé par la matière primordiale, il ne pourra se décomposer en éléments plus simples, et comme l'âme en était revêtue avant la naissance, c'est-à-dire antérieurement à son entrée dans l'organisme humain elle en sera de même accompagnée en quittant son corps terrestre.
Si vraiment il est possible de démontrer que les conceptions scientifiques actuelles nous permettent de concevoir une semblable matière, l'étude du périsprit pourra être rationnellement entreprise, et elle sortira du domaine empirique pour entrer dans celui des sciences positives.
Voyons donc, dès maintenant, comment la matière est constituée.
CHAPITRE II
LE TEMPS – L’ESPACE – LA MATIERE PRIMORDIALE
Ce qu'il importe, en définitive, de savoir, c'est qui nous sommes, d'où nous venons et où nous allons. La philosophie est impuissante à nous renseigner, car les conclusions auxquelles sont arrivées les différentes écoles sont radicalement opposées les unes aux autres. Les religions, en proscrivant la raison, pour faire uniquement appel à la foi, en voulant imposer la croyance à des dogmes imaginés aux époques où les connaissances humaines étaient dans l'enfance, voient s'écarter d'elles les esprits indépendants, qui préfèrent les réalités tangibles et toujours vérifiables de l'expérience à toutes les affirmations autoritaires et comminatoires. Nous allons justifier les principaux enseignements du spiritisme, montrer qu'ils résultent de minutieuses études, qu'ils sont en harmonie avec les conceptions modernes, et qu'ils constituent une philosophie religieuse d'une réalité grandiose .
L'ESPACE
L'espace est infini, par cette raison qu'il est impossible de lui supposer aucune limite, et que, malgré la difficulté que nous avons de concevoir l'infini, il nous est pourtant plus facile d'aller éternellement dans l'espace, en pensée, que de nous arrêter en un lieu quelconque, après lequel nous ne trouverions plus d'étendue à parcourir.
Pour nous figurer, autant qu'il est en nos facultés bornées, l'infinité de l'espace, supposons que, partant de la terre, perdue au milieu de l'infini, vers un point quelconque de l'univers, et cela avec la vitesse prodigieuse de l'étincelle électrique qui franchit des milliers de lieues à la seconde, à peine avons-nous quitté ce globe que, ayant parcouru des millions de lieues, nous nous trouvons dans un lieu d'où la terre ne nous apparaît plus que comme une vague étoile. Un instant après, en suivant toujours la même direction, nous arrivons vers les étoiles lointaines que l'on distingue à peine de notre station terrestre; et de là, non seulement la terre est entièrement perdue pour nos regards dans les profondeurs du ciel, mais encore le soleil dans sa splendeur est éclipsé par l'étendue qui nous sépare de lui. Animés toujours de la même vitesse de l'éclair, nous franchissons des systèmes de monde à chaque pas que nous avançons dans l'étendue, des îles de lumières éthérées, des voies stellifères, des parages somptueux où Dieu a semé les mondes avec la même profusion qu'il a semé les plantes dans les prairies terrestres.
Or, il y a à peine quelques minutes que nous marchons, et déjà des centaines de millions et de millions de lieues nous séparent de la terre, des milliards de mondes ont passé sous nos regards, et pourtant, écoutez ! Nous n'avons pas en réalité avancé d'un seul pas dans l'univers.
Si nous continuons pendant des années, des siècles, des milliers de siècles, des millions de périodes cent fois séculaires, et incessamment avec la même vitesse de l'éclair, nous n'aurons pas avancé davantage, et cela de quelque côté que nous allions et vers quelque point que nous nous dirigions, depuis le grain invisible que nous avons quitté et qui s'appelle la terre.
Voilà ce que c'est que l'espace !
Nous citons, en les condensant, les enseignements principaux de nos instructeurs spirituels relatifs à l'espace, au temps, à la matière et à la force. Ces notions nous paraissent absolument indispensables pour connaître la matière dont le périsprit est formé.
JUSTIFICATION DE CETTE THÉORIE
Ces poétiques et grandioses définitions concordent-elles avec ce que nous savons de positif sur l'univers ? Oui, car successivement la lunette, le télescope et la photographie nous ont fait pénétrer, toujours plus loin, dans les champs de l'infini.
Pendant des siècles, nos pères se sont figurés que la création se bornait à la terre sur laquelle ils habitaient, et qu'ils croyaient plate. Le ciel n'était qu'une voûte sphérique à laquelle étaient attachés des points brillants appelés étoiles. Le soleil apparaissait comme un flambeau mobile destiné à distribuer la clarté ; nous étions les seuls habitants de la création, faite spécialement à notre usage. L'observation permit plus tard de reconnaître la marche des étoiles ; la voûte céleste se déplaçait, entraînant avec elle tous ses points lumineux ; puis l'étude des mouvements planétaires et la fixité de l'étoile polaire conduisirent Thalès de Milet, à reconnaître la sphéricité de la terre, l'obliquité de l'écliptique et la cause des éclipses.
Pythagore connut et enseigna le mouvement diurne de la terre sur son axe, son mouvement annuel autour du soleil, et rattacha les planètes et les comètes au système solaire. Ces connaissances précises datent de 500 ans avant JC. Mais ces vérités, n'étant connues que de rares initiés, furent oubliées, et la masse continua d'être le jouet de l'illusion. Il faut arriver à Galilée et à la découverte de la lunette en 1610, pour que des conceptions justes viennent rectifier les antiques erreurs.
Dès lors, l'univers apparaît ce qu'il est réellement. Les planètes sont reconnues pour des mondes semblables à la terre et très probablement habités ; le soleil n'est plus qu'un astre parmi tant d'autres ; le télescope permet d'apercevoir les étoiles et les nébuleuses disséminées à des distances incalculables dans l'espace sans bornes, enfin la photographie, dernière conquête du génie humain, permet de révéler la présence de mondes que l’œil humain, aidé des plus puissants instruments, n'avait jamais contemplés.
Les plaques photographiques qu'on sait préparer aujourd'hui sont non seulement sensibles à tous les rayons élémentaires qui excitent la rétine, mais elles étendent encore leur pouvoir dans les régions ultra-violettes du spectre et dans les régions opposées de la chaleur obscure (infra-rouge), où l’œil demeure impuissant.
C'est ainsi que les frères Henry ont obtenu des étoiles de l7e grandeur, lesquelles n'avaient jamais encore été vues par un regard humain. Ils ont découvert aussi une nébuleuse, invisible à cause de son éloignement, au delà des Pléiades.
À mesure que nos procédés d'investigation s'étendent, la nature recule les bornes de son empire. Où les plus puissants télescopes ne révélaient, dans un coin du ciel, que 625 étoiles, la photographie en a fait connaître 1 421. Ainsi donc nulle part le vide, partout et toujours se développent les créations en nombre indéfini ! Les insondables profondeurs de l'étendue fatiguent l'imagination la plus ardente par leur immensité; pauvres êtres rivés sur un imperceptible atome, nous ne pouvons nous élever jusqu'à ces sublimes réalités.
LE TEMPS
Nous arrivons aux mêmes résultats lorsque nous voulons évaluer le temps. Les périodes cosmiques nous écrasent sous leur formidable amoncellement de siècles. Écoutons encore notre instructeur spirituel.
« Le temps, comme l'espace, est un mot défini par lui-même ; on s'en fait une idée plus juste en établissant sa relation avec le tout infini. »
« Le temps est la succession des choses ; il est lié à l'éternité de la même manière que ces choses sont liées à l'infini. Supposons-nous à l'origine de notre monde, à cette époque primitive où la terre ne se balançait pas encore sous la divine impulsion ; en un mot, au commencement de la genèse. Là, le temps n'est pas encore sorti du mystérieux berceau de la nature, et nul ne peut dire à quelle époque de siècles nous sommes, puisque le balancier des siècles n'est pas encore en mouvement. »
« Mais silence ! La première heure d'une terre isolée sonne au timbre éternel, la planète se meut dans l'espace, et dès lors il y a soir et matin. Au delà de la terre, l'éternité reste impassible et immobile, quoique le temps marche pour bien d'autres mondes. Sur la terre, le temps la remplace, et, pendant une suite déterminée de générations, on comptera les ans et les siècles. »
« Transportons-nous maintenant au dernier jour de ce monde, à l'heure où, courbée sous le poids de la vétusté, la terre s'effacera du livre de vie pour n'y plus reparaître : ici la succession des événements s'arrête ; les mouvements terrestres qui mesuraient le temps s'interrompent, et le temps finit avec eux.
« Autant de mondes dans la vaste étendue, autant de temps divers et incompatibles. En dehors des mondes, l'éternité seule remplace ces successions éphémères, et remplit paisiblement de sa lumière immobile l'immensité des cieux. Immensité sans bornes et éternité sans limites, telles sont les deux grandes propriétés de la nature universelle.
« L’œil de l'observateur qui traverse, sans jamais rencontrer d'arrêt, les distances incommensurables de l'espace, et celui du géologue qui remonte au delà des limites des âges, ou qui descend dans les profondeurs de l'éternité béante où ils se perdront un jour, agissent de concert, chacun dans sa voie, pour acquérir cette double notion de l'infini : étendue et durée. »
Ici encore, la science confirme ces enseignements. Malgré la difficulté du problème, les physiciens, les géologues ont tenté d'évaluer les innombrables périodes de siècles qui se sont écoulés depuis la formation de notre terre, et les plus faibles évaluations montrent combien étaient enfantines les six mille années de la Bible.
D'après sir Charles Lyell qui a employé les méthodes usitées en géologie, lesquelles consistent à évaluer l'âge d'un terrain suivant l'épaisseur de la couche déposée et la rapidité probable de son érosion, - à la suite de nombreuses observations faites sur tous les points du globe, plus de trois cents millions d'années se sont écoulées depuis la solidification des couches superficielles de notre sphéroïde.
Les expériences du professeur Bischoff sur le refroidissement du basalte, dit Tyndall , semblent prouver que pour se refroidir de 2,000 degrés centigrades, notre globe a eu besoin de 350 millions d'années.
Quant à la longueur du temps exigé par la condensation qu'à dû subir la nébuleuse primitive pour arriver à constituer notre système planétaire, elle défie entièrement notre imagination et nos conjectures . L'histoire de l'homme n'est qu'une ride imperceptible à la surface de l'immense océan des temps.
Abordons maintenant l'étude de notre planète et voyons quels sont les enseignements des Esprits sur la matière et la force.
L'UNITÉ DE LA MATIÈRE
« Au premier abord, rien ne paraît si profondément varié, si essentiellement distinct, que ces diverses substances qui composent le monde. Parmi les objets que l'art ou la nature fait journellement passer sous nos regards, en est-il deux qui accusent une identité parfaite, ou seulement une parité de composition ? Quelle dissemblance au point de vue de la solidité, de la compressibilité, du poids et des propriétés multiples des corps, entre les gaz atmosphériques et le filet d'or, entre la molécule aqueuse du nuage et celle du minéral qui forme la charpente osseuse du globe ! Quelle diversité entre le tissu chimique des plantes variées qui décorent le règne végétal, et celui des représentants non moins nombreux de l'animalité sur terre !
« Cependant nous pouvons poser en principe absolu que toute les substances, connues ou inconnues, quelques dissemblables qu'elles paraissent, soit au point de vue de leur constitution intime, soit sous le rapport de leur action réciproque ne sont en fait que des modes divers sous lesquels la matière se présente, que des variétés en lesquelles elle s’est transformée sous la direction des forces sans nombre qui la gouvernent.
« La chimie, en décomposant tous les corps connus, est arrivée à un certain nombre d'éléments irréductibles en d'autres principes, elle leur a donnée le nom de corps simples, elle les considère comme primitifs, puisque nulle opération jusqu'à ce jour, n'a pu les réduire en parties relativement plus simples qu'eux-mêmes. »
« Mais là où s'arrêtent les appréciations de l'homme, aidé de ses sens artificiels les plus impressionnables, l’œuvre de la nature se continue ; là où le vulgaire prend l'apparence pour la réalité, l’œil de celui qui a pu saisir le mode d'action de la nature ne voit, sous les matériaux constitutifs du monde, que la matière cosmique primitive, simple et une, diversifiée en certaines régions à l’ époque de leur naissance, partagée en corps solidaires durant leur vie et démembrés un jour dans le réceptacle de l'étendue, par leur décomposition. »
« Si l'on observe une telle diversité dans la matière, c'est parce que les forces qui ont présidé à ses transformations, les conditions dans lesquelles elles se sont produites, étant en nombre illimité, les combinaisons variées de la matière ne pouvaient qu'être illimitées elles-mêmes. »
« Donc, que la substance que l'on envisage appartienne aux fluides proprement dits, c'est-à-dire aux corps impondérables, ou qu'elle soit revêtue des caractères et des propriétés ordinaires de la matière, il n'y a, dans tout l'Univers qu'une seule substance primitive : le cosme ou qu'elle soit revêtue des uranographes. »
« L'enseignement est net, formel ; il existe une matière primitive d'où découlent tous les modes que nous connaissons. La science a-t-elle confirmé ces vues ? Si on veut prendre le pied de la lettre, il est certain que cette substance n'est pas encore connue; mais en pesant mûrement tous les faits que nous allons exposer, il sera facile de voir que si la démonstration directe n'a pas été fournie, la thèse de l'unité de matière est fort probable et rentre dans les vues philosophiques les mieux établies des physiciens.
JUSTIFICATION DE CETTE THÉORIE. L'ÉTAT MOLÉCULAIRE
Une des plus grandes difficultés que nous ayons à vaincre lorsque nous voulons étudier la nature, c'est de nous la représenter telle qu'elle est. Lorsque l'on voit des masses de marbre au grain fin et serré, d'énormes poutres de fer supportant des poids gigantesques, il est difficile d'admettre que ces corps sont formés de particules excessivement petites, qui ne se touchent pas, nommées atomes dans les corps simples et molécules dans les corps composés. Ces atomes défient l'imagination par leur ténuité excessive. La poudre la plus impalpable est grossière à côté de la divisibilité à laquelle on peut arriver.
Le célèbre Tyndall en donne un exemple frappant. Si l'on fait dissoudre un gramme de résine pure dans 87 grammes d'alcool absolu, et que l'on verse la dissolution dans un flacon d'eau claire que l'on agite fortement, on voit le liquide prendre une coloration bleue, qui est due aux molécules de la résine en dissolution. Eh bien, Huxley, examinant ce mélange avec son plus puissant microscope, ne put voir de particules distinctes : elles avaient donc moins d'un quatre millième de millimètre !
Le monde vivant est formé, lui aussi, de molécules organiques dans lesquelles entrent les atomes comme parties constituantes. Suivant le Père Secchi, dans certaines diatomées circulaires, dont le diamètre égale la longueur d'une onde lumineuse (un deux millième de millimètre), on peut compter sur ce diamètre plus de cent cellules ; et chacune de ces cellules est composée elle-même de molécules de différentes substances !
D'autres végétaux et infusoires microscopiques ont une longueur moindre que celle d'une onde lumineuse, et cependant ils contiennent tous les organes nécessaires à leur nutrition et aux fonctions vitales. En somme, la matière est d'une divisibilité presque indéfinie, car si l'on songe qu'un milligramme d'aniline peut colorer un poids cent millions de fois plus grand d'alcool, il faut renoncer à se faire une idée quelconque des dernières parties de la matière.
Ces infiniment petits sont séparés, les uns des autres, par des distances plus grandes que leurs diamètres ; ils sont incessamment animés de mouvements divers, et la masse la plus compacte, le métal le plus dur ne sont que des assemblages de parties semblables, mais éloignées les unes des autres, en vibrations ou girations perpétuelles, et sans contact matériel entre elles. La compressibilité, c'est-à-dire la faculté que possèdent tous les corps d'être comprimés, autrement dit d'occuper un volume moindre, met cette vérité hors de doute.
La diffusion, c'est-à-dire le pouvoir pour deux substances de se pénétrer mutuellement, montre aussi que la matière n'est pas continue.
Si on examine un caillou sur la route, on croit qu'il est en repos, puisqu'on ne le voit pas se déplacer ; mais si on pouvait pénétrer dans l'intimité de la substance, on se convaincrait bien vite que toutes ses molécules se meuvent incessamment. À l'état ordinaire, ce fourmillement est tout à fait imperceptible ; cependant on peut s'en rendre grossièrement compte en remarquant que les corps augmentent ou diminuent de volume, c'est-à-dire se dilatent ou se contractent, - sans que leur masse change - suivant que la température s'élève ou décroît. Ces changements sont l'indice que l'espace qui sépare les molécules est variable, et en rapport avec la quantité de chaleur que les corps possèdent au moment où on les observe.
Il résulte de cette connaissance que dans l'intérieur des corps, en apparence bruts et immobiles, se produit un travail mystérieux, une infinité de vibrations infiniment petites, en équilibre sans cesse détruit et sans cesse renouvelé, dont les lois, variables pour chaque substance, donnent à chacune son individualité. De même que les hommes se distinguent les uns des autres par le manière dont ils subissent les passions ou luttent contre elles, ainsi les substances minérales se distinguent les unes des autres par la manière dont elles subissent les chocs et réagissent contre eux.
Ces mouvements internes ont-ils pu être étudiés ? Il n'a pas été possible d'observer directement les déplacements moléculaires, autrement que dans leur totalité, puisque les plus puissants microscopes ne peuvent nous faire voir une molécule ; mais les phénomènes produits dans les réactions chimiques et l'application qu'on leur a faite de la théorie de la transformation de la chaleur en travail, et réciproquement, ont permis de constater que ces dernières parties de la matière sont soumises aux mêmes lois qui dirigent les évolutions des soleils dans l'espace. Les règles fixes de la mécanique céleste sont utilisées aussi dans le monde atomique, montrant ainsi d'une manière indéniable l'admirable unité qui régit l'univers .
Grâce aux progrès des sciences physiques, on admet aujourd'hui que tous les corps ont leurs molécules animées d'un double mouvement : soit de translation ou d'oscillation autour d'une position moyenne, soit de libration (balancement) ou de rotation autour d'un ou plusieurs axes. Ces mouvements s'accomplissent sous l'influence de la loi d'attraction ; dans les corps solides, les molécules sont disposées dans un système d'équilibre ou d'orientation stable; dans les liquides, elles sont en équilibre instable ; dans les gaz, elles sont en mouvements de rotation et en conflit perpétuel les unes avec les autres .
Tous les corps de la nature inorganique ou vivante sont soumis à ces lois. Que ce soit l'aile d'un papillon, le pétale d'une rose, la joue d'une jeune fille, l'air impalpable, la mer immense ou le sol que nous foulons sous nos pieds tout vibre, tournoie, se balance ou se meut. Un cadavre même, bien que la vie l'ait abandonné, constitue un amas de matière dont chacune des molécules possède des énergies que rien ne saurait leur enlever. Le repos est un mot vide de sens.
LES FAMILLES CHIMIQUES
C'est en faisant l'analyse de toutes les substances terrestres que les chimistes sont arrivés à reconnaître qu'elles étaient dues aux combinaisons innombrables d'environ 70 corps simples c'est-à-dire de 70 éléments que l'on n'a pu décomposer. Il semblerait donc qu'il y a autant de matières différentes entre elles qu'il existe de corps simples ; mais c'est là une illusion qui n'est due qu'à notre impuissance à réduire ces corps en une matière uniforme, qui en serait la base. C'est ce que pensaient Proust et Dumas au commencement du siècle en cherchant, au moyen de la loi des proportions définies, quelle était la substance unique, c'est-à-dire celle dont les équivalents des corps premiers sont les multiples exacts. Dumas est arrivé à montrer que ce n'était pas l'hydrogène, comme on le croyait jusqu'alors, mais une substance encore inconnue, dont l'équivalent, au lieu d'être l'unité, en serait la moitié : 0,5.
Les physiciens partisans de la théorie de l'éther - et ils le sont tous aujourd'hui - vont encore plus loin que les chimistes. La matière inconnue, par cela qu'elle a 0,5 pour équivalent, serait pondérable, même pour les instruments dont l'homme dispose : or, l'éther qui remplit l'univers est impondérable ; il s'ensuit que la substance hypothétique des chimistes, laquelle pèserait moitié du poids de l'hydrogène, serait tout au plus l'une des premières condensations ou l'un des premiers groupements de l'éther. La matière, unique, qui, selon les physiciens, constituerait tous les corps, serait donc l'éther.
« L'étude de la lumière et de l'électricité, dit le Père Secchi, nous a conduits à regarder comme infiniment probable que l'éther n'est autre que la matière elle-même, parvenue au plus haut degré de ténuité, à cet état de rareté extrême que l'on appelle l'état atomique. Par suite, tous les corps ne seraient, en réalité, que des agrégats des atomes mêmes de ce fluide ».
Ces vues théoriques sont déterminées par un certain nombre de faits chimiques qui sont les suivants :
1° Il existe de véritables familles naturelles dans les corps simples ;
2° Un corps composé, dont on connaît les éléments, peut jouer le rôle d'un corps simple; un corps dit simple peut être décomposé ;
3° Des corps formés exactement des mêmes éléments, unis dans les mêmes proportions, ont cependant des propriétés différentes ;
4° Enfin l'analyse spectrale révèle l'existence primitive d'une seule substance dans les étoiles les plus chaudes, généralement l'hydrogène.
Examinons rapidement ces faits si intéressants.
Si l'on jette un coup d’œil attentif sur les différents corps simples, on demeure convaincu que leurs divergences ne sont pas d'ordre fondamental, car on peut les grouper en séries de familles naturelles. Cette division, fondée sur des analogies manifestes que certains d'entre eux présentent les uns par rapport aux autres, offre un avantage que l'on ne saurait méconnaître, car l'étude du corps le plus important étant faite d'une manière approfondie, l'histoire des autres, sauf quelques faits de détail, s'en déduit naturellement. Cette similitude dans la manière de se comporter montre que ces matières présentent des analogies de composition, donc qu'elles ne sont pas aussi dissemblables qu'elles paraissaient l'être au premier abord.
Cette individualité que présentent les corps simples ne leur est pas particulière ; il existe des corps composés, comme le cyanogène, - formé par la combinaison du carbone avec l'azote, - qui jouent dans les réactions le rôle d'un corps simple ; il est clair que si l'on n'avait pu séparer les éléments constituants du cyanogène, on l'aurait classé, lui aussi parmi les corps simples. D'ailleurs, avec les méthodes perfectionnées de la science, telles que l'analyse spectrale, on peut déjà se rendre compte que le fer, par exemple, est formé d'éléments plus simples, bien qu'on n'ait pas réussi jusqu'alors à isoler ceux-ci. Mais ce qu'on n'a pu faire pour le fer a été réalisé pour l'yttrium par William Crookes. Nous pouvons donc prévoir une époque prochaine où cette démarcation entre les corps simples disparaîtra. La même puissance d'analyse qui a ramené l'innombrable multitude des substances naturelles, minérales, végétales et animales à quelques éléments seulement, nous conduira certainement à la découverte de cette matière unique de laquelle toutes les autres dérivent.
Ce qui nous confirme encore dans ces vues, ce sont les phénomènes d'allotropie et l'isomérie.
L'ISOMÉRIE
Il existe des corps simples, comme le phosphore, qui présentent des propriétés différentes, sans qu'on leur ait ajouté ou retranché la plus petite parcelle de matière. Chacun sait que le phosphore ordinaire est blanc, vénéneux et très inflammable ; si on l'expose pendant quelque temps à la lumière, dans le vide, ou qu'on le chauffe en vase clos, il change de couleur et devient d'un beau rouge ; dans cet état il est inoffensif au point de vue de la santé. Il ne prend plus feu par le frottement ; cependant l'analyse la plus sévère ne peut reconnaître aucune différence dans la composition chimique du phosphore rouge ou blanc. Le charbon qui peut affecter la forme de diamant ou de graphite ; le soufre avec se modifications caractéristiques suivant son état ; l'oxygène qui devient de l'ozone, tous ces états différents du même corps ont été appelés allotropiques.
Ces caractères si opposés que peut présenter la même substance sont dus à des changements qui se produisent dans son intimité. Les molécules se groupent différemment en même temps que leurs mouvements se modifient. De là ces variations qui se produisent dans les propriétés.
Ceci est si vrai que des corps très différents les uns des autres par leurs propriétés, tels que les essences de térébenthine, de citron, d'orange, de romarin, de basilic, de poivre, de persil, sont cependant formés tous par la combinaison de seize équivalents d'hydrogène avec vingt équivalents de carbone.
Cet ordre spécial des particules associées, nommées molécules, est rendu visible par la cristallisation.
Lorsque l'on songera que tous les tissus des végétaux et des animaux sont formés principalement, par les combinaisons variées de quatre gaz seulement : l'hydrogène, l'oxygène, le carbone et l'azote, auxquels s'ajoutent de faibles quantités de corps solides en très petit nombre, on comprendra l'inépuisable fécondité de la nature et les ressources infinies dont elle dispose, par le groupement des atomes, pour en faire des molécules, celles-ci, pouvant à leur, tour s'assembler entre elles avec la même diversité.
Si on complique ces dispositions par les mouvements de translation et de rotation que possèdent atomes et molécules, il devient possible de concevoir que toutes les propriétés des corps sont liées intimement à ces arrangements si divers, si variés et si différents les uns des autres.
L'astronome Norman Lockyer, dans une série de mémoires très remarqués, a fait observer que l'analyse spectrale du fer contenu dans l'atmosphère solaire permet de conclure avec certitude que ce corps n'est pas simple. C'est un groupe complexe dont un métal encore inconnu est la base. Mais il faut les hautes températures de la fournaise ardente de notre astre central pour que cette dissociation devienne apparente ; aucune température terrestre ne serait capable de la produire.
Cet éminent chimiste des espaces stellaires a étudié les spectres des étoiles, depuis les plus chaudes jusqu'à celles près de s'éteindre, et il a montré que le nombre des corps simples augmente à mesure que la température diminue ; c'est donc qu'ils prennent successivement naissance puisque chaque masse est isolée dans l'espace et ne reçoit qu'une partie insignifiante de matière de l'extérieur.
En somme toute, l'idée d'une matière unique, dont tout ce qui existe dérive nécessairement, est admise aujourd'hui par les savants, et les esprits qui nous l'ont préconisée sont en accord avec la science contemporaine. Nous verrons si la suite de leur enseignement est aussi véritable que leurs premières assertions.
CHAPITRE III
LE MONDE SPIRITUEL ET LES FLUIDES
Citons encore notre instructeur spirituel .
« Si l'un de ces êtres inconnus qui consument leur existence éphémère au fond des régions ténébreuses de l'océan, si l'un de ces polygastriques, de ces néréides misérables animalcules lui ne connaissent de la nature que les poissons ichtyophages et les forêts sous-marines - recevait tout à coup le don de l'intelligence, la faculté d'étudier son monde et d'établir sur ses appréciations un raisonnement conjectural étendu à l'universalité des choses, quelle idée se formerait-il de la nature vivante qui se développe en son milieu, et dit monde terrestre qui n'appartient pas au champ de ses observations ?
« Si maintenant, par un effet merveilleux de sa nouvelle puissance, ce même être parvenait à s'élever au-dessus de ses ténèbres éternelles, à la surface de la mer non loin des rivages opulents d'une île à la végétation splendide, au Soleil fécond, dispensateur d'une bienfaisante chaleur, quel jugement porterait-il alors sur ses jugements anticipés de la création universelle, théorie qu’effacerait bientôt par une appréciation plus large, mais relativement encore aussi incomplète que la première. Telle est, ô hommes ! L'image de votre science toute spéculative...
« Il est un fluide éthéré qui remplit l'espace et pénètre les corps ; ce fluide, c'est la matière cosmique primitive génératrice du monde et des êtres. À l'éther sont inhérentes les forces qui ont présidé aux métamorphoses de la matière les lois immuables et nécessaires qui régissent le monde. Ces forces multiples indéfiniment variées suivant les combinaisons de la matière, localisées suivant les masses, diversifiées dans leur mode d'action suivant les circonstances et les milieux, sont connues sur la terre sous le nom de pesanteur cohésion affinité attraction magnétisme électricité ; les mouvements vibratoires de l'agent sont ceux de son, chaleur, lumière, etc...
« Or de même qu'il n'y a qu'utile une seule substance simple, primitive, génératrice de tous les corps, mais diversifiée dans ses combinaisons, de même toutes ces forces dépendent d'une loi universelle diversifiée dans ses effets que l'on trouve à leur origine, et qui, dans les décrets éternels, a souverainement imposée à la création pour en constituer harmonie et stabilité permanentes.
« La nature n'est jamais opposée à elle-même. Le blason de l'univers n’a qu'une devise : Unité. En remontant l'échelle des mondes, on trouve l'unité d'harmonie et de création, en même temps qu'une variété infinie dans cet immense parterre d'étoiles, en parcourant les degrés de la vie, depuis le dernier des êtres jusqu'à Dieu, la grande loi de continuité se fait reconnaître ; en considérant les forces en elles-mêmes, on peut en former une série dont la résultante, se confondant avec la génératrice, est la loi universelle...
« Toutes ces forces sont éternelles et universelles comme la création ; étant inhérentes au fluide cosmique, elles agissent nécessairement en tout et partout modifiant leur action par leur simultanéité ou leur succession ; prédominant ici, s'effaçant plus loin, puissantes et actives en certains points, latentes et secrètes en d'autres ; mais finalement préparant, dirigeant, conservant, détruisant les mondes dans leurs diverses périodes de vie, gouvernant 1es travaux merveilleux de la nature en quelque point qu'ils s'exécutent, assurant à jamais l'éternelle splendeur de la création .»
Il est difficile de mieux dire et d'exprimer d'une façon aussi élevée que concise tous les résultats que la science nous fait connaître.
Il n'est pas au pouvoir de l'homme de créer de l'énergie ou de détruire celle qui existe; tout ce qu'il peut faire, c'est de transformer un mouvement en un autre. Le monde de la mécanique, n'est pas une manufacture créant de l'énergie, dit Balfour Stewart , mais une sorte de marché où nous pouvons apporter une espèce particulière d'énergie et l'échanger contre un équivalent d'un autre genre d'énergie qui nous convient davantage... Si nous, arrivons sans rien dans la main, nous sommes certains de revenir sans rien.
Il est absurde, dit le Père Secchi, d'admettre que le mouvement dans la matière brute puisse avoir d'autre origine que le mouvement lui-même.
Ainsi, l'énergie ne peut pas être créée, et il est établi qu'elle ne peut se détruire. Là où un mouvement cesse, apparaît immédiatement la chaleur, qui est une forme équivalente de ce mouvement. C'est cette grande vérité qui a été formulée sous le nom de loi de la Conservation de l'énergie, identique à la loi de conservation de la matière.
De même que la matière ne peut être anéantie et passe seulement par des transformations, de même l'énergie est indestructible et n'éprouve que des changements de forme. Jusqu'au XIXe siècle, la pratique journalière semblait fournir, en apparence, des motifs pour croire que l'énergie était partiellement supprimée.
La gloire d'avoir démontré expérimentalement que pas une seule fraction d'énergie n'est perdue et que la quantité totale d'énergie d'un système fermé est invariable, appartient à J. -R. Mayer, médecin à Heilbronn (royaume de Wurtemberg), au Danois Colding et au physicien anglais Joule. Cette démonstration, connue sous le nom de théorie mécanique de la chaleur, est une des oeuvres les plus admirables et les plus fécondes du XIXe siècle.
En découvrant à quelle quantité exacte de chaleur correspond tel travail, c'est-à-dire telle quantité de mouvement, la science a fait faire à l'industrie mécanique des pas de géant ; en appliquant ces données à la chimie, elle a permis de la ranger dans les sciences finies, c'est-à-dire dans celles dont tous les phénomènes peuvent être réduits en formules mathématiques ; enfin en physiologie, ces notions nouvelles ont permis de trouver une mesure précise de l'intensité de la force vitale.
Mais là ne s'est pas bornée l'étude expérimentale de l'énergie, on a pu démontrer que toutes les formes différentes qu'elle affecte : chaleur, lumière, électricité, etc., peuvent se transformer les unes dans les autres, de manière que l'une quelconque de ces manifestations peut engendrer toute les autres.
De ces découvertes expérimentales, il découle que les forces naturelles, ainsi qu'on les appelle encore aujourd'hui ne sont pas autre chose que des manifestations particulières de l'énergie universelle, c'est-à-dire, en dernière analyse, des modes de mouvement. Le problème de l'unité et de la conservation de la force a donc été résolu par la science moderne.
C'est dans l'univers entier qu'il a été possible de constater l'unité des deux grands principes : force et matière.
La lunette et le télescope ont fait voir que les planètes solaires sont des mondes comme le nôtre par leur forme, leur constitution et le rôle qu'elles remplissent. Mais ce n'est pas notre système seulement qui obéit à ces lois, l'espace céleste tout entier est peuplé de créations semblables, qui établissent la similitude d'organisation des masses totales de l'Univers, en même temps que l’uniformité sidérale des lois de la gravitation.
Les soleils ou étoiles, les nébuleuses et les comètes, ont été étudiés par l'analyse spectrale, qui a démontré que ces mondes si divers sont composés de matériaux semblables à ceux que nous connaissons sur notre terre ; la mécanique chimique et physique des atomes est la même que celle d'ici-bas, c'est donc bien, en tout à partout, l'unité fondamentale incessamment diversifiée.
Quelle magnifique confirmation de cette voix de l'espace annonçant, il y a cinquante années, que la force est éternelle et que les séries dissemblables de ses actions ont une résultante commune, se confondant avec la génératrice, c'est-à-dire avec la loi universelle !
Ainsi donc force unique, matière unique, indéfiniment variées, dans leurs manifestations, sont les deux causes du monde visible. En existe-t-il un autre invisible et sans poids ? Interrogeons encore nos instructeurs de l'au-delà ; ils répondent affirmativement, et nous croyons que là encore la science ne les démentira pas.
LE MONDE SPIRITUEL
« Le fluide cosmique universel est, ainsi que cela a été enseigné, la matière élémentaire primitive dont les modifications et transformations constituent l'innombrable variété des corps de la nature. En tant que principe élémentaire universel, il offre deux états distincts : celui d'éthérisation ou d'impondérabilité, que l'on peut considérer comme l'état normal primitif, et celui de la matérialisation ou de pondérabilité, qui n'est en quelque sorte que consécutif. Le point intermédiaire est celui de la transformation du fluide en matière tangible, mais là encore, il n'y a pas de transition brusque, car on peut considérer nos fluides impondérables comme un terme moyen entre les deux états...
« À l'état d'éthérisation, le fluide cosmique n'est pas uniforme; sans cesser d'être éthéré, il subit des modifications aussi variées dans leur genre, et plus nombreuses peut-être qu'à l'état de matière tangible.
« Ces modifications constituent des fluides distincts qui, bien que procédant du même principe, sont doués de propriétés spéciales, et donnent lieu aux phénomènes particuliers du monde invisible. »
« Tout en étant relatif, ces fluides ont pour les Esprits une apparence aussi matérielle que celle des objets tangibles pour les incarnés, et sont pour eux ce que sont pour nous les substances du monde terrestre ; ils les élaborent, les combinent pour produire des effets déterminés, comme font les hommes avec leurs matériaux, toutefois par des procédés différents.
« Mais là, comme ici-bas, il n'est donné qu'aux Esprits les plus éclairés de comprendre le rôle des éléments constitutifs de leur monde. Les ignorants du monde invisible sont aussi incapables de s'expliquer les phénomènes dont ils sont témoins, et auxquels ils concourent souvent machinalement, que les ignorants de la terre le sont d'expliquer les effets de la lumière ou de l'électricité, de dire comment ils voient et entendent. »
Ceci est admirablement juste, car, interrogez au hasard dix personnes qui passent dans la rue, et demandez-leur quelles sont les opérations successives de la digestion ou de la respiration, vous pouvez être certain que neuf sur dix ne pourront vous répondre. Cependant l'instruction est déjà bien répandue à notre époque, mais combien peu se donnent la peine d'apprendre ou de réfléchir ?
« Les éléments fluidiques du monde spirituel échappent à nos instruments d'analyse et à la perception de nos sens, faits pour la matière tangible et non pour la matière éthérée. Il en est qui appartiennent à un milieu tellement différent du nôtre que nous n'en pouvons juger que par des comparaisons aussi imparfaites que celles par lesquelles un aveugle-né cherche à se faire une idée de la théorie des couleurs ».
« Mais, parmi ces fluides, quelques-uns sont intimement liés à la vie corporelle et appartiennent en quelque sorte au milieu terrestre. À défaut de perception directe, on peut en observer les effets, et acquérir sur leur nature des connaissances d'une certaine précision. Cette étude est essentielle, car c'est la clef d'une foule de phénomènes inexplicables par les seules lois de la matière. »
« Le point de départ du fluide universel est le degré de pureté absolue, dont rien ne peut nous donner une idée : le point opposé est sa transformation en matière tangible. Entre ces deux extrêmes, il existe d'innombrables transformations, qui se rapprochent plus ou moins de l'un et de l'autre. Les fluides les plus voisins de la matérialité, les moins purs par conséquent, composent ce que l'on peut appeler l'atmosphère spirituelle terrestre. C'est dans ce milieu, où l'on trouve également différents degrés de pureté, que les Esprits incarnés et désincarnés de la terre puisent les éléments nécessaires à l'économie de leur existence. Ces fluides, quelque subtils et impalpables qu'ils soient pour nous, n'en sont pas moins d'une nature grossière, comparativement aux fluides éthérés des régions supérieures ».
« La qualification de fluides spirituels n'est pas rigoureusement exacte, puisque, en définitive, c'est toujours de la matière plus ou moins quintessenciée. Il n'y a de réellement spirituelle que l'âme ou principe intelligent. On les désigne ainsi par comparaison et en raison surtout de leur affinité avec 1es Esprits. On peut dire que c'est la matière du monde spirituel : c'est pourquoi on les appelle fluides spirituels ».
« Qui connaît, d'ailleurs, la constitution intime de la matière tangible ? Elle n'est peut-être compacte que par rapport à nos sens, ce qui le prouverait c'est la facilité avec laquelle elle est traversée par les fluides spirituels et 1es Esprits, auxquels elle ne fait pas plus d'obstacle que les corps transparents n'en font à la lumière. »
« La matière tangible, ayant pour élément primitif le fluide cosmique éthéré doit pouvoir, en se désagrégeant, retourner à l'état d'éthérisation, comme diamant, le plus dur des corps, peut se volatiliser en gaz impalpable. La solidification de la matière, n'est, en réalité, qu’un état transitoire du fluide universel, qui peut retourner à son état primitif quand les conditions de cohésion cessent d'exister. »
« Qui sait même si, à l'état de tangibilité, la matière n'est pas susceptible d'acquérir une sorte d'éthérisation qui lui donnerait des propriétés particulières certains phénomènes qui paraissent authentiques tendraient à le faire supposer. Nous ne possédons encore que des jalons du monde invisible, l'avenir nous réserve sans doute la connaissance de nouvelles lois qui nous permettront de comprendre ce qui est encore pour nous un mystère. »
Voyons maintenant, au moyen des découvertes modernes, si ces conceptions sont exactes.
L'ÉNERGIE ET LES FLUIDES
Jusqu'alors, la science officielle a nié l'existence d'états impondérables de la matière, et l'hypothèse de l'éther était loin d'être unanimement admise, malgré sa nécessité pour faire comprendre les modes divers de la force. À l'heure actuelle, la négation ne serait peut-être plus aussi absolue car toute une catégorie de phénomènes nouveaux sont venus nous montrer la matière revêtue de propriété que l'on était loin de lui soupçonner.
La matière radiante des tubes de Crookes révèle les énergies intenses qui semblent attachées aux dernières parties de la substance, les rayons X, qui prennent naissance à l'endroit où les rayon cathodiques viennent frapper le verre de l'ampoule, sont encore plus singuliers, puisqu'ils se propagent à travers presque tous les corps et qu'ils ont des propriétés photogéniques, sans être visibles par eux-mêmes. Enfin, les expériences spirites de Wallace, de Beattie, d'Aksakof nous montrent photographiées, ces états de la matière invisible qui concourent à la production des phénomènes spirites
Le Dr Baraduc, M. le commandant Darget, le Dr Adam, le Dr Luys, M. David et les expériences de M. Russell , mettent en évidence ces forces matérielles qui émanent constamment de tous les corps, mais surtout des corps vivants, et les clichés qu'on obtient sont des témoins irrécusables de l'existence des fluides .
Nous assistons donc, à l'heure actuelle, à la démonstration scientifique de ces états impondérables de la matière, si obstinément repoussés jusqu'alors. Il se trouve, une fois de plus, que l'enseignement des Esprits se confirme, et que la preuve de la véracité de ces révélations est fournie par des chercheurs qui ne partagent pas nos idées, et qu'on ne peut, par conséquent, suspecter de complaisance.
Lorsque nous parlons de fluides, il est nécessaire que le public s'habitue à voir dans cette expression autre chose qu'un terme vague, destiné à masquer notre ignorance. Il est nécessaire que l'on soit bien persuadé que nous sommes constamment plongés dans une atmosphère invisible, intangible pour nos sens, mais qui est aussi réelle, aussi existante que l'air lui-même.
N'avons-nous pas vu les plus grandes intelligences du siècle, les plus habiles analystes, chimistes et physiciens, vivre en contact continuel avec l'argon, ce nouveau gaz qui fait partie intégrante de l'air, sans qu'ils en soupçonnassent la présence ? Cet exemple doit inspirer de la modestie à tous ceux qui proclament orgueilleusement qu'ils savent toutes choses, et que la nature n'a plus de mystère pour eux. Hélas ! La vérité est que nous sommes encore bien ignorants, et que notre existence s'écoule dans un lieu dont nous ne connaissons qu'une toute petite partie.
Ce dont il faut bien se pénétrer, c'est que l'atmosphère qui nous environne contient des êtres et des forces dont nous sommes incapables d'apprécier la présence normale. L'air est peuplé de myriades d'organismes vivants, infiniment petits, n'en troublant pas la transparence. Dans l'azur translucide d'un beau jour d'été voltigent une innombrable quantité de semences végétales qui iront féconder les fleurs ; en même temps, l'espace est encombré par des milliards d'êtres auxquels on a donné le nom microbes.
Tous ces êtres évoluent au milieu de gaz dont rien ne nous révèle l'existence. L'acide carbonique, produit pour tout ce qui est vivant ou se consume, se mélange aux gaz constitutifs de l'air sans qu'il soit possible de le soupçonner. Presque tous les corps émettent des vapeurs qui se noient dans ce laboratoire limpide, et l’œil aveugle pour tous ces corps si divers, qui ont chacun leur rôle, leur utilité.
Nos sens ne nous avertissent pas davantage de ces courants qui sillonnent le globe et qui affolent la boussole pendant les orages magnétiques. L'électricité ne se manifeste que rarement sous une forme saisissable pour nous. Elle n'existe pas seulement au morne où la foudre sillonne la nue, où les grondements du tonnerre répercutent au loin, elle agit perpétuellement par de lentes décharges, par des échanges sans cesse renouvelés entre tous les corps de températures différentes. La lumière elle-même, n'est perçue par nous que dans des limites étroites. Ses rayons chimiques, qui ont une action si intense, échappent complètement à notre vue.
Nous sommes baignés, pénétrés par tous ces effluves au milieu desquels nous nous mouvons, et l'humanité a vécu bien longtemps avant de connaître ces faits, qui ont cependant toujours existé. Il fallut toutes les découvertes de la science pour nous créer des sens nouveaux plus puissants, plus délicats que ceux que nous devons à la nature. Le microscope nous a révélé l'atome vivant, l'infiniment petit ; la plaque photographique est à la fois un tact et une rétine d'une finesse et d'une acuité de vision incomparables.
Le collodion enregistre les vibrations éthérées qui nous parviennent des planètes invisibles, perdues dans les profondeurs de l'espace, et nous décèle leur existence. Il saisit les mouvements prodigieusement rapides de la matière quintessenciée ; il reproduit fidèlement cette lumière obscure que tous les corps rayonnent la nuit aussi bien que le jour, puisque nous serions impressionnés par ces ondes ultra-violettes, comme nous le sommes par la partie visible du spectre. Si notre rétine avait cette exquise sensibilité, nous verrions la nuit.
Eh bien ! Cette plaque précieuse nous rend encore le service de nous faire connaître les fluides qui émanent de notre organisme ou qui y pénètrent. Elle nous montre, avec une irrésistible certitude, qu'il existe autour de nous des forces c'est-à-dire des mouvements, de la matière subtile, qui se différencient les uns des autres par des caractères particuliers, par une signature spéciale. Il n'est plus possible de douter à présent de ces modalités, de ces avatars de la matière.
Il y a autour de nous une atmosphère fluidique incorporée dans l'atmosphère gazeuse, la pénétrant de toutes parts. Ses actions sont ininterrompues : c'est tout un monde aussi varié, aussi divers dans ses manifestations que l'est la nature physique, c'est-à-dire la matière visible et pondérable. Il y a des fluides grossiers comme il en existe de quintessenciés. Les unes et les autres ont des propriétés inhérentes à leur état vibratoire et moléculaire, qui en font des substances aussi distinctes que peuvent l'être, pour nous, les corps solides ou gazeux.
Mais quelles énergies se manifestent dans ce milieu ! Quels changements à vue, quelle mobilité, quelle plasticité de cette matière subtile ! Combien elle diffère de la lourde, compacte et rigide substance que nous connaissons. L'électricité nous permet de juger de l'instantanéité de ses transformations, c'est un prodige, une fièvre perpétuelle. Voilà bien la fluidité idéale pour les créations si légères, si vaporeuses, si instables de la pensée, c'est la matière du rêve dans son impalpable réalité.
En étudiant la matière gazeuse nous arrivons à nous figurer ces états transcendants. Déjà, sous la forme radiante, nous voyons les atomes se mouvoir avec des rapidités fantastiques, produire des phénomènes dont l'intensité, eu égard à la masse de matière mise en jeu, est réellement formidable, et cette énergie nous fait comprendre la force dans ses manifestations supérieures de lumière, d'électricité, de magnétisme, qui sont dues aux ondulations si rapides de l'éther.
Il devient admissible que ces atomes animés de vitesse rectilignes énormes, tournant sur eux-mêmes avec une rapidité vertigineuse, développent une force centrifuge qui annule l'attraction terrestre, oui, il est plus que probable qu'ils se différencient entre eux par la quantité de force vive qu'ils contiennent individuellement, et nous pouvons entrevoir l'inépuisable variété de groupements qui se produisent entre ces innombrables formes de substance.
C'est le monde spirituel, celui qui nous entoure, nous pénètre dans lequel nous vivons ; c'est avec lui que nous entrons en rapport par notre organisme fluidique ; c'est parce que nous possédons un périsprit qu'il nous est possible d'agir sur ce monde invisible à la chair ; c'est par notre constitution spirituelle que les Esprits ont prise sur nous et peuvent nous influencer. Mais ce n'est guère que de nos jours qu'il a été possible de nous rendre compte expérimentalement de ces réalités.
ÉTUDE SUR LES FLUIDES
La démonstration de l'existence des fluides est si importante pour la compréhension des phénomènes du monde spirituel, que nous devons examiner ce problème sous tous ses aspects. L'expérience spirite nous a démontré que l'âme est revêtue d’une enveloppe matérielle, mais invisible et intangible à l'état normal, qu'elle se meut dans un milieu physique qui ne pèse pas ; il est donc urgent que nous présentions toutes les raisons qui tendent à établir ce fait capital de l'existence d'un monde impondérable, aussi réel que celui dans lequel nous vivons.
Jadis, on croyait que la lumière, l'électricité, la chaleur, magnétisme, etc., étaient des substances tout à fait distinctes les unes des autres, ayant une nature propre spéciale, qui les différenciait complètement. Cette conception a été démontrée fausse par 1es recherches contemporaines.
Dans les premiers âges de la science, non seulement les fores semblaient séparées, mais leur nombre était multiplié presque à l'infini. Chaque phénomène était considéré comme la manifestation d'une force particulière. Mais peu à peu on reconnut que des effets différents peuvent tenir à une cause unique ; dès lors le nombre des forces qu'on admettait diminua considérablement. La pesanteur et l'attraction furent identifiées par Newton, qui reconnut, dans la pomme qui tombe et dans l'astre retenu dans son orbite, les effets d'une même cause: la gravitation universelle. Ampère démontra que le magnétisme n'était qu'une forme de 1’électricité. La lumière et la chaleur sont depuis longtemps considérées comme les manifestations d'une même cause : un mouvement vibratoire extrêmement rapide imprimé à l'éther.
De nos jours, une conception grandiose est venue encore changer la face de la science. Toutes les forces de la nature se réduisent à une seule. L'énergie, ou la force (les deux termes sont synonymes), peut revêtir toutes les apparences : elle devient tour à tour chaleur, travail mécanique, électricité, lumière ; elle donne naissance aux combinaisons chimiques et aux décompositions. Parfois la force semble se cacher ou se détruire, mais ce n'est qu'une apparence, on peut toujours la retrouver et la faire passer de nouveau par le cycle de ses transformations.
Inséparable de la matière, la force est indestructible ; et l'on doit appliquer à l'énergie ce principe absolu : rien dans la nature ne se crée ni ne se perd.
Cela est si vrai, que lorsqu'un mouvement est brusquement arrêté, immédiatement quelque chose de nouveau apparaît, c'est la chaleur. C'est ainsi qu'un morceau de plomb posé sur une enclume sera violemment échauffé sous les coups successifs du marteau du forgeron ; qu'un boulet frappant contre une cible de fer pourra atteindre la température du rouge ; que les roues d'un train en marche jettent des étincelles quand on serre brusquement les freins. Si le mouvement de la terre autour du soleil était instantanément arrêté, Helmholtz nous apprend que la quantité de chaleur engendrée serait telle, qu'elle ferait passer toute la masse terrestre à l'état de vapeur.
Ainsi donc, chaleur et mouvement sont deux formes équivalentes de l'énergie qui se remplacent mutuellement l'une devenant visible lorsque l'autre disparaît. On a établi exactement à quelle quantité de chaleur correspondait telle quantité de mouvement, cette mesure se nomme l'équivalent mécanique de la chaleur.
Il devient dès lors facile de comprendre que, chauffer un corps, c'est augmenter son mouvement interne, c'est-à-dire celui de ses molécules. Nous savons que depuis l'atome invisible jusqu'au corps céleste perdu dans l'espace, tout est soumis au mouvement. Tout gravite dans une orbite immense ou infiniment petit maintenues à une distance définie les unes des autres, en raison même du mouvement qui les anime, les molécules présentent rapports constants qu'elles ne perdent que par l'apport ou soustraction d'une certaine quantité de mouvement. En général, l'accélération du mouvement des molécules agrandit leurs orbites, les éloigne les unes des autres, autrement dit accroît le volume du corps. C'est justement à ce titre que la chaleur apparaît comme une source de mouvement.
Sous son influence, les molécules, s'écartant de plus en plus font passer les corps de l'état solide à celui de liquide, puis de gaz. Ces gaz, à leur tour, se dilatent indéfiniment par l'apport nouvelles quantités de chaleur, - c'est-à-dire de mouvement- si l'on veut s'opposer à cette expansion, le gaz exerce sur les parois du vase qui le contient une pression considérable; c'est ainsi que molécules des gaz ou des vapeurs, captives dans les cylindres locomotives, communiquent au piston cette force qu'on emploie, pour produire la traction des trains, c'est-à-dire du travail mécanique.
Donc lorsque les mouvements moléculaires d'un corps seront groupés de manière à présenter, les uns par rapport aux autres, des centres d'orientation fixes, nous dirons que ce corps est solide ; lorsque les mouvements moléculaires d'un corps sont groupés de manière que les centres de ces groupes sont mobiles les uns par rapport aux autres, ce corps est liquide ; lorsque les molécules d'un corps se meuvent dans tous les sens et entrent en collision les unes avec les autres, et cela des millions fois par seconde, ce corps est appelé gaz .
Il est utile de remarquer qu'au fur et à mesure que la matière passe de l'état solide à l'état liquide, le volume augmente ; puis de l'état liquide à l'état gazeux, la dilatation du même poids de matière devient encore plus grande, de sorte qu'en même temps que le mouvement moléculaire se prononce, la matière se raréfie. Un litre d'eau, par exemple, donne 1 700 litres de vapeur, c'est-à-dire occupe un volume 1 700 fois supérieur à celui qu'il avait à l'état liquide, dans ces conditions, les attractions mutuelles entre les molécules diminuent, et le mouvement oscillatoire des molécules devient plus rapide.
En effet, d'après des calculs de probabilités , les savants sont arrivés à admettre que l'on peut regarder la vitesse moyenne des molécules comme constante pour un même gaz, quelle que soit la direction du chemin parcouru. La valeur de cette vitesse moyenne par seconde, à la température de la glace fondante, c'est-à-dire à 0°, et à la pression barométrique de 760 mm est de :
461 mètres pour les molécules de l'oxygène ;
485 - de l'air ;
492 - de l' azote ;
1.848 - de l' hydrogène.
Ces vitesses sont comparables à celle d'un projectile à la sortie d'une arme à longue portée. La vitesse des molécules est d'autant plus grande que le gaz est plus léger, c'est-à-dire contient moins de matière dans l'unité de volume ; donc, si dans un tube fermé on fait le vide aussi parfait que possible, et que l'on oblige les molécules qui restent à se mouvoir en ligne droite au moyen de l'électricité, on obtiendra l'état radiant découvert par Crookes.
Comme l'on parle beaucoup de cet état spécial, expliquons clairement en quoi il consiste.
Nous savons que les gaz sont composés d'un nombre indéfini de petites particules, lesquelles sont sans cesse en mouvement et animées, suivant leur nature, de vitesses de toutes grandeurs.
Nous savons également que, par suite de leur nombre immense, ces particules ne peuvent se mouvoir dans aucune direction sans se heurter presque aussitôt à une autre particule.
Qu'arrivera-t-il si dans un vase clos on retire une grande partie du gaz que ce vase contient ? Il est clair que plus le nombre de molécules du gaz diminuera, moins celles qui restent auront l’occasion de se heurter les unes contre les autres. On peut donc induire ceci : que, dans un vase clos, où l'on fera un vide croissant, la distance qu'une molécule quelconque pourra parcourir sans heurter contre une autre s'accroîtra ; théoriquement, la longueur de la course libre, c'est-à-dire la longueur de la distance qu'une molécule quelconque pourra parcourir sans entrer en collision avec une autre, sera en raison inverse des molécules restantes, ou, ce qui est la même chose, en raison directe du vide produit.
Comme, dans l'état gazeux ordinaire, les molécules sont continuellement en collision les unes avec les autres ; comme cette collision continue est précisément ce qui détermine les propriétés physiques du gaz, il résulte de là que si les molécules parcourent des espaces plus grands sans se heurter, cette différence dans la manière d'agir doit donner des propriétés physiques différentes et par conséquent constituer par la matière un état nouveau. Ce quatrième état sera aussi éloigné de l'état gazeux que l'état gazeux l'était 1ui-même de l'état liquide. C'est ce que Crookes a démontré expérimentalement.
La loi que nous avons signalée, qui veut que plus la matière soit raréfiée plus le mouvement moléculaire soit rapide, s'accuse ici nettement. La vitesse de ces dernières parties de la matière est telle que les métaux les plus réfractaires, soumis au bombardement de molécules, ne tardent pas à rougir, et même à fondre, si est l'action suffisamment prolongée. Dans cet état, la matière, bien qu’excessivement rare, a encore un poids appréciable, non par balance, mais pour le raisonnement. Le vide produit est tel, que l'on suppose la pression barométrique ordinaire représentée par une colonne de mercure haute de 4 800 mètres, la pression de la matière radiante ne pourra équilibrer qu'un quart de millimètre de mercure ! Elle a donc encore un poids, ce qui explique qu'elle conserve ses propriétés chimiques, car il n'y a pas dissociation.
Mais si nous suivons la science dans ses inductions, il nous sera possible de concevoir un état où la matière sera si raréfiée que son mouvement moléculaire l'affranchira de l'attraction terrestre. C'est l'éther des physiciens qui réalise d'abord cette conception.
Pour comprendre les divers aspects de l'énergie, on a supposé que l'univers était rempli par une substance impondérable, parfaitement élastique, qui, grâce à sa subtilité, pénétrait tous les corps. Suivant que cette matière vibre plus ou moins rapidement, elle donne naissance aux phénomènes qui se traduisent pour nous par les sensations de chaleur pour les vibrations les plus lentes, d'électricité pour celles qui sont plus rapides, de rayons obscurs pour l'activité chimique, enfin aux vibrations excessivement rapides de la lumière visible et invisible.
Mais est-ce là la limite extrême que l'on ne saurait dépasser dans les recherches ? Non, car nous savons, par l'expérience spirite, que les Esprits ont un corps fluidique qui n'est affecté par aucune des formes de l'énergie. Les froids intenses des espaces interplanétaires, qui s'abaissent jusqu'à 273 degrés au-dessous de zéro, ou la température de plusieurs milliers de degrés des soleils, sont incapables d'influencer la matière périspritale. C'est que cette enveloppe de l'âme est puisée dans le fluide universel, c'est-à-dire dans la substance sous sa forme primitive. Aucun changement ne saurait l'atteindre, elle est immuable dans son essence. Elle n'est pas soumise aux décompositions, car elle ne pourrait se simplifier, étant l'état initial, le dernier terme où doivent fatalement aboutir tous les changements. Le périsprit est mélangé plus ou moins aux fluides de la planète sur laquelle l'Esprit est attaché. Le travail de l'âme est justement de débarrasser son corps fluidique de toutes les scories qui y ont été mélangées dès l'origine de son évolution.
Entre cet état parfait, - où le minimum de matière est animé du maximum de force vive, - et l'état solide, à – 273°, où le maximum de matière contient le minimum de mouvements vibratoires, - il y a une infinité de degrés qui forment l'échelle de toutes les modalités possibles de la matière. Nous sommes donc scientifiquement autorisés à dire que les fluides ne sont pas de simples créations de l'imagination, mais qu'ils correspondent dans le monde physique à des réalités positives, à des états non encore découverts, Mais que la matière radiante, les rayons X, le fluide qui impressionne les plaques photographiques et l'éther, - nous encouragent pleinement à concevoir comme existant réellement. Il n'est pas douteux que les recherches ultérieures feront découvrir plus tard ces modifications si variées des états de la substance primitive, à mesure que nos moyens d'investigation se perfectionneront, et que la science tournera ses vues vers l'invisible et l'immatériel, au lieu de se cantonner systématiquement sur le domaine grossièrement tangible, dont le territoire est si limité.
D'ailleurs, la force d'évolution oblige fatalement les retardataires à ouvrir leur intellect aux nouvelles conceptions. La photographie de l'invisible soit qu'elle opère sur les insondables profondeurs de l'étendue, soit qu'elle pénètre à l'intérieur de substances opaques, montre à l'esprit des possibilités qui auraient été traitées d'utopies superstitieuses il y a seulement quelques années. Il faut que l'humanité s'affranchisse des énervantes affirmations des matérialistes. L'heure est venue où le voile qui obstruait la vue de la nature doit tomber.
Malgré les théories les plus bizarres, forgées pour expliquer les phénomènes spirites sans l'intervention des Esprits. La vérité montre dans son évidence splendide. Oui, nous avons une âme immortelle. Oui, les vies successives sur la terre ou dans l'espace ne sont que des étapes sur l'interminable route du progrès et nous sommes bien en marche vers des destinées plus hautes. Le sentiment de l'immortalité, qui s'est affirmé à tous les âges de l'humanité, s'est témoigné d'une manière tangible, à toutes les époques, par manifestations semblables à celles que nous observons de nos jours est prêt enfin à recevoir son explication scientifique.
Alors s’affirmera nécessairement la splendide morale de la solidarité, de fraternité et de l'amour, qui est la conséquence forcée des vies successives et de l'égalité d'origine et de destinée. C'est parce que nous avons le sentiment intense que l'heure est venue où la science doit s'unir à la révélation, que nous faisons nos efforts pour ajouter notre pierre à l'édifice. Il est certain, pour tout esprit indépendant que n'aveugle pas le parti pris, que les découvertes contemporaines apportent au spiritualisme ses plus fermes soutiens.
Les spéculations précédentes sur la matière à l'état solide liquide ou gazeux, se justifient pleinement, comme il est facile de le faire voir. Si véritablement les gaz sont formés d'atomes se mouvant dans tous les sens avec une rapidité prodigieuse, il est certain qu'en refroidissant ces gaz, c'est-à-dire en leur enlevant du mouvement, on doit rapprocher les molécules; si de plus, on aide à la concentration par des pressions énergiques, le gaz doit passer à l'état liquide et enfin se solidifier lorsque les molécules peuvent exercer leurs attractions mutuelles. C'est précisément ce qui a lieu.
Ce n'est que dernièrement que l'on est arrivé à constater ces résultats que la théorie faisait prévoir. Ainsi M. Cailletet a montré que l'oxygène se liquéfie à 29 degrés au-dessous de zéro, sous une pression de 300 atmosphères, ou bien, comme M. Wroblewski l'a établi, sous une pression de une atmosphère, mais en abaissant la température jusqu'à 184 degrés au dessous de zéro. L'air que nous respirons devient liquide quand la température est de 192 degrés au dessous de zéro ; avec deux degrés en moins, l'azote devient aussi un liquide. Ainsi, si le soleil s'éteignait, c'est-à-dire s'il ne nous fournissait plus la chaleur qui maintient tous les corps terrestres dans leur état actuel, la terre serait inhabitable, car l'air serait probablement solidifié, comme l'hydrogène et tous les gaz ; il n'y aurait plus d'atmosphère et un froid mortel remplacerait l'animation et la vie.
Il règne incontestablement une continuité dans toutes les manifestations de la matière et de l'énergie. Tous les états, si divers, des substances se relient entre eux par des liens étroits; il n'y a pas de barrière infranchissable qui sépare les gaz impalpables des matières les plus dures ou les plus réfractaires. En réalité, il existe une continuité parfaite dans les états physiques ; ils peuvent passer de l'un à l'autre par des gradations si douces, qu'il est rationnel de les considérer comme des formes largement espacées d'un même état matériel. Ceci est d'autant plus exact qu'aucun état matériel ne possède de propriété essentielle qui n'appartiendrait pas aux autres.
Les solides, sous de fortes pressions, s'écoulent comme les liquides ; et les gaz peuvent se comporter comme des corps solides peu compressibles. M. Tresca, en soumettant le plomb à une pression de 130 kilogrammes par centimètre carré, l'a fait couler, avec une veine liquide, comme s'il eût été fondu. M. Daubrée a produit des érosions et des arrachements dans des blocs d'acier, par la puissance de gaz violemment comprimés. Cette action a été semblable à celle qu'aurait produite le choc d'un burin d'acier énergiquement poussé.
Il est urgent de bien comprendre que la grandeur de l'effet produit par un corps est loin de correspondre au poids de ce corps. Ainsi une quantité de gaz extrêmement faible dit M. Daubrée, en parlant de la dynamite, produit des effets véritablement stupéfiants Un poids de gaz de 1 kilogramme et demi, agissant sur un prisme d'acier de 134 centimètres carrés (ce qui correspond à un poids de 162 milligrammes par millimètre carré) y produit, à part différents affouillements de surface :
1° D'abord des ruptures, qu'opéreraient à peine des pressions de 1 million de kilogrammes, c'est-à-dire la pression d'un poids cent mille fois plus grand que celui du gaz cause de déchirements ;
2° Des écrasements, qui ne peuvent correspondre à moins de 300 atmosphères.
Ces expériences, rapprochées des effets mécaniques produit par la foudre, montrent que les formes les plus hautes de l'énergie sont unies, toujours, à la matière de plus en plus raréfiée.
C'est donc par une induction absolument légitime que nous croyons à l'existence des fluides, c'est-à-dire d'états matériels où la force vive des molécules ou des atomes va sans cesse en augmentant, jusqu'à l'état primitif, qui sera caractérisé par le maximum force vive uni au minimum de matière. Entre la matière solide et fluide universel, se trouve une immense série graduée de transitions insensibles, où le mouvement moléculaire va constamment en croissant. On peut résumer tout ce que nous avons vu par le tableau suivant :
DANS L'UNITÉ DE VOLUME : MAXIMUM DE MATIÈRE UNI AU MINIMUM DE FORCE VIVE ; LIMITE ABSOLUE : 273° AU DESSOUS DE ZÉRO.
Matière à l'état solide.
Minéraux, métaux, sels, etc. Orientation fixe des groupements moléculaires les uns par rapport aux autres. Oscillations restreintes et mouvements de vibration des molécules.
Matière à l'état liquide.
L'eau, le vin, l'alcool, etc. Orientation mobile des groupements moléculaires les uns par rapport aux autres.
Oscillations lentes, mais commencement du mouvement de rotation des molécules sur elles-mêmes.
Matière à l'état gazeux.
L'air, l'hydrogène, l'oxygène, etc.
Mouvements de translation rapides des molécules dans toutes les directions, accompagnés d'une rotation plus prononcée, à mesure que la matière se raréfie.
Matière à l'état éthérique impondérable.
se manifestant par les phénomènes calorifiques, lumineux, électriques, vitaux, etc.
Mouvements de translation plus rapides que dans l'état précédent ; mouvement rotatoire des atomes développant une force centrifuge qui contre-balance l'action de la gravitation.
Matière à l'état fluidique.
Tous les fluides du monde spirituel. Caractérisés par des mouvements de plus en plus rapides des molécules et des atomes. Toujours impondérables.
DANS L'UNITÉ DE VOLUME : MAXIMUM DE FORCE VIVE UNI AU MINIMUM DE MATIÈRE.
Matière à l'état cosmique ou primordial.
Maximum de mouvements atomiques. La matière est à son point extrême de raréfaction. Elle est à l'état initial et contient en puissance tous les états énumérés plus haut.
LA PONDÉRABILITÉ
Si l'on étudie le tableau précédent, on peut se demander comment il se fait que la matière puisse arriver à ne plus peser, c'est-à-dire devenir impondérable. Nous comprenons facilement que la matière qui passe de l'état solide à la forme gazeuse occupe un volume plus grand, puisque la chaleur a pour effet d'augmenter l'amplitude des vibrations de toutes les parties infiniment petites qui constituent le corps, mais il est clair que si l'on recueille tout le gaz produit par la transformation d'un corps solide en un corps gazeux, ce gaz pèsera toujours le même poids que lorsqu'il était concentré sous une forme matérielle. Il semble incompréhensible que la matière puisse ne plus peser, même en la supposant aussi raréfiée qu'on le voudra ; cependant, il est certain que l'électricité ou chaleur sont sans action sur la balance, quelle que soit la quantité de ces fluides qu'on accumule sur le plateau de l'appareil. Si les manifestations de l'énergie sont bien dues à des mouvements rapides de la matière éthérée, il nous faut chercher à comprendre pourquoi cette matière ne pèse pas.
Ici, nous devons prévenir le lecteur que nous avons recours à l'hypothèse, et que la manière dont nous résolvons le problème nous est toute personnelle ; si donc notre démonstration n’est pas concluante, la faute nous en est imputable et ne saurait être attribuée au spiritisme.
Pour s'expliquer ce qui se passe dans ce cas, il faut se souvenir que la pondérabilité n'est pas une propriété essentielle des corps. Ce qu'on appelle ici-bas le poids d'un corps n'est autre chose que la somme des attractions exercées par la terre sur chacune molécules de ce corps. Or, nous savons que l'attraction décroît assez rapidement, suivant l'éloignement, puisqu'elle diminue en raison du carré de la distance. Nous voyons donc qu'un corps pèsera plus ou moins suivant qu'il sera plus ou moins éloigné, centre de la terre. L'expérience montre qu'il en est ainsi. Si l’on pèse un morceau de fer à Paris et que son poids soit égal à deux kilogrammes, cela voudra dire que la force d'attraction dans cette ville est égale à 2 kilogrammes pour ce corps. Si nous transportons ce fer à l'équateur, il pèsera 5 gr 70 de moins, et au pôle 5 gr 70 de plus, Paris étant à peu près à égale distance du pôle et de l'équateur. Que s'est-il passé ?
La masse de ce corps n'a évidemment pas changé pendant le voyage; mais comme la terre est renflée à l'équateur, ce morceau de fer étant plus éloigné du centre de la terre, l'attraction a été moins forte, et cette diminution a été de 5 gr 70. Au pôle, l'action opposée s'est produite, puisque la terre est aplatie à cet endroit, de sorte la gravitation a été augmentée de 5 gr 70.
Donc, en général, un corps varie de pesanteur suivant que distance au centre de la terre est plus ou moins grande.
La pesanteur est une propriété secondaire qui n'est pas attachée intimement à la substance. Ceci bien compris, il devient plus aisé de concevoir comment la matière peut devenir impondérable. Il lui suffira de développer une force suffisante pour contre-balancer l'attraction terrestre.
Or, précisément, on a remarqué que les corps qui tournent autour d'un centre, comme la terre sur elle-même, développent une force à laquelle on a donné le nom de force centrifuge. Elle a pour effet de diminuer la pesanteur, c'est pourquoi, en mécanique, on définit le poids d'un corps : la résultante de l'attraction du centre terrestre, DIMINUÉE de l'action exercée par la force centrifuge. Elle est nulle au pôle et maximum à l'équateur. On a calculé que si la terre tournait 17 fois plus vite, c'est-à-dire si elle faisait sa rotation en 1 h. 24 minutes, la force centrifuge deviendrait assez grande pour détruire l'action de la pesanteur, de telle sorte qu'un corps placé à l'équateur cesserait de peser.
Appliquons ces connaissances mécaniques aux molécules matérielles qui, nous le savons, sont animées d'un double mouvement d'oscillation et de rotation, et il nous sera possible d'imaginer pour chacune d'elles un mouvement de rotation assez rapide pour que la force centrifuge développée annule la force de gravitation. À ce moment, la matière devient impondérable. Cette hypothèse s'accorde bien avec les faits, puisque, au fur et à mesure que la matière devient plus raréfiée, nous l'avons constaté pour les gaz, ses mouvements moléculaires augmentent de rapidité. La grande loi de Continuité nous fait supposer que l'état gazeux n'est pas la dernière limite à laquelle on doit s'arrêter ; la matière fluidique est celle où, la rapidité du mouvement moléculaire gazeux se prononçant davantage, la raréfaction s'accentue, la rotation des molécules développant une force centrifuge croissante, la matière passe à l'état invisible et impondérable.
Dans son discours sur la genèse des éléments, Crookes est conduit à soulever la question de savoir s'il n'existe pas d'éléments à poids atomique plus petit que zéro, c'est-à-dire ne pesant pas. Il rappelle qu'au nom de la théorie, le Dr Carnelay a réclamé un tel élément, une telle « non-substantialité ». Il cite également cette opinion de Helmholtz : que l'électricité est probablement atomique comme la matière. Ces choses posées, il se demande si l'électricité n'est pas un élément négatif, et si l'éther lumineux n'en est pas autre.
« Une substance d'un poids négatif n'est pas impossible à concevoir déclare-t-il. Avant lui, M. Airy, dans sa vie de Faraday, avait écrit : « Je peux aisément concevoir qu'il y ait abondance autour de nous de corps non soumis à cette action inter-mutuelle, et par conséquent non soumis à la loi de gravitation ».
Arrivés à ce point, nous pouvons nous demander si 1a matière primitive est rigoureusement impondérable, c'est-à-dire absolument affranchie de toute action de la gravitation ?
Évidemment, nous savons que les mouvements de la matière connus sous le nom de lumière, chaleur, électricité, etc., sont sans action sur la balance la plus sensible, mais n'y a-t-il pas malgré tout, une attraction pour retenir ces formes de la matière autour la terre, de manière à lui constituer une enveloppe fluidique permanente ? Nous croyons que telle est la réalité, et nous allons voir sur quelle raison nous nous appuyons pour émettre cette hypothèse.
Si nous examinons notre système solaire, l'astronomie nous apprend que, primitivement, le soleil et toutes les planètes étaient une immense nébuleuse de matière diffuse, telle que nous en voyons encore actuellement dans l'espace. Avant que la condensation de cette matière en foyers distincts se soit opérée que pouvait être la densité de cette matière ? Consultons Camille Flammarion, il va nous répondre exactement :
« Supposons, dit le grand écrivain, toute la matière du soleil, des planètes et de leurs satellites uniformément répartie dans l'espace sphérique embrassé par l'orbite de Neptune, il en résulterait une nébuleuse gazeuse, homogène, dont il est facile de calculer la densité ».
« Comme la sphère d'eau d'un pareil rayon aurait un volume égal à plus de 300 quatrillions de fois le volume terrestre, la densité cherchée ne serait qu'un demi-trillionième de la densité de l'eau. La nébuleuse solaire serait 400 millions de fois moins dense que l'hydrogène à la pression ordinaire, lequel est, comme on le sait, le plus léger de tous les gaz connus. (Il pèse 14 fois moins que l'air : dix litres d'air pèsent 13 grammes, dix litres d'hydrogène, pèsent pas 1 gramme. »
On voit donc que cette matière nébuleuse atteint un tel degré de raréfaction que l'imagination ne peut le concevoir; cependant, la matière dans cet état ultime pèse encore. Ce point est bien établi par l’étude des comètes, qui sont des amas nébuleux d'une densité extraordinairement faible, et qui cependant obéissent aux lois de l'attraction. Ceci nous montre que les fluides qui forment notre atmosphère terrestre ont une densité, aussi faible que l'on voudra, mais suffisante pour les retenir dans notre sphère d'attraction. Il en résulte encore ce point important, c'est que l'âme, revêtue de son corps fluidique, ne peut pas s'échapper dans l'infini au moment où la mort terrestre la libère de ses entraves charnelles. Ce n'est que lorsque son évolution terrestre est finie, c'est-à-dire quand le périsprit est suffisamment dégagé des fluides grossiers qui l'alourdissent, que l'esprit peut graviter vers d'autres régions et quitter enfin son berceau comme l'oiseau, déployant ses ailes, s'enfuit hors du nid où il a reçu le jour.
D'ailleurs, il se peut aussi qu'entre la matière pesante et les fluides, il existe des relations dues, non plus à la gravitation, mais à des actions inductives, comme il en existe entre les courants électriques et magnétiques.
Ces arguments, que l'on pourrait multiplier, montrent que la science spéculative ne s'oppose en aucune manière à l'existence des fluides, et que sur ce terrain les esprits nous ont aussi bien et aussi sûrement renseignés qu'il était possible de le faire. Nos instructeurs de l'espace se révèlent comme de bons chimistes et d'éminents physiciens. Ils mettent en action des forces et des lois qui nous restent à découvrir, aussi bien dans les phénomènes des apports que pour produire ces merveilleuses matérialisations, qui ont pour résultat d'engendrer, temporairement, tout ou partie d'un être vivant !
Il faut que l'accord soit complet entre le monde spirituel et la science pour amener la transformation de cette humanité rétive qui s'enlise chaque jour davantage dans la négation de toute spiritualité. Mais l'action de la Providence se fait sentir, et les manifestations supra-terrestres viennent secouer la torpeur dans laquelle les peuples s'endormaient. Déjà des intelligences s'éveillent et veulent savoir ce qui se cache derrière ces apparitions, ces maisons hantées, ces phénomènes spirites qu'on leur avait présentés comme de vulgaires superstitions; le jour est proche où la foule prendra, avec une religieuse émotion, que l'âme est immortelle, que le règne de la Justice immanente de l'au-delà s'établit sur bases inébranlables de la certitude scientifique.
CHAPITRE IV
DISCUSSION SUR LES PHENOMENES DES MATERIALISATIONS
Nous avons, dans les chapitres précédents, énoncés les preuves qui nous paraissent démontrer certainement l'existence et l'immortalité de l'âme, mais il est utile maintenant de discuter les objections qui nous ont été opposées, aussi bien sur les faits eux-mêmes que sur les conséquences que nous en avons déduites.
EXAMEN DE L'HYPOTHÈSE QUE LES FAITS RAPPORTÉS
SONT MENSONGERS
Cette supposition est évidemment celle qui peut se présenter d'abord à celui qui lit pour la première fois des récits aussi extraordinaires que ceux relatifs aux matérialisations. Ce sentiment de doute est légitime, car ces manifestations posthumes sont si éloignées de ce que l'on est habitué à considérer comme possible, que l'incrédulité se comprend fort bien. Mais lorsqu'on prend connaissance des volumineuses archives du spiritisme, on est obligé de changer d'avis, car on se trouve en présence de rapports qui émanent d'hommes de science universellement estimés, dont la parole ne saurait être suspectée, leur honorabilité étant au-dessus de tout soupçon. On ne peut guère imaginer, en effet, que les professeurs Hare, Mapes, le grand-juge Edmonds, Alfred Russel Wallace, Crookes, Aksakof, Zoellner ou le Dr Gibier se soient entendus pour mystifier leurs contemporains ; cette supposition est si absurde que nous croyons inutile d'insister sur ce point.
Est-il plus raisonnable de supposer que ces hommes éminents ont tous été trompés par ces habiles charlatans que seraient les médiums ? Nous ne le croyons pas davantage, car certains médiums, comme Eusapia Paladino, ont été étudiés par des commissions scientifiques comprenant parmi leurs membres des hommes de la valeur de Lombroso, de Ch. Richet, de Carl du Prel, d'Aksakof, de Morselli, de Maxwell, de Rochas ; des astronomes tels que Schiapparelli et Porro, etc., et tous ces investigateurs, séparément, sont arrivés à constater des phénomènes identiques.
Il faudrait donc être de la plus insigne mauvaise foi pour ne pas reconnaître l'immense portée de ces expériences. Les adversaires du spiritisme font le silence sur ces travaux, et pour cause, mais ceux qui prendront la peine de les consulter, seront frappés par ce prodigieux concours d'affirmations unanimes, qui donnent aux faits spirites une véritable consécration scientifique.
Est-ce à dire que nous devions accepter toutes les affirmations spirites qui nous seront faites par des individualités quelconques ?
Évidemment non. Dans ces matières surtout, il faut nous montrer excessivement sévères sur la valeur des témoignages et faire une sérieuse sélection dans la multitude des observations. Cependant, il ne nous paraît pas possible d'éliminer les rapports qui proviennent d'hommes instruits, de position indépendante, n'ayant aucun intérêt à mentir et dont la parole serait acceptée sans hésitation en toute autre matière. Les dépositions provenant d'ingénieurs, de prêtres, de magistrats, d'avocats, de docteurs qui ont expérimenté sérieusement et qui racontent comment ils furent convaincus, sont excessivement nombreuses et méritent toute créance. Depuis cinquante années que cette vaste enquête se poursuit, nous possédons un nombre immense de documents sur chaque classe de phénomènes, de sorte que déduction faite des cas douteux, il reste un chiffre élevé de récits identiques comme fond, qui montrent que ces narrateurs, inconnus les uns des autres, ont signalé des faits exacts.
LES FRAUDES DES MÉDIUMS
Si la bonne foi des assistants est généralement peu suspecte, il n'en est pas de même de celle des médiums, qui peut être fort sujette à caution. Il est certain que les médiums professionnels sont parfois tentés de suppléer aux manifestations, lorsque celles-ci sont trop longtemps sans se produire ; mais cette simulation ne peut avoir lieu que pour les phénomènes les plus simples ; ils ne trompent que les observateurs naïfs et inexpérimentés, ce qui n'est pas le cas des savants dont nous avons cité les noms. Ces derniers opéraient en prenant toutes les précautions nécessaires. Les phénomènes de matérialisation, à cause de leur étrangeté, sont ceux dont la surveillance fut le plus sévère, et les expérimentateurs, sceptiques au début de leurs recherches, n'ont été conduits à la certitude de leur réalité que lorsqu'il devint évident que ces matérialisations ne pouvaient être produites par des déguisements du médium, ou par des compères qui auraient joué le rôle de l'Esprit. Prenons comme exemple les recherches classiques de william Crookes. C'est après trois années d'investigations faites, pour la plupart, dans sa propre maison, dans son laboratoire, qu'il a pu voir et photographier simultanément l'esprit et le médium et s'assurer ainsi que l'apparition n'était pas due à un déguisement de Florence Cook. D'ailleurs, à maintes reprises, cette jeune fille de quinze ans resta des semaines entières dans la maison du professeur où il lui eût été impossible de préparer les machinations nécessaires pour exécuter une semblable imposture.
Dans tous les comptes rendus sérieux qui ont été publiés sur les matérialisations, la première partie du récit est consacrée à l'exposé des précautions prises pour éviter une supercherie toujours soupçonnable. Le cabinet du médium est soigneusement examiné ; on se rend compte qu'il n'y a ni trappe ni fenêtre dissimulée, ni placards pouvant servir à cacher un ou plusieurs compères. Les portes de la réunion sont parfois scellées avec des papiers cachetés, de sorte qu'on ne pourrait les ouvrir sans bruit et sans briser les papiers. Le médium est lui-même sévèrement fouillé et souvent déshabillé, de façon qu'il ne puisse dissimuler quoi que ce soit pouvant servir à un déguisement quelconque. Une fois ces préliminaires achevés, il s'agit de mettre le médium dans l'impossibilité de changer de place. Tantôt, comme l'ont fait Varley et Crookes, un courant électrique passe à travers le corps du sujet et se trouve relié à un galvanomètre à réflexion qui assure l'immobilité du médium, car le moindre mouvement occasionnerait une différence dans la résistance du circuit et se révèlerait par des variations d'intensité du courant, que le miroir indiquerait. Malgré ces précautions minutieuses, l'Esprit de Katie et celui de Mme Fay se montrèrent comme à l'ordinaire, ce qui établit la parfaite indépendance de l'apparition.
D'autres fois, on attache les mains du médium, ses bras, au moyen de lacets qui sont noués, et sur lesquels on appose des cachets de cire. La même lanière sert à faire le tour du corps et à relier le médium à sa chaise, où de nouveaux nœuds sont faits et, scellés; enfin l'extrémité de la tresse tendue est attachée à un anneau, hors du cabinet, en vue de tous les spectateurs. Souvent aussi on s'est servi de sacs ou de filets fermés et cachetés comme, précédemment. On a même été jusqu'à employer des cages ; malgré, tous ces contrôles, les faits se sont reproduits exactement de la même manière que lorsque le médium est libre. Il existe incontestablement des preuves nombreuses et absolues que le médium ne peut pas tromper, c'est lorsque dans les habitations mêmes des investigateurs, on photographie simultanément l'Esprit et le médium ; comme nul compère ne peut simuler l'apparition, il est de toute évidence que le médium n'est pas consciemment l'auteur du phénomène.
Des phénomènes de cette nature ont été observés par William Crookes, par Aksakof, par le Dr Hitchman, etc . Les moulages de membres de formes matérialisées sont non moins probants. Non seulement il est impossible de les simuler, puisqu'on ne peut faire un moule de main complète sans qu'il soit composé de plusieurs pièces dont les jointures seraient visibles, alors que ceux produits par les Esprits n'en ont pas, et aussi parce qu'un moule qui n'aurait pas de parties ne pourrait être retiré, le poignet étant évidemment plus étroit que la main à la hauteur des doigts.
Dans les expériences que nous avons citées, le moulage de la main physique du médium diffère complètement de celui de l'apparition, ce qui établit nettement deux choses : 1° la sincérité du médium ; 2° que la main fluidique n'est pas due à son dédoublement. Il ne faut pas oublier non plus que, presque toujours, la paraffine fût pesée par les opérateurs avant et après les séances. Le poids du moule et celui de la paraffine non employée était égal au poids primitif, d'où cette conclusion que le moule a été fabriqué sur place et non apporté du dehors.
En supposant les médiums doués d'une ruse inconnue jusqu'alors, on ne peut aller contre l'évidence des photographies et des moulages ; nous sommes donc contraints d'écarter l'hypothèse d'une supercherie, au moins dans les cas cités par nous.
L'APPARITION EST-ELLE UN DÉDOUBLEMENT DU MÉDIUM ?
Il est à remarquer que les incrédules qui nient la possibilité du dédoublement comme explication des phénomènes télépathiques, n'hésitent pas à employer cet argument lorsqu'il s'agit des apparitions constatées dans les séances spirites. Mais tout en reconnaissant que cette possibilité se réalise parfois, il est sûr aussi que, dans bien des cas, il y a d'autres facteurs qui interviennent. La distinction à faire entre une bilocation du médium et une matérialisation d'Esprit est bien simple : toutes les fois que le fantôme ressemblera au médium, cette apparition sera due à son périsprit extériorisé.
Nous savons, en effet, que toujours le corps fluidique est la reproduction exacte et fidèle, jusqu'à la minutie, du corps physique. Jamais on n'a constaté expérimentalement de dissemblances entre un individu et son double, hormis celles qui résultent les jeux du visage dans l'expression des émotions. Ce sont deux exemplaires du même être, deux ménechmes. Nous avons pu constater cette identité dans le cas cité par Cox (page 160), et voici ce que dit à cet égard M. Brackett, bon juge en ces matières :
« J'ai vu des centaines de formes matérialisées, et, dans bien des cas, le double fluidique du médium si ressemblant que j'aurais juré que c'était le médium lui-même, si je n'avais pas vu ce double se dématérialiser devant moi et immédiatement après, constaté que le médium était endormi. »
Souvenons-nous encore que le moulage d'un pied fluidique d'Eglinton est la reproduction absolue du même membre de chair et d'os. Il est donc pour nous de la plus haute probabilité qu'un médium extériorisé ne peut pas, motu proprio, se transformer. Il apparaît identique au corps physique, et c'est grâce à cette ressemblance que les faits innombrables, dénommés télépathiques, ont pu, si souvent, être constatés.
Mais, dira-t-on, est-il impossible à l'Esprit de modifier son aspect ? On a pu constater parfois des phénomènes qui semblent contredire les conclusions énoncées plus haut : ce sont ceux que l'on a nommés des transfigurations. Voici en quoi ils consistent :
Il existe des médiums qui ont la singulière propriété de subir des changements dans la forme de leur corps, de manière à prendre momentanément certaines apparences, à ressusciter, pour ainsi dire, les personnes mortes depuis longtemps. Allan Kardec cite le cas d'une jeune fille dont les transfigurations étaient si parfaites, qu'on avait l'illusion de se trouver en présence du défunt ; les traits du visage, la corpulence, le son de la voix, tout contribuait à rendre la changement complet. Elle prit plusieurs fois l'apparence de son frère mort quelques années auparavant. Ce fait n'est pas isolé ; les recueils spirites en relatent un petit nombre. Si, physiquement, le corps peut sembler transformé, cette opération ne pourrait-elle pas se produire pour le périsprit dans les séances de matérialisations ? Nous savons que ce phénomène est possible, mais il faut alors chercher quelle est la cause effective de cette modification, puisqu'elle ne se produit jamais naturellement.
Nous croyons qu'elle provient précisément de l'action de l'Esprit dont le double reproduit les traits, puisque le médium ne connaît pas le désincarné qui se manifeste de cette manière.
Erreur, répondent les critiques. Le médium endormi possède, une personnalité seconde qui est toute puissante sur son enveloppe qu’elle peut modeler comme une cire molle ; la forme prise par le périsprit est la reproduction fidèle de l'image que le médium se représente, de sorte que l'être que vous voyez causer, se déplacer, agir sur la matière et que vous prenez pour un habitant de l'au-delà n'est, en fin de compte, que le double du médium qui s'est grimé pour la circonstance.
Remarquons tout d'abord qu'il serait bizarre que partout les médiums se livrassent inconsciemment à cette mascarade et qu'ils affirmassent invariablement avoir vécu sur la terre mais, disent encore les spirites, où le médium prendrait-il le modèle de son déguisement, puisque l'être qu'il singerait n'existe plus ?
Ici on offre deux explications :
PREMIÈREMENT. - Le dessin de la forme de l'être se trouve dans l'inconscient des spectateurs. Alors même que les expérimentateurs ne se souviennent plus de toutes les personnes décédées qu'ils ont connues, il existe en eux une image fidèle et indélébile, et c'est sur ce dessin inconscient que le double se modèle. Le fait même que l'apparition est reconnue suffit, disent nos adversaires, à montrer qu’elle subsistait, ignorée, dans l'inconscient d'un des assistants. La clairvoyance du sujet en transe est merveilleuse et lui permet de lire en vous comme dans un livre ouvert ; et c'est parce qu'il possède cette faculté - comme le montrent les expériences du somnambulisme- que vous êtes dupes de l'illusion d'être en présence d'un personnage de l'autre monde.
SECONDEMENT. - Lorsque l'apparition n'est connue de personne, c'est que l'image en a été prise dans l'astral. On appelle ainsi l'ambiance fluidique qui entoure la terre et qui aurait la propriété de garder des sortes de clichés inaltérables de tout ce qui existe.
La première hypothèse. - LECTURE DANS L'INCONSCIENT - serait admissible s'il n'existait pas des expériences auxquelles elle ne peut s'appliquer. Il est très vrai que nous conservons en nous des empreintes impérissables de tout ce qui a frappé nos sens. Alors même que le souvenir s'est affaibli au point de ne pouvoir nous retracer une période de notre vie passée, il est possible de faire renaître ces sensations et de leur redonner une fraîcheur et un éclat aussi vif qu'au moment où nous les avons ressenties .
Mais ce n'est pas nous-mêmes qui avons cette faculté, il faut un hypnotiseur pour la révéler, et seulement chez certains sujets spéciaux ; il n'a jamais été démontré qu'un médium la possédât, d'autant plus que, de l'aveu de tous ceux qui ont étudié la médiumnité, le sujet qui prête son concours est tout à fait passif.
Si vraiment le pouvoir d'un médium était aussi puissant que le veulent ces théories, il pourrait toujours satisfaire à toutes les demandes et faire apparaître aux yeux des assistants tous leurs morts aimés. C'est ce qu'observe M. Aksakof :
« Si les matérialisations ne sont que des hallucinations produites par le médium et s'il a la faculté de voir toutes les images emmagasinées dans les profondeurs de la conscience somnambulique latente des assistants et de lire toutes les idées et toutes les impressions qui se trouvent à l'état latent dans leur souvenir - il lui serait bien aisé de contenter tous ceux qui assistent à la séance en faisant toujours apparaître à leurs yeux les images de personnes défuntes qui leur étaient chères. Quel triomphe, quelle gloire, quelle source de fortune pour un médium qui parviendrait à ce but ! Mais au grand regret des médiums, les choses ne se passent pas ainsi : pour le plus grand nombre d'entre eux, ce sont des figures étrangères qui se présentent, des figures que personne ne reconnaît, et les cas où la ressemblance avec le défunt était bien constatée, non seulement quant à la figure mais aussi quant à la personnalité morale, sont extrêmement rares : les premiers sont la règle, les autres l'exception. »
Ce raisonnement relatif à l'hallucination est applicable de tous points à une transfiguration du corps fluidique du médium. Le phénomène serait même plus probant encore, puisqu'on pourrait photographier ou mouler l'être en apparence rappelé des profondeurs de la tombe. Cette explication, quelque ingénieuse qu'elle soit, ne peut rendre compte de tous les cas. Il est de toute évidence que si c'est le double du médium qui cherche à se faire passer pour un défunt, il ne pourra parler dans la langue employée par le mort durant sa vie, s'il ignore cette langue et s'il est même tout à fait impossible qu'il la connaisse. Voici quelques faits qui mettent cette vérité en évidence.
M. James M. N. Scherman, de Rumford, Rhode Island, a décrit dans The Light de 1885, page 235, plusieurs séances auxquelles il assista chez Mme Allens, demeurant à Providence, Rhode Island. Voici celle du 15 septembre 1883 : « Je fus appelé avec ma femme près du cabinet, et, pendant que je me tenais devant, je vis apparaître sur le plancher une tache blanche qui se transforma insensiblement en une forme matérialisée que je reconnus pour ma sœur, et qui m'envoya des baisers. Puis se présenta la forme de ma première femme. Après quoi, les deux moitiés du rideau s'écartèrent ; dans l'écartement se tenait une forme féminine avec le costume des insulaires du Pacifique, tel qu'il était quarante-cinq ans auparavant et que je me rappelais bien. Elle me parla dans sa langue maternelle ».
Il est manifeste, dans cet exemple, que Mme Allens ne connaissait pas les dialectes polynésiens. On pourrait joindre d'autres témoignages à celui-ci, mais nous croyons devoir rappeler immédiatement le récit des recherches de M. Livermore, qui vit le fantôme de sa femme et qui put conserver des lettres écrites sous ses yeux par l'apparition. Ces messages étaient en français, langue ignorée de Kate Fox, le médium, absolument à l'état normal pendant toute la durée du phénomène. (Voir page 181). La forme matérialisée d'Estelle était si bien un être indépendant du médium qu'elle put se manifester par la photographie, trois années après qu'elle eût cessé d'apparaître, et en l'absence du médium Kate Fox. Nous avons à ce sujet la déposition de M. Livermore devant le tribunal, lors du procès intenté au photographe spirite Mumler (Spiritual Magazine, 1969). Il fit deux essais avec Mumler: «au premier apparut une figure sur le négatif à côté de M. Livermore, figure qui fut reconnue ensuite par le Dr Gray comme un de ses parents ; à la seconde fois, il y eut cinq expositions de suite et pour chacune, M. Livermore avait pris une pose différente. Sur les deux premières plaques il n'y eut que des brouillards sur le fond ; sur les trois dernières, apparut Estelle, de plus en plus reconnaissable et dans trois poses différentes. La précaution prise par M. Livermore de changer de pose, exclut l'hypothèse que les clichés auraient été préparés d'avance. De plus, « Elle fut très bien reconnue, dit M. Livermore, non seulement par moi, mais par tous mes amis. » Sur une question du juge, il déclara qu'il possédait chez lui plusieurs portraits de sa femme, mais pas sous cette forme.
Nous acquérons ici la certitude qu'Estelle vit dans l'espace et a conservé sa forme terrestre, puisqu'elle en a donné des preuves par la matérialisation et la photographie. Les communications démontrent que sa capacité intellectuelle n'a pas subi de diminution, témoins ses messages en pur français. Les faits confirment donc absolument l'enseignement spirite, à l'exclusion de toute autre théorie.
Il ne faut jamais oublier qu'une hypothèse est nécessairement fausse ou incomplète, si elle ne rend pas compte de tous les faits ; c'est le cas de ces explications qui ont voulu ne voir dans les matérialisations qu'un dédoublement du médium ou une transfiguration de son double.
La seconde hypothèse - LECTURE DANS L'ASTRAL - n’est pas plus justifiable que la précédente. Les faits cités en dernier suffisent pour écarter la supposition que la conscience somnambulique du médium puiserait le modèle de la figure matérialisée dans l’astral, car en supposant qu'il existe dans l'espace de semblables entités, ce ne seraient évidemment que des images inertes, des sortes de clichés fluidiques, lesquels ne pourraient témoigner aucune activité intellectuelle, pas plus que les personnages d'un tableau ou d'une photographie ne peuvent s'animer ou discuter entre eux. Notons aussi qu'il faudrait que ces clichés vinssent trouver le médium, puisqu'il en existerait des milliards autour de nous. Comment choisirait-il celui qui correspond à l'esprit évoqué ? Si on suppose que ces apparences sont capables d'écrire et de témoigner d'une existence physique c'est revenir à la théorie spirite, puisque de semblables images intelligentes seraient indiscernables de véritables Esprits.
Mais on ne peut même pas admettre cette explication du dédoublement transfiguré, car il est des cas où ce n'est plus un seul Esprit matérialisé qui se montre, mais plusieurs en même temps, parfois de sexes différents, et chacun prouve qu'il est un être réel, avec un organisme volumineux anatomique, qui lui permet de se déplacer, de causer, en un mot de s'affirmer vivant. Voici quelques exemples de ces faits remarquables.
MATÉRIALISATIONS MULTIPLES ET SIMULTANÉES
MM. Oxley et Reimers sont des expérimentateurs habiles, de position indépendante, et très familiarisés avec les matérialisations; on leur est redevable d'observations du plus haut prix. M. Reimers, chez lui, a pu obtenir le moulage de la main droite d'une apparition qu'il vit un instant à côté du médium. Pour savoir si ce moule n'était pas produit par le médium, il le pria de tremper sa main dans le seau contenant de la paraffine, afin d'en prendre un moulage. La main de l'Esprit diffère complètement par sa forme, sa finesse et ses dimensions, de celle du médium, Mme Firman, qui était une femme âgée appartenant à la classe ouvrière. On peut voir à la fin du volume : Animisme et Spiritisme d'Aksakof, les phototypies qui reproduisent ces moulages et permettent la comparaison. Dans une autre séance, en présence de M. Oxley, on exprima le désir d'obtenir la main gauche du même Esprit, ce qui fut fait. Ce second plâtre est tout à fait le pendant de celui de la main droite, obtenu auparavant. L'apparition se nommait Bertie ; jusqu'alors, rien que d'ordinaire. Voici où le phénomène devient intéressant :
Dans une séance ultérieure et par l'intermédiaire d'un médium du sexe masculin, le Dr Monck, on obtint les moules des deux mains de Bertie et celui d'un pied; les trois plâtres portent exactement les lignes et traits caractéristiques des mains et des pieds de Bertie, tels qu'on les avait observés quand les moules avaient été produits pendant les séances tenues avec Mme Firman. (Psychische Studien, 1877, page 540.) La substitution d'un homme à une femme - comme médium - est très importante, car on ne peut guère expliquer au moyen du dédoublement la production d'une image identique par deux médiums différents, tandis que l'on conçoit fort bien qu'un Esprit puise indifféremment dans un organisme féminin ou masculin les principes nécessaires à sa matérialisation, puisqu'ils sont les mêmes chez tous les deux. Mais lorsqu'au lieu d'une apparition il s'en montre plusieurs simultanément, il devient impossible de les attribuer soit à un dédoublement, soit à une transfiguration du médium. Citons d'après Aksakof un des ces remarquables récits (séance du 11 avril 1876).
« L'image ci-contre reproduit exactement le plâtre de la main de l'Esprit matérialisé, qui s'intitulait Lily (10) c'est un autre esprit que Bertie, (dont elle diffère beaucoup physiquement) et qui a été pris et coulé dans le moule laissé par cet Esprit à la séance du 11 avril 1876, et cela dans des conditions rendant toute supercherie impossible. Comme médium nous avions le Dr Monck ; après que nous l'eûmes fouillé, sur sa propre demande, il fut placé dans un cabinet improvisé en mettant un rideau à travers l'embrasure d'une fenêtre ; la chambre resta éclairée au gaz durant toute la séance. Nous approchâmes une table ronde du rideau même et y primes place au nombre de sept. »
« Bientôt deux figures de femmes que nous connaissions sous les noms de « Bertie » et « Lily » se montrèrent à l'endroit où les deux parties du rideau se touchaient, et, quand le Dr Monck passa sa tête à travers l'ouverture, ces deux figures apparurent au-dessus du rideau, tandis que deux figures d'hommes (« Mike » et « Richard ») l'écartaient des deux côtés et se faisaient également voir. Nous aperçûmes donc simultanément le médium et quatre figures matérialisées, dont chacune avait ses traits particuliers qui la distinguaient des autres figures, comme c'est le cas avec les personnes vivantes.
« Il va de soi que toutes les mesures de précaution avaient été prises pour empêcher toute supercherie et que nous nous serions aperçus de la moindre tentative de fraude ».
Ici le doute n'est plus permis, puisque l'on voit le médium et les formes matérialisées simultanément. Si le dédoublement du médium est possible - et cela nous n'en doutons nullement - une division en quatre parties, dont deux d'un sexe et deux de l'autre, est absurde. Nous sommes obligés d'admettre comme seule explication logique l'existence des Esprits, malgré toutes les préventions et les préjugés.
Il ne faudrait pas croire que le cas cité par MM. Reimers et Oxley soit unique, il est au contraire assez fréquent. Eglinton a très souvent servi de médium pour des apparitions collectives matérialisées. Miss Glyn affirme que, chez elle, sa mère et son frère se sont matérialisés, et qu'en voyant ces deux formes en même temps que le médium qui était près d'elle, et dont on tenait les mains, il était impossible de n'être pas convaincu de la réalité du phénomène.
Le peintre Tissot a vu simultanément, assez bien et assez longtemps pour en faire un très beau tableau, deux formes, une masculine, l'autre féminine, celle-ci qu'il reconnut parfaitement, et en même temps le dédoublement d'Eglinton dont le corps physique était assis dans un fauteuil auprès du peintre .
Nous croyons inutile d'insister plus longuement sur ces faits, que le lecteur trouvera, nombreux, dans les ouvrages cités.
RÉSUMÉ
Bien qu'il y ait eu des fraudes de la part de charlatans voulant se faire passer pour médiums, il est incontestable que lorsque les expériences ont été faites par des savants, les précautions prises ont été suffisantes pour écarter absolument cette cause d'erreur. Les récits de sources si diverses, et qui se confirment les uns par les autres, sont des preuves que les faits ont été bien observés et que ces rapports sont véridiques.
Il faut bannir absolument l'hypothèse que le médium endormi serait un puissant magnétiseur qui imposerait, par suggestion, ses pensées aux expérimentateurs plongés par lui dans un somnambulisme inconscient, - hypnotisme vigile, - car un tel pouvoir n'a jamais été observé. Aucune expérience n'a établi que des individus quelconques réunis dans la même chambre - n'ayant jamais été magnétisés ou hypnotisés - ont pu être hallucinés de manière à voir et à toucher un objet ou une personne imaginaire. Les assistants, nous en avons des preuves nombreuses, sont dans leur état normal ; ils causent entre eux, prennent des notes, discutent les phénomènes, doutent, toutes choses qui établissent qu'ils sont parfaitement éveillés. N'oublions pas non plus que les photographies, les moulages, les objets que l'on garde alors que l'apparition a disparu, les preuves écrites qui restent après que l'être s'est évanoui, sont des preuves absolues qu'il n'y a pas eu illusion ou hallucination.
Voici donc, en somme, tous les cas qui peuvent se présenter. Tout d'abord, il est possible que l'on constate une transfiguration du médium lui-même ; mais ces faits, excessivement rares, sont toujours un peu suspects, à moins qu'ils ne se produisent spontanément et en pleine lumière. La transfiguration du double du médium est plus fréquente, bien que ce phénomène soit encore une exception. Nous avons vu - par des faits positifs - que l'hypothèse de modifications plastiques du périsprit du médium, n'explique pas du tout l'emploi, par la matérialisation, d'une langue étrangère que ce médium ignore ; non plus que les cas de visions simultanées de plusieurs fantômes ; pas davantage qu'elle ne peut rendre compte de ces formations de fantômes identiques, malgré les changements de médiums. Si l'on joint à ces observations celles où le sujet cause avec l'apparition comme c'est le cas entre Katie King et miss Cook ; ou celles dans lesquelles l'on constate la présence simultanée du double du médium et d’esprits matérialisés ; il faut donc admettre que la théorie dédoublement n'est pas générale et ne peut s'appliquer à la plupart des phénomènes.
L'hypothèse que les apparitions ne seraient que des images prises dans l'astral et projetées physiquement par la conscience somnambulique du médium n'est pas acceptable, car il faudrait faire comprendre comment ces effigies deviendraient des êtres vivants et manifesteraient une vie psychique dont les éléments n'existent pas chez le médium, ce qui n'a jamais été tenté.
La seule théorie qui explique tous les faits, sans exception, est celle du Spiritisme. L'âme, inséparable de son enveloppe périspritale, peut se matérialiser temporairement, soit en transformant le double du médium, ou, plus exactement, en le masquant sous sa propre apparence, soit en prenant à ce médium de la matière et de énergie pour l'accumuler dans sa forme fluidique, qui apparaît alors comme elle était jadis sur la terre. Nous allons insister sur les caractères anatomiques des matérialisations, pour bien établir l'individualité des êtres qui se manifestent dans ces merveilleuses séances. Mais auparavant, il n'est pas inutile de discuter le degré de certitude que comporte la preuve de l'identité des Esprits.
ÉTUDE SUR L'IDENTITÉ DES ESPRITS
Dans le savant et consciencieux ouvrage que M. Aksakof a consacré à la réfutation des théories du philosophe Hartmann, on peut lire la conclusion suivante :
« Tout en ayant acquis par une voie laborieuse la conviction que le principe individuel survit à la dissolution du corps et peut, sous certaines conditions, se manifester de nouveau par un corps humain accessible à des influences de ce genre, la preuve absolue de l'identité de l'individu revient à une impossibilité. »
Nous avons une sincère admiration et un profond respect pour le savant russe qui a montré dans son oeuvre un esprit aussi sagace que pénétrant. Son livre est un des plus précieux recueils de phénomènes bien étudiés, dans lequel les spirites trouvent des armes décisives pour soutenir la lutte contre leurs adversaires ; mais nous ne pouvons adopter toutes ses idées, car il nous semble que son désir de rester strictement dans les limites imposées par sa discussion avec Hartmann, lui fait restreindre par trop le caractère de certitude qui ressort des expériences spirites. N'y a-t-il pas contradiction entre la première et la seconde partie de la citation précédente ? Comment acquérir « la conviction que le principe individuel survit » si on ne peut établir l'identité des êtres qui se manifestent ? Pourquoi si, collectivement, tous les humains survivent, ne peut-on avoir de certitude particulière pour l'un d'entre eux ? Nous allons examiner les arguments sur lesquels s'appuie M. Aksakof pour arriver à cette désolante conclusion.
Suivant l'auteur , la présence d'une forme matérialisée, constatée par la photographie ou dans les séances de matérialisation, ne serait pas suffisante pour affirmer son identité pas plus d'ailleurs que le contenu intellectuel des communications ; voici pourquoi :
« Il ne me reste plus qu'à formuler le dernier desideratum, relativement à la preuve d'identité fournie par la matérialisation, c'est que cette preuve - de même que nous l'avons exigé pour les communications intellectuelles et la photographie transcendantale, - soit donnée en l'absence de toute personne pouvant reconnaître la figure matérialisée. Je crois qu'on pourrait trouver plusieurs exemples de ce genre dans les annales des matérialisations. Mais la question essentielle est celle-ci : le fait étant donné, pourrait-il servir de preuve absolue ? Évidemment non. Car, étant admis qu'un « esprit » peut se manifester de telle sorte, il peut toujours, eo ipso se prévaloir des attributs de personnalité d'un autre esprit et le personnifier en l'absence de qui que ce soit qui pût le reconnaître. Une telle mascarade serait parfaitement insipide, vu qu'elle n'aurait absolument aucune raison d'être ; mais au point de vue de la critique, sa possibilité ne saurait être illogique. »
M. Aksakof paraît admettre comme démontré qu'un Esprit peut se montrer sous une forme quelconque, celle qu'il lui plaira de prendre, afin de représenter un personnage qu'il n'est pas : or, c'est justement ce qu'il faudrait établir par des faits nombreux et précis. Si nous consultons les milliers de cas où l'Esprit d'un vivant se fait voir, nous constatons que le double est toujours la reproduction rigoureusement exacte du corps. Cette identité atteint toutes les parties de l'organisme, comme l'établit irréfutablement le moulage du pied fluidique d'Eglinton, dont nous avons parlé. (Voir page 140).
Lorsque le double entier d'Eglinton se matérialise, il est à ce point semblable au corps physique qu'il faut voir le médium endormi sur sa chaise pour être persuadé qu'il n'est pas à la place où se trouve l'apparition. Lorsque Mme Fay se montrait entre les rideaux avec son costume et son visage parfaitement semblable à celui du corps physique comme traits, couleur des yeux, des cheveux, de la peau, il est nécessaire que le courant électrique traverse son organisme charnel pour être sûr que ce n'est pas lui qui se montre.
« J'ai vu, dit M. Brackett , - expérimentateur très sceptique et très prudent, - des centaines de formes matérialisées, et, dans bien des cas, le double fluidique du médium, si ressemblant que j'aurais juré que c'était le médium lui-même, si je n'avais pas vu ce double se dématérialiser devant moi et, immédiatement après, constaté que le médium était endormi. »
Nous ne croyons pas qu'on puisse citer un seul exemple de double de vivant qui ait changé son type par sa seule volonté. Il résulte, au contraire, de l'observation des faits spontanés d'apparition, aussi bien que de ceux obtenus par l'expérience, que si aucune influence extérieure n'intervient, l'Esprit se montre toujours sous la forme corporelle qui est la caractéristique de sa personnalité. Aurait-il donc après la mort un pouvoir qui, lui manquait de son vivant ? L'Esprit pourrait-il donner à son corps spirituel une forme identique à celle d'un autre esprit, de manière à en être le sosie ? C'est ce que nous allons examiner.
Le phénomène de la transfiguration semble, au premier abord confirmer l'opinion que l'Esprit peut changer de forme, mais en est-il bien ainsi ? Dans la réalité, le sujet est tout à fait passif. Ce n'est pas consciemment et volontairement qu'il modifie son aspect. Il subit une influence étrangère qui substitue son apparence à celle du médium, puisque, généralement, celui-ci ne connaît pas l'esprit qui agit sur lui. On ne peut donc prétendre que l'esprit d'un médium soit capable - eo ipso - de se transformer; en tous cas, cela n'est nullement démontré, et la substitution de forme peut-être logiquement attribuée à un autre Esprit, puisque lorsque le dédoublement est spontané, c'est la forme du corps qui est toujours celle de l'Esprit.
Étudions maintenant les cas où l'apparition est manifestement différente du médium et de son double.
A-t-on jamais constaté qu'un Esprit se montrant sous une forme bien définie en ait changé devant les spectateurs, en revêtant une seconde tout à fait différente de la première ? Jamais un semblable phénomène ne s'est produit. La seule observation, à notre connaissance, qui ait quelque rapport avec ce sujet est celle rapportée par M. Donald Mac Nab. Il a pu photographier et toucher, ainsi que six de ses amis, une matérialisation de jeune fille qui reproduisait absolument un vieux dessin datant de plusieurs siècles, lequel avait beaucoup frappé le médium. Rien ne prouve, dans cet exemple, que cette apparition ne soit pas celle de la jeune fille représentée sur le dessin, la pensée sympathique du médium suffisant parfaitement pour l'attirer. Il n'est donc nullement établi que ce soit une transformation du double du médium, pas plus qu'une création fluidique objectivée par son cerveau. Ce que l'on a constaté, parfois, ce sont des modifications dans la taille, la coloration des traits, l'expression de la physionomie de l'apparition ; son degré de matérialité peut varier beaucoup et lorsqu'il est faible ne pas accentuer autant tous les détails de la ressemblance ; mais le type général ne change pas ; les modifications sont celles d'un même modèle et ne sont pas suffisantes pour représenter un autre être.
Prenons l'exemple de Katie King. Il est certain qu'elle n'est pas un dédoublement de Florence Cook puisque celle-ci, éveillée, cause pendant quelques minutes avec Katie et M. Crookes, qui les voit toutes les deux. L'indépendance intellectuelle de l'Esprit matérialisé se montre là avec éclat, car pour le corps physique, elle n'est pas douteuse. M. Crookes a signalé les différences de taille, de teint, de chevelure et, ce qui est plus important, des caractères physiologiques, entre les deux jeunes filles. « Un soir, je comptais les pulsations de Katie ; son pouls battait régulièrement 75, tandis que celui de Mlle Cook, peu d'instants après, atteignait 90, son chiffre habituel. En appuyant mon oreille sur la poitrine de Katie, je pouvais entendre son cœur battre à l'intérieur, et ses pulsations étaient encore plus régulières que celles du cœur de Mlle Cook, lorsque après la séance elle me permettait la même expérience. Éprouvés de la même manière, les poumons de Katie se montrèrent plus sains que ceux de son médium, car au moment où je fis mon expérience, Mlle Cook suivait un traitement médical pour un gros rhume. »
Il est évident d'après cela que ce n'est ni le corps, ni le double du médium qui figure Katie ; celui-ci a une individualité distincte, bien qu'elle n'apparaisse pas toujours en entier. Dans une séance avec Varley, ingénieur en chef des lignes télégraphiques d'Angleterre, le médium étant contrôlé électriquement, Katie ne parut qu'à moitié matérialisée, jusqu'à la taille seulement, le reste du corps manquait ou était invisible. « Je serrai la main de cet être étrange, dit le célèbre Électricien, et à la fin de la séance, Katie me dit d'aller réveiller le médium. Je trouvai miss Cook entransée (c'est-à-dire endormie) comme je l'avais laissée et tous les fils de platine intacts. Je réveillai miss Cook. »
Dans les premiers temps, d'après Epes Sargent, on ne voyait que la figure seule, mais sans cheveux et sans rien derrière le front. Cela semblait un masque animé. Après cinq ou six mois de séances, la forme complète apparut. Ces êtres se condensent alors plus facilement et changent de cheveux, de vêtements, de couleur, de figure comme le désirent. Mais notons bien que c'est toujours le même type, et jamais une autre forme.
Ici, nous avons besoin de bien préciser ce que nous entendons par le mot type. Lorsque l'on compare des photographies d'un individu faites à différents âges de sa vie, on constate de grandes différences entre celles prises à l'âge de 15 ans et celles qui le représentent 30 ans plus tard. Tout s'est profondément modifié. Les cheveux ont blanchi ou se font rares ; les traits se sont accentués ou détendus ; des rides se montrent où l'on ne voyait qu'une plénitude juvénile et cependant on parvient, avec un peu d'attention, à voir que ces divergences ne sont pas fondamentales ; elles sont contenues dans des limites définies, dans ce qui est pendant toute la vie la caractéristique de l'individualité : dans le type. Nous pouvons très bien concevoir que le périsprit puisse reproduire une de ces formes, puisqu'il les a évoluées ici-bas. Ce pouvoir de faire revivre une image de lui-même est semblable à un rappel de souvenirs, lequel évoque une époque disparue et la rend présente pour la mémoire. Si rien ne se perd dans l'enveloppe fluidique, les formes de l'être sont fixées en elle et peuvent reparaître sous l'influence de la volonté. C'est ce qui se démontre par quelques exemples.
Revenons au témoignage de M. Brackett, cité par M. Erny.
« J'ai vu dans une séance de matérialisation un grand jeune homme, se disant le frère de la dame qui m'accompagnait, et à qui cette dame disait : « Comment pourrais-je vous reconnaître puisque je ne vous ai vu qu'enfant ? » Aussitôt la figure diminua de taille peu à peu, jusqu'à ce qu'elle eût celle du petit garçon que la dame avait connu. J'ai constaté ajoute Brackett, d'autres cas du même genre. » Voici une autre attestation du même auteur. « Une des formes qui parut chez Mme F. dit être Bertha, nièce par alliance de Brackett, et comme ce dernier semblait en douter, la forme disparut et revint avec la voix et la taille d'un enfant de quatre ans, âge auquel elle était morte. Ce n'était pas un dédoublement, car le médium a un accent allemand, Bertha ne l'a pas. Quant à être une figurante payée par Mme F., je défie qui que ce soit de se dématérialiser devant moi comme l'a fait Bertha. »
Faisons ici une remarque importante. Les deux Esprits qui se reportent à leur jeunesse ont une taille et une apparence différentes de celles sous lesquelles on les a connus ici-bas. On peut admettre que c'est celles d'une vie antérieure à la précédente, et ceci nous conduit à cette loi générale enseignée par Allan Kardec : qu'un Esprit suffisamment avancé peut revêtir, à sa volonté, l'un quelconque des types qu'il a évolués pendant ses vies successives. Mais cette question n'a pas à nous occuper au point de vue de l'identité, puisque ce n'est que la dernière forme, celle que nous avons connue, qui nous intéresse.
Il ne faudrait pas conclure de ce qui précède qu'un esprit farceur n'ait pas le pouvoir de se déguiser, de façon à simuler un personnage historique d'une manière plus ou moins fidèle. Il est clair qu'il est toujours possible à un loustic de se créer fluidiquement la redingote grise et le petit chapeau de Napoléon, aussi bien qu'une auréole et une paire d'ailes, afin qu'on le prenne pour un ange. Si, d'aventure, il a une vague ressemblance avec Napoléon ou les images traditionnelles de saint Joseph, il pourra tromper les gens inexpérimentés, naïfs et dépourvus de sens critique. Ce genre de supercherie peut même être employé par des Esprits peu scrupuleux sur le choix de moyens, pour soutenir certains cultes ; mais il y a loin de ces caricatures à des expériences scientifiquement conduites, comme celles que nous avons citées dans ce livre.
Une autre observation aussi très importante se dégage de l'étude des matérialisations et semble bien montrer que ce n'est pas l'esprit qui crée la forme sous laquelle on le voit ; c'est le fait que les moulages sont de véritables modèles anatomiques.
Les Esprits qui se manifestent de la sorte avouent assez facilement qu'ils sont encore peu avancés dans la hiérarchie spirituelle. Le plus généralement, leurs connaissances sont bornées ; et ce n'est pas faire une supposition injustifiée que d'avancer qu’ils sont très ignorants en fait de sciences naturelles. Dans ces conditions, il nous paraît établi qu'ils ne sauraient, d'aucune manière, construire une forme assez parfaite pour présenter le degré de réalité que les moulages nous font connaître. Ces pièces ne sont pas des ébauches plus ou moins réussies d'un membre, c'est la nature elle-même se montrant jusque dans ses plus petits détails. Nous avons donc la preuve que c'est un organisme véritable qui s'imprime sur les substances plastiques et non une simple image, qui serait nécessairement rudimentaire si elle était produite par l'esprit. Quel est donc cet organisme ? C'est celui qui existe déjà pendant la vie, celui qui donne des moulages identiques pendant les dédoublements, en un mot, c'est le périsprit que la mort n'a pas détruit et qui persiste avec toutes ses virtualités, prêt à les manifester lorsque l'occasion sera favorable.
Alors même que l'on imaginerait que la forme de notre corps est imprimée, sous forme d'image, dans notre mémoire latente, ce qui est possible, il n'en est pas moins vrai que tous les détails anatomiques, saillies des veines, des muscles dessins de l'épiderme, etc., ne peuvent exister dans cette image mentale, au moins pour les parties du corps qui sont généralement recouvertes par les vêtements.
Cependant, dans les dédoublements matérialisés de médiums, lorsqu'il a été possible de prendre des empreintes ou des moulages, le corps fluidique ainsi extériorisé, est la reproduction identique de l’organisme matériel du médium, de son pied par exemple, comme cela a été observé avec Eglinton par le Docteur Carter Blake, ou de sa main, comme cela a eu lieu si souvent avec Eusapia. C'est le critérium qui nous permettra de distinguer un dédoublement de la matérialisation d'un esprit. Si l'apparition est le sosie du médium, c'est son âme qui se manifeste objectivement en dehors de son organisme charnel ; au contraire, si l'apparition diffère anatomiquement du médium, c'est qu'une autre individualité est présente.
Cette observation, que nous avons été le premier à signaler, nous permet donc de distinguer facilement si le fantôme est l'apparition d'un être désincarné, ou une bilocation du sujet.
Il n'est peut-être pas superflu d'insister fortement sur les preuves nombreuses qui appuient notre manière de voir.
Zoellner, l'astronome allemand, affirme que pendant une de ses expériences avec Slade , l'impression d'une main invisible fut produite dans un vase plein de fleur de farine avec toutes les sinuosités de l'épiderme distinctement visibles, l'observateur n'ayant pas perdu de vue les mains du médium qui restèrent sur la table pendant tout le temps. Cette main était plus grande que celle de Slade. Une autre fois, une empreinte durable fut obtenue sur un papier noirci à la lumière d'une lampe à pétrole. Slade se déchaussa immédiatement et montra qu'il n'y avait aucune trace de noir de fumée sur ses pieds. L'empreinte avait quatre centimètres de plus que le pied du médium et l'impression sont celle d'un pied comprimé par une botte, car un doigt est si complètement recouvert par l'autre qu'il n'est pas visible.
Le Dr Wolf , avec le médium Mme Hollis vit une main faire des évolutions rapides, se poser sur un plat contenant de la farine, puis se retirer après avoir secoué les particules adhérentes. « L'empreinte représentait la main d'un homme avec tous les détails anatomiques. » Les doigts marqués dans la farine étaient plus longs d'un pouce que ceux de Mme Hollis.
Le professeur Denton inventeur du procédé de moulage à la paraffine, obtint dans la première séance, avec Mme Hardy, quinze à vingt moules de doigts de toutes les grandeurs, depuis des doigts d'enfant, jusqu'à des doigts gigantesques. Sur la plupart de ces formes, notamment sur les plus grandes ou sur celles qui se rapprochaient, par leurs dimensions, des doigts du médium, toutes les lignes, les creux et les reliefs que l'on voit sur des doigts humains ressortaient avec netteté. Une commission de sept membres a signé un procès verbal où il était consigné : que le moule exact d'une main humaine de grandeur naturelle s'est produit dans une caisse fermée, par l'action intelligente d'une force inconnue. Le sculpteur O'Brien, expert en moulages, a examiné sept des modèles en plâtre; il les trouve d'une merveilleuse exécution, reproduisant tous les détails anatomiques ainsi que les inégalités de la peau, avec une finesse aussi grande que celle qu'on obtient par un moulage sur un membre, mais il faut un moule à pièces, tandis que les modèles soumis à son examen ne portaient aucune trace de soudure et lui paraissaient sortir d'un moule sans assemblage.
Ce rapport signale qu'un de ces moulages de mains ensemble - singulièrement -, comme forme et comme grandeur » à un moulage de la main d'un M. Henri Wilson que M. O'Brien avait examiné, peu de temps après le décès, en venant prendre le moulage en plâtre du visage. Ici la conservation de la forme fluidique se montre matériellement et c'est encore une bonne preuve de l'immortalité.
Dans une séance chez le Dr Nichols, avec Eglinton, un moule de main d'enfant fut reconnu grâce à une légère difformité caractéristique.
La main de la fille du Dr Nichols, obtenue par le même procédé, est reconnue sans hésitation par son père. « Cette main, dit-il, n'a rien de la forme convenue que créent les statuaires. C'est une main purement naturelle, anatomiquement correcte, montrant chaque os et chaque veine et les moindres sinuosités de la peau. C'est bien la main que je connaissais si bien pendant son existence mortelle, que j’ai si souvent palpée quand elle se présentait matérialisée »
Dans les expériences de MM. Reimers et Oxley, la matérialisation appelée Bertie a donnée deux mains droites et trois mains gauches - toutes dans des poses différentes -, ce qui n'empêche pas que les lignes et les plis soient identiques dans tous les exemplaires ; c'est indubitablement à la même personne que les mains appartiennent. Les moulages des mains du médium diffèrent totalement, et comme forme et comme dimensions, de celles de Bertie. Avec le médium Monck, la même Bertie a donné aussi les moulages de ses mains, qui sont identiques à ceux obtenus avec le premier médium, Mme Firman, ce qui établit l'individualité de l'Esprit d'une manière parfaite. L'Esprit Lily variait en grandeur ; tantôt sa taille ne dépassait pas celle d'un enfant bien formé, d'autres fois, elle présentait les dimensions d'une jeune femme.
« Je crois bien, dit M. Oxley, qu'elle n'a pas paru deux fois sous une forme absolument identique ; mais je la reconnaissais toujours et ne l'ai jamais confondue avec les autres apparitions. ».
Nous pourrions multiplier ces témoignages qui établissent que l'Esprit a un organisme, qu'il ne le forme pas sur place et pour les besoins de l'expérience, mais nous allons en voir encore d'autres preuves. Nous savons que l'apparition de Katie King est toute a fait semblable à une personne naturelle, nous avons sur ce point le témoignage formel de William Crookes. Dans les matérialisations complètes, c'est ce qui se produit toujours. Alfred Russel Wallace, dans une lettre à M. Erny, écrit : « Quelquefois, la forme matérialisée ne semble qu'un masque, incapable de parler et de se rendre tangible à un être humain. Dans d'autres circonstances, la forme a tous les côtés caractéristiques d'un corps vivant et réel, pouvant se mouvoir, parler, écrire même, et chaude au toucher. Elle a surtout une individualité et des qualités physiques et mentales tout à fait différentes de celles du médium ».
Dans une séance à Liverpool, chez un médium non professionnel, M. Burns vit un Esprit avec lequel il avait été longtemps en rapport s'approcher de lui. « Il me serra la main chaleureusement, dit-il, et avec tant de force que j'entendis craquer une des articulations de ses doigts, ainsi que cela arrive quand on se presse la main avec force. Ce fait anatomique était corroboré par le sentiment que j'éprouvais de tenir une main parfaitement naturelle.
Le Dr Hitchman, auteur d'ouvrages de médecine, faisait partie de ce cercle. Il dit, dans une lettre adressée à M. Aksakof : « Par le fait, je crois avoir acquis la certitude la plus scientifique qu'il soit possible d'obtenir, que chacune de ces formes apparues était une individualité distincte de l'enveloppe matérielle du médium, car je les ai examinées à l'aide de divers instruments : j'ai constaté chez elles l'existence de la respiration, de la circulation, j'ai mesuré leur taille, la circonférence du corps, pris leur poids, etc. » L'auteur croit que ces êtres possèdent une réalité objective, mais que leur apparence corporelle est d'une nature différente de la « forme matérielle » qui caractérise notre vie terrestre. Depuis cette époque (1886) les phénomènes si nombreux de la télépathie sont venus apporter la lumière sur ces apparitions dont les caractères semblaient véritablement surnaturels, mais qui, mieux connus, peuvent, sinon s'expliquer complètement, du moins se concevoir logiquement.
Que l'on réfléchisse un instant que le double d'un vivant, lorsqu'il est sorti de son corps est, dès cet instant, un Esprit comme il le sera après sa mort ; que ses manifestations physiques et intellectuelles sont identiques à celles que l'Esprit désincarné peut produire, et l'on verra que les moulages sont une preuve absolue de l'immortalité.
Donc, dans l'état actuel de nos connaissances, nous croyons que l'identité d'un Esprit, est parfaitement établie lorsqu'il se montre, agissant et matérialisé, dans une forme identique à celle qu'avait jadis son corps physique.
C'est le cas d'Estelle Livermore, et de bien d'autres esprits qui ont été identifiés de manière à ne laisser subsister aucun doute.
En scrutant minutieusement, dans les ouvrages originaux, les faits ci-dessus mentionnés, et sans faire d'hypothèse, il nous paraît que les conclusions suivantes s'imposent logiquement :
1° Que les Esprits ont un organisme fluidique ;
2° Que lorsque ce corps fluidique se matérialise il est la reproduction fidèle d'un corps physique que l'Esprit a revêtu pendant une certaine période de sa vie terrestre ;
3° Qu'il n'est établi par aucune expérience que le degré de variation de cette forme puisse s'étendre jusqu'à en reproduire une autre, entièrement distincte de celle sous laquelle il se montre spontanément. Si une variation a lieu, c'est une différence du plus ou moins dans un même type ;
4° Que puisqu'il est établi expérimentalement par la photographie, les moulages, les actions physiques les plus variées, que cet organisme existe chez les vivants, c'est une déduction rigoureuse d'en l'existence après la mort lorsqu'elle s'impose à nous, par les mêmes faits qui l'ont établi pour les vivants ;
5° Donc, jusqu'à preuve du contraire, l'apparition d'un ESPRIT qui parle et se déplace dans l'espace, que l'on peut reconnaître comme celui d'une personne ayant vécu sur la terre, est une bonne preuve de son identité.
L'IDENTITÉ PEUT-ELLE SE DÉMONTRER PAR DES
PREUVES INTELLECTUELLES ?
Fidèle à sa méthode, M. Aksakof ne croit pas que l'on puisse être certain de l'identité d'un Esprit, alors même qu'il révèle des faits se rapportant à son existence terrestre, en l'absence de personnes connaissant ces faits, car un autre Esprit pourrait aussi en avoir connaissance. Voici son argumentation :
« Il est évident que cette possibilité d'imitation ou de personnification (de substitution de la personnalité) est également admissible pour les phénomènes d'ordre intellectuel.
« Le contenu intellectuel de l'existence terrestre d'un « esprit » que nous appellerons A doit être encore plus accessible à un autre « esprit », que nous désignerons par B, que les attributs extérieurs de cette existence. Prenons même le cas du parler dans une langue étrangère au médium, mais qui était celle du défunt; il est tout à fait possible que l'« esprit » mystificateur connaisse aussi précisément cette langue. Il ne resterait donc que la preuve d'identité par l'écriture qui ne pourrait être imitée; mais il faudrait que cette preuve fût donnée avec une abondance et une perfection hors ligne, comme dans le cas de M. Livermore, car on sait bien que l'écriture et les signatures surtout sont aussi sujettes à contrefaçon et à imitation. Ainsi donc, après une substitution de la personnalité sur la plan terrestre - par l'activité inconsciente du médium nous nous trouvons avoir affaire à une substitution de la personnalité sur un plan supra-terrestre par une activité intelligente en dehors du médium. Et une telle substitution, logiquement parlant, n'aurait pas de limites. Le quiproquo serait toujours possible et supposable. Ce que la logique nous fait ici admettre en principe, la pratique spirite le prouve. L'élément mystification dans le spiritisme est un fait incontestable. Il a été reconnu dès son avènement. Il est clair qu'au delà de certaines limites il ne peut plus être mis au compte de l'inconscient et devient un argument en faveur du facteur extra-médiumnique, supra-terrestre. »
Toute l'argumentation du savant russe repose sur cette présomption que le contenu intellectuel de l'existence terrestre d'un Esprit A, est parfaitement accessible à un Esprit B. Nous pensons que ceci demande à être étudié de près. Nous savons que les Esprits n'ont pas besoin pour s'exprimer du langage articulé ; ils se comprennent sans le secours de la parole, par la seule transmission de la pensée qui est un langage universel et saisi de tous; mais en résulte t-il que tous les Esprits voient toutes leurs pensées ? Non, et cela est un fait d'expérience.
De même que le sujet magnétique le plus heureusement doué ne peut pas pénétrer les pensées de tous les assistants, de même dans l’espace, beaucoup de désincarnés sont absolument incapables de connaître les pensées des autres Esprits, tant que ceux-ci ne se mettent pas en rapport avec eux. La faculté de clairvoyance est en raison de l'élévation morale et intellectuelle de l'Esprit. Il y paraît suffisamment dans les communications que l'on reçoit, car si « le contenu intellectuel » de l'Esprit d'un Newton, d'un Virgile ou d'un Démosthène était à la portée du premier venu, nous aurions moins de banalités à signaler dans ces messages qui nous arrivent de l'au-delà. La vérité est que la mort ne donne pas à l'âme des connaissances qu'elle n'a pas acquises par son travail ; elle se retrouve dans l'espace ce qu'elle s'est faite par son labeur personnel, et si, rarement, un esprit se révèle, après la mort, supérieur à ce qu'il paraissait être ici-bas, c'est qu'il manifeste des acquis antérieurs que la vie avait momentanément obnubilés.
Admettons cependant, pour un instant, qu'un esprit A. connaisse les événements de la vie terrestre d'un esprit B. cela suffira-t-il pour lui donner le caractère, la manière de s'exprimer de B ? Évidemment non, et si l'Esprit A se trouve en face d'un observateur sagace qui a bien connu B, il ne tarde pas à être démasqué. On l'a dit : le style, c'est l'homme. Il est presque impossible de simuler la manière de s'exprimer d'un individu, alors même que l'on connaîtrait des épisodes de son existence passée. Réfléchissons encore à ceci, que si un Esprit A pouvait donner à son enveloppe physique les caractères extérieurs de l'Esprit B, en même temps qu'il pourrait disposer du contenu intellectuel de l'existence terrestre de B, ils seraient identiques et indiscernables, ce qui est impossible, car si A possédait ce pouvoir, B, C, D,.. X esprits l'auraient aussi ; il existerait donc d'innombrables exemplaires du même type, surtout de celui d'un homme qui s'est distingué dans une branche quelconque de la science, de l'art ou de la littérature, ce qui n'est pas.
Il y aurait ainsi dans l'erraticité une indescriptible confusion que les communications reçues depuis cinquante années ne nous ont jamais fait connaître.
Il existe certainement des Esprits vaniteux qui, dans leurs rapports avec nous, aiment à se décorer de grands noms, mais leur style permet généralement de les classer immédiatement à leur vraie place :
Cependant, on peut aussi pasticher plus ou moins adroitement les grands écrivains, de sorte que l'identité des personnages historiques est fort difficile à établir. Mais il n'en va plus de même lorsqu'il s'agit d'un parent ou d'un ami que vous avez bien connu, dont le style, la tournure d'esprit, les vues sur différents sujets vous sont très familiers ; là vous avez une mine fertile à exploiter, et lorsque l'esprit répond correctement à toutes vos questions, que vous reconnaissez ses expressions favorites, il nous paraît sûr que son identité est aussi parfaitement établie qu'on peut le désirer.
On a prétendu que la conscience somnambulique du médium pouvait lire dans l'inconscient de l'évocateur pour donner tous les détails qui paraissent établir l'identité, et qu'on est ainsi sujet à l'illusion ; mais ce fait n'a jamais été démontré rigoureusement, et les recherches de MM. Binet et P. Janet sur la personnalité normale sont bien loin d'être probantes . Dans les expériences faites par ces savants, cette double conscience ne paraît se montrer que lorsque l'action hypnotique exerce encore son pouvoir. M. Pierre Janet a voulu imiter par suggestion les communications automatiques des médiums, mais ses expériences n'ont qu'une analogie très vague avec le procédé des médiums écrivains , jamais son sujet ne lui révèle quelque chose d'ignoré dont il vérifie l'exactitude à propos d'une personne décédée, pas plus que, spontanément, il ne donnera de communications contrôlables.
Les travaux des hypnotiseurs modernes n'établissent pas du tout - selon nous - qu'il y ait dans l'homme deux individualités qui s'ignorent mutuellement. L'inconscient n'est que le résidu de l'esprit, c'est-à-dire les vestiges physiques des sensations, des pensées, des volitions fixés sous forme de mouvements dans l'enveloppe périspritale et dont l'intensité vibratoire n'est pas suffisante pour les faire apparaître dans le champ de la conscience ; mais si, par la volonté, on augmente le mouvement vibratoire de ces résidus, ils sont de nouveau perçus par le moi sous forme de souvenirs. Le somnambulisme, en dégageant l'âme et en donnant au périsprit un nouveau tonus vibratoire, crée des conditions différentes pour l'enregistrement des pensées et des sensations, de sorte qu'en revenant à l'état normal, l'esprit n'a plus conscience de tout ce qui s'est passé pendant cette période.
De plus, ce dégagement facilite l'exercice des facultés supérieures de l'esprit : télépathie, clairvoyance, etc., qui ne s'exercent pas habituellement pendant l'état de veille.
Il y a, si l'on veut, deux personnalités qui se succèdent, mais ce sont deux aspects de la même individualité ; et les personnalités différentes jusqu'à un certain point par l'acuité de leurs sensations et l'étendue de leurs facultés ne sont jamais co-existantes, l'une devant toujours disparaître lorsque l'autre se manifeste . Nous croyons donc que c'est à tort que lorsqu'un médium, bien éveillé, dans son état normal, donne des preuves de la présence d'un esprit, on puisse attribuer ces notions à une lecture inconsciente que sa personnalité somnambulique ferait dans la mémoire du consultant.
À plus forte raison, toutes les preuves accumulées par M. Aksakof dans son livre sous la rubrique : SPIRITISME, nous semblent-elles concluantes.
Pour nous résumer, nous disons qu'une matérialisation qui présente avec une personne morte antérieurement une similitude complète de forme corporelle et une identité d'intelligence EST UNE PREUVE ABSOLUE DE L'IMMORTALITÉ.
MÉCANISME DE LA MATÉRIALISATION
Il nous est rigoureusement impossible d'imaginer que l'âme soit dépourvue après la mort d'un organisme quelconque, car alors elle ne pourrait penser, dans l'acception que nous donnons à ce mot. Elle ne peut pas être affranchie des conditions de temps et d'espace sans cesser d'être; si cela se produisait, elle deviendrait quelque chose d'absolument incompréhensible pour notre raison.
L'étude nous montre qu'il est des lois auxquelles tous les êtres pensants sont soumis. C'est en vertu de ces lois que nous ne pouvons pas être présents en divers lieux à la fois, ou parcourir plus d'un certain espace en un certain temps, ou penser au-delà d'un certain nombre de pensées, ou éprouver plus qu'un certain nombre de sensations dans un temps donné. Il suit de là que si nous pouvons très facilement imaginer qu'une intelligence supérieure à la nôtre, et cependant finie, soit soumise à des conditions très différentes, nous ne pouvons cependant pas concevoir une intelligence finie absolument libre de toute condition, c'est-à-dire de tout corps .
Il est évident, par exemple, que l'existence même d'une vie psychique nécessite un lien de continuité entre les pensées, une aptitude à conserver une sorte de prise sur le passé : il est clair que ce qui n’est plus, c'est-à-dire la pensée de tout à l'heure, doit être conservé dans quelque chose pour pouvoir être revivifié ; cette propriété du souvenir implique un organe en rapport avec le milieu dans lequel l'âme vit. Sur la terre, monde pondérable, le cerveau est la condition organique ; dans l'espace, milieu impondérable, le périsprit remplit la même fonction. À vrai dire, comme ce périsprit existe déjà ici-bas, il est le conservateur de la vie intégrale, qui comprend les deux phases d'incarnation et de vie supraterrestre. Une seconde condition d'une vie intellectuelle s'impose : celle d'une possibilité d'action dans le milieu où elle se développe. Un être vivant doit avoir en lui-même la faculté de divers mouvements, puisque la vie se caractérise par des réactions contre le milieu extérieur. C'est d'ailleurs l'avis de M. Hartmann, cité par M. Aksakof, puisqu'il dit :
« Si l'on pouvait démontrer que l'Esprit individuel persiste après la mort, j'en conclurais que, malgré la désagrégation du corps, la substance de l'organisme persisterait sous une forme insaisissable, parce qu'à cette condition seulement je puis m'imaginer la persistance de l'esprit individuel ». Nous, Spirites Kardécistes, nous voyons dans le périsprit cette forme insaisissable, et nous prouvons par les matérialisations qu'elle survit à la mort.
Comment se produit ce splendide phénomène ? Par quel processus un Esprit peut-il devenir visible et même tangible ? C'est ici que les difficultés commencent. Nous savons bien que la substance de l'apparition est empruntée au médium et aux assistants, nous allons en avoir les preuves tout à l'heure, mais comment comprendre ce transport, cette désagrégation et cette reconstitution de matière organique, sans qu'elle soit décomposée ? Ces manipulations transcendantes mettent en jeu des lois qui nous sont inconnues, et les savants feraient bien mieux de nous aider à les découvrir, que de nier systématiquement des faits mille fois constatés avec la plus stricte rigueur. En attendant, exposons toujours ce que nous connaissons.
Un fait bien observé c'est la liaison constante qui existe entre le médium et l'esprit matérialisé. Ce dernier puise l'énergie dont il dispose, en grande partie dans l'organisme du médium, de sorte que, surtout dans les premiers temps où il se manifeste, il peut à peine sortir du cabinet où le médium est en léthargie. Plus tard, son pouvoir d'action augmente, mais il est toujours limité. Dans un croquis fait par le Dr Hitchman, on constate qu'entre le creux de la poitrine de la forme matérialisée et celui du médium, il existe une sorte de faisceau lumineux reliant les deux corps et projetant une lueur sur le visage du médium. Ce phénomène a été souvent observé pendant les matérialisations ; on l'a comparé au cordon ombilical. M. Dassier l'assimile à un réseau vasculaire fluidique par lequel passe la matière physique dans un état particulier d'éthérisation. Nous avons constaté la présence de ce lien, pendant les dédoublements naturels, par la répercussion des altérations du corps périsprital sur le corps matériel ainsi que dans les expériences de M. de Rochas. Ici c'est entre l'esprit et le médium que ce lien existe, et c'est naturel, puisque c'est dans ce dernier que la matérialisation puise la matière et l'énergie qu'elle emploie pour se manifester.
M. Aksakof fait au sujet des moulages de matérialisations une remarque des plus significatives relativement à la provenance de la matière physique dont l'apparition est formée. « Au point de vue des preuves organiques, je ne saurais passer sous silence, dit-il, une observation que j'ai faite : en examinant attentivement le plâtre du moulage de la main de Bertie et en le comparant au plâtre de celle du médium, je remarquai avec surprise que la main de Bertie, tout en ayant la rondeur d'une main de jeune femme, présentait par son aspect à la face dorsale les signes distinctifs de l'âge. Or, le médium était une femme âgée. Elle est morte bientôt après l'expérience. Voilà un détail qu'aucune photographie ne peut produire, et qui prouve d’une manière évidente que la matérialisation s'effectue au moyen du médium et que ce phénomène est dû à une combinaison de formes organiques existantes, avec des éléments formels introduits par une force organisatrice étrangère, celle qui produit la matérialisation. Aussi éprouvai-je un vif plaisir en apprenant que M. Oxley avait fait les mêmes observations, comme il appert de sa lettre datée du 20 février 1876 et relative à des épreuves de moulages qu'il m'envoyait.
« Chose curieuse, m'écrivait-il, on reconnaît toujours dans les moulages les signes distinctifs du jeune âge et de la vieillesse. Cela prouve que les membres matérialisés, tout en conservant leur forme juvénile, présentent des particularités qui trahissent l'âge du médium. Si vous examinez les veines de la main, vous y trouverez des indices caractéristiques se rapportant indiscutablement à l'organisme du médium. »
Si cette théorie est exacte, C'est-à-dire si une partie de la matière du corps matérialisé est empruntée au médium, celui-ci doit nécessairement diminuer le poids. C'est précisément ce qui a lieu, comme on a pu le constater assez souvent.
Mme Florence Marryat dit : « J'ai vu miss Florence Cook placée sur la machine d'une balance à peser, construite à dessein par M. Crookes, et j'ai constaté que le médium pesait 112 livres, mais aussitôt que l'Esprit matérialisé était formé, le corps du médium ne pesait plus que la moitié, 56 livres.
Voici une observation de M. Armstrong extraite d'une lettre adressée à M. Kenivers. «J'assistai à trois séances organisées avec miss Wood, et dans lesquelles on a employé la balance de M. Blackburn. On pesa le médium et on le conduisit ensuite dans le cabinet. Trois figures apparurent l'une après l’autre et montèrent sur la balance. À la deuxième séance, le poids varia entre 34 et 176 livres ; ce dernier chiffre représente le poids normal du médium. À la troisième séance, un seul fantôme se montra ; son poids oscilla entre 83 et 84 livres. Ces expériences de pesées sont très concluantes, à moins que les forces occultes ne se soient jouées de nous.
« Cependant, il serait intéressant de savoir ce qui peut bien rester du médium, dans le cabinet, lorsque le fantôme a le même poids que lui ? Comparés à d'autres expériences du même genre, ces résultats deviennent encore plus intéressants. »
« À une séance de contrôle avec miss Fairlamb, celle-ci fut, pour ainsi dire, cousue dans un hamac dont les supports étaient pourvus d'un enregistreur marquant toutes les oscillations du poids du médium, et cela aux yeux des assistants. Après une courte attente, on a pu constater une diminution graduelle du poids ; enfin, une figure apparut et fit le tour des assistants. Pendant ce temps, l'enregistreur indiquait une perte de soixante livres dans le poids du médium, soit la moitié de son poids normal. Pendant que le fantôme se dématérialisait, le poids du médium augmentait, et à la fin de la séance, comme résultat final, il avait perdu TROIS À QUATRE LIVRES. N'est-ce pas une preuve que pour les matérialisations, de la matière est prise à l'organisme du médium ? »
Ceci nous paraît assuré mais il est des cas où une partie est empruntée aussi aux membres du cercle qui assistent à l'expérience.
Dans un livre intitulé : Un cas de dématérialisation Partielle du corps d'un médium (page 15), M. Aksakof relate que Mme d'Espérance était malade après la séance, si l'un des assistants avait fumé ou bu de l'alcool. Dans ce livre, une réponse est faite à l'interrogation relative à ce qui reste du médium, lorsque le poids des apparitions est aussi grand que celui du médium, il ne reste que le périsprit, qui est de sa nature invisible, de sorte qu'en pénétrant dans le cabinet, on le trouve vide. C'est du moins ce qu'affirme M. Olcott, d'après ses expériences en compagnie de Mme Compton - Avec Mme d'Espérance la dématérialisation constatée dans une séance à Helsingfors, en 1893, ne fut pas aussi complète ; mais d'après l'enquête rigoureuse à laquelle le savant russe s'est livré, il est établi que la moitié inférieure du corps du médium disparut. M. Seiling, ingénieur, dit : « C'est extraordinaire, je vois Mme d'Espérance et je l'entends parler, mais en tâtant le siège, je le trouve vide ; elle n'y est pas, il n'y a que sa robe. » Même constatation fut faite par le général Toppélius et cinq des assistants. Les voisins de Mme d'Espérance, qui en étaient à quelques centimètres, virent que sa robe qui pendait devant le siège de la chaise, bien que son buste restât visible, se gonfla insensiblement jusqu'à ce qu'elle eût repris sont volume normal : en même temps les pieds redevinrent visibles.
Cette dématérialisation du médium n'est pas toujours aussi complète, car il est des cas où l'apparition et le médium sont tangibles tous les deux pendant toute la durée du phénomène.
Il résulte de ce que nous avons vu que l'âme est revêtue d'une enveloppe physique invisible et impondérable, mais qui contient la force organisatrice de la matière, puisque celle-ci, empruntée au médium, se modèle sur le dessin corporel de l'Esprit. Il ne nous est guère facile dans l'état actuel des sciences, d'expliquer ces phénomènes ; mais si on ne peut les comprendre encore, ils ne sont cependant pas surnaturels et il est peut-être possible en examinant attentivement les sciences dans leur philosophie, de formuler des vues "dont l'avenir révèlera la plus ou moins grande valeur. Quoi qu'il en soit de l'explication, les faits sont vrais et bien établis, ce qui est l'essentiel.
L'IMMORTALITÉ DE L'ÂME
« On ne peut rien ajouter à la nature, dit Tyndall, on n'en peut rien retrancher ; la somme de ses énergies est constante, et tout ce que l'homme peut faire dans la recherche de la vérité ou dans ses applications des sciences physiques, c'est de changer de place les parties constituantes d'un tout qui ne varie jamais, et, avec l'une d'elles, d'en former une autre » .
« La loi de conservation exclut rigoureusement la création et l'annihilation; la grandeur; des astéroïdes peuvent s'agglomérer en soleils ; des soleils peuvent se résoudre en flores ou en faunes ; des flores et des faunes peuvent se dissiper en gaz ; la puissance en circulation est perpétuellement la même. Elle roule en flots d'harmonies à travers les âges ; et toutes les énergies de la terre, toutes les manifestations de la vie, aussi bien que le déploiement des phénomènes, ne sont que des modulations ou des variations d'une mélodie céleste. »
Nous voyons donc qu'il nous faut considérer tout ce qui existe actuellement, matière et force, comme rigoureusement éternel ; ce qui change, c'est la forme. Les mots création, destruction ont perdu leur sens primitif ; ils ne signifient plus que passage d'une forme à une autre forme. Lorsqu'un être naît ou qu'un corps se produit, on dit qu'il y a création : on appelle destruction la disparition de cet être ou de ce corps ; mais la matière et la force qui le formaient n'ont éprouvé aucune altération et poursuivent le cours de leurs métamorphoses infinies. L'âme intelligente conserve la substance de sa forme éthérée ; lui est impérissable, au même titre que la matière. Lorsqu'un être vivant naît, il accapare à son profit certaines combinaisons chimiques qui constituent sa nourriture. C'est un emprunt qu'il fait au grand fonds disponible de la nature ; il se développe en s'assimilant une quantité toujours plus grande de matière, jusqu'à son complet développement ; puis il se maintient stable pendant l'âge viril et, lorsque la vieillesse arrive, la désassimilation étant plus grande que la régénération par la nourriture, il rend à la terre ce qu'il lui avait emprunté; à la mort il restitue intégralement ce qu'il avait reçu.
En somme, qu'est-ce qui disparaît ? Ce n'est pas la matière c'est la forme qui individualisait cette matière. Cette forme est-elle détruite ? Non, répond le spiritisme, et il le prouve en démontrant sa survivance après la destruction de l'enveloppe charnelle, et, qui mieux est, il établit qu'il est absolument impossible que cet anéantissement ait lieu. Voici comment :
Si le corps physique est décomposé à la mort, c'est qu'il est hétérogène, c'est-à-dire formé par la réunion de beaucoup de parties essentiellement diverses. Plus un corps contient d'éléments, Plus il est chimiquement instable. Les composés quaternaires du règne animal sont très protéiformes, parce que leur mouvement moléculaire - compliqué, puisqu'il est la résultante de celui de chacun des composants - peut se changer sous l'influence de très faibles forces extérieures. Dans les corps vivants, les tissus sont comparables à ces poudres explosibles que la moindre étincelle suffit à enflammer ; ils sont sans cesse décomposés par les actions vitales et reconstitués par le sang . L'organisme humain est un laboratoire perpétuel où les actions chimiques les plus compliquées s'accomplissent sans arrêt, sous les plus faibles excitations extérieures.
Dans le monde minéral il n'en est pas ainsi. Les combinaisons sont beaucoup plus stables ; il faut quelquefois employer des moyens énergiques pour séparer deux corps s'unissant très facilement l'un à l'autre. Ainsi, un morceau de charbon se combine sans peine avec l'oxygène pour former de l'acide carbonique. Eh bien une température de 1 200 degrés est nécessaire pour séparer ensuite cet oxygène du carbone ; on voit donc que, moins il entre de facteurs dans une combinaison, plus elle est stable.
Lorsqu'on arrive aux corps simples, nous avons constaté que nulle température ici-bas ne peut les décomposer. À peine l'énorme chaleur du soleil y suffit-elle pour quelques-uns ; il nous est donc facile de comprendre que la matière primitive de laquelle ils proviennent soit tout à fait irréductible ; comme elle ne peut s'annihiler, elle est rigoureusement indestructible. Cette matière primordiale, dans laquelle l'âme est individualisée, est la base de l'univers physique ; le périsprit qui en est formé jouit du même état de pérennité.
D'un autre côté, l'âme est une unité indivisible.
Nous avons vu dans la première partie que les âmes de Pascal et de Virgile s'étaient montrées à des médiums avec une apparence physique reproduisant celle qu'ils avaient ici-bas ; n'est-ce pas la preuve certaine que rien ne se perd dans l'enveloppe fluidique et que, de même qu'ici-bas pas un souvenir ne peut disparaître, de même dans l'espace, aucune forme ne saurait s'anéantir. Toutes celles que l'âme a revêtues existent à l'état virtuel et sont impérissables.
Oui, l'âme est unie à la substance périspritale que rien ne saurait détruire, car, par son état physique, elle est le terme ultime des transformations possibles : elle est la matière en soi. Ni les millions de degrés des soleils brûlants, ni les froids de l'espace infini n'ont d'action sur ce corps incorruptible et spirituel. Seule la volonté peut le modifier, non pas en changeant sa substance, mais en la purgeant des fluides grossiers dont elle est saturée au commencement de son évolution. C'est la grande loi du progrès qui a pour but d'épurer cette masse, de dégager ce diamant qui est l'âme, de la gangue impure qui le contient. Ce sont les vies multiples qui sont les creusets purificateurs ; à chaque passage l'esprit sort de son enveloppe plus affinée et lorsqu'il a vaincu les contingences de la matière, alors il est libéré des attractions terrestres et s'envole vers d'autres régions moins primitives.
Dans ce monde de l'espace, dans ce milieu impondérable où vibre toute la gamme des fluides, un seul pouvoir est souverain ; c'est celui de la volonté. Sous son action puissante, la matière fluidique se plie à toutes ses fantaisies ; l'âme assez savante pour les manipuler réalise tous les possibles de son imagination, dont les formes terrestres ne sont que de pâles reflets. Nous verrons, tout à l'heure que cette volonté peut même agir sur la matière tangible, dans certaines conditions que nous allons déterminer.
QUATRIEME PARTIE
ESSAI SUR LES CRÉATIONS FLUIDIQUES DE LA VOLONTÉ
CHAPITRE UNIQUE
ESSAI SUR LA CREATION FLUIDIQUE PAR LA VOLONTE
Un phénomène absolument général, que nous avons constaté dans toutes les apparitions, c'est qu'elles se montrent toujours avec le vêtement que le sujet porte habituellement lorsqu'elles sont le résultat d'un dédoublement, ou entourées de draperies, quand c'est l'âme d'un mort qui se manifeste. Pour expliquer la production de ces apparences, il est nécessaire de bien savoir ce que nous entendons par la volonté, et de montrer que non seulement elle existe réellement, en tant que faculté de l'âme, mais encore que son pouvoir s'exerce pendant la vie, en dehors du corps terrestre, et a fortiori au delà du périsprit, dans l'espace.
LA VOLONTÉ
Le mot volonté donne parfois lieu à des malentendus qui tiennent, sans doute, à ce que l'on n'apporte pas assez de soin à distinguer entre l'intention ou le désir de faire une chose, et le pouvoir de l'accomplir. Lorsqu'un individu paralysé des jambes veut marcher, il lui est impossible de faire mouvoir les muscles de la locomotion ; il veut réellement, mais, par suite d'une action morbide, sa volonté ne s'exécute pas ; d'autre part, dans le langage médical, on dit à propos d'une paralysie hystérique que la volonté est paralysée ; on veut dire qu'il n'y a pas réellement intention ou désir de mouvoir les membres.
Les difficultés ne se bornent pas à l'emploi de ce mot en deux opposés, les opinions divergentes aussi lorsqu’on veut connaître sa nature. Les matérialistes, qui font de la sensation la base de l'esprit humain, et qui ne reconnaissent pas à l’âme une existence indépendante, qui croient que ses facultés ne sont que des produits de l'activité du cerveau, ne voient dans la volonté que le terme final de la lutte de deux ou plusieurs états de conscience opposés. Pour cette école, la volonté est une résultante d'actes psychiques plus ou moins complexes ; elle n'a pas d'existence propre.
Nous qui savons que l'âme est une réalité qui se manifeste indépendamment de toute matière organisée, nous soutenons que la volonté est une faculté de l'esprit, qu'elle existe positivement comme puissance, que son action se décèle nettement dans la sphère du corps, et qu'elle peut même projeter son énergie à distance, comme les faits vont le démontrer.
ACTION DE LA VOLONTÉ SUR LE CORPS
L'influence de la volonté sur les muscles est évidente pour tout le monde. Nous voulons lever notre bras, il exécute le mouvement, et cet acte constitue un exemple banal de l'action de l'âme sur le corps ; mais il existe des cas remarquables où son pouvoir s'exerce sur des parties de l'organisme qui semblaient soustraites à sa domination.
Il n'est pas impossible que la volonté agisse par une action directe sur le cœur et les muscles lisses de la vie organique. En voici un exemple .
Un membre distingué de la Société Royale de Londres, M. Fox, pouvait par un effort volontaire augmenter de dix à vingt par minute, les battements du pouls. M. Hack Juke en fit lui-même l'expérience ; dans l'espace d'environ deux minutes, les pulsations, qui étaient régulières au début, s'élevèrent de 63 à 82.
La puissance de la volonté se développe par l'exercice ; on sait par des récits authentiques que les fakirs peuvent se mettre volontairement en catalepsie, se faire enterrer dans un caveau et revenir à la vie au bout de quelques mois de séquestration. Ce fait n'est pas inconnu en Europe. Nous pourrions citer plusieurs cas de léthargie volontaire dus au colonel Townsend. En voici un constaté par trois docteurs, MM. Chayne, Baynard et Skrine.
« Le pouls était, dit le Dr Chayne, bien marqué, quoique faible et filiforme; le cœur battait d'une manière normale. Le colonel se mit sur le dos et resta calme quelques instants ; je trouvai que son pouls s'affaiblissait graduellement, jusqu'à ce qu'enfin, malgré une attention bien minutieuse, j'arrivasse à ne plus le sentir. Le docteur Baynard ne pouvait, de son côté, sentir le moindre mouvement de la poitrine, et M. Skrine ne vit pas la moindre tache produite par le souffle sur le miroir brillant qu'il tenait devant la bouche du colonel ; chacun de nous, à son tour, examina le pouls, le cœur, la respiration ; mais, malgré la plus sévère et la plus rigoureuse recherche, nous ne pûmes découvrir le plus léger signe de vie. » Ils allaient se retirer convaincus que le colonel était mort, lorsqu'un léger mouvement du corps les rassura. Il revint peu à peu à la vie. Cette léthargie avait duré une demi-heure.
Ce pouvoir de l'âme sur le corps peut aller jusqu'à vaincre la maladie ; souvent une volonté énergique a pour effet de rétablir la santé, en dehors des effets de l'imagination ou de l'attention. Voici le récit de la guérison d'une maladie grave, la rage :
M. Cross fut grièvement mordu par un chat qui, le même jour, mourut d'hydrophobie. Il fit d'abord peu attention à cette circonstance qui ne lui causa certainement aucun trouble de l'imagination ou du système nerveux ; mais, trois mois après l'accident, il ressentit un matin une vive douleur dans le bras, en même temps qu'il avait une grande soif. Il demanda un verre d'eau. « Au moment, dit-il, où j'allais porter le verre à mes lèvres, je ressentis à la gorge un spasme violent. Aussitôt mon esprit se remplit de la terrible conviction que j'allais être atteint d'hydrophobie par suite de la morsure que le chat m'avait faite. L'angoisse que j'éprouvai pendant une heure est indescriptible ; l'idée d'une mort si terrible m'était presque intolérable. J'éprouvai une douleur qui commença dans la main et gagna le coude, puis l'épaule en menaçant de s'étendre encore. Je sentis que toute assistance humaine était inutile, et je crus qu'il me fallait mourir.
« À la fin, je me mis à réfléchir sur ma situation. Je me dis que je pouvais mourir ou ne pas mourir ; que si je devais mourir, je subirais le sort que d'autres avaient subi, que subiront bien d'autres encore, et qu'il me fallait l'affronter en homme : que si, d'un autre côté, il y avait quelque espoir de conserver la vie, une seule chance était de raffermir mes résolutions, de braver le mal et d'exercer des efforts énergiques sur mon esprit. Par conséquent, comprenant qu'il fallait de l'exercice à la fois intellectuel et physique, je pris mon fusil et partis pour la chasse, malgré la douleur dont mon bras ne cessait de souffrir.
« En somme, je ne rencontrai pas de gibier, mais je marchai pendant tout l'après-midi, exerçant, à chaque pas que je faisais, un effort d'esprit rigoureux contre la maladie. En rentrant à la maison, j'étais réellement mieux ; à dîner, je pus manger et boire de l'eau comme à l'ordinaire. Le lendemain matin, la douleur avait reculé jusqu'au coude ; le surlendemain, elle recula jusqu'au poignet, le troisième jour, j'en étais débarrassé. Je parlai de ce fait au Dr Kinglake, qui me dit qu'à son avis, j'avais eu certainement une attaque d'hydrophobie, qui eût pu devenir fatale, si je n'avais énergiquement réagi contre elle par un vigoureux effort d'esprit . »
L'esprit a quelquefois besoin d'une force surnuméraire pour agir efficacement sur son corps. Dans l'hypnotisme, on peut considérer les injonctions impératives de l'opérateur comme le stimulant nécessaire. Nous rappellerons pour mémoire, les expériences de M. Focachon et de MM. Bourru et Burot.
Le pharmacien de Charmes applique sur l'épaule de son sujet des timbres-poste, maintenus par quelques bandes de diachylon et par une compresse ; il lui suggère en même temps qu'on lui applique un vésicatoire, puis le sujet est gardé en surveillance. Vingt heures après, on enlève le pansement qui est resté intact : au-dessous, l'épiderme, épaissi et mortifié, présente une couleur bleu-jaunâtre, cette région de la peau est entourée d'une zone de rougeur intense avec gonflement. Cet état fut constaté par MM. Liégeois, Bernheim, Liebault, Beaunis. La suppuration eut lieu un peu plus tard.
Cette grave perturbation organique avait été causée par la volonté, agissant comme un élément matériel sur les tissus du corps. À la Salpetrière, M. Charcot et ses élèves ont souvent déterminé des brûlures par suggestion. Enfin, MM. Bourru et Burot ont pu, à volonté, produire des stigmates sur le corps d'un sujet; à une heure indiquée par les opérateurs, le sujet saignait aux endroits touchés par un stylet non pointu. Des lettres tracées sur sa chair se dessinaient en relief, d'un rouge vif, sur le fond pâle de la peau .
Ceci établit avec évidence que la volonté d'un opérateur peut modifier la matière du corps d'un sujet dans un sens favorable ou néfaste à l'individu, suivant la direction qu'on lui imprime.
Nous Pourrions citer aussi le cas du célèbre Edward Irwing qui se guérit par la volonté d'une attaque de choléra pendant l'épidémie de 1832 .
Le pouvoir de la volonté s'exerce aussi sur les sensations. Hyacinthe Langlois, artiste distingué, intime ami de Talma, a raconté au Dr Brierre de Boismont que ce grand acteur lui avait rapporté que, lorsqu'il était en scène, il avait le pouvoir, par la force de sa volonté, de faire disparaître les vêtements de son nombreux et brillant auditoire, et de substituer à ces personnages vivants, autant de squelettes. Lorsque son imagination avait ainsi rempli la salle de ces singuliers spectateurs, l'émotion qu'il en éprouvait donnait à son jeu une telle force, qu'il en résultait souvent les effets les plus saisissants .
Ce fait n'est pas isolé : Goethe pouvait avoir aussi des visions volontaires, et l'on sait que Newton était capable de se représenter, à volonté, l'image du soleil. Le Dr Wigan mentionne une famille dont chaque membre avait la faculté, lorsqu'il le désirait, de voir mentalement l'image d'un objet et d'en faire, de mémoire, une peinture plus ou moins exacte.
Cette puissance de la volonté, qui agit dans le corps avec tant d'empire, lorsqu'on sait s'en servir, a aussi une action certaine sur d'autres organismes. Nous voulons l'établir expérimentalement.
ACTION DE LA VOLONTÉ À DISTANCE
L'influence de la volonté d'un hypnotiseur sur son sujet est un fait qui n'a plus besoin de démonstration aujourd'hui. La suggestion dont les formes sont si variées, a mis hors de conteste l'action qu’exerce sur l'esprit d'un sujet sensible, un ordre formulé d'une voix impérative. Cet ordre se grave dans l'esprit du patient et peut lui faire exécuter tous les mouvements, donner toutes les hallucinations des sens, comme il peut troubler ses facultés intellectuelles et même les nier complètement pour un temps déterminé. Les traités sur l'hypnotisme sont remplis d'exemples de ce genre d actions volontaires.
Ce que nous voulons montrer ici, et ce qui a été contesté assez souvent, c'est l'action, à distance, de la volonté ; les anciens magnétiseurs avaient révélé son existence, et, malgré leurs répugnances, il faudra bien que les expérimentateurs modernes arrivent à la confesser. C'est d'ailleurs ce que font les plus sincères.
Voici deux faits, puisés à des sources sûres, qui montrent sans conteste, l'influence de la volonté s'exerçant en dehors des limites de l'organisme.
Dans son célèbre rapport à l'Académie sur le magnétisme le Dr Husson relate ainsi le premier.
« La Commission se réunit dans le cabinet de Bourdais, le 6 octobre, à midi, heure à laquelle M. Cazot (le sujet) y arriva. M. Foissac, le magnétiseur, avait été invité à s'y rendre à midi et demi ; il resta dans le salon, à l'insu de Cazot, sans aucune communication avec nous. On alla cependant lui dire, par une porte dérobée, que Cazot était assis sur un canapé, éloigné de dix pieds d'une porte fermée, et que la Commission désirait qu'il l'endormit et l'éveillât à cette distance, lui restant dans le salon et Cazot dans le cabinet.
« À midi 37 minutes, pendant que Cazot est occupé à la conversation à laquelle nous nous livrons, ou qu'il examine les tableaux qui ornent le cabinet, M. Foissac, placé dans la pièce voisine, commence à magnétiser ; nous remarquons qu'au bout de quatre minutes Cazot clignote légèrement des yeux, qu'il a un air inquiet, enfin qu'il s'endort en neuf minutes... »
Le résultat est bien net et hors de toute suspicion, s'étant produit devant des investigateurs peu crédules et possédant toute la compétence voulue pour se prononcer en connaissance de cause. Cédons maintenant la parole à M. Pierre Janet, dont les travaux sur l'hypnotisme font autorité dans le monde savant .
« On peut endormir le sujet sans le toucher, par un commandement non exprimé, mais simplement penser devant lui, ou même loin de lui. Dans une nouvelle série d'expériences, dont le récit n'est pas encore publié, après une assez longue éducation du sujet, je suis parvenu à reproduire moi-même à volonté, ce curieux phénomène. Huit fois de suite, j'ai essayé d'endormir Mme B.... de chez moi, en prenant toutes les précautions possibles pour que personne ne fût averti de mon intention, et en variant chaque fois l'heure de l'expérience, et toutes les fois Mme B... s'est endormie du sommeil hypnotique, quelques minutes après l'heure où j'avais commencé à y penser. La vérification de ce fait devait naturellement provoquer une supposition nouvelle. Puisque la suggestion mentale pouvait endormir Mme B.... lorsqu'elle était à l'état de veille, la même suggestion devait la faire passer d'une phase du sommeil dans une autre.
« Il était facile de le vérifier, Mme B.... étant en somnambulisme léthargique. Pendant que je faisais toujours les suggestions mentales, sans la toucher, sans lui souffler sur les yeux, sans produire sur elle aucune action physique, je me mis simplement à penser : « Je veux que vous dormiez » Au bout de quelques instants elle était en léthargie somnambulique. Je répète le même ordre mental, elle soupire, et la voici en léthargie cataleptique, et chaque fois que je recommence cette pensée, elle franchit ainsi un état nouveau. La pensée du magnétiseur peut donc, par une influence inexplicable, mais qui est ici immédiatement vérifiable, faire parcourir au sujet les différentes phases dans l'un ou l'autre sens. »
Nous savons avec quel soin ces expériences ont été vérifiées par MM. Ochorowicz, Myers, Richet, Dr Dusart, Dr Moutin, Boirac, Paul Joire, etc. ; il est donc bien certain que la suggestion peut s'exercer à distance (10).
M. Janet constate ici l'action de la volonté sans contact matériel avec le sujet, mais pour s'excuser aussitôt d'une audace aussi grande aux yeux de ses doctes confrères, il se hâte de dire qu'elle est inexplicable. Et pourquoi donc, s'il vous plait ? Nous savons cependant que l'être humain possède une force nerveuse qui peut s'extérioriser, et les expériences de Crookes sur la force psychique, et celles de M. de Rochas, n'ont pas, que nous sachions, été démontrées fausses : n'est-il pas établi de même que la télégraphie sans fil n'est plus un mythe mais bien un fait expérimentalement démontré ; dès lors entre M. Janet et le sujet qui « a reçu une assez longue éducation » il s'est créé un lien fluidique qui transmet sa volonté ; sans doute
comme les rayons lumineux du photophone de Graham transportaient les ondes magnétiques, qui sont, probablement, plus matérielles que celles de la pensée.
Il est vraiment curieux de constater combien les expérimentateurs qui appartiennent à une certaine école se cabrent devant les faits. Lorsqu'ils sont assez honnêtes pour les reconnaître et ont le courage de les proclamer, comme M. P. Janet, immédiatement ils sont pris de scrupules et cherchent à excuser leur audace grande de hasarder un pied sur le terrain défendu. Fort heureusement nous n'avons pas les mêmes timidités ; nous pouvons librement interpréter les phénomènes et leur donner toute la valeur qu'ils comportent. C'est que, malgré toutes les négations, nous avons la certitude de l'existence indépendante de l'âme ; notre croyance est appuyée sur vingt années d'investigations sévères, et les résultats que nous avons constatés ont eu la sanction des maîtres les plus incontestés dans toutes les branches de la science ; nous pouvons donc hardiment en proclamer la vérité, sans crainte que l'avenir nous apporte un démenti.
Que sont devenus depuis cinquante années les anathèmes railleurs ou solennels des sceptiques et des pseudo-savants ? Ils sont allés rejoindre au pays des vieilles lunes toutes les hypothèses mal venues, les théories chancelantes qui n'ont dû leur succès passager qu'au nom de leur auteur, et qui sont aujourd'hui complètement oubliées.
Le spiritisme, comme un arbre vigoureux, a eu besoin de ce terreau pour se développer, et suivant une parole célèbre, il pousse « haut et dru sur les ruines du matérialisme agonisant. »
L'ACTION DE LA VOLONTÉ SUR LES FLUIDES
Nous voici armés maintenant de toutes les connaissances nécessaires pour expliquer comment les Esprits se présentent revêtus de tuniques, de draperies, ou même de leurs vêtements ordinaires. Il fallait établir la puissance de la volonté en dehors des corps, ce qui a été fait; nous savons que les fluides sont des formes raréfiées de la matière, nous avons donc sous la main tous les documents nécessaires. Voici la théorie spirite relative à ce genre de phénomènes.
L'Esprit puise dans la matière cosmique ou fluide universel, les éléments nécessaires pour former, à son gré, des objets ayant apparence des divers corps qui existent sur la terre. Il peut également opérer sur la matière élémentaire, par sa volonté, une transformation intime qui lui donne des propriétés déterminées. Cette faculté est inhérente à la nature de l'Esprit, qui l'exerce souvent comme un acte instinctif, quand cela est nécessaire, et sans s'en rendre compte. Les objets formés par l'Esprit ont une existence temporaire, subordonnée à sa volonté ou à la nécessité ; il peut les faire ou les défaire à son gré. Ces objets peuvent, dans certains cas, avoir aux yeux des personnes vivantes toutes les apparences de la réalité, c'est-à-dire devenir momentanément visibles et mêmes tangibles. Il y a formation, mais non création, car l'Esprit ne peut rien tirer du néant.
Dans les exemples que nous avons rapportés, on peut attribuer la création des vêtements à une action inconsciente mais réelle de l'Esprit qui a matérialisé suffisamment ces objets pour les rendre visibles ; l'action est la même que dans les cas de matérialisation ; nous constatons dans les expériences de Crookes, que Katie King est enveloppée de draperies que l'on peut toucher ; mais qui disparaissent en même temps qu'elle, lorsque la manifestation est terminée.
Peut-on admettre que l'Esprit crée inconsciemment des images fluidiques, autrement dit, que sa pensée, agissant sur les fluides, puisse à son insu leur donner une existence réelle ? Nous tenons de source certaine que, volontairement, il est possible de se représenter mentalement un objet ou un être avec assez de réalité pour que cette idée soit décrite par un médium voyant : nous avons été plusieurs fois témoins de ce phénomène, et nous constaterons tout à l'heure que des expériences faites sur des sujets hypnotiques semblent établir l'objectivité de ces formations mentales. Mais, involontairement, cela est-il possible ? Les états du rêve semblent indiquer comment l'action se passe. Lorsque nous avons un rêve lucide, nous sommes généralement habillés d'un costume quelconque ; ceci tient à ce que l'idée de vêtement est associé à l'image de notre personne d'une façon intime.
Si nous pensons à une représentation de gala ou à une soirée, nous pouvons nous voir en habit de cérémonie, comme d'autres fois en négligé dans notre intérieur. Cette image, si on l'extériorisait suffisamment, paraîtrait habillée ; on peut donc imaginer que dans les cas de dédoublements qui sont des objectivations inconscientes, l'image des vêtements accompagne toujours l'Esprit et subisse, comme lui, un commencement de matérialisation.
Il en est de même pour les objets usuels dont on a l'habitude de se servir : aussitôt qu'on y pense, on en a une représentation mentale, laquelle peut se projeter fluidiquement dans l'espace ; il en est ainsi dans le rêve, avec cette différence que ces produits de l'imagination n'ont généralement pas de durée. - cependant il y a des cas où ces représentations mentales peuvent persister un certain temps et s'objectiver. En voici un exemple :
« Un de mes amis, dit Bodie, vit le matin à son réveil un personnage habillé en Persan, debout au pied de son lit. Il le voyait aussi nettement, aussi distinctement que les chaises ou les tables de la chambre ; aussi fut-il sur le point de se lever pour aller voir quel était cet objet ou ce personnage. Mais, en regardant avec plus d'attention, il s'aperçut que, tout en voyant le personnage aussi bien que possible, il distinguait nettement la porte derrière lui. À ce moment la vision s'évanouit. Mon ami se souvint alors qu'il avait eu un songe dans lequel l'image d'un Persan avait joué le principal rôle. Tout s'expliquait ainsi d'une manière satisfaisante : il était évident que le songe avait été le point de départ de la vision, et qu'il s'était en quelque sorte continué après le réveil, il y avait donc eu en même temps perception d'un objet imaginaire et perception d'un objet réel. »
Cette création fluidique, cette sorte de photographie mentale persistant plus ou moins longtemps dans l'espace, s'accuse encore dans les cas suivants :
Le physiologiste Gruithuisen eut un songe « dans lequel il vit principalement une flamme violette qui, pendant un temps appréciable, après son réveil, lui laissa l'impression d'une tache jaune complémentaire ».
M. Galton a publié un mémoire sur la faculté de voir les nombres ; de se les représenter par l'imagination comme si leur existence était vraie. Il cite notamment M. Bilder, qui accomplit des tours de force extraordinaires de calcul mental, et qui peut en quelque sorte voir, avec ses centres sensoriels, des nombres nettement tracés, placés en ordre bien déterminé .
Voici une série d'expériences qui semblent établir que la création fluidique est bien une réalité. Elles sont dues à MM. Binet et Ferre , mais ces expérimentateurs expliquent, bien entendu, les faits par l'hallucination. Nous aurons l'occasion de juger si leur hypothèse est recevable.
Examinons en premier lieu un phénomène qui peut se produire à l'état normal, ou par une opération mentale, ou par suggestion, et il nous sera facile de constater que pour la même expérience produite par la même cause, l'explication de ces messieurs est différente quand c'est l'hypnotisé qui y prend part.
1° L'état normal. On sait qu'un objet coloré étant placé sur un fond noir, si on le regarde fixement pendant un certain temps, la vue est bientôt fatiguée, et l'intensité de la couleur s'affaiblit ; dirigeant alors les yeux sur un carton blanc ou sur le plafond, on aperçoit une image de l'objet, mais d'une couleur complémentaire, c'est-à-dire qui formerait du blanc si elle était réunie à celle de l'objet. Pour un objet rouge, l'image est verte et réciproquement.
2° L'état mental. « Si les yeux fermés, nous tenons l'image d'une couleur très vive longtemps fixée devant l'esprit, et qu'après cela, ouvrant brusquement les yeux, nous les portions sur une surface blanche, nous y verrons, durant un instant très court, l'image contemplée en imagination, mais avec la couleur complémentaire ; le sujet arrive donc à se représenter l'idée du rouge d'une manière assez intense pour voir au bout de quelques minutes, une tache verte sur une feuille de papier ».
Il faut, pour que cette expérience ait un sens, que la couleur rouge soit vue réellement par l'esprit, sans quoi la couleur complémentaire ne paraîtra pas, puisque l'opérateur n'est pas hypnotisé. Il est indispensable que l’œil soit impressionné comme il l'est normalement, pour donner la couleur complémentaire ; si ce n'est pas l’œil, c'est un point correspondant des centres nerveux. Cet effort pour créer le rouge aboutit certainement à une action positive, puisqu'elle se traduit objectivement par la tache verte sur le papier.
3° Suggestion. On prie la malade en état de somnambulisme de regarder avec attention un carré de papier blanc au milieu duquel on a marqué un point noir, afin d'immobiliser son regard ; en même temps on lui suggère que ce morceau de papier est coloré en rouge ou en vert, etc. Au bout d'un instant on lui présente un second carré de papier qui présente aussi, au centre, un point noir ; il suffit d'attirer l'attention de la malade sur ce point pour que spontanément elle s'écrie que ce point est entouré d'un carré coloré ; et la couleur qu'elle indique est la complémentaire de celle qu'on a fait paraître par suggestion.
Dans ce cas encore nous disons qu'il y a production réelle de la couleur, soit devant les yeux de l'hypnotisée, soit dans les centres cervicaux qui y correspondent, car elle ignore absolument la théorie des couleurs complémentaires. Si celle-ci se trouve vérifiée, et elle l'est, c'est que la couleur suggérée existe réellement, soit extérieurement au sujet, soit intérieurement si on veut. Une idée abstraite ne peut pas impressionner les centres visuels et produire sur eux l'impression de la réalité ; il y a donc eu création fluidique d'une couleur rouge, et celle-ci, bien que produite par la volonté, agit comme si elle était visible pour tout le monde.
On peut appeler cette sensation une hallucination, mais il faut ajouter alors que c'est une hallucination véridique, comme celle des apparitions, car elle est déterminée par une couleur qui a une existence propre, quoiqu'elle soit invisible pour des êtres dont le système nerveux n'est pas mis en état de la percevoir.
Examinons maintenant les autres expériences ; MM. Binet et Ferré disent textuellement :
« L'objet imaginaire qui figure dans l'hallucination est perçu dans les mêmes conditions que s'il était réel. »
Exemple : Si par suggestion, on fait apparaître un portrait sur une plaque de carton dont les deux faces offrent une apparence tout à fait identique, l'image serait toujours vue sur la même face du carton, et quel que soit le sens dans lequel on le lui présente, l'hypnotique saura toujours placer les faces et les bords dans la position qu'ils occupaient au moment de la suggestion, de telle façon que l'image ne soit ni renversée, ni inclinée. Si on retourne le carton suivant ses faces, le portrait n'est plus vu. Si on le renverse suivant ses bords, le portrait est vu la tête en bas. Jamais l'hypnotique n'est pris en défaut ; qu'on lui couvre les yeux, qu'on se place derrière elle, pendant que l'on change les positions de l'objet, les réponses sont toujours parfaitement conformes à la localisation primitive.
Si ce carton, sur lequel figure un portrait imaginaire, étant mélangé avec un grand nombre d'autres semblables, on réveille le sujet et on le prie de parcourir cette collection il le fait sans savoir pourquoi ; puis, quand il aperçoit le carton sur lequel la suggestion s'est opérée il y retrouve l'image qu'on a voulu qu'il y vit.
Lorsqu'on regarde les objets extérieurs, en plaçant un prisme devant un des yeux, les objets paraissent doubles, et une des images présente une déviation dont le sens et la grandeur sont soumis au calcul. Or, voici ce qu'on obtient, pendant le sommeil hypnotique. Si on inculque à la malade l'idée qu'il existe sur la table de couleur sombre, qui est devant elle, un portrait de profil, à son réveil elle voit distinctement le même portrait. Si alors, sans prévenir, on place un prisme devant un des yeux, immédiatement le sujet s'étonne de voir deux profils, et toujours l'image fausse est placée conformément aux lois de la physique. Deux de nos sujets peuvent répondre conformément dans l'état de catalepsie, ils n'ont aucune notion des propriétés du prisme. D'ailleurs, on peut leur dissimuler la position précise dans laquelle on la place, en masquant ses bords. Si la base du prisme est en haut, les deux images sont placées l'une au-dessus de l'autre ; si la base du prisme est latérale, les deux images sont placées latéralement. Enfin, on peut rapprocher la table suffisamment pour qu'elle ne soit pas doublée, ce qui pourrait servir d'indice.
Lorsqu'on substitue une lorgnette au prisme, l'image est agrandie ou diminuée, suivant que le sujet regarde par l'oculaire ou l'objectif ; on a eu soin de dissimuler le bout de la lorgnette qu'on lui présente dans une boîte carrée, percée de deux ouvertures sur ses faces opposées, correspondant aux verres. On évite ainsi que le sujet perçoive dans le champ de la lorgnette des objets dont les changements de dimensions pourraient servir d'indices. Il faut encore que la lorgnette ait été mise au point pour la vue de l'halluciné.
En poursuivant l'application des lois de la réfraction, on a pu, au moyen d'une loupe, agrandir un portrait suggéré. Si on incline la loupe, le portrait se déforme. On place le portrait à deux fois la distance focale de la lentille, le portrait est vu renversé. On a pu constater, une fois, au microscope, qu'une patte d'araignée hallucinatoire était devenue énorme.
Plaçons maintenant le portrait imaginaire devant un miroir ; si on a suggéré que le profil est tourné à droite, dans le miroir le profil est tourné à gauche. Donc l'image réfléchie est symétrique de l'image hallucinatoire. Renversons le carré de papier suivant ses bords, en opérant derrière la malade : dans le miroir le portrait apparaît la tête en bas, et, point à noter, avec le profil tourné à droite, ce qui est encore conforme aux lois de l'optique.
Récapitulons : Le portrait imaginaire est tourné à droite, le miroir le fait paraître tourné à gauche, et, si on renverse le papier, il paraît tourné à droite. Ce sont déjà là des combinaisons qui ne s'inventent guère. Mais nous allons compliquer l'expérience encore davantage. Remplaçons le portrait par une inscription quelconque sur plusieurs lignes ; dans le miroir, l'inscription imaginaire est lue à rebours, c'est-à-dire renversée de droite à gauche ; si on renverse le papier suivant ses bords, l'inscription est lue renversée de haut en bas. La première ligne devient la dernière, et en même temps le renversement de droite à gauche cesse. Cette expérience ne réussit pas constamment, mais souvent avec une suite qui exclut tout soupçon de fraude. « Y a-t-il beaucoup de personnes qui, sachant que l'écriture est vue renversée dans le miroir de droite à gauche, se rendent compte que, lorsque l'on renverse la feuille écrite, l'écriture réfléchie est renversée de haut en bas, mais cesse de l'être de gauche à droite ? L'hypnotique se joue de toutes ces difficultés, qui n'existent pas pour elle, car elle voit et n'a pas besoin de raisonner »
Quelle doit être l'interprétation de ces phénomènes ? Si l'on admet que la volonté de l'opérateur crée momentanément, en agissant sur les fluides, une image invisible pour les assistants, mais perceptible pour les yeux de l'hystérique hypnotisée, tout se comprend : l'objet invisible se comportant exactement comme le ferait un objet réel. Mais les expérimentateurs ne connaissant pas, ou ne croyant pas à notre théorie, laissons-leur la parole pour l'explication.
« Il faut choisir, disent-ils, entre trois suppositions :
1° On a fait de la suggestion : le sujet a su qu'on plaçait devant ses yeux un prisme ayant la propriété de dédoubler les objets, une lorgnette les grossissant, etc., Mais cette première hypothèse doit être écartée, car il est évident que la malade ignore les propriétés complexes de la loupe, du prisme simple, du prisme bi-réfringent et du prisme à réflexion totale; et quant aux autres instruments que la malade peut connaître, comme la lorgnette, on a eu soin de les dissimuler dans des appareils. Donc, à moins de supposer que l'opérateur ait eu l'imprudence d'annoncer le résultat d'avance, il faut tenir pour certain que la suggestion, ainsi comprise, n'a joué aucun rôle ;
2° Les instruments d'optique employés ont modifié les objets réels qui se trouvaient dans le champ visuel du sujet, et ces modifications lui ont servi d'indices pour en supposer de semblables dans l'objet imaginaire.
Cette seconde explication, quoique meilleure que la précédente, nous paraît insuffisante ; elle a contre elle de nombreux faits déjà cités ; la localisation précise de l'hallucination sur un point que l'opérateur ne retrouve qu'au moyen de mensurations multiples ; la reconnaissance du portrait imaginaire sur un carton blanc, mélangé avec six autres cartons tout à fait semblables pour nous, le renversement du portrait imaginaire par le renversement du carton, à l'insu de la malade, etc. Nous adopterons une troisième hypothèse déjà indiquée :
3° L'image hallucinatoire suggérée s'associe à un point de repère extérieur et matériel, et ce sont les modifications imprimées par les instruments d'optique à ce point matériel qui, par contre-coup, modifient l'hallucination ».
L'hypothèse du point de repère, dirons-nous, n'est guère compréhensible, étant données les précautions que prennent les opérateurs d'employer tantôt une table de couleur sombre, tantôt un écran ou des cartons tout à fait semblables. Mais supposons, en effet, qu'il y ait un point de repère, que les instruments dévient ce point de repère suivant les lois de l'optique, et que cette déviation se reproduise dans l'esprit du sujet, il n'en sera pas moins vrai que les relations qui attachent l'hallucination à ce point de repère subissent toutes les déviations, toutes les réfractions que leur impriment les instruments, autrement dit : l'image idéale se reflète, se déforme, se dédouble comme une image réelle ; elle a donc bien une existence objective.
Que le phénomène soit subjectif si l'on veut, que d'autres ne puissent pas le constater, il est néanmoins irrécusable, et sa nature positive se révèle par les mêmes résultats que fournirait tout objet matériel soumis aux mêmes expériences.
Nous répéterons de nouveau que si on peut appeler ce phénomène une hallucination, elle est véridique, en ce sens que, comme le disent MM. Binet et Ferré, le sujet voit ; ce qu'il voit n'est pas une pensée fugitive, sans consistance, quelque chose d'insubstantiel, c'est une image en tous points semblable à celle que ses yeux lui retracent journellement, et cette image, associée dans son esprit à un élément extérieur sur lequel les instruments peuvent agir, se comporte comme dans la réalité ; elle est donc bien quelque chose de positif dont l'existence est due à la volonté de l'opérateur.
Si l'hypothèse du point de repère est exacte, le phénomène est subjectif ; si, au contraire, il n'y a pas besoin de point de repère, il est objectif, la vision s'opère par l’œil, dans un état spécial déterminé par l'hypnose. De quelque côté qu'on envisage la question, nous croyons qu'on est conduit à constater que la création fluidique est un fait indéniable, et, une fois de plus, l'enseignement des Esprits se confirme par des phénomènes que l'on ne connaissait pas, au moment où ces vérités nous ont été révélées.
Les magnétiseurs anciens ont devancé les modernes hypnotiseurs dans la plupart des expériences dont on fait grand bruit aujourd'hui, mais qui ne sont nouvelles que pour ceux qui veulent ignorer celles de jadis. Voici un cas de création fluidique par la volonté, où il n'y a pas de suggestion faite au sujet, et par conséquent pas de point de repère.
Le Dr Teste, dans son livre : le Magnétisme animal, rapporte l'expérience suivante qu'il fit publiquement :
« Étant assis au milieu de mon salon, je me représente, le plus nettement qu'il m'est possible, une barrière en bois peint, qui s'élèverait devant moi à un mètre de auteur. Lorsque cette image est bien arrêtée dans mon cerveau je la réalise mentalement au moyen de quelques gestes. Melle Henriette H., jeune somnambule d'une telle impressionnabilité que je l'endors en quelques secondes, est alors éveillée dans la chambre voisine. Je la prie de m'apporter un livre qui doit être auprès d'elle. Melle Henriette vient, en effet, ce livre à la main ; mais arrivée à l'endroit où s'est élevée ma barrière imaginaire, elle s'arrête subitement. Je lui demande ce qui l'empêche d'approcher davantage.
«- Ne le voyez-vous pas, dit-elle, vous êtes entouré d'une barrière.
«- Quelle folie ! Approchez donc.
«- Je ne le peux pas, vous dis-je.
«- Comment donc la voyez-vous cette barrière ?
«- Telle qu'elle est apparemment... en bois rouge... je la touche. Quelle singulière idée d'avoir mis cela dans ce salon.
« J'essaie de persuader à Melle Henriette qu'elle est dupe d'une illusion, et, pour l'en convaincre, je la saisis par les mains et l'attire à moi ; mais ses pieds sont collés au parquet ; le haut du corps se porte seul en avant ; enfin elle s'écrie que je lui meurtris l'estomac contre l'obstacle ! »
Il n'y a pas ici de suggestion verbale, et cependant la barrière existe réellement pour le sujet.
Nous croyons même que dans toutes les hallucinations, naturelles ou provoquées, il y a toujours formation d'une image fluidique qui peut être déterminée, dans la maladie, par l'état morbide du patient, ou par la volonté de l'opérateur dans le cas de la suggestion. Lorsque l'on étudie attentivement un grand nombre d'observations, comme celles rapportées par Brierre de Boismont , on ne peut s'empêcher d'être frappé par le caractère de réalité que les troubles des sens ont pour les sujets. Ils décrivent minutieusement leurs visions, ils les voient avec une intensité qui dénote bien que ce n'est pas seulement une idée qu'ils se représentent, qu'il y a quelque chose de plus, qu'elle existe, car c'est la négation de cette réalité qui les exaspère.
Toute une étude serait à faire au sujet de la distinction à établir entre une hallucination proprement dite, c'est-à-dire une création fluidique anormale, consécutive à des troubles cérébraux, et ce que les spirites appellent les obsessions.
Depuis que cet article a été écrit (juillet 1895), nous avons pu obtenir des preuves objectives de la réalité de la création fluidique par la volonté.
Nous possédons des épreuves photographiques de formes mentales, radiographiées sur une plaque sensible par l'action volontaire et consciente de la pensée de l'opérateur. M. le commandant Darget a pu, à deux reprises différentes, extérioriser sa pensée fixée sur une bouteille de manière à reproduire cette image sur une plaque photographique, sans appareil, en touchant simplement cette dernière, côté verre, avec la main . Nous avons donc une preuve physique, certaine, inattaquable, de cette puissance créatrice de la volonté, que nous avons étudiée dans les manifestations précédentes.
Un Américain, M. Ingles Roggers, en regardant longuement une pièce de monnaie et ensuite en fixant avec toute l'attention dont il était capable une plaque photographique, prétend avoir obtenu un cliché où la forme de cette pièce est reproduite .
Edison fils, de son côté, déclare avoir réalisé un appareil au moyen duquel la photographie de la pensée devient une réalité positive. « Je ne puis encore espérer, dit à ce propos le jeune Edison, faire croire à tout le monde que cette ombre est la photographie d'une pensée; elle est encore trop indistincte, elle manque trop de caractère pour être une preuve convaincante. Mais je suis persuadé que j'ai, dans une certaine mesure, photographié la pensée ».
Remarquons encore que les images créées par MM. Binet et Ferré auraient probablement pu être radiographiées, puisqu'elles avaient assez d'objectivité pour être vues par les sujets, et obéir à toutes les lois de l'optique. Cette dernière considération doit avoir une plus grande valeur pour tout esprit impartial.
CONCLUSION
Le problème de l'immortalité de l'âme, qui était jadis du ressort de la philosophie, a pu être abordé de nos jours par la méthode positive. Déjà nous assistons à une orientation nouvelle qui a été créée par la recherche expérimentale. L'hypnotisme a rendu d'immenses services à la psychologie en permettant, pour ainsi dire, de disséquer l'âme humaine, et son emploi a été fécond, pour faire connaître le principe pensant dans ses modalités conscientes et subconscientes. Là, d'ailleurs, ne s'est pas borné son rôle; il a permis de mettre en lumière des phénomènes peu connus tels que la suggestion mentale à distance, l'extériorisation de la sensibilité et de la motricité, qui nous conduisent directement à la télépathie et au spiritisme.
Cette évolution logique montre que la nature procède par transitions insensibles. Il est certains phénomènes où l'action extracorporelle de l'âme humaine peut être expliquée par un simple rayonnement dynamique, qui produit les phénomènes télépathiques proprement dits, tandis que d'autres nécessitent absolument, pour être compris, l'extériorisation de l'intelligence, de la sensibilité et de la volonté, c'est-à-dire celle de l'âme elle-même.
Nous avons signalé en passant cette succession des manifestations animiques, et si nous avons été contraint de résumer très brièvement les faits, nous pensons cependant que l'attention du lecteur a été frappée par cette continuité, qui s'accuse encore d'une manière plus saisissante lorsque l'on arrive aux manifestations extra-terrestres. Les observations des savants de la Société de recherches psychiques sont précieuses en ce sens qu'elles font saisir sur le vif cette remarquable similitude entre les apparitions des morts et des vivants. Alors nous comprenons mieux les récits dont les annales de tous les peuples nous offrent des exemples. Nous arrivons à nous persuader que si la vie d'outre-tombe a été niée avec tant d'acharnement par beaucoup de bons esprits, c'est qu'elle était incompréhensible, aussi bien en faisant de l'âme une résultante de l'organisme, qu'en la supposant formée par une essence purement spirituelle.
Nous avons pu nous convaincre, en effet, que l'âme humaine n'est pas, comme le croient les matérialistes, une fonction du système nerveux ; c'est un être qui a une existence indépendante de l'organisme et qui s'affirme précisément avec toutes ses facultés : sensitives, intelligentes et volontaires, alors que le corps physique est inerte, insensible, complètement annihilé. L'âme n'est pas davantage, ainsi que l'affirment les spiritualistes, une entité immatérielle, mais formé d'une matière spéciale infiniment subtile, dont le degré de raréfaction surpasse de beaucoup tous les gaz connus jusqu'alors.
Bien qu'à partir de la naissance l'âme et le corps soient unis intimement, de manière à former un tout harmonieux cette union n'est pas aussi profonde, aussi indissoluble qu'on l'avait pensé jusqu'alors ; nous savons, par des faits d'observation et d'expérience, que le principe pensant s'évade parfois de sa prison charnelle et peut percevoir la nature, en dehors du ministère des sens. Les cas de Varley, du Dr Britten, du jeune graveur cité par le Dr Gibier sont probants à cet égard. Ce dégagement animique peut être provoqué artificiellement, comme nous l'avons vu par les recherches de M de Rochas. Nous saisissons là sur le vif le processus de désintégration qui, lorsqu'il est complet, aboutit à la formation d'un fantôme qui est la reproduction exacte du corps physique. Les expériences des magnétiseurs conduisent d'ailleurs au même résultat ; les cas du nègre Lewis, de Mme de Morgan établissent avec certitude qu'il est possible de séparer volontairement l'âme du corps.
C'est toujours expérimentalement qu'il a été permis d'observer que ce corps de l'âme a une réalité physique, puisqu'on peut le voir (cas de Lewis, du Dr Britten) et parfois le photographier, comme nous l'avons démontré plusieurs fois (cas du capitaine Volpi, de M. Stead, du Dr Hasdeu, etc.). Enfin la réalité physique du dédoublement est tout à fait prouvée par les expériences réalisées avec Mme Fay et le médium Eglinton, dont la matérialisation du double a été rendue irrécusable par un moulage en paraffine.
Ce double, sosie de l'être vivant, n'est donc pas un mirage, une image virtuelle ou une hallucination ; c'est l'âme elle-même qui se révèle non seulement par son apparition, mais aussi intellectuellement par des messages qui établissent son individualité. Ce que nous reproduisons expérimentalement a lieu naturellement et a été observé un très grand nombre de fois, puisque les savants de la Société de recherches psychiques ont réuni une masse considérable de documents sur ce sujet, si éminemment instructif et intéressant. Le scepticisme n'a vraiment pas beau jeu en face de ces deux milles cas bien constatés. Il est hors de doute que l'incrédulité systématique apparaît ici comme une tare cérébrale, un cas pathologique duquel il n'y a pas lieu de tenir compte.
L'identité physique et intellectuelle des manifestations fantomales provenant d'individus vivants, ou morts depuis plus ou moins longtemps, montre la survivance de l'activité animique après la mort corporelle. Les phénomènes excessivement nombreux et variés du spiritisme confirment les faits d'observation ; nous possédons tous les genres de preuves qui nous affirment que l'être pensant a résisté à une désagrégation physique et qu'il persiste avec l'intégralité de ses facultés intellectuelles et morales. Ici encore les documents sont abondants et précis.
La photographie permet d'affirmer avec certitude que les âmes de ceux que l'on appelle si improprement des morts sont au contraire parfaitement vivantes. Les témoignages de Wallace, du Dr Thomson, de Bromson Murray, de Beattie ne nous laissent pas de doutes; et bien que le moment de sa désincarnation remonte parfois à une époque éloignée, l'être qui vient donner son portrait ne montre aucune trace de décrépitude ; il se montre même généralement rajeuni, C'est-à-dire qu'il aime à être représenté dans la phase de son existence où il possédait le summum de son activité physique. Nous avons aussi par les descriptions des médiums voyants d'excellents moyens de conviction, et il nous suffira de rappeler le cas de Violette, cité par Robert Dale Owen, pour mettre en évidence toutes les ressources que l'on peut trouver dans ce genre d'investigations.
Nous avons vu également que le degré d'objectivité de l'esprit pouvait arriver jusqu'à une matérialisation véritable.
Alors a lieu ce magnifique phénomène qui permet de ressusciter, pour ainsi dire, un être disparu du monde des vivants depuis beaucoup d'années. Nous savons de combien de précautions les expérimentateurs se sont entourés pour ne pas être dupes des médiums ou de leurs sens. Malgré le nombre considérable de ces récits, en dépit de l'autorité des savants qui les ont contrôlés, il nous a fallu des témoignages matériels de leur réalité pour que nous ayons pu ajouter foi à d'aussi étranges récits. Ce n'est qu'après les photographies de Katie King qu'on a été convaincu que les spectateurs n'avaient pas été les victimes de suggestions vigiles, et cette conviction s'est ancrée encore davantage quand on a pu être certain, par des moulages comme ceux obtenus par MM. Reimers et Oxley, qu'il y avait là une réalité splendide, une évidence grandiose.
Alors se sont produites toutes les théories imaginées pour combattre cette démonstration si gênante pour les incrédules. Ne pouvant plus nier les faits eux-mêmes, ils ont tenté de les discréditer en les attribuant au dédoublement du médium ; à des créations de son cerveau objectivées devant les spectateurs ; à des interventions d'élémentals ou d'élémentaires, etc. Mais nous, savons combien toutes ces hypothèses sont inadmissibles, et alors s'impose cette conviction que la mort n'est pas la fin de l'être humain, mais une étape de sa vie immortelle.
La conservation du périsprit après la mort permet de comprendre comment l'intégrité de la vie psychique n'est pas détruite, malgré la disparition du cerveau matériel qui semblait indispensable à sa manifestation. Pendant la vie, le périsprit existe, nous le savons à n'en pouvoir douter. Il joue un rôle considérable dans la vie physiologique et psychique de l'être, car, puisqu'il survit à l'organisme, c'est qu'il en était absolument différent. L'être humain nous apparaît alors ce qu'il est réellement, c'est-à-dire UNE FORME dans laquelle passe de la matière. Quand l'énergie qui faisait fonctionner cette machine est usée, quand en un mot la force vitale s'est entièrement transformée, la matière ne peut plus s'incorporer, le corps physique se désagrège, ses éléments retournent à la terre et l'âme, toujours revêtue de sa forme spirituelle, continue dans l'espace son évolution sans fin.
Les matérialisations suffisamment objectivées pour laisser des traces matérielles de leur existence par des empreintes ou des moulages, nous ont montré que le périsprit est le modèle idéal sur lequel le corps physique est construit. Il contient toutes lois organogéniques de l'être humain, et si elles sont à l'état latent dans l'espace, elles subsistent cependant intégralement, toujours prêtes à exercer leur action, lorsqu'on leur fournit de la matière et cette forme de l'énergie que l'on nomme la force nerveuse ou vitale.
L'existence de ce corps spirituel a été connue de toute antiquité, mais on ne possédait que des notions vagues et incomplètes sur sa véritable nature. Nous n'avons pas la prétention d'affirmer que toute lumière est faite sur ce sujet ; mais déjà nous commençons à mieux poser les termes du problème ; les découvertes modernes de la science nous permettent même de croire que la solution en est peut-être plus proche qu'on ne l'imagine communément.
Nous avons tenté de montrer que l'existence d'une substantialité éthérée n'est pas incompatible avec nos connaissances actuelles sur la matière et l'énergie. Nous pensons qu'un tel essai ne semblera pas trop téméraire, puisque la science positive s'achemine vers ce domaine de l'impondérable qui lui réserve tant de surprises. Nous dirons donc, avec M. Léonce Ribert, que nous avons aujourd'hui en mains tous les éléments pour la résolution du grand problème de nos destinées.
Après les lumineux travaux de Helmholtz, de sir William Thomson (devenu lord Kelvin), de Crookes, de Cornu sur la constitution de la matière pondérable et de l'impondérable éther ; après ceux de Kirkof et de Bunsen, de Lockyer, de Huggins, de Deslandes, sur les révélations du spectroscope; ceux de Faye, de Wolff et de Croll sur la constitution, la marche et la rencontre des géants célestes ; ceux de Claude Bernard, de Berthelot, de Lewes, de Preyer en chimie organique et en physiologie; ceux de Pasteur sur les infiniment petits de la vie ; ceux de leurs disciples et continuateurs tels que Hukley en Angleterre, Hoeckel en Allemagne, Ed. Perrier en France ; ceux de Broca et de Ferrier sur les localisations cérébrales ; ceux de Herbert Spencer, de Bain, de Ribot en psychologie; ceux de Taine sur l'intelligence ; enfin les grandes découvertes de Mayer, de Joule, de Hirn sur la conservation de l'énergie nous permettent de nous rendre compte plus exactement que jadis des faits nouveaux que nous révèlent les recherches contemporaines.
Qui ne voit les rapports qui existent entre la suggestion mentale à distance et la télégraphie sans fil ? Comment ne pas comprendre que la vue sans le secours des yeux n'est plus incompréhensible après la découverte des rayons X et qui ne saisit les analogies étroites que présente le corps périsprital avec la matière ultra-radiante ? Sans doute ce ne sont là encore que des rapprochements, mais la voie est toute tracée et la science de demain s'y engagera nécessairement à la suite des Crookes, des Wallace, des Lodge, des Barrett, des de Rochas, qui ont soulevé le voile de la grande Isis.
Alors se révèlera dans toute sa grandeur cette loi évolutive qui nous entraîne vers des destinées toujours plus hautes. De même que la planète s'est élevée lentement de la matière brute à la vie organisée pour aboutir à l'intelligence humaine, de même nous comprendrons que notre passage ici-bas n'est qu'un degré de l'éternelle ascension. Nous saurons que nous sommes appelés à nous développer toujours et que notre planète ne représente qu'une étape sur la route sans fin. L'infini et l'éternité sont notre domaine. Aussi sûrement qu'il est impossible de détruire de l'énergie, aussi certainement une âme ne saurait s'anéantir. Semons à profusion dans toutes les intelligences ces vérités consolantes qui nous ouvrent les merveilleux horizons de l'avenir, montrons qu'il existe pour tous les êtres une égalité absolue d'origine et de destinée, et alors nous verrons s'accomplir cette évolution morale et spirituelle qui doit amener l'être auguste de la régénération humaine par la pratique de la véritable fraternité.
FIN
TABLE DES MATIÈRES
PREFACE 2
PREMIERE PARTIE
L'Observation
CHAPITRE PREMIER - COUP D'OEIL HISTORIQUE 7
Nécessité d'une enveloppe de l'âme. - Les croyances anciennes. - l'Inde. l'Égypte. - La Chine. - La Perse. - La Grèce. - Les premiers chrétiens. L'école néoplatonicienne. - les Poètes. - Ch. Bonnet .
CHAPITRE II - ÉTUDE DE L'ÂME PAR LE MAGNÉTISME. 20
La voyante de Prévorst. - La correspondance de Billot et de Deleuze - Les Esprits ont un. corps; affirmations des somnambules - Les récits de Chardel. - Autres témoignages. - Les expériences de Cahagnet. – Une évocation. - premières démonstrations positives .
CHAPITRE III – TEMOIGNAGES DES MEDIUMS ET DES ESPRITS EN FAVEUR DE L’EXISTENCE DU PERISPRIT……………………………………………………………. 34
Dégagement de l'âme. - Vue spirituelle. - Le spiritisme donne une certitude absolue de l'existence des Esprits par la typologie simultanée. - Expériences de MM. Rossi Pagnoni et du Dr Moroni. - Une vision confirmée par le déplacement d'un objet matériel. - Le portrait de Virgile. - L'avare. L'enfant qui voit sa mère. - Typtologie et voyance. - Considérations sur les formes des Esprits
CHAPITRE IV – LE DEDOUBLEMENT DE L’ETRE HUMAIN 52
La Société de recherches psychiques. - Apparition spontanée. - Goethe et son ami. - Apparitions multiples du même sujet. - Dédoublement involontaire, mais conscient. - Apparition tangible d'un étudiant. – Apparition tangible au moment d'un danger. Un double matérialisé. – Apparition parlante. - quelques remarques. Le devin de Philadelphie. – Saint Alphonse de Liguori
CHAPITRE V – LE CORPS FLUIDIQUE APRES LA MORT 73
Le périsprit décrit en 1805. - Impression produites sur les animaux par les apparitions. - Apparition après la mort. - Apparition de l'Esprit d'un Indien. - Apparition à un enfant et à sa tante. - Apparition collective de trois Esprits. - Apparition collective d'un mort. - Quelques réflexions
DEUXIEME PARTIE
L'expérience
CHAPITRE PREMIER – ETUDES EXPERIMENTALES SUR LE DEGAGEMENT DE L’AME HUMAINE 83
Le spiritisme est une science. - Apparition volontaire. - Vue à distance et apparition. - Photographies des doubles. - Effets produits par des Esprits de vivants. - Évocation de l'Esprit de personnes vivantes. - Esprits de vivants se manifestant par la médiumnité dite à incarnation. - Comment peut se produire le phénomène
CHAPITRE II – LES RECHERCHES DE M. DE ROCHAS ET DU DR LUYS 95
Action des médicaments à distance. - Recherches expérimentales sur les propriétés du périsprit. - Les effluves. -L'extériorisation de la sensibilité. - Hypothèse. - Photographie d'une extériorisation. - Répercussion sur le corps de l'action exercée sur le périsprit.- Action des médicaments à distance. - Conséquences qui en résultent
CHAPITRE III – PHOTOGRAPHIES ET MOULAGES DE FORMES D’ESPRITS DESINCARNES 103
La photographie des Esprits. - Photographies d'Esprits inconnus des assistants et identifiés plus tard avec une personne ayant vécu sur la terre. -Esprits vus par des médiums et photographiés en même temps. – Empreintes et moulages de formes matérialisées. - Histoire de Katie King. - Les expériences de Crookes. - Le cas de Mme Livermore. - Résumé. - Conclusion
TROISIEME PARTIE
le spiritisme et la science
CHAPITRE PREMIER – ETUDE DU PERISPRIT 125
De quoi est formé le périsprit ? - Obligation pour la science de se prononcer.- Principes généraux. - L'enseignement des Esprits. - Ce qu'il faut étudier.
CHAPITRE II – LE TEMPS – L’ESPACE – LA MATIERE PRIMORDIALE 131
Définition de l'espace par les esprits. - Justification de cette théorie. – Le temps, justifications astronomiques et géologiques. - La matière. - L'état moléculaire. - Les familles chimiques. - L'isomérie. - Les recherches de Lockyer
CHAPITRE III – LE MONDE SPIRITUEL ET LES FLUIDES 140
Les forces. - Théorie mécanique de la chaleur. - Conservation de l'énergie.- Le monde spirituel. - L'énergie et les fluides. - Étude détaillée sur les fluides. - États solide, liquide, gazeux, radiant et ultra-radiant ou fluidique. - Loi de continuité des états physiques. - Tableau des rapports de la matière et de l'énergie. - Étude sur la pondérabilité
CHAPITRE IV – DISCUSSION SUR LES PHENOMENES DES MATERIALISATIONS 156
On ne peut faire intervenir la fraude comme moyen général d'explication. Photographie simultanée du médium et des matérialisations. - Hypothèse de l'hallucination collective. - Son impossibilité. - Photographies et moulages. - Les apparitions ne sont pas des dédoublements du médium. - Ce ne sont pas des transfigurations du médium ou de son double. - Ce ne sont pas des idées objectivées inconsciemment par le médium. - Discussion sur les formes diverses que l'esprit peut revêtir. - La reproduction du type terrestre est une preuve d'identité. - Discussion sur le contenu intellectuel des messages. -Certitude de l'immortalité
QUATRIEME PARTIE
Essai sur les créations fluidiques de la volonté
CHAPITRE UNIQUE – ESSAI SUR LA CREATION FLUIDIQUE PAR LA VOLONTE 179
LA VOLONTÉ 179
La volonté. - Action de la volonté sur le corps. - Action de la volonté à distance. - Action de la volonté sur les fluides
CONCLUSION 193
TABLE DES MATIÈRES 196