Sir Olivier LODGE
La Survivance Humaine
Etude de facultés non encore reconnues
traduit de l’anglais par le Dr. H. Bourdon
Préface de J. Maxwell
TABLE DES MATIÈRES
Préface 4
Préface de l’auteur 6
Section I - But et object des recherches psychiques 7
Chapitre I – Origine de la société des recherches psychiques 7
Réponse aux critiques religieuses 9
Chapitre II – Principal but de la société 11
L'argument de la dignité 12
L'utilité de continuer les investigations prolongées 13
Conseils aux chercheurs 16
Sur des matières connexes 17
Section II – Télépathie expérimentale et transmission de la pensée 20
Chapitre III – Quelques expériences primitives de transmission de la pensée 20
Une expérience de transmission de pensée 20
Compte rendu des principales expériences 21
Relations de quelques-unes des expériences 24
Expériences avec Melle R. comme percipient 24
Expériences avec Melle E comme percipient 29
Considérations sur mes expériences 31
Chapitre IV – Autres expériences de télépathie 32
Expériences à distance 38
Chapitre V – Cas de transmission de pensées spontanées 40
Deux cas 40
Autre cas 41
Chapitre VI - Une télépathie appliquée. Un exemple de l’influence de la pensée moderne sur les anciennes superstitions 43
Section III – Télépathie spontanée et clairvoyance 52
Chapitre VII – Les apparitions considérées à la lumière de la télépathie 52
Fantômes 53
Apparitions expérimentales 55
Hantises 56
Chapitre VIII - Télépathie d'origine immatérielle 58
Cas d'apparente activité posthume 63
Chapitre IX - Exemples de clairvoyance apparente 67
Reconnaissance d'objets par télépathie ou hyperesthésie 67
Un cas d'intelligence automatique 68
Faculté de lire un texte caché 70
Clairvoyance des mourants 72
Chapitre X - Prévision 76
Prévision d'événements 77
Le cas de Marmontel 78
Discussion de la possibilité de la prévision 80
Section IV – Automatisme et lucidité 82
Chapitre XI - Écriture automatique et discours en état de trance 82
L'esprit et le corps 83
L'identité 87
Chapitre XII - L'identité personnelle 89
Chapitre XIII - Les débuts du cas de Mme Piper 93
Premier témoignage de M. F. H. Myers 93
Mme Piper et la Presse 95
Chapitre XIV - Premières attestations du professeur Williams au sujet de Mme Piper 97
Déclaration du professeur William James 97
Chapitre XV - Communications de l'auteur sur Mme Piper 100
Compte rendu des séances avec Mme Piper 100
Extrait des séances de Mme Piper 100
Perception des événements à distance 109
Commentaires 110
Chapitre XVI - Résumé des idées du docteur Hodgson 112
Note ajoutée en octobre 1909 117
Chapitre XVII - Récentes séances de Mme Piper 118
Renseignements généraux 118
Détails complémentaires 121
Chapitre XVIII - Le contrôle Isaac Thompson 123
Chapitre XIX - Remarques générales sur les séances de Mme Piper 129
Souvenirs intimes et reliques 130
Chapitre XX - Le contrôle Myers 132
Première séance avec Mme Thompson à Edghaston 132
Deuxième séance Thompson à Edgbaston 135
Extrait du carnet de 0. J. Lodge, 9 mai 1901 135
Note additionnelle écrite le 11 mai 1901 135
Note sur cette séance 138
Notes supplémentaires sur les séances Thompson-Myers 139
Observations générales en réponse aux objections religieuses 140
Remarques complémentaires 141
Chapitre XXI- Les contrôles Myers et Hodgson dans les dernières séances de Mme Piper 143
Style du groupe Stainton Moses 144
Prière 144
Style du contrôle Hodgson 145
Allure de la personnification en général 146
Chapitre XXII- Résumé de diverses autres expériences et commentaires à ce sujet 148
Reconnaissance de la photographe d’un des contrôles 148
Commentaires 149
Déductions 150
Chapitre XXIII - Introduction à l'étude des correspondances croisées 152
Découverte des correspondances croisées 152
Résumé 155
Chapitre XXIV - Essai de conclusion 157
Préface
Le livre de Sir O. Lodge que M. le docteur Bourbon pré¬sente au public français, mérite d'être lu avec réflexion. L'émi¬nent physicien examine les résultats obtenus par la Société des Recherches Psychiques et en montre l'importance.
La transmission de la pensée a d'abord été établie d'une manière certaine. Les conditions dans lesquelles ce phéno¬mène se produit ne sont pas encore connues, mais Sir Oliver Lodge emprunte à la science dont il est un des représentants les plus autorisés des analogies intéressantes et instructives.
La télépathie ressemble à la transmission de pensée ; le mot est peut-être mal choisi, car il implique la transmission non d'une idée, ou d'une image, mais d'un état affectif, pas¬sif. Il suppose que le sujet qui perçoit l'impression est tou¬jours dans un état psychologique passif, ce qui n'est pas cer¬tain ; Sir Oliver Lodge signale d'ailleurs notre ignorance ac¬tuelle du mécanisme de la télépathie et de la transmission de pensée, et il indique l'intérêt que présenteraient des expériences sérieuses sur ce point.
Deux problèmes peuvent se poser. L'un est relatif au mi¬lieu dans lequel les impressions transmises sont transportées entre l'agent et le percipient, c'est-à-dire entre le sujet émetteur de l'impression et le sujet récepteur. Nous ne pouvons pas imaginer, dans l'état actuel de la science, d'expérience pouvant nous permettre de savoir si ce milieu est matériel ou n'a rien de commun avec la matière.
Le second problème est moins difficile à résoudre en appa¬rence. Il est relatif à la nature même du sujet dont émanent les impressions ou les pensées perçues. L'expérience démontre que ce sujet peut être un individu vivant. Mais le mécanisme de la télépathie exige-t-il, pour fonctionner, l'existence d'un cerveau qui élabore les impressions ou les idées à trans¬mettre ? En d'autres termes, le mécanisme de la télépathie est¬-il physique ou psychique, matériel ou immatériel ?
Si l'existence d'un cerveau vivant n'est pas une condition nécessaire au fonctionnement de l'appareil émetteur, la télépa¬thie entre les vivants et les morts n'est pas impossible, et le problème de la démonstration expérimentale de la survie de la personnalité humaine consciente à la mort du corps n'est pas insoluble.
Sir Oliver Lodge pense que les expériences faites par quel¬ques-uns des membres les plus distingués de la Société an¬glaise des Recherches Psychiques permettent de considérer la solution du second problème comme possible. Il estime que les observations recueillies justifient l'admission, à titre d'hy¬pothèse provisoire, de la communication entre les vivants et les morts.
Une pareille opinion, malgré la réserve avec laquelle elle est exprimée, est de nature à faire réfléchir ceux qui s'inté¬ressent au problème de l'immortalité de l'âme. Si cette immor¬talité pouvait être expérimentalement démontrée, si la conti¬nuité de la personnalité humaine devenait un fait d'ordre scien¬tifique, l'humanité aurait résolu la plus troublante de toutes les énigmes que la Nature lui a donné à déchiffrer.
L'opinion de Sir Oliver Lodge ne saurait à elle seule en¬traîner la conviction, cela est certain ; on peut estimer que les expériences sur lesquelles il fonde son jugement favorable peuvent recevoir une interprétation différente de celle qu'il leur donne mais lorsqu'un homme dont la valeur et la probité scientifiques sont universellement reconnues, exprime une opinion réfléchie et la communique au public, sa parole doit être écoutée avec respect, et les arguments qu'il donne doivent être sérieusement et honnêtement examinés.
Il faut remercier à la fois Sir 0. Lodge du livre qu'il a écrit, et le docteur Bourbon d'avoir fidèlement traduit la pensée du maître anglais. C'est dans des ouvrages comme celui-ci que les hommes de bonne foi doivent chercher les élé¬ments de leur conviction et non dans des récits d'expériences, faites à la légère, occasionnellement et sans méthode, par des personnages distingués dans les sciences spéciales qu'ils hono¬rent, mais dont l'opinion n'a plus de poids quand elles for¬ment des jugements sur des phénomènes délicats à observer et dont l'étude exige une préparation et des connaissances qui leur manquent.
Cette étude a été faite par Sir 0. Lodge depuis vingt-cinq ans avec le plus grand soin ; c'est ce qui donne à son opinion la valeur qui manque aux autres. Que penseraient les natura¬listes si des amateurs les accusaient de fraude et niaient la réalité paléontologique du Diplodocus, parce qu'en examinant au Muséum le squelette de cet animal, ils auraient constaté qu'il était en plâtre ?
J. Maxwell
Préface de l’auteur
La conviction de l'auteur, que l'homme survit à la mort de son corps, est bien connue : c'est une conviction basée sur l'observation d'une longue série de faits naturels. La lecture de ce volume permettra de se faire immédiatement une idée nette du genre de raisons sur lesquelles il se fonde pour con¬sidérer que, dans l'avenir, l'heure viendra où cette croyance sera scientifiquement établie.
L'auteur rend compte d'un grand nombre de ses investiga¬tions dans les matières qui se rattachent aux recherches psy¬chiques pendant le dernier quart du siècle précédent, ainsi qu'un résumé des travaux contemporains.
Son enquête, adoptant la ligne de conduite de la Société des Recherches Psychiques, débute par la télépathie expérimentale mais la section la plus importante du volume traite de l'écriture automatique, des discours en état de trance, et d'autres exemples de lucidité temporaire car il estime que c'est dans cette partie du sujet qu'on trouvera, vraisemblablement, la meilleure preuve de la continuation de l'exis¬tence de l'homme et de son activité posthume.
Il réserve pour un autre volume l'exposé de ses expé¬riences touchant cette question si controversée des phéno¬mènes physiques associés à des états mentaux exceptionnels ; il discutera alors quelle doit être l'attitude vraiment scientifique et philosophique en présence de ces faits troublants et incroyables à première vue, qui demandent d'une manière pressante à être inclus dans notre conception de la Nature.
Section I - But et object des recherches psychiques
Chapitre I – Origine de la société des recherches psychiques
La réalité de certains faits singuliers a été attestée dans toutes les nations, à toutes les époques. Il est possible de reléguer une bonne part de ces faits dans le domaine de la superstition mais non de les éliminer tous. Il n'est pas même probable que, dans l'état actuel des sciences naturelles, nous soyons informés de toutes les opérations de l'esprit humain et les ayons ramenées à une telle simplicité, que toute chose susceptible de se produire dans le domaine mental et psychique soit de nature à être aisément comprise par tout le monde. Cependant il y a beaucoup de gens qui semblent pratiquement croire à cette invraisemblance ; ils sont contraints de temps en temps d'accepter des découvertes nouvelles et surprenantes en biologie, en chimie, et dans les sciences phy¬siques en général, mais ils semblent tacitement admettre que celles-ci sont les seules parties de l'univers dans lesquelles une découverte fondamentale soit possible, tout le reste étant trop bien connu.
C'est une foi simple ; elle marque de l'aptitude à accepter une croyance chez ceux qui la possèdent ; c'est une croyance qui ne s'appuie pas sur la science ; on ne peut la conserver qu'en négli¬geant une grande quantité de témoignages en sens contraire.
Il n'est pas facile de démonter des esprits ainsi armés contre l'intrusion de faits mal accueillis ; leur robuste foi constitue sans doute une salutaire sauvegarde contre ce dangereux manque d'équi¬libre que l'on appelle l'absence de parti pris, et qui représente une disposition à étudier et à examiner toutes choses non mani¬festement contradictoires et absurdes. Grâce à cette catégorie de gens à opinions solidement arrêtées, contents d'eux-mêmes, la machine du monde fait pratiquement et efficacement son travail.
Mais quoi que puisse penser à ce sujet la majorité de nos con¬temporains, le présent livre a pour but d'indiquer la possibilité de faire encore, par des méthodes strictement scientifiques, des décou¬vertes de la plus haute importance - et elles sont en voie d'être faites - dans le domaine de la psychologie ; ces découvertes sont comparables en importance à celles qui ont été réalisées pendant le siècle dernier en physique et en biologie ; comme pour ces der¬nières, il est possible que les experts aient seuls, pendant quelque temps, l'occasion de les appliquer pratiquement et de les utiliser, car peut-être y aurait-il du danger à leur assimilation sans contrôle et à leur diffusion dans les masses.
La nécessité d'être prudent, la crainte de n'encourager qu'une superstition stupide, ont instinctivement retardé la marche en avant dans ces recherches, jusqu'au moment où le progrès de l'instruction a raisonnablement permis d'espérer qu'une minorité assez considérable pourrait en accepter les résultats avec un esprit calme, pondéré, judicieux.
Depuis un demi-siècle, les affirmations faites au sujet des phénomènes psychologiques supranormaux ont, non seulement excité l'attention générale, mais encore éveillé l'intérêt de savants prudents, ayant de l'autorité tant dans le domaine de la science que dans celui des lettres.
Il y a vingt-huit ans, une société spéciale se forma à Londres, dans le but de rechercher ce qu'il y avait de vrai dans quelques-unes de ces affirmations. Ses fondateurs étaient des littérateurs et des savants qui, depuis un certain nombre d'années, avaient eu con¬naissance d'une quantité de faits étranges - ces faits, bien qu'étranges et inusités, étaient cependant tenus pour vrais par un cercle spécial de gens ayant ordinairement du jugement et du bon sens et il parut désirable à ces pionniers, de les incorporer d'une manière appropriée dans la science disciplinée, ou de les extirper définitivement comme ne s'appuyant que sur la crédulité, l'impos¬ture et la supercherie.
Cette tentative devait être faite par des gens sérieux et pénétrés du sentiment de leur responsabilité, dans un esprit de véritable sceptisme, c'est-à-dire, d'examen et de recherche critiques, et non point de dénégation ou d'affirmation dogmatiques. Aucun phénomène ne devait être rejeté sans hésitation, sous prétexte qu'il paraissait incroyable à première vue. Aucun phénomène ne devait être, non plus, accepté, s'il ne pouvait être solidement appuyé sur des preuves décisives, répétées et convaincantes. Chaque caté¬gorie de faits allégués devait être l'objet de recherches, aucune ne devait profiter du doute. Tant que le doute serait possible, le phé¬nomène devait être écarté, critiqué aussi sévèrement que possible, et ne pas être admis comme vrai.
Souvent on s'imagine, trop à la légère, que le sens critique et la circonspection nécessaires pour de telles investigations, sont le monopole des professionnels de la science ; cela n'est pas exact. Des hommes de lettres ayant de l'expérience - pour ne rien dire des maîtres philosophes - se sont montrés aussi prudents, aussi précis, aussi sagaces et aussi circonspects que n'importe quel savant de profession ; ils ont même pris d'excessives précautions. Ils ont servi de modérateurs et de freins aux travailleurs dont l'éducation scientifique était purement technique ; ceux-ci, proba¬blement parce que leur besogne habituelle est de s'occuper de la découverte de phénomènes nouveaux de différents ordres, ont été disposés à en accepter une nouvelle variété sur des preuves qui n'étaient pas beaucoup plus fortes que celles dont ils avaient déjà l'habitude de se contenter. Au contraire, certains des littérateurs affiliés à la société, ont invariablement fait montre d'une circons¬pection extrême ; ils ont été moins enclins à se laisser guider par des apparences à première vue vraisemblables, plus méfiants de la fraude possible ou même impossible, plus ingénieux, quelquefois pour trouver les moyens d'expliquer presque normalement d'inexplicables faits. Je ne cite pas de noms, mais un homme de science doit rendre ce témoignage. C'est surtout à la sagesse sceptique et l'attitude prudente de quelques-uns de ces représen¬tants des lettres et de la philosophie, à leur énergie et à leur enthousiasme pour la science, qu'est due l'estime relative dont jouissent ces recherches auprès de gens éclairés.
Le président de cette société fut d'abord le professeur Henri Sidgwick dans ses premiers discours présidentiels on trouve les phases suivantes :
« Il est scandaleux qu'on puisse encore discuter la réalité de ces phé¬nomènes, que tant de témoins compétents aient déclaré y croire, que tant d'autres soient vivement intéressés à la solution de la question, et que, néanmoins le monde savant en masse conserve une attitude de simple incrédulité.
Le principal but de notre Société, ce que nous nous unissons pour réaliser, que nous soyons croyants ou non, c'est de faire un effort sou¬tenu et systématique pour mettre fin d'une manière ou d'une autre à ce scandale.
Si on me demande ce que j'entends par une preuve suffisamment scien¬tifique de la lecture de pensée, de la clairvoyance, du phénomène dit spirite, ou comment je la définis, je demanderais la permission d'éluder la difficulté qu'il y a à déterminer d'une manière abstraite ce qui constitue une démonstration satisfaisante. Ce que j'entends par preuve suffisante est une preuve qui doit convaincre le monde scientifique et pour cela, il nous faut évidemment beaucoup plus que nous n'avons eu jusqu'ici. Je ne veux pas dire qu'aucun résultat n'a été obte¬nu dans ce sens : s'il en était ainsi nous ne pourrions pas espérer faire grand-chose.
Je crois cependant que nous avons fait quelque chose. Les avocats de l'incrédulité obstinée - je veux dire l'incrédulité qui écarte le problème tout entier comme indigne de l'attention d'un être intelligent - sentent que leur position n'est plus aussi forte.
Il y a trente ans on pensait que le manque de culture scientifique était une explication suffisante de la croyance vulgaire au mesmérisme et aux tables tournantes. Alors, quand des hommes de science réputés devaient affirmer, l'un après l'autre, les résultats de leurs recherches personnelles, on mettait une amusante habileté à trouver les raisons pour discréditer leur culture scientifique. C'étaient des amateurs et non les profession¬nels, des spécialistes sans vue générale et sans expérience suffisante, de simples inventeurs, ignorants les strictes méthodes de la recherche scientifique ou ils n'étaient pas académiciens ; s'ils l'étaient, on déplo¬rait cet accident malheureux.
Dans la voie que nous suivons, nous ne devons pas attendre d'un seul témoignage, si complet soit-il, des effets décisifs sur le sens commun de l'espèce humaine. L'incrédulité scientifique a mis longtemps à se déve¬lopper, elle a poussé de nombreuses et fortes racines, et nous ne l'anéan¬tirons, si jamais nous pouvons l'anéantir, qu'en l'accablant sous une masse de faits probants. Nous devons travailler sans relâche (« pegging away », comme disait Lincoln) ; nous devons accumuler preuve sur preuve, ajouter les expériences aux expériences, et le dirai-je, ne pas trop discu¬ter avec les incrédules étrangers à nos travaux sur la valeur probante de l'une d'elles, mais bien nous fier à leur nombre pour entrainer la convic¬tion. Le plus haut degré de force démonstrative que nous puissions obte¬nir d'un témoignage quelconque, dépend, naturellement, de la confiance due à l'expérimentateur. Nous aurons fait tout ce que nous aurons pu quand le critique n'aura rien d'autre à alléguer, sinon que l'expérimentateur a participé à la fraude. Mais quand il ne lui restera plus que cela à dire, il n'y manquera certainement pas. Nous, nous tiendrons à l’honneur, je l'espère, de ne soumettre au public aucun témoignage que nous n'aurons pas amené à ce degré de pertinence. »
Beaucoup d'enthousiastes hors de la Société, et quelques-uns dans son sein, déjà convaincus par une longue pratique, de l'au¬thenticité des phénomènes soumis à l'enquête ont jugé mauvaise cette attitude des fondateurs et des chefs de la S. P. R., et elle leur a semblé parfois irritante et intolérable. L'hostilité du monde et de la science orthodoxe à l'égard de ces recherches, bien que parfois féroce et méprisante, mais toujours significative et méri¬tant l'attention, a été douce, en tout cas intermittente, compa¬rée aux attaques amères et, pour ainsi dire continuelles qu'im¬prime et qu'exprime encore souvent la presse spirite contre la lenteur, la lourdeur et l'hyper-criticisme de ceux qui sont res¬ponsables des travaux de la Société.
On l'a appelée « Société pour la suppression des faits », « pour la généralisation des accusations d'imposture », « pour le décou¬ragement des sensitifs, et pour le rejet de toute révélation du genre de celles qui, disait-on, s'imposent à l'humanité, du haut des régions de la lumière et de la connaissance ».
Nous avons été forcés de subir cet assaut, aussi bien que les coups plus lourds infligés par l'autre parti ; il était à peine nécessaire de tendre l'autre joue à l'outrage, car dans notre marche en avant, les soufflets étaient impartialement distribués ; leur fréquence d'un côté compensant leur force de l'autre.
Réponse aux critiques religieuses
Toutefois il est une catégorie de personnes dont l'opposition est persistante mais leurs attaques sont faites avec plus de tristesse que de colère ; à leurs sérieuses remontrances les fondateurs de la Société répondent ainsi, avec sympathie :
« Un mot à propos d'une objection qui émane d'un autre côté. Il y a beaucoup de personnes profondément religieuses qui ne voient aucune raison pour mettre en doute les faits avancés par nous, mais qui en regardent toute recherche expérimentale comme mauvaise, parce qu'ils doivent être l'oeuvre soit du Diable, soit d'Esprits familiers avec lesquels la Bible défend d'avoir commerce... Nous dirons à nos religieux amis que leurs scrupules sont mal placés dans l'état actuel de nos recherches, car la question posée est de savoir si certains phénomènes doivent être vraiment attribués à l'action des Esprits, même à titre d'hypothèse com¬mode.
Beaucoup d'entre nous, je pense, seront satisfaits si nous pouvons amener cette première période de nos recherches à une conclusion satisfaisante ; nous ne regardons pas plus loin et nous laisserons à ceux qui pourront venir après nous, le soin d'étudier les problèmes moraux qui surgiront peut-être quand la première étape sera franchie.
Il y a des gens qui croient avoir quelque connaissance des faits les plus importants dont nous recherchons la preuve ; ils ne doutent pas d'avoir reçu des communications d'un monde invisible d'Esprits, mais ils pensent que de telles communications doivent être gardées comme des mystères sacrés. Il ne leur convient pas de les exposer aux recherches de la froide curiosité, qu'ils s'imaginent être le propre de la science. Sans doute, nous ne voulons pas nous montrer importuns mais en même temps, nous souhaitons vivement ne perdre, par simple malentendu, aucune bonne occasion d'investigation ; je tiens donc à assurer ces personnes que nous n'abordons point ces recherches dans un esprit de légèreté trivial, mais avec le sentiment toujours présent de la haute importance des conséquences qu'elles impliquent, et le désir d'être respectueux partout où nous jugerons que le respect est dû. Nous nous croyons obliger de commencer à considérer les faits, quelque important, quelque obscurs qu'ils soient comme faisant partie du grand agrégat que nous appelons « Nature » et nous devons contrôler avec une prudence systématique leur substance, leurs lois et leurs causes, avant de pouvoir raisonnable¬ment prendre attitude à leur égard. L'inconnu ou l'extraordinaire n'est pas en soi-même un objet de vénération ; la simple limitation de nos con¬naissances n'a pas de caractère sacré.
Voici donc ce que nous entendons par esprit scientifique : aborder le sujet sans prévention, mais avec l'unique désir de ramener dans les frontières de la science ordonnée et apparait comme un chaos de croyance. »
Chapitre II – Principal but de la société
Notre principal souci, est d'être une société scientifique, de diri¬ger nos recherches et d'enregistrer nos résultats d'une manière exacte et scientifique, pour donner ainsi le modèle d'une oeuvre faite avec soin, dans une matière où, jusqu'à présent, ce fut plutôt l'exception que la règle ; nous voulons aussi être un guide sûr pour la génération de travailleurs qui nous suivra.
Être scientifique ne signifie pas être infaillible, mais être clair, de bonne foi, et aussi précis que nous savons l'être. Dans des re¬cherches difficiles les pionniers ont toujours commis des erreurs, ils n'ont pas de critérium direct ou de pierre de touche infaillible pour distinguer le plus vrai du moins vrai mais s'ils enregistrent leurs résultats avec un soin méticuleux, avec une scrupuleuse probité, avec le souci de la précision, leurs erreurs ont presque autant de valeur pour la génération suivante que leurs généralisa¬tions partiellement vraies. Il arrive quelquefois au bout d'un siècle, ou à peu près, que les erreurs commises par des chercheurs d'avant-garde, cessent de paraître des erreurs autant qu'on l'avait cru, car elles renferment des éléments de vérité ; les choses se passent comme si les gens qui font des découvertes étaient doués d'une espèce de clairvoyance prophétique leur permettant d'apercevoir un ins¬tant des théories et des vérités dont le dégagement et la mise en lumière exigerait le travail de plusieurs générations.
Supposons, toutefois, que leurs erreurs fussent réelles ; la rela¬tion de leurs travaux est aussi importante que l'est, pour les na¬vigateurs futurs, l'indication sur la carte du balisage des rochers et des hauts-fonds d'un détroit. C'est un travail qui doit être fait. Le grand navire qui va directement à sa destination atteint la rec¬titude et la vitesse de sa marche grâce aux labeurs combinés d'une multitude de travailleurs, les uns obscurs et oubliés, d'au¬tres célèbres et dont on garde la mémoire mais ceux d'entre eux qui peuvent concevoir clairement l'idée du splendide passage du navire sont rares. Il en est ainsi de tout monument une grande partie du travail qu'il a coûté est indirecte ou dissimulée ; le pont du Forth est supporté par des piles enfoncées au-dessous du niveau des eaux parle travail long et pénible d'ouvriers italiens, enfermés dans des caissons pleins d'air comprimé et chauffé.
C'est à nous de faire pénétrer dans l'ordre des sciences naturelles l'objet de nos recherches, s'il est démontré qu'il lui appartient en propre ; dans le cas contraire nous devons faire oeuvre de pionniers et prendre notre place à côté de ce groupe de sociétés dont le but est de faire reconnaître la légitimité de leur oeuvre dans l'étude de l'esprit humain, dans la psychologie et dans la philosophie et de la poursuivre jusqu'au jour où l'unification sera possible.
La science à demi développée aperçoit les divisions, insiste sur les limites, se plaît à classer en genres et en espèces, elle pose des étiquettes, elle étudie les choses par groupes. Tout ce travail est d'une grande valeur pratique, il est essentiel et nécessaire. Le jour viendra où les barrières seront renversées, où les espèces se fon¬dront les unes dans les autres, où la continuité et non le classement seront la caractéristique dominante de la science : tout le monde peut le prévoir ; nous ne pouvons hâter l'arrivée de ce jour qu'en prenant notre place dans l'atelier et en accomplissant la besogne assignée encore moins avons-nous avantage à prétendre que le jour de l'unification est arrivé mais cette aube est encore à naître.
Qu'on ne suppose pas que l'acceptation de la science ait été immédiate et universelle. L'aversion qu'on avait pour elle et la méfiance qu'inspiraient les résultats des recherches scientifiques, surtout en géologie et en anthropologie, ont persisté fort avant dans le XIXe siècle, et elles n'ont même pas entièrement disparu à l'heure actuelle. On trouve encore quelques traces de préjugés attardés contre des sciences orthodoxes comme la chimie. La physique, la biologie, sans parler de l'antipathie que provoquent les recherches dans les choses de l’esprit, impopulaires et suspectes à ce point, qu'on trouve de braves gens pour attribuer à l'interven¬tion du Diable tout événement insolite ou rare et mettre la jeunesse en garde contre son examen. On regarde les sciences avec respect, on ne dédaigne pas de s'enrichir par elles quand l'occasion s'en présente, mais on ne les aime pas réellement. Elles sont tolérées par certaines écoles, comme des études d'ordre inférieur, bonnes au plus pour les arriérés et les ignorants ; elles ne sont pas regar¬dées avec ferveur et enthousiasme commune des révélations de l'œuvre divine qu'on doit étudier avec révérence, ni comme des sujets dont on puisse instruire sainement et solidement la jeunesse d'une nation.
Le temps est encore moins noir pour nos recherches : les pionniers doivent être prêts à recevoir de rudes coups. La mentalité d'un peuple ne peut changer qu'avec lenteur. Jusqu'à ce qu'elle soit transformée, les vérités nouvelles nées avant leur temps doivent subir le sort des choses qui naissent prématurément ; le prophète qui les annonce doit s'attendre à être pris pour un de ces inutiles, un de ces fanatiques, dont chaque époque a sa trop large part, et se contenter d'être, verbalement ou métaphoriquement, mis à mort comme si son exécution était chose nécessaire au processus régénératif du monde.
L'aversion, la méfiance, l'incrédulité relatives à la valeur et à la légitimité des recherches psychiques sont choses familières, l'aversion pour les sciences naturelles a presque disparu. Elle survit, sans doute encore, ces sciences ne sont pas aimées, on les tolère seulement, et je suis obligé de reconnaître que la persis¬tance de ce discrédit est due, non seulement à l'hérédité et au préjugé, mais à l'attitude tranchante, intolérante et exubérante de quelques savants convaincus d'être des réformateurs, sen¬tant qu'ils ont le germe d'une moisson future, qu'ils doivent la soigner, ils ne se sont pas toujours bornés à répandre leurs idées dans un esprit de calme et de conciliation ; ils se sont efforcés de pousser brutalement les choses en avant ; certes, cette méthode peut réussir, mais son application est pénible. Peut-être donne-¬t-elle des résultats moins admirables que ceux dont les instruments sont un peu de patience, plus d'égards pour le point de vue d'au¬trui, plus d'imagination, plus de cette adresse à percevoir l'insi¬gnifiance des détails et le caractère transitoire des modes qu'on appelle le sens de l'humour, un peu de sens historique, en un mot un peu plus d'instruction générale.
C'est à nous de veiller à ce que le temps accroisse notre science et notre expérience. Car le temps à lui seul est impuissant. Des mil¬liers d'années ont passé sur notre planète, pendant lesquels la somme des connaissances acquises a été faible ou nulle. Au XVIème siècle même, les progrès de la science étaient lents. Récem¬ment ils ont été rapides, pas trop rapides, mais rapides. La vitesse de ces progrès dépend de l'activité et de l'énergie de chaque géné¬ration, aussi bien que de l'organisation et du mécanisme, dont elle a hérité de ceux qui l'ont immédiatement précédée.
Les pionniers qui ont créé la S. P. R. nous l'ont confiée pour la transmettre aux générations futures ; c'est comme un outil effi¬cace et puissant pour la propagation de la vérité scientifique, entre le double écueil que forment, d'un côté, des esprits tenaces et fermés, et de l'autre une crédulité avide d'accepter toutes les bribes de vérité ou d'erreur convenant à la grossièreté de ses croyances.
L'argument de la dignité
L'étude des phénomènes occultes, affirme-t-on aussi, est au¬-dessous de la dignité de la science et l'humanité ne saurait tirer aucun avantage de recherches sur l'insolite et l'indéterminé, non plus que de l'étude sérieuse des caprices de l'inconscient ou du subconscient.
Mais, comme le disaient Myers et Gurney, il y a longtemps, dans Phantasms of the Living , il est nécessaire de montrer une fois de plus combien ont souvent semblé plausibles les raisons données pour détourner de toute nouvelle recherche alors, cependant, les progrès de la science ont rapidement montré la futilité et la folie d'un pareil raisonnement.
Le Père de la Science lui-même a, le premier, limité son action ; Socrate a expressément mis hors de la portée de l'analyse exacte, des matières telles que les mouvements et la nature du Soleil et de la Lune. Il demandait, et l'expression de son désir semblait avoir toute la force d'une sagesse absolue, que l'intelligence des hommes se tournât vers les problèmes de la morale et de la politique auxquels ils sont intéressés directement, et ne s'épuisât point en spéculations sur des choses inconnaissables, et d'ail¬leurs inutiles, même si on arrivait à les connaître.
Nous trouvons un état d'esprit analogue chez un grand systéma¬tisateur de la pensée moderne, bien qu'il soit éloigné de Socrate par toute la série des résultats de cette science physique à laquelle ce philosophe voulait qu'on ne s'intéressât pas. Comte s'efforça de diriger, à son tour, le mouvement scientifique vers ce qui est profitable aux hommes, et de l'écarter de ce qui est lointain, in¬connaissable et inutile une fois connu. Quelles sont, en effet, d'après lui, les limites véritables du foyer et des affaires de l'homme ? Quelles sont les bornes dans lesquelles il doit se limiter pour apprendre tout ce qu'il peut, certain que tout cela servira à éclairer sa conscience et à diriger sa vie ? C'est le système solaire, devenu, pour le philosophe français, ce qu'étaient aux yeux du philosophe grec, la rue et la place publique d'Athènes.
Je n'ai pas besoin de dire que la prohibition de Comte a été lais¬sée de côté. Aucune barrière scientifique n'a été établie entre Neptune et Sirius, entre Vénus et Aldébaran. Nos connaissances rela¬tives aux étoiles fixes augmentent tous les ans ; il serait téméraire de soutenir que la conduite des hommes n'est pas, déjà, influencée par la conception, ainsi acquise, de l'unité et de l'immensité des cieux.
Les critiques que nous avons rencontrées, venant tantôt du monde scientifique, tantôt de celui de l'orthodoxie religieuse, ont exprimé en langage moderne presque toutes les formes démodées de la protestation timide ou de l'hésitation obscurantiste, grâce auxquelles les historiens de la science ont accoutumé de donner du piquant au long récit des découvertes et de leurs réalisa¬tions. Tantôt on nous reproche de favoriser les empiètements du vieil esprit théologique sur le domaine de la Science, ou d'essayer de porter les mains impies de la science sur les mystères de la religion. Tantôt, on nous informe que des savants compétents ont déjà complètement exploré le champ où nous nous proposons de travailler, ou qu'aucun homme de science qui se respecte ne con¬descendra jamais à s'occuper de ce répugnant mélange de fraude et d'hystérie. Tantôt encore on a pitié de nous comme de laborieux baguenaudiers qui se donnent un mal énorme pour prouver des choses infiniment petites ; tantôt enfin on nous raille de chercher la solution de gigantesques problèmes avec tant de légèreté et si peu de profondeur.
L'utilité de continuer les investigations prolongées
On nous demande encore : « Pourquoi rechercher la preuve de ce dont nous sommes sûrs ? Pourquoi entreprendre des expériences dans l'hypnotisme et la télépathie ? Pourquoi s'efforcer de confirmer ce dont nous avons déjà la conviction ? Pourquoi attribuer de la valeur à des récits bien prouvés d'apparitions au moment de la mort ou d'une catastrophe, alors qu'on en a tant collectionné déjà dans Phantasms of the Living ? Un examen rigoureux et prudent n'a-t-il pas démontré que ces apparitions ne sont pas attribuables à de simples coïncidences ? »
L'affaire de la science n'est pas la croyance mais la recherche. La croyance est, à la fois, le prélude et le résultat de la connais¬sance.
Le but de la recherche est la découverte des lois et cette recher¬che n'est jamais finie. Pourquoi, par exemple, observer et enregis¬trer les tremblements de terre et employer à cela des instruments délicats pour déceler les plus minimes frémissements de la Terre ? Chacun sait que les tremblements de terre existent, il n'y a pas de scepticisme à vaincre dans leur cas : même ceux qui n'en ont jamais ressenti sont prêts à y croire. Les recherches concernant les trem¬blements de terre et en général les phénomènes sismiques, n'ont pas, le moins du monde, pour but de confirmer la croyance à leur existence, mais bien d'arriver à mieux comprendre les condi¬tions et la nature de ces phénomènes, en d'autres termes, d'en découvrir les lois.
Il en est de même dans toutes les branches de la science. En face de nouveaux phénomènes, l'observation sévère des faits est nécessaire, ainsi procédait Tycho-Brahé, en mesurant le mouvement des planètes et en accumulant une quantité d'obser¬vations soigneusement prises. L'ère des hypothèses vint ensuite et Kepler imagina conjecture sur conjecture, les contrôlant toutes opiniâtrément pour voir si l'une d'elles conviendrait à tous les cas ; le résultat de ce travail courageusement, soutenu pendant toute sa vie fut l'élaboration des trois Lois qui porteront toujours son nom.
Et alors arriva la grande époque déductive de Newton, qui fon¬dit cet ensemble en un vaste système, enrichi et développé plus tard par les travaux de Lagrange et de Laplace, après quoi le cours des recherches scientifiques se dirigea, pendant quelque temps, vers d'autres voies moins bien explorées jusque-là.
La branche de la psychologie qui nous occupe n'a point encore eu sa phase de popularité, et je ne désire d'ailleurs pas qu'elle soit universellement à la mode ; elle constitue un sujet d'un intérêt spécial. A cet égard elle ressemble à toute autre analyse des opé¬rations de l'intelligence, telle que l'énumération scientifique des phénomènes religieux par exemple, ou l'examen de ce qui paraît au début mystérieux et incompréhensible. L'habitude, jointe à une certaine familiarité avec d'autres études, sont nécessaires pour la saine investigation de ces choses. Le jour viendra où la science les dépouillera de leur aspect nébuleux, qui déroute les novices ; ils deviendront plus accessibles à l'explorateur le moins bien équili¬bré et le plus médiocrement équipé. Pour le moment c'est une mon¬tagne enveloppée de brouillards : ses flancs donnent une prise peu sûre à l'escalade qui est difficile et dangereuse, quoique possible.
Notre Société est là pour tenir en main les novices aventureux et pour soutenir les grimpeurs confiants et expérimentés, attachés tous à la même corde, nous avancerons avec sécurité, sans nous séparer, en nous gardant des écarts téméraires mais abordant résolument les difficultés ordinaires de notre route, nous poursui¬vrons notre exploration, si le temps et des circonstances dont nous ne serions pas maîtres ne s'y opposent pas, et nous nous assurerons de la vérité, quelle qu'elle puisse être.
Nous convaincre des faits est un de nos devoirs, car il vaut mieux hésiter trop longtemps devant une vérité, qu'accueillir trop facilement une erreur ; une fausse lueur peut nous entraîner loin de la bonne direction, si nous tardons à nous en rendre compte.
Un autre de nos devoirs est d'imaginer des hypothèses et de les éprouver, afin de pouvoir graduellement dresser une carte de la contrée et d'être à même de l'expliquer aux futurs voyageurs. Nous avons à combiner les travaux de Tycho-Brahé avec ceux de Kepler et à préparer ainsi la voie à un futur Newton, mais il n'en est pas encore apparu au-dessus de l'horizon psychique.
Sa venue dépendra de la mesure dans laquelle nous-mêmes et nos successeurs, dans les générations prochaines, serons demeurés fidèles à notre mission et aurons travaillé personnellement ou aidé pécuniairement le travail des autres ; j'invite ceux qui sont tout à la fois comblés des biens de ce monde et confiants dans la vérité et la valeur de la science de l'intelligence et de l'esprit, à examiner si, de leur vivant ou par testament, ils ne pourraient pas contribuer au progrès par leur générosité, afin de permettre à l'humanité d'élever à une plus grande hauteur ses aspirations, et même sa religion. Elle y parviendra, s'il lui est possible de fonder, sur la base massive de faits scientifiques solidement éta¬blis, l'édifice de sa foi.
Si l'on objectait que l'investigation ne devrait pas être dispen¬dieuse, je répondrais en montrant ce que coûte celle des sciences orthodoxes avant que Colomb n'entreprît son voyage, un appel de fonds fut adressé aux cours de l'Europe. Avant que ne puissent êtres faites des découvertes astronomiques, de grands observatoires munis de télescopes coûteux doivent être édifiés, et non pas seu¬lement un, mais un grand nombre, afin que par la collaboration d'observateurs, répartis en maints endroits du monde, la vérité puisse être déterminée.
Considérez les dépenses que l'on fait aujourd'hui pour les explo¬rations géographiques ou ethnologiques. Pensez à ces laboratoires de physique admirablement agencés qu'entretiennent chaque collège ou chaque université dans le monde civilisé. Quant aux laboratoires de chimie, rappelez-vous qu'en Allemagne toute grande maison de produits chimiques entretient un état-major de chimistes habiles et expérimentés toujours en train de chercher un nouveau composé ou un nouveau procédé, ou même un simple petit per¬fectionnement lucratif.
L'argent n'est pas rare, et on le répandrait avec beaucoup plus de prodigalité, si l'on comprenait l'importance de la science pour la race humaine.
De petites sommes sont maintenant recueillies, spécialement destinées à des recherches médicales. L'origine de la Malaria a été élucidée, et il y a des chances pour que cette maladie soit suppri¬mée, si bien que la zone tropicale du globe pourra devenir habi¬table un jour pour la race blanche. Le cancer est poursuivi, sans succès jusqu'ici d'ailleurs mais les fonds affectés à de telles recher¬ches se trouvent nécessairement toujours. Quand un résultat pra¬tique peut être prévu, on juge que les dépenses faites, même pour la science, sont justifiées quoique ordinairement pour la science et pour l'Education, on soit particulièrement économe ; l'extrava¬gance municipale en ces sortes de choses est sévèrement refrénée, bien qu'en d'autres matières on n'y fasse pas obstacle.
Et pourquoi donc les recherches psychiques ne conduiraient-elles pas à des résultats pratiques ? Sommes-nous satisfaits de la façon dont on traite les criminels ? Sommes-nous contents, nous, peuple civilisé, d'entretenir perpétuellement une classe de crimi¬nels d'habitude, et de ne les contenir qu'avec des moyens bons pour des sauvages, en les pourchassant, en les fouettant, en les enfermant, en les exterminant ? Une race sauvage pourrait en faire autant et si elle ne connaît pas d'autre moyen pour se protéger, elle est forcée de recourir à des procédés barbares. La Société ne peut pas laisser ses malfaiteurs libres de commettre tous les excès, pas plus qu'elle ne peut relâcher ses aliénés. Jusqu'à ce qu'elle comprenne ces phénomènes, elle doit enfermer ses criminels et ses fous mais plus tôt elle les comprendra, mieux cela vaudra : les criminologistes d'Italie, de France et d'autres pays essayent d'arriver à cette compréhension. La force n'est pas un remède, le traitement intelligent en est un. Peut-on douter que l'étude des phénomènes mentaux qui paraissent encore obscurs ne puisse se réduire à une théorie de la criminalité d'habitude, à établir l'étude de cette maladie aussi sûrement qu'on l'a fait pour la malaria quand on a connu le rôle joué par les moustiques ? Aussitôt que nous aurons compris la nature du mal, le remède suivra de près. Déjà, le traitement hypnotique ou le traitement par suggestion, se présente à l'esprit ; des moyens normaux de perfectionnement moral peuvent aussi être essayés. L'emprisonnement devrait être le moyen de tenter la réformation du coupable ; de tels efforts seraient la seule justification vraie de la privation de la liberté. L'homme est essentiellement libre, « per fas et nefas », libre, et la contrainte n'est justifiée que si elle est salutaire. C'est un grand avantage pour les médecins d'avoir leurs malades réunis dans un hôpital, sans cela l'exercice de leur profession en souffrirait ; il aurait un avantage similaire, et les circonstances sont semblables à grouper les criminels dans les geôles et les fous dans les asiles. Il est déraisonnable et peu scientifique d'abandonner les prison¬niers uniquement à la discipline des gardiens et aux sermons des aumôniers. Ce n'est pas ainsi qu'on s'attaquera à une maladie dit corps social.
Je n'ai pas de traitement tout fait à suggérer, mais je prévois qu'on en trouvera un plus tard. Actuellement des expériences sont déjà tentées en Amérique, dans les prisons « d'Elmira » et de « Concord », expériences qui donnent de l'espoir, si elles n'apportent pas de solution. La Société ne se contentera pas tou¬jours d'employer les méthodes de la barbarie ; les ressources de la civilisation ne sont pas épuisées, bien qu'elles semblent l'avoir été depuis des siècles. Le criminel réclame une étude sérieuse, au point de vue psychique, et le remède, ou le palliatif de son mal sera le résultat immédiat, d'une branche de nos recherches. L'influence dit « moi » inconscient ou subliminal, la puissance de la suggestion, l'action d'une intelligence sur une autre, les phénomènes de soi-disant « possession », ne sont pas des faits simple¬ment académiques ou scientifiques ; ils ont une profonde impor¬tance pratique et, tôt ou tard, on les mettra à l'épreuve.
Conseils aux chercheurs
Retournons à l'objet le plus immédiat et le plus spécial de notre œuvre ; une des choses dont je veux pénétrer tous les lecteurs, surtout ceux qui ont la faculté de recevoir des impressions dignes d'être enregistrées, est qu'on ne saurait employer trop de soin pour obtenir une relation exacte ; exacte dans tous les détails, surtout en ce qui regarde le facteur « temps ». Quand on rap¬porte une vision ou une audition ou une autre impression cor¬respondant à un événement survenant à distance, il y a une dangereuse tendance à essayer de forcer les faits pour les adapter à quelque théorie incomplète, et de les faire exactement coïncider dans le temps.
De telles altérations de la vérité induisent en erreur, et elles sont inutiles. Ce que nous avons besoin de savoir est la manière dont les choses sont exactement arrivées, et non comment celui qui en a eu l'impression aurait désiré qu'elles eussent lieu, ni comment il pense qu'elles auraient dû se passer.
S'il y a des gens qui attachent de l'importance à leurs propres préférences à l'égard des événements réalisés dans l'Univers, ils pourront les formuler en note, pour servir de guide à qui voudrait plus tard édifier un Univers à sa façon ; de telles spéculations sont sans intérêt pour nous, qui voulons étudier et comprendre l'Univers tel qu'il est. Si l'événement a précédé l'impression, qu'on nous le fasse savoir à tout prix ; peut-être pourra-t-on découvrir quelque chose de significatif dans l'intervalle de temps séparant l'acte survenu de l'impression perçue, quand, plus tard, on comparera entre eux un grand nombre de cas semblables.
Si l'impression a précédé l'événement, qu'on nous le fasse savoir encore à tout prix, et qu'on ne s'expose pas à la suppression de l'observation, parce qu'on aura eu l'idée ridicule qu'une telle anticipation est impossible.
Nous ne devons pas non plus exclure les phénomènes physiques bien attestés dans des relations historiques, en vertu du préjugé similaire qu'ils sont impossibles. Nous avons besoin d'apprendre ce qui est possible : prenons donc garde que notre sentiment ne soit déterminé d'avance, ni de défigurer ou esquiver les faits au gré de nos pré-conceptions.
Si la coïncidence dans le temps est exacte qu'on permette aux étudiants à venir d'en trouver l'indication dans le récit lui¬-même ; le chroniqueur n'a pas à faire de remarques à propos de tenir compte des différences de longitude, ou quoi que ce soit du même genre ; à moins qu'il ne soit astronome ou quelqu'un comprenant entièrement tout ce qui concerne le temps. Des calculs de ce genre peuvent être abandonnés à ceux qui, posté¬rieurement, débrouillent et critiquent les résultats. L'observateur, peut, naturellement, indiquer ses opinions, sur le sujet, s'il le juge convenable, mais son récit doit être exact, précis, fait avec sang ¬froid. Des phrases indiquant les émotions concomitantes, dans la mesure où elles font partie des faits à relater, seront à leur place mais, l'expression emphatique d'une émotion subséquente, des conjectures sur la cause, ou des discours de morale à propos de la signification, sont déplacés. On peut dire que tout cela ne fait pas de mal et peut être aisément laissé de côté par les travailleurs futurs : il en est ainsi dans un certain sens ; cependant, cela est apte plutôt à gâter le récit, et à placer son auteur dans un état d'esprit non scientifique. Et même quand il n'en est pas influencé, le lecteur peut ultérieurement être conduit à penser qu'il l'a été réellement, et ainsi, à diminuer injustement la valeur de son témoignage.
En ce qui concerne l'important sujet des prédictions possibles dont nos idées sur la nature ultime du temps dépendent si large¬ment, toute précaution devrait être prise pour éloigner de nous la tentation d'améliorer le récit original après la réalisation du fait qu'il concerne, si toutefois il s'est produit ; il faut se rappeler que, même si nous n'avons rien fait de ce genre, si nous sommes honnêtes, et connus pour être honnêtes et véridiques, le con¬traire peut être supposé par la postérité, par les étrangers, par les gens d'un autre pays, qui ne nous ont pas connus ; nos amis peuvent encore s'imaginer que nous en avons fait plus que nous n'en avions conscience, dans un hypothétique accès de somnambu¬lisme ou de « trance » automatique.
Par exemple, sont exposés à cette suspicion, à moins qu'ils ne prennent des précautions convenables, en confiant des copies de leurs écrits à des gardiens responsables, près desquels ils n'auront pas accès ; il le faut, car le propre de leurs phénomènes est que leur main écrit des choses ignorées d'eux ; il devient facile aussi à des critiques mal disposés de soutenir que l'écrit primitif a été am¬plifié ou corrigé d'une manière dont l'auteur lui-même n'était pas conscient.
La confirmation de cas de prédiction réelle, et non de simple induction, serait une preuve essentielle et définitive de l'existence de quelque chose que la Science ne reconnaît pas encore ; il vaut donc la peine de faire tous les efforts possibles pour en rendre les témoignages sûrs. J'attacherai aussi de la valeur à des recherches expérimentales faites pour déceler de légères traces du pouvoir télépathique chez des personnes tout à fait nor¬males, par exemple chez l'homme de type moyen, et de préfé¬rence chez l'enfant de type moyen où on aurait plus de chance de la rencontrer. Le pouvoir de recevoir des impressions télépathi¬ques peut être une faculté rare existant seulement chez quel¬ques individus et développée complètement chez eux ; mais il est également possible et, s'il est permis de le dire, plus pro¬bable, que ce que nous voyons en eux n'est que l'intensification d'un pouvoir existant chez tout le monde, comme un germe ou un noyau. S'il en est ainsi, il nous appartient de le savoir ; cette constatation serait le meilleur moyen de répandre la croyance gé¬nérale au fait de la télépathie, croyance qui est loin d'être univer¬sellement, ou même largement répandue.
Une méthode indiquée pour révéler de faibles traces de ce pouvoir, est de faire choisir à un percipient un objet sur deux qu'on lui propose, et de voir si, dans la multitude des cas, la détermination prise à l'avance par un assistant relativement au choix à faire exerce une influence quelconque sur le résultat. Plusieurs procé¬dés peuvent être employés à cet effet, mais on aura des expé¬riences plus neuves et plus intéressantes, si ces procédés sont laissés à l'ingéniosité et à la pratique de chacun. Il est indispen¬sable d'avoir des loisirs, de la patience, de la méthode et du savoir-faire ; si je ne fais pas moi-même ce que je recommande sur ce point, et en ceci et sur d'autres, c'est que la première des choses essentielles me manque actuellement d'une façon évi¬dente, quelles que soient mes défectuosités par ailleurs.
Sur des matières connexes
Il y a bien des sujets sur lesquels je pourrais parler ; l'un d'eux est le progrès récent de nos connaissances relatives à la nature de l'atome, et les découvertes concernant l'Éther et la Matière. Elles doivent avoir, je le pense, quelque rapport, qui m'échappe tout à fait pour le moment, avec la théorie de ce qu'on appelle « les phénomènes physiques », mais il est à peine nécessaire d'attirer l'attention des gens instruits sur l'intérêt que présente ce sujet purement scientifique, et dont l'étude est toute récente.
Je pourrais dire aussi quelques mots sur un autre point : je veux parler de l'ambiguïté qui s'attache à cette expression « action à distance » employée par rapport à la télépathie. Les physiciens contestent l'action à distance, tout au moins beaucoup d'entre eux le font, et je suis un de ceux-là mais en même temps j'admets la télépathie. On doit par conséquent croire qu'à mon avis la télé¬pathie doit être produite dans l'Éther par un processus éthérique analogue à celui de la transmission des ondes. C'est cependant une conclusion qui n'est pas dans les prémisses. L'expression « action à distance » est d'ordre technique. La nier signifie qu'aucune force ne peut être transmise autrement que par un intermédiaire. Il faut qu'il y ait un projectile allant de A à B, ou un intermé¬diaire continu d'une espèce quelconque s'étendant de A à B, si A exerce une action sur B, ou l'influence autrement par un proces¬sus physique.
Mais, que dire d'un processus psychique ? Il n'y a pas, en phy¬sique, de semblable expression ; elle y est dénuée de sens. Un physicien ne peut formuler aucune opinion sur elle. Si A magnétise B, ou si A apparaît à B, ou si A envoie une impression télé¬pathique à B, est-il nécessaire dans ces cas qu'il y ait un intermé¬diaire ? En tant que physicien, je n'en sais rien. Ce ne sont point là des processus que je comprenne. Ils peuvent n'être à aucun degré des processus physiques.
Allons plus loin : A pense à B, ou adresse une prière à B, ou adore B. Un intermédiaire est-il nécessaire pour ces sortes de choses ? Nous n'en savons absolument rien. La question est probablement inintelligible et absurde. Les faits spirituels et psychiques n'entrent pas dans le système de la Physique et quand un physicien nie « l'action à distance », il parle des faits qui sont de sa compétence tels que la Lumière, le Son, l'Electricité, le Magnétisme, la Cohésion, la Gravitation ; il ne doit pas, ou ne devrait pas, nier en même temps quoi que ce soit de psychique ou de spirituel. Ce physicien affirme bien que tout phénomène phy¬sique nécessite un milieu ; mais il ne dit rien de plus. Si la télé¬pathie est un processus éthérique, dès qu'il sera prouvé qu'il en est ainsi, elle tombera sous l'empire de la physique ; jusque-là, elle est en dehors d'elle.
Des théoriciens audacieux osent prétendre que le « physique et le « psychique » ne sont qu'un. Cela n'a de sens que dans les régions élevées de la philosophie, on peut trouver quelque avantage à envisager ainsi les questions ultimes d'ontologie transcen¬dantale : les divisions et les classifications sont, il faut le recon¬naître, des artifices humains ; mais, dans la pratique, des distinc¬tions sont nécessaires, et si les gens qui se mêlent indûment de métaphysique font de telles assertions, je me permettrai de dire que l'instinct de la simplification leur a gagné la main, qu'ils outrepassent les bornes, et parlent de ce qu'ils ne connaissent pas, laissant voir la précarité de leur science et leur dogmatisme de mauvais aloi.
Il est un point important dont je n'ai pas encore parlé ; j'entends dire les rapports de nos recherches avec la Religion. C'est là un vaste sujet, il touche de trop près à la sphère des émotions pour bien convenir aux études d'une Société scientifique.
Cependant chaque science a ses applications pratiques; quoique n'en étant point une partie, elles en sont cependant le produit légitime, et la valeur de la Science pour l'humanité doit être, en dernière analyse, mesurée par le profit que l'humanité peut en tirer.
A l'enthousiaste, le savoir en lui-même, indépendamment de ses fins ultérieures, peut suffire et s'il n'y avait pas, dans le monde, des esprits de ce genre, nos richesses seraient moindres.
Mais, pour le gros de l'espèce humaine, c'est une foi trop haute et trop aride ; il faut généralement que l'on aperçoive déjà quelque résultat pratique pour croire que d'autres soient encore possi¬bles.
Je ne doute pas que nos recherches n'aient, en fin de compte, quelques rapports avec la Théologie, ou quelque signification pour elle, mais je ne puis dire exactement quels seront ces rap¬ports. J'ai indiqué dans l'Homme dans l'Univers, chap. II, intitulé la Réconciliation, une partie de mon sentiment sur ce sujet, et j'ai été, dans cet article, aussi loin que j'ai cru en avoir le droit. Nous cherchons à découvrir la nature de l'homme et ses facultés latentes ; une intelligence plus grande des attributs de l'huma¬nité influera d'une manière quelconque sur nos théories de la Divinité elle-même.
S'il est une Société scientifique qui mérite d'être encouragée et aidée, c'est bien celle-ci. S'il existe un sujet digne d'une atten¬tion patiente et prolongée, c'est sûrement l'étude de ces grands et pressants problèmes : d'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? Problèmes qui ont retenu l'attention du Pro¬phète et du Philosophe depuis le début de l'histoire de l'Homme. La découverte d'une nouvelle Étoile, d'un détail sur Mars, d'un nouvel élément, ou d'une espèce nouvelle d'animal ou de plante, est intéressante : à plus forte raison, celle d'une nouvelle faculté humaine.
Déjà, la découverte de la télépathie constitue les premiers fruits du travail de cette Société ; elle a ouvert la voie à beaucoup d'autres. Notre but est l'investigation et la meilleure compréhen¬sion de l'intelligence humaine, de la personnalité humaine et de la destinée humaine.
Section II – Télépathie expérimentale et transmission de la pensée
Chapitre III – Quelques expériences primitives de transmission de la pensée
Je n'essaierai pas de faire l'historique du sujet ; pour les observations du professeur Barrett et d'autres, relativement à la transmission expérimentale d'idées et d'images d'une personne à une autre, je renvoie les chercheurs au premier volume des Pro¬ceedings de la Société, où on trouvera aussi en grand nombre les fac-simile des diagrammes et des dessins transmis, qui sont d'un intérêt spécial. Je me bornerai ici à décrire quelques-unes de mes observations et de mes expériences plus récentes.
Il suffira de dire que les principaux membres de la Société des Recherches Psychiques s'inspirant, principalement au début, du rapport du professeur Barrett, examinèrent la question, et peu à peu, grâce à des expérimentations tenaces, se convainquirent de la réalité de la transmission de la pensée ; ils prirent toutes les précautions voulues, à mesure que leur expérience augmentait contre l'extraordinaire ingénuité des codes de signaux et la pos¬sibilité de leur emploi subtil ; ils ont soigneusement distingué entre les phénomènes authentiques et les lectures de pensée, ou plus exactement les inductions tirées de la perception de légers mouvements musculaires, dus à un contact plus ou moins com¬plet, qui furent fort en vogue pendant quelque temps.
Avant d'arriver à une conclusion touchant la transmission de la pen¬sée, dit le professeur Sidgwick, nous avons examiné avec soin les arguments mis en avant pour considérer les soi-disant cas de « lecture de pensée » comme se réduisant à des indications involontaires perçues par les sens habituels et nous avons été amenés à conclure que les expé¬riences ordinaires, dans lesquelles le contact était permis, pouvaient être expliquées par l'hypothèse d'une sensibilité inconsciente à une pression musculaire involontaire. Partant de là, nous avons toujours attaché une importance spéciale aux expériences d'où le contact était exclu ; pour celles-ci, cette hypothèse particulière est clairement hors de cause.
Ma première expérience de transmission de pensée ou de télépathie expérimentale, fut faite en 1883 et 1884, à Liverpool, où je fus invité par M. Malcolm Guthrie à m'associer à des recherches qu'il avait instituées avec l'aide d'une ou deux personnes ; ces sensitifs avaient été découverts parmi les employés de la grande maison de draperies Georges Henry Lee et Cie.
La plupart de ces expériences étaient la confirmation de ce qu'avaient observé d'autres expérimentateurs. Mais une de mes expériences était vraiment nouvelle et importante, à mon avis car elle a clairement montré que, si deux personnes font fonction d'agents, chacune d'elles contribue au résultat ; celui-ci est dû, non pas à une seule d'entre elles, mais à l'action combinée des deux. Cette expérience fut ainsi décrite par moi dans les colonnes de La Nature .
Une expérience de transmission de pensée
Ceux de vos lecteurs qui s'intéressent à la question de la transmission de la pensée dont on s'occupe en ce moment, seront peut-être contents de connaître une petite expérience que j'ai faite ici. Une série d'expériences avait été instituée par M. Malcolm Guthrie, qui me persuada ainsi qu'au Dr Herdman et à un ou deux autres témoins, d'éduca¬tion plus ou moins scientifique, d'assister aux séances pour en examiner strictement les conditions et pour en imposer telles autres que nous jugerions désirables. Je n'ai pas besoin d'entrer dans des détails, mais je dirai seulement que les conditions dans lesquelles une transmission appa¬rente de pensée intervient entre une ou plusieurs personnes, pensant fortement à quelque chose, et une autre personne placée dans la même salle, les veux bandés et tout à fait séparée des premières, me semblent absolument satisfaisantes ; ces conditions sont telles qu'elles excluent la possibilité d'une collusion consciente, d'un côté, on des indications musculaires inconscientes, de l'autre.
Un soir de la semaine dernière, après que deux « penseurs » ou « agents » eurent, pendant quelque temps, réussi à transmettre l'idée d'un objet ou d'un dessin, qu'ils regardaient, à une personne ayant les yeux bandés, jouant le rôle de « percipient », j'apportai dans la salle une double feuille de papier épais et opaque, portant sur une face un des¬sin représentant un carré et sur l'autre une croix de saint André, ou X ; sans rien dire, je la disposai entre les deux agents de façon que chacun d'eux vit une face de la feuille de papier sans savoir ce qui se trou¬vait sur l'autre. Le percipient n'avait été informé, d'aucune manière, de la modification nouvelle qui venait d'être apportée à l'expérience et, comme de coutume, il n'y avait aucun contact entre les sujets séparés par un espace libre de quelques pieds. Je pensais, par cette variante, pouvoir déterminer si l'un des deux agents était plus actif que l'autre, ou, en supposant qu'ils fussent de force équivalente, savoir si deux idées, émises chacune par deux esprits distincts, ne pouvaient pas se confondre en une seule dans le cerveau du percipient.
Au bout d'un temps très court, tout le monde restant d'ailleurs silencieux, le percipient fit les remarques suivantes : « La chose ne veut pas se tenir tranquille. Il me semble voir des choses qui se meuvent dans tous les sens. D'abord je voyais une chose là-haut, et maintenant, j'en vois une là-dessous. Je ne peux pas les distinguer l'une de l'autre nettement. »
L'objet fut alors caché et on demanda à la percipient d'ôter son bandeau et de dessiner sur une feuille de papier l'impression qu'elle avait ressentie ; elle dessina un carré et dit : « Il y avait une autre chose encore » et elle dessina une croix dans le carré en traçant les diago¬nales, ajoutant : « Je ne sais ce qui m'a fait mettre ce dessin à l'inté¬rieur. »
Cette expérience n'est pas plus concluante que cinquante autres faites chez M. Guthrie, mais il me semble voir quelque chose d'intéressant dans ce fait que deux pensées puissent produire sur l'esprit du perci¬pient une sorte d'impression discontinue, tout à fait différente de la simple impression qu'on obtient d'ordinaire quand deux agents regardent tous deux la même chose Une fois, par exemple pour prendre un cas qui s'est produit presque dans les mêmes conditions, l'objet était le des¬sin grossier des traits principaux du drapeau national ; cette figure fut reproduite en entier par la percipiente, sans hésitation, si ce n'est, toute¬fois, qu'elle exprima un doute sur la présence de la ligne horizontale du milieu, et en fin de compte ne la dessina point.
University College, Liverpool, 5 juin 1884.
Il est préférable de citer ainsi le texte original et la forme dans laquelle a été publié, à l'époque, le récit d'une expérience, pour éviter le risque de diminuer ou d'exagérer la force probante des circonstances. Mais, je déclare énergiquement que l'expérience était entièrement satisfaisante et qu'aucun doute ne m'est venu, depuis, sur sa valeur.
Compte rendu des principales expériences
En rendant compte des expériences dirigées par moi, sur l'invi¬tation et sous les auspices de M. Guthrie, je dois dire que j'ai eu toutes facilités pour faire varier les conditions du phénomène et pour les examiner minutieusement, de manière à me convaincre à moi-même de l'authenticité et de l'objectivité de son caractère, comme on se convainc de la vérité et de l'authenticité de tout phé¬nomène physique. Si j'avais assisté à ces faits comme un simple spectateur, je ne publierais rien à leur propos. Quand je suis obligé d'accepter des conditions imposées et de me borner à être le témoin de ce qui se passe, je n'ai aucune confiance dans ma propre perspica¬cité et je suis parfaitement sûr qu'un prestidigitateur pourrait m'en imposer, au point même de me faire croire qu'il ne m'en impose pas mais quand on peut contrôler toutes les conditions, les chan¬ger à volonté et disposer les expériences à sa guise, on acquiert peu à peu, vis-à-vis des phénomènes observés, une conviction compa¬rable à celle qui est déterminée par la répétition des expériences ordinaires de physique.
Je n'ai pas à rendre compte de phénomènes nouveaux, ou sai¬sissants, mais seulement de quelques expériences, les plus simples et les plus élémentaires, relatives à ce qu'on appelle la transmission de pensée cependant ce que j'ai à décrire est bien de la transmission de pensée et n'est pas explicable par un simple transfert d'impressions dû à la perception de mouvements muscu¬laires inconscients.
J'emploie le terme « transmission de pensée », mais il est bien entendu que je le fais à cause de sa commodité et parce que les faits observés peuvent être facilement groupés sous ce titre ; il ne faut pas croire qu'il implique une théorie quelconque. Il est fort dan¬gereux d'essayer de résumer une théorie dans une phrase ; l'expo¬sition d'une théorie exigerait bien des mots. Telle qu'elle est, cette expression dépeint correctement ce qui se passe, c'est-à-dire que, dans des conditions favorables, une personne peut recevoir la faible impression d'une chose énergiquement maintenue présente à l'esprit, à la pensée, à la vue ou agissant fortement sur le senso¬rium d'une autre personne, non en contact avec la première ; celle-ci peut décrire ou dessiner plus on moins correctement l'objet de son impression.
Comment ce transfert se produit-il ? Y a-t-il même transfert ? Quelle est la réalité physique cachée sous les mots Intelligence, Conscience, Impression et le reste ? Ce que nous appelons Intelligence, se localise-t-il dans la personne, dans l'es¬pace qui m'environne, dans les deux, ou ni dans l'un ni dans l'autre ? Ce terme de localisation, appliqué à l'esprit, n'est-il pas une absurdité, un non-sens ? Je ne hasarde aucune hypothèse quelconque sur tout cela. Qu'il me soit permis, cependant, de suggérer une grossière analogie. Le cerveau est l'organe de la conscience, cela est certain mais la conscience est-elle localisée dans le cerveau ? C'est ce qu'aucun psychologue ne saurait affirmer ; l'énergie d'une charge électrique, bien que semblant être dans le conducteur, n'est point dans ce conducteur, mais dans l'espace qui l'entoure ; il peut en être ainsi pour la conscience qu'une per¬sonne a de ses sensations : quoique localisée en apparence dans son cerveau, on peut la concevoir comme s'irradiant aussi, faible¬ment, dans l'espace, ou dans d'autres cerveaux mais ceux-ci sont, d'ordinaire, trop affairés et préoccupés pour s'en apercevoir.
Les expériences dont j'ai été le témoin se font de la manière sui¬vante. On dit à quelqu'un de demeurer dans un état absolument passif, avec le cerveau aussi vide que possible et, pour aider à la réalisation de ces conditions, on évite d'exciter les organes des sens : les yeux sont bandés et on fait le silence. On pourrait aussi intercepter les bruits habituels de la rue en tamponnant les oreilles, mais, en fait, cette précaution n'a pas été prise.
La personne demeurant ainsi passive est le percipient. Dans les expériences auxquelles j'ai assisté, le percipient était l'une ou l'autre de deux jeunes filles chez lesquelles le hasard avait fait découvrir cette faculté particulière. Cette faculté est-elle répandue ? Je l'ignore. Autant que je sache, peu de personnes en ont fait l'es¬sai. Je l'ai fait, mais j'ai complètement échoué. Il est assez facile de se représenter certaines images, mais, dans mon cas, elles n'ont pas semblé résulter d'impressions extérieures, et aucune d'elles n'avait la moindre ressemblance avec l'objet pensé par l'agent. Par exemple, je disais « c'est une paire de ciseaux » alors que c'était le « cinq de carreau », et autres choses semblables. Néanmoins, la personne jouant le rôle de percipient se trouve dans des conditions parfaitement normales ; elle n'est, dans aucun sens, à l'état d'hypnose, à moins d'étendre la signification de ce terme jusqu'à y comprendre « le vide de l'esprit » déterminé par l'occlusion des yeux et le silence. Selon toute apparence, une personne plongée dans une profonde rêverie est beaucoup plus hypnotisée que les percipients que j'ai vus ; ceux-ci, d'ordinaire, ôtaient leur bandeau et causaient entre les expériences succèssives.
Une autre personne s'assied près de la percipiente ; parfois, au début, elle lui tient les mains, mais, habituellement, elle n'a aucun contact avec elle et se trouve à une bonne distance, on lui dit de concentrer fortement sa pensée sur un objet déterminé, un nom, une scène, une chose, une objet ou un dessin placé en bonne lumière et dans une position telle qu'elle puisse bien le fixer du regard. Cette personne est l'agent et a, somme toute, le rôle le plus dur. Il est très fatigant et très ennuyeux de fixer une lettre, un triangle, un âne, ou une cuiller à thé et de ne penser à rien autre chose pendant deux ou trois minutes, si toutefois le terme « penser » peut être appliqué à une aussi barbare concentration de l'esprit, ce dont je ne suis pas sûr ; elle est fasti¬dieuse, c'est ce qui en fait la difficulté.
Très fréquemment, on emploie plus d'un agent et, quand deux ou trois personnes se trouvent dans la salle, on les prie de penser, plus ou moins énergiquement, à un objet ; on croit qu'il est mauvais d'avoir dans le voisinage des gens dont la pensée erre à l'aventure, et il est possible qu'elles gênent le libre transfert de l'impression. Quand plusieurs « agents » pensent, l'un d'eux seu¬lement, ou tous ensemble produisent-ils de l'effet ?
Une expérience spéciale m'amène à conclure que plusieurs agents peuvent in¬fluencer en même temps le sujet. Nous avons, d'ailleurs des raisons de croire que plusieurs agents sont plus puissants qu'un seul, mais aussi qu'une confusion d'impressions peut être parfois pro¬duite par la fixation de leur attention sur une partie ou sur un aspect différents du même objet.
Beaucoup de personnes semblent aptes à jouer le rôle d'agents, quoique certaines paraissent être meilleures que d'autres. Je ne puis dire si je vaux quelque chose pour cela. Je n'ai pas souvent essayé seul, mais, dans la majeure partie des cas, j'ai échoué ; d'autre part, j'ai réussi une ou deux fois. Nous avons eu de fréquents succès avec des agents qui, dans la vie ordinaire, n'avaient aucun rapport avec le percipient et lui étaient même tout à fait étrangers. M. Birchall, directeur de l'École industrielle de Birkdale, a joué souvent le rôle d'agent et le médecin résident de l'hôpital spécial des maladies des yeux et des oreilles, le doc¬teur Shears, expérimenta avec succès, comme agent unique, à sa première et seule visite. Ainsi, tout soupçon de code établi à l'avance devient impossible, même pour des étrangers auxquels il n'est pas donné d'observer l'évidente sincérité de toutes les expériences.
L'objet que l'agent doit fixer est habituellement placé sur un petit écran de bois noir, entre le percipient et les agents, mais parfois on le met sur un écran plus large, derrière le percipient. On gardait les objets dans une chambre voisine, et ils étaient choisis et apportés par moi, avec toutes les précautions voulues, après que le percipient avait eu les yeux bandés. Je dois dire toutefois, que l'on n'avait aucune confiance dans le bandeau et que l'on ne prenait aucune précaution pour le mettre. On l'em¬ployait simplement parce que le percipient préférait l'avoir que tenir lui-même les yeux fermés. Après les expériences remarquables sur l'occlusion des yeux, faites par les membres de la Société, je ne voudrais certainement pas me fier à un bandeau quelconque ; l'opacité de l'écran de bois sur lequel on plaçait l'objet, donnait plus de sécurité, car il n'existait aucun miroir ou réflecteur dissi¬mulés. La seule surface suspecte était, le plateau de la petite table sur laquelle on plaçait d'ordinaire l'écran opaque, mais comme l'écran était incliné en arrière sous un léger angle, il était impossible que l'objet placé dessus fût réfléchi. En outre, je couvrais parfois la table avec du papier ; souvent aussi, je n'en mettais pas et plaçais l'objet sur un écran ou sur un canapé, derrière le perci¬pient ; on obtint même un résultat saisissant avec un objet placé sur une large planche à dessin, enveloppée elle-même dans une robe de collège en soie ; le percipient se trouvait immédiatement derrière la planche à dessin et presque caché par elle.
Quant à la collusion ou à la tricherie, tous ceux qui ont observé la manière originale et simple dont les impressions étaient décrites ont été absolument convaincus de l'honnêteté manifeste des inten¬tions de tous les intéressés. Cela, toutefois, n'est pas évident pour les personnes qui n'étaient pas présentes ; pour elles, je me bornerai à dire que, dans la mesure où je peux avoir une croyance scientifique, aucune collusion, aucune tricherie n'étaient possibles avec la variété des conditions d'expériences.
Une question très intéressante se présente d'elle-même qu'est-ce qui est réellement transmis ? Est-ce l'idée, ou le nom de l'objet ? Ou bien est-ce une impression visuelle ? Pour m'en rendre compte, j'ai fréquemment dessiné des choses n'ayant aucun nom, des figures tout à fait irrégulières. Je dois dire que la transmission de ces productions fantaisistes, auxquelles on ne pouvait appli¬quer de nom, a toujours été difficile, quoiqu'elles aient été assez bien imitées quelquefois ; il n'est pas surprenant que la légère impression d'un objet inconnu soit plus difficile à reproduire que celle d'un objet familier, tel qu'une lettre, un nom commun, une théière ou une paire de ciseaux. D'ailleurs, dans certains cas fort intéressants, l'idée ou le nom de l'objet étaient certainement transmis et non l'impression visuelle ; cela se produisit spécialement avec des deux percipients ; il est par conséquent probable que le fait, pour un objet, d'avoir un nom, doit toujours aider au développement de la faible impression de son apparence.
L'aspect c'est-à-dire l'inversion ou le renversement de l'image, autant que mon expérience puisse être invoquée, semble très accidentel. Il est indifférent que l'objet soit dessiné par le percipient dans sa position réelle, ou dans une superposition invertie ou renversée. C'est un fait très curieux s'il est vrai, et je ne m'y serais pas attendu. Des objets penchés sont toujours dessinés avec l'indication convenable de leur inclinaison.
Les deux percipientes sont Mlle R. et Mlle E. Mlle R. est la plus prosaïque, la plus tranquille, la plus contenue, et c'est chez elle que se produisent les meilleures impressions quasi visuelles ; mais elle dessine mal et ne les reproduit pas très bien. Mlle E. est, à mon avis, d'un tempérament plus impressionnable ; elle est, par exemple, rarement capable de garder un silence parfait, et c'est elle qui saute le plus fréquemment sur l'idée ou le nom de l'objet, sans pouvoir, aussi souvent le visualiser.
J'aurais voulu employer simultanément les deux percipientes, afin de comparer leurs impressions mais, je n'ai pas obtenu beaucoup de succès dans ces conditions. C'est pourquoi, d'ordinaire, j'ai expérimenté avec une seule à la fois ; pendant ce temps, l'autre était fréquemment absente ou se trouvait dans une autre chambre, bien que souvent aussi, elle fût présente et jouât le rôle d'agent seule ou avec d'autres.
Une fois, j'ai employé un double agent, non point deux agents pensant la même chose, mais deux agents pensant chacun une chose différente. Le percipient fit un curieux mélange des deux impressions et les deux objets furent correctement dessinés. Cette expérience est importante ; elle a été l'objet d'un compte rendu spécial .
Relations de quelques-unes des expériences
Pour décrire brièvement les expériences, je mettrai entre parenthèses tout ce qui a été dit par moi ou par l'agent et entre guillemets les remarques du percipient. Les sept premières expériences ont toutes été faites en une seule soirée et rapidement exécutées.
Expériences avec Melle R. comme percipient
Premier agent : M. Birchall, tenant les mains ; personne d'autre excepté moi.
Objet : Un carré de soie bleue.
(Maintenant il s'agit d'une couleur. Y êtes-vous ?)
« Est-ce vert ? »
(Non).
« C'est quelque chose entre le vert et le bleu... Paon ? »
(Quelle forme ?)
Elle dessine un losange.
N. B. Je ne prétends, en aucune manière dire que c'est un succès reste entendu qu'une indication importante comme celle impliquée dans les mots « C'est une couleur » avait été donnée pour faciliter la mise en train de la première expérience.
Quand on dit simplement : « C'est un objet », ou ce qui revient au même, quand on ne dit rien du tout, le champ de divination devient pratiquement infini. Lorsqu'il n'y a pas un début l'indication d'une observation, cela signifie qu'il n'en a été fait aucune, sauf des mots dans le genre de ceux-ci. « Maintenant, nous sommes prêts » qui étaient dits par moi.
Autre objet : Une clef sur un fond noir.
(C'est un objet.)
Après quelques secondes, elle dit : « C'est brillant... cela ressemble à une clef. »
On lui demande de la dessiner : elle la dessine à l'envers.
Autre objet : Trois boutons d'or dans un écrin de maroquin.
« Est-ce jaune ?... Quelque chose en or ... Quelque chose de rond... Un médaillon ou une montre, peut-être »
(Voyez-vous plus d'un rond ?)
« Oui, il semble qu'il y en ait plus d'un. Y a-t-il trois ronds ?... Trois anneaux »
(Dans quoi semblent-ils être placés ?)
« C'est quelque chose comme des perles brillantes »,
Evidemment, elle n'a pas compris la ques¬tion ou n'y a pas fait attention.
On lui demande de se débander elle-¬même les yeux et de dessiner ; elle dessine très correctement trois ronds alignés, puis elle esquisse autour d'eux le profil de l'écrin, celui-ci sem¬blait donc lui avoir été apparent bien qu'elle n'y eût pas fait consciem¬ment attention. C'était une expérience intéressante et frappante.
Autre objet : Une paire de ciseaux, à demi-ouverts, placés la pointe en bas.
« Est-ce un objet brillant ?... Quelque chose d'allongé » Elle indique le sens vertical... Une paire de ciseaux, posés debout... Un peu ouverte. »
Temps, environ une minute en tout ; elle dessine ensuite son impression : c'est correct, dans tous les détails. L'objet en expérience était placé derrière elle, sur un canapé quand, après l'expérience, elle demanda à le voir, la position dut lui en être indiquée.
Autre objet : Un cercle traversé d'une courbe. Elle dessine deux ovales détachés, dont l'un est coupé par une ligne.
Autre objet : Dessin des lignes de «l'Union Jack ». Comme d'habitude, dans les expériences de dessin, Mlle R. garda le silence pendant une minute environ puis elle dit : « Mainte¬nant, je suis prête. »
Je cachai l'objet ; elle enleva le mouchoir servant de bandeau et se mit à dessiner sur un papier placé devant elle. Elle traça toutes les lignes de la figure, excepté la ligne horizontale du milieu. Elle était évidemment tentée de la dessiner et, effectivement, à deux ou trois reprises commença en hésitant mais, à la fin, elle dit : « Non, je ne suis pas sûre », et s'arrêta.
Fin de la séance.
Suite des expériences avec Mlle R.
Je vais maintenant relater une expérience montrant qu'un agent peut être meilleur qu'un autre.
Objet : Une carte. Le trois de coeur.
Mlle E. et M. Birchall sont tous deux présents comme agents ; d'abord, M. Birchall tient les mains du percipient.
« Est-ce une croix noire ?... un fond blanc avec une croix noire dessus ? »
M. Birchall laisse alors Mlle E. prendre à sa place les mains de la percipiente ; au bout d'un temps très court Mlle R. dit : « C'est une carte. »
(Bien.)
« N'y a-t-il pas trois tâches dessus ?... Sais pas ce que c'est. Je ne crois pas pouvoir trouver la couleur... Elles sont l'une au-dessus de l'autre, mais elles ressemblent à trois tâches rondes... Je pense qu'elles sont rouges, mais je n'en suis pas sûre. »
Autre objet : Une carte à jouer, sur laquelle est peinte, diago¬nalement, une ancre au lieu de points.
Pas de contact cette fois, mais une autre dame, Mlle Rd., qui venait d'entrer dans la pièce, assistée de M. B. et Mlle E., comme agents.
« Est-ce une ancre ?... un peu inclinée ».
(Ne voyez-vous pas de couleurs ?)
« La couleur est noire.. C'est une ancre gentiment dessinée ? »
On lui demanda de la reproduire, et elle l'esquissa en partie mais elle en avait évidemment oublié la moi¬tié car, ne connaissant pas l'usage de la traverse ou jas, elle pouvait seulement indiquer qu'il se trouvait là quelque chose de plus, mais, elle ne se rappelait pas quoi. Son dessin avait l'inclinaison voulue.
Autre : Deux lignes doubles se croisant, dessinées grossièrement au crayon rouge, le dessin est placé à quelque distance des agents.
Pas de contact.
« Je vois seulement des lignes qui se croisent. » Elle ne vit pas de couleur. Ensuite, elle les dessina correctement, mais très petites. Il faut observer que la distance inusitée à laquelle le dessin avait été placé des agents, en cette occurrence, semble avoir été interprétée par le percipient comme une petitesse de dimensions.
Double objet : Cette fois, j'avais disposé le double objet entre Mlle R. et Mlle E., qui s'étaient assises presque en face l'une de l'autre .
On avait dessiné sur une des faces du papier, un carré, et sur l'autre, une croix de saint André. Mlle R d. fixait le côté portant le carré, Mlle E. l'autre avec la croix. Aucune des deux ne savait ce que l'autre regardait, et le percipient ignorait que l'on tentât quelque chose d'inusité. On avait invité silencieusement M. Birchall à détourner son attention, il se leva et alla regarder à la fenêtre avant que les dessins ne fussent apportés, et il ne bougea pas de là pendant toute la durée de l'expérience. Il n'y avait aucun contact.
Très vite, Mlle R. dit : « Je vois des choses se mouvant en tous sens... Il semble qu'il y ait deux choses... J'entrevois d'abord une là-dessus, puis une seconde là-dessous... Je ne sais quoi dessiner... Je ne peux pas les voir chacune distinctement. »
(Bien qu'importe, dessinez ce que vous avez vu.)
Elle enleva son bandeau et dessina d'abord un carré puis elle dit : « Il y avait encore l'autre chose... ensuite elles ont paru fondre en une seule » et elle dessina une croix, d'angle à angle dans le carré ; elle ajouta : « Je ne sais ce qui m'a poussé à la dessiner au-dedans. »
Voici maintenant un cas dans lequel un étranger agissant comme agent obtint un résultat parfait, dès le premier essai. Le docteur Shears, médecin résident de l'hôpital pour les maladies des yeux et les oreilles, vint assister à la séance ; Mlle R. était arrivée avant les autres personnes ; M. Guthrie proposa au docteur de tenter, comme seul agent, une expérience avec elle. Le docteur Shears prit alors les mains de Mlle R., tan¬dis que je plaçais devant lui une carte : rien absolument ne fut dit de la nature de l'objet.
Objet : Le cinq de trèfle, d'abord sur un fond blanc.
« N'est-ce pas quelque chose de brillant ? »
(Pas de réponse mais je place l'objet sur un fond noir, où il est bien plus visible.)
« Beaucoup de noir, avec un carré blanc dessus. »
(Continuez.)
« Est-ce une carte ? »
(Oui).
Cette réponse affirmative ne signifiait pas nécessairement qu'il s'agis¬sait d'une carte à jouer car, auparavant, on avait employé parfois des cartes ressemblant à des cartes à jouer, sur lesquelles on avait peint divers objets au lieu des vignettes ordinaires.
« N'y a-t-il pas cinq esquisses faites après avoir vu l'original tâchées dessus ? »
(Oui. )
« Noires. »
(C'est vrai.)
« Je ne peux pas voir la couleur, mais je crois que c'est du pique ».
Autre objet, dans la troisième séance, mais avec plusieurs agents ; c'était un dessin ayant cette forme :
« Je vois bien quelque chose mais je suis sûre que je ne pourrais pas le dessiner... C'est quelque chose avec des pointes tout autour.. C'est une étoile ?... ou comme un triangle dans un triangle. »
On demande de dessiner, mais elle exprime de la répugnance, disant que c'est trop difficile puis elle représente en partie une figure étoilée qui, évidemment était une reproduction grossière mais incomplète de l'original. Ensuite, elle se remit à dessiner un triangle, mais ne put y parvenir. Je lui montrai alors l'objet pendant quelques secondes.
Elle s'écria : « Oh ! oui, c'est bien ce que je voyais... Je comprends maintenant. »
(Bien, à présent dessinez-le.)
Elle fit un essai plus complet, mais cela ne ressemblait pas plus à l'original que son pre¬mier dessin. Le voici :
Expériences au cours d'une séance dans la chambre du Docteur Herdman, professeur de zoologie à l’University College
Objet : Dessin du contour d'un drapeau.
Mlle R., percipient, en contact avec Mlle E., agent. Très vite, Mlle R. dit : « C'est un petit drapeau », et quand on lui demanda de le dessiner, elle le fit très bien, mais dans une position inverse de l'original. Je lui montrai le drapeau comme d'habitude après un succès, puis le reportai à l'endroit où l'on dessinait, pour chercher autre chose.
Je fis un autre dessin, mais, au lieu de le prendre, je rapportai de nouveau le drapeau, et le mis à la même place qu'auparavant, mais, la tête en bas. A ce moment il n'y avait pas de contact. Mlle R...d et Mlle E. étaient agents.
Objet : le même drapeau, retourné.
Après un moment, Mlle R. dit : « Non, je ne peux rien voir cette fois. Je vois encore ce drapeau..., ce drapeau continue à m'agacer... je ne le ferai pas cette fois-ci. »
(Je dis alors : dessinez toujours ce que vous voyez.)
Elle répondit : « Je vois seulement le même drapeau, mais il y a peut¬-être une croix dessus. » En conséquence elle dessina un drapeau dans la même position qu'avant, mais ajouta une croix.
Interrogée sur l'aspect qu'avait l'objet, le sens dans lequel il était, elle dit : « Oui, c'était le même qu'avant.
Objet : Un médaillon ovale en or, attaché par un lien à la petite étiquette de son prix. Cet objet est placé, comme celui dont il a été question plus haut, sur une grande planche à dessin, enveloppée dans une toge universitaire. La percipiente, Mlle R. était tout près de cette planche et presque cachée par elle. Mlle R. et Mlle E., agents, sont assises en face ; pas de contact ; on ne dit rien.
«Je vois quelque chose encore..., quelque chose qui pend... comme un médaillon en or. »
(De quelle forme ?)
« C'est ovale. »
Et elle donna d'un mouvement de main l'indication correcte.
(Très bien jusqu'ici ; dites-nous quelque chose de plus.)
Je pensais à l'étiquette mais elle n'ajouta rien de plus. Quand ensuite, on lui montra l'objet, elle dit : « Oh ! oui, c'était bien cela » mais elle n'avait rien vu de la petite éti¬quette.
Autre objet : Une montre et sa chaîne, disposées sur la planche au coin sur un gilet.
Cette expérience échoua ; elle fut intéressante seulement par ce fait que le tic-tac de la montre faisant un bruit anormal, était suf¬fisant pour donner toute sorte de renseignements, à quiconque eut été attentif à de telles indications sensorielles. Mais il est évident pour ceux lui assistent aux expériences que le percipient est dans un état mental tout différent de celui d'un devin habile, car ordinairement ; il néglige totalement les indications des sens. Je m'attendais fort peu, toutefois, à ce que le tic-tac de la montre passât inaperçu, malgré le bruit que nous faisions inutilement avec les pieds pour l'étouffer ; tout ce que nous eûmes fut :
« Quelque chose de brillant,.. acier ou argent... n'est-ce pas quelque chose comme une paire de ciseaux ? »
(Pas du tout).
J'en ai fini avec les exemples choisis dans les expériences au cours desquelles Mlle R. joua le rôle de percipient ; je vais décrire maintenant quelques-unes de celles qui furent faites avec Mlle E. A l'époque, elles parurent peut-être moins satisfaisantes et moins complètes, mais il y a plusieurs points d'un intérêt considérable
Expériences avec Melle E comme percipient
Objet : Un morceau de soie rouge (cerise). Agent, M. B., en contact.
« Rouge. »
(Quelle sorte de rouge?)
« Rouge foncé. »
(Quelle forme?)
« Un morceau. »
(Bien, de quelle nuance ?)
« Ce n'est pas un rouge clair. »
Un autre objet : Un rectangle d'étoffe jaune. Même agent.
« Une couleur d'or foncé... un carré d'une nuance jaune. »
Objet : La lettre R imprimée. On lui dit que c'est une lettre ; même agent.
« Je peux voir R. »
(Quelle espèce d'R ?)
« Une R capitale ordinaire. »
Ces faits montrent un peu ce qui, avec Mlle E. se produit, sinon tou¬jours, du moins souvent, à savoir que l'idée de l'objet est saisie plutôt que sa figure réelle.
Autre objet : La lettre e minuscule imprimée.
« Est-ce E ? »
(oui.) mais elle ne peut pas dire quelle sorte d'E.
Objet : Une théière, découpée dans du papier d'argent. Présents Docteur Herdman, Mlle R.d, et Mlle R. ; Mlle R. tient les mains du percipient, mais tous pensent à l'objet. On ne dit rien.
« Quelque chose de clair.., pas une couleur... on dirait un canard... un canard d'argent... quelque chose d'ovale,.. la tête à un bout, la queue à l'autre. »
(Ceci n'est pas rare chez les canards.)
L'objet étant assez grand, fut alors reporté plus loin, afin d'être mieux embrassé dans son entier par les agents, mais le percipient n'en continua pas moins à dire que c'était un canard. La demande lui étant faite d'enlever son bandeau et de dessiner, elle esquissa grossièrement, une reproduction retournée de la théière, mais elle n'y voyait pas autre chose qu'un canard. Alors le docteur Herdman expliqua que, pendant tout le temps de l'expérience, il avait pensé que cette théière ressemblait beaucoup à un canard et, qu'en fait, il avait eu beaucoup plus l'idée de canards que de théières.
Autre objet : Un miroir à main est apporté et placé en face de miss Rd. Pas de contact au début. On ne dit rien.
« Est-ce une cou¬leur ? »
(Non.)
« Non, je ne vois rien. »
Le miroir fut alors déplacé et mis devant Mlle R., pour qu'elle s'y regardât.
« Non, je ne vois pas ce que c'est. »
Elle abandonna. Cachant le miroir sous mon habit, je l'emportai hors de la chambre. Le docteur Herdman raconta que, pen¬dant mon absence, elle voulut savoir quel était l'objet mais les agents s'y refusèrent, disant qu'évidemment, je désirais en garder le secret. Un peu ennuyée, elle répondit : « Oh ! bien cela ne fait rien. Je crois que c'était un miroir. »
Autre objet : Le dessin d'un triangle rectangle. Pas de contact.
« Est-ce comme ceci ? » et dans l'air, avec ses doigts, elle dessine un triangle.
(Pas de réponse.)
« C'est presque comme un triangle. » Alors, elle dessine un triangle isocèle.
Autre objet : Le dessin de deux lignes courbes et parallèles. Pas de contact.
« Je vois seulement deux lignes » ; elle indique que ces lignes sont parallèles.
« Maintenant, elles semblent se rejoin¬dre. »
Autre objet : Le contour d'un tétraèdre grossièrement dessiné en projection.
« Est-ce un autre triangle ? »
(Pas de ré¬ponse mais je fais passer astucieusement aux agents ce message griffonné : « Pensez à une pyramide. »)
Mlle E. dit alors : « Je vois seule¬ment un triangle... » Puis, très vite : « Pyramides d'Égypte. Non, je ne ferai pas cela. »
On lui demande de dessiner ; elle dessina seulement un triangle.
Autre objet : L'esquisse grossière d'un âne ou d'un quadrupède. Encore pas de contact au début.
« Je n'y arriverai pas, j'en suis sûre. » Je demande alors aux agents de quitter la chambre et de rêvenir pour essayer un par un. Ce fut d'abord Mlle Rd., sans, puis avec contact. Ensuite Mlle R. qui était en contact lorsque Mlle E. dit désespérément. « Une vieille femme avec un chapeau de kermesse. »
Enfin j'essayai comme agent, seul, miss E. dit alors : « On dirait un âne, je ne le vois pas bien et ne pourrais pas le dessiner. »
Considérations sur mes expériences
Outre ces expériences avec percipient unique, j'en ai tenté quelques-unes avec deux percipients conjugués, espérant que la comparaison de leurs impressions différentes d'un même objet m'apprendrait quelque chose. Mais, malheureusement, ces expé¬riences n'eurent pas beaucoup de succès ; parfois chacun des sujets semblait percevoir différents aspects ou certaines parties des objets, mais ils n'eurent jamais d'impressions distinctes ou parfaites. La nécessité d'imposer silence aux percipients et aux agents était une cause d'ennui, et elle rend plus difficile la des¬cription des résultats si la reproduction des dessins n'y est pas jointe. Maintenant encore, je pense que cette variante de l'expé¬rience pourrait donner des renseignements intéressants si on la poursuivait dans de bonnes conditions. Je ne puis dire si pour impressionner deux percipients aussi fortement qu'un seul, il est nécessaire d'avoir une plus grande puissance d'action, ou si le vide mental d'un percipient réagit sur l'autre.
Quand ils reçoivent une impression, les sujets semblent avoir quelque conscience de l'action d'autres intelligences sur eux ; une fois ou deux, il n'y avait aucune force, rien n'agissait ; non seule¬ment ils ne recevaient aucune impression, mais ils ne sentaient pas qu'il dût en survenir.
J'ai demandé à Mlle E. ce qu'elle éprouvait quand les impressions venaient librement ; elle m'a répondu qu'elle ressentait une sorte d'influence ou de frémissement. Les deux jeunes filles
disent que plusieurs images leur apparaissent parfois, mais que parmi elles, une seule revient avec persistance, et elles ont la sensation, lorsqu'elles se fixent sur une de ces images, que c'est bien la bonne.
Parfois elles se sentent tout à fait certaines d'être dans le vrai ; d'autres fois, elles ont beaucoup d'incertitude, mais répondent encore exactement. Quelquefois Mlle E. montrait beaucoup d'assu¬rance et pourtant avait tort.
Une erreur grave les décourage, mais un succès en amène sou¬vent d'autres. C'est à cause de ces conditions psychologiques déli¬cates qu'on ne peut faire varier une expérience autant qu'on le voudrait, comme si l'on avait affaire à de la matière inerte et plus maniable. D'habitude la présence d'un étranger trouble le phé¬nomène, quoique parfois, un étranger se soit révélé immédiatement comme bon agent.
Les percipients ne se plaignent pas d'être fatigués par les expé¬riences et je n'ai aucune raison de croire qu'ils en éprouvent quel¬que inconvénient. L'agent, d'autre part, s'il est énergique, est susceptible d'avoir mal de tête ; M. Guthrie lui-même, qui fut pendant longtemps un agent puissant et résolu, sent à présent qu'il est plus sage pour lui de s'abstenir d'agir et il dirige les expériences avec une grande modération.
Si l'on expérimente seulement pendant une heure environ par semaine, aucun dommage ne peut en résulter ; à mon avis, il serait donc intéressant de rechercher dans quelles proportions il se rencontre des gens chez lesquels les facultés de perception sont bien développées.
Il est facile d'expérimenter, mais on ne devrait le faire qu'avec calme et tranquillité, ainsi que l'on procède pour n'importe quel autre genre d'expérience. Une estrade publique est l'endroit le moins convenable ; tout essai tenté devant une assistance mêlée ou joyeuse, n'aura jamais la moindre valeur scientifique. De telles manifestations peuvent être bonnes pour mettre de l'argent dans la poche d'entrepreneurs de spectacles, ou pour amuser des amis mais toute preuve réelle doit être obtenue dans le silence du laboratoire.
Chapitre IV – Autres expériences de télépathie
Ma première observation de quelque importance dans cette espèce de télépathie expérimentale, fut ensuite faite pendant un voyage que j'entrepris dans une province d'Autriche, par delà le Tyrol, avec quelques amis anglais, pendant l'été de 1892 ; la rela¬tion en a paru dans les Proceedings de la S. P. R .
Pendant un séjour d'une quinzaine chez M. de Lyro à Pörtscbach¬am-See, Carinthie, je découvris que ses deux filles, étaient des adeptes du willing game . Elles avaient coutume d'amuser leurs amis par la rapidité et la sûreté avec lesquelles elles pou¬vaient accomplir des actions décidées secrètement par l'assistance ; l'opérateur était guidé par une ou deux autres personnes, mais préférait l'être par quelqu'un à qui il fût habitué. Une autre dame, habitant la maison, passait pour réussir aussi bien, mais non sans prostration nerveuse consécutive.
Dans la soirée, quand je fus témoin de leur jeu, il me parut que tout pouvait s'expliquer par la perception de contractions musculaires ; cependant, la rapidité et la précision avec lesquelles les actes voulus étaient accomplis, dépassait tout ce que j'avais, au¬paravant, vu réaliser comme « lecture musculaire », et je ne dou¬tai pas de l'intervention d'une véritable transmission de pense.
J'obtins, en conséquence, l'autorisation d'expérimenter dans de meilleures conditions, et à diverses reprises je mis à l'épreuve les facultés de perception des deux sœurs, que j'employai alternati¬vement comme agent et comme percipient. Un ou deux étrangers furent priés de jouer le rôle d'agent, sans succès d'ailleurs.
Les opérations furent menées fort simplement. L'une des soeurs était placée derrière une planche à dessin que j'avais dressée sur une sorte de chevalet improvisé, tandis que l'autre était assise en face de cette planche ; les objets ou dessins à deviner étaient posés sur le rebord du chevalet, bien en vue pour l'une des demoiselles et tout à fait cachés pour l'autre.
Naturellement, j'ai pris soin qu'il n'y eût aucun miroir ou autre cause apparente d'erreurs physiques. Le percipient préférait avoir les yeux bandés, mais aucune précaution ne fut prise à cet égard, puisque nous savons qu'il est imprudent de se fier au bandeau. Agent et Percipient étaient à portée l'un de l'autre et, d'ordinaire, se tenaient la main en s'appuyant sur une petite table. Le mode et la valeur du contact étaient contrôlés, et parfois on le rompait tout à fait, ainsi qu'on le verra par la suite.
Ces dames se montraient très intéressées par les essais et consen¬taient volontiers à tous les changements que je proposais aux conditions d'expérience ; mon espoir était d'obtenir le phénomène sans contact d'aucune sorte, ainsi que je l'avais fait pour les cas rapportés précédemment, mais malheureusement, ici, le contact semblait indispensable au transfert. Un très léger contact était suffisant, par exemple par le dos des doigts mais, si les mains étaient nettement séparées, ne fût-ce que par un quart de pouce le phénomène cessait, pour réapparaître aussitôt que le contact était rétabli. J'ai essayé de réunir les mains disjointes avec la mienne, ou avec la main d'une dame, mais cela n'allait pas. Une fois aussi, je fis une expérience en bandant les yeux des deux soeurs qui se tenaient l'une l'autre par une main, tandis que d'autres personnes complétaient la chaîne et jouaient le rôle d'agents. Au bout de quelques instants, on demanda à ces demoiselles de dessiner simultanément et séparément ce qu'elles avaient vu mais, bien que les deux dessins fussent d'assez exactes imitations l'un de l'autre ils n'avaient aucune ressemblance avec l'objet que les agents avaient regardé. Mon impression est donc qu'il existe entre les deux sœurs, une espèce de rapport sympathique, étroit, tel qu'une idée puisse, ainsi que nous l'avons constaté, se répercuter entre leurs esprits quand leurs mains se touchent, mais l'influence de la pensée de personnes étrangères sur elles est faible ou nulle.
Le contact, dans ces conditions, tire-t-il son importance simplement du fait que ces demoiselles en ont toujours l'habitude, ou est-il réellement un adjuvant sérieux ? Je ne sais pas.
Il était intéressant et nouveau pour moi de voir combien l'effet semblait dépendre du contact, et avec quelle brusquerie il cessait quand ce contact était rompu. Par exemple, s'il s'agissait de devi¬ner des cartes, rapidement et sans transition, tantôt je permettais le contact, tantôt je défendais ; les réponses changeaient de fréquemment bonnes, elles devenaient incohérentes dès que le con¬tact cessait entre le dos ou l'extrémité des doigts, ou une partie quelconque de la peau. Il semblait que l'on coupât ou rétablît un circuit électrique. De même, un contact partiel semblait donner des résultats moins nets qu'une franche poignée de mains.
Il est évident que cette nécessité du contact suggère fortement l'idée d'un code, et je dois admettre que cette « paille » ôte aux observations toute valeur probante et ne permet pas de démon¬trer l'existence d'une véritable faculté.
Mon récit intéresse seulement ceux qui, pour d'autres raisons acceptent d'une manière générale, la possibilité de la transmission de la pensée et qui, par suite, n'ont pas besoin de faire un effort trop considérable pour me croire, quand j'affirme l'extrême im¬probabilité de pratiques malhonnêtes, en dehors de cette convic¬tion morale, il existait assez de preuves intrinsèques, dérivées des faits eux-mêmes pour me démontrer que nul code n'était employé. Ces preuves intrinsèques sur lesquelles je m'appuie, étaient 1° dans diverses circonstances, des dessins auxquels on ne pou¬vait appliquer aucun nom furent reproduits avec succès ; 2° quelquefois il fut impossible d'arriver à désigner des objets ayant des noms simples et faciles à transmettre ; 3° la rapidité avec laquelle les résultats étaient souvent obtenus.
Je dois ajouter, toutefois, que rien de ce que j'avance contre l'idée d'un code préétabli, ne peut entraîner une conclusion scientifique et impersonnelle : celui qui se montre sceptique sur toutes ces matières ne peut admettre que de telles preuves aient un poids suffisant. Les facilités que j'ai eues pour établir mon expé¬rience antérieure, me donnent seules la conviction d'avoir observé un cas de véritable communication sympathique ou syntonique et, comme de tels cas semblent, en ce moment, assez rares, je ferai un bref compte rendu des circonstances de l'observation.
Je n'ai pas découvert de différence bien marquée dans les facul¬tés des deux soeurs : il est entendu que, dans chaque expérience, une d'elles jouait le rôle d'agent et l'autre celui de percipient. Par¬fois, leurs parents étaient présents, mais souvent, il n'y avait qu'un ou deux amis, qui étaient assez aimables pour inviter ces jeunes filles à venir dans leur salon pour faire ces expériences, quoique ces expériences, lorsqu'elles sont conduites avec soin, soient assurément ennuyeuses et monotones.
Dans le début de ces séances de « willing game », on faisait des choses comme celles-ci : prendre au doigt d'une personne une bague déterminée et la mettre au doigt d'une autre personne ; choisir dans une pile un morceau de musique convenu, le placer sur le piano et commencer à le jouer. Il ne m'est pas arrivé de constater ce dernier fait : commencer à jouer mais plusieurs personnes me l'ont rapporté ; d'après elles la lecture musculaire ne suffit pas à en rendre compte. Toutefois, un sceptique pourrait naturellement objecter qu'un bandeau défectueux permet de lire un titre.
L'une des choses que je suggérai avait pour but d'exclure autant que possible l'intervention des indications données par les contractions musculaires inconscientes ; je désirai que l'une des demoiselles, tandis qu'elle était au milieu de la pièce, se débar¬rassât de ses souliers d'un coup de pied sans les toucher, et chantât une romance convenue. Le succès fut partiel. La jeune fille, après avoir essayé une ou deux fois d'errer par la chambre, comme de coutume, ôta en secouant le pied, un de ses souliers, nais quoiqu'en réalité elle n'ait pas touché ses pieds, elle se pencha de manière que sa main tenue par l'agent arrivât très près d'eux ; puis elle demeura un moment comme incertaine de ce qu’il fallait faire, et enfin rompit le silence en disant : « Je dois chanter ! »
Les premiers essais faits pour expérimenter avec plus de soin ne furent pas couronnés de succès, mais la nouveauté des conditions exigées peut fort bien en être cause. Le second soir et les suivants, les réussites furent beaucoup plus fréquentes, bien plus fréquentes somme toute, que les erreurs, et dépassant beaucoup les chances de coïncidences.
Voici le compte rendu à peu près complet de la série entière.
Le premier objet était une théière mais on n'obtint aucun résultat.
Le premier dessin fut l'esquisse d'une boite portant un drapeau à l'un de ses coins ; mais cela ne produisit aucune impression. Ensuite, pour simplifier, j'expliquai que l'objet était cette fois une lettre de l'alphabet (Buchstabe) ; cette lettre, E, fut indiquée correctement. Une autre lettre, M fut mal rendue. Une esquisse enfantine, un chat vu de dos, donna comme résultat un ovale ressemblant à un œuf ; quelques autres choses ne furent point perçues.
Le second soir, je dis en commençant que l'objet était une couleur ; c'était le rouge, qui fut instantanément et correctement indiqué.
Un objet bleu qui suivait, ne fut pas deviné.
L a silhouette d’un cheval fut correctement nommée. De même, la lettre B. Alors, je dessinai un carré avec ses diagonales en croix et mis au-dessus de leur intersection un rond, ou une tâche ; l'ensemble ressemblait un peu au dos d'une enveloppe. Après un silence d'environ deux minutes, la jeune fille dit qu'elle était prête à dessiner ce qu'elle avait « vu » et dessina la chose presque exactement, sauf que la tâche était posée juste au centre de la croix au lieu d'être au-dessus et qu'elle ajouta un faible trait vertical superflu. La ressemblance possible avec le clos d'une enveloppe ne fut pas perçue, et la reproduction n'en suggérait pas l'idée ; elle fut tracée comme une figure géométrique innommée, dont elle avait l'apparence presque, toujours de dimensions plus petites que l'original. L'agent ne regardait pas pendant l'exécution de la reproduction. Il vaut mieux que personne ne regarde le percipient tandis qu'il dessine ; on supprime ainsi la possibilité d'indications inconscientes. Les dessins originaux étaient toujours exécutés par moi, soit avant, soit pendant la séance. Toutes ces conditions sont satisfaisantes.
Le troisième soir, je commençai avec un paquet de cartes, et cherchai vivement parmi elles ; il y avait deux rapporteurs, l'un enregistrant la carte choisie, l'autre observant le résultat obtenu, et ignorant d'ailleurs s'il était bon ou mauvais ; on laissa de côté les couleurs, de sorte que les chances d'erreur étaient, je le suppose, de 12 à 1.
En comparant les deux listes suivantes, on voit que, sur 16 cartes à deviner il y eut seulement 6 erreurs. Le contact complet fut permis pendant toute la série. La liste est reproduite ci-dessous.
Cet exercice de divination de cartes ne peut être, évidemment d'une utilité quelconque que si la « bonne foi » est certaine mais dans ce cas, on dispose de la méthode la plus commode pour étudier les effets obtenus en variant les conditions, en interposant des obstacles, et autres choses semblables. On employait toujours le paquet de cartes entier ; je coupais simplement au hasard et prenais la carte de dessous, 10 à 12 cartes pouvaient être proposées en une minute.
Voici donc la liste de la première série de cartes. Contact complet autorisé.
Cartes proposées Cartes devinées
Sept de pique sept
Six de cœur six
Reine de pique Roi
Neuf de pique neuf
Trois de pique Six
Huit de carreau huit
As de trèfle as
Valet de carreau Reine
Cinq de carreau Cinq
Deux de pique as
Dix de cœur six
Roi de carreau roi
As de pique as
Neuf de carreau six
Huit de cœur huit
Quatre de pique quatre
Sur les 16 épreuves, 10 furent bonnes et 6 mauvaises.
Quelle que puisse être la cause de cette proportion de succès, le hasard est tout à fait hors de question, car la probabilité de réussites aussi nombreuses que 10 sur 16 épreuves, est trop petite pour être prise en considération quand la probabilité à chaque fois est de 1/13. La théorie de calculs de ce genre se trouve dans l'algèbre de Todhunter, numéros 740 et 741 mais, comme la grande exactitude, dans le cas qui nous occupe, ne peut être qu'ennuyeuse et superflue, nous pouvons nous contenter d'estimer le total des probabilités par le calcul suivant : 16/ 10/6 (1/13)10 ; ainsi, nous éliminons le facteur (12/13)6. Ce facteur serait nécessaire pour donner exactement la chance de 10 succès, mais c'est là un scrupule bien inutile, car il n'y a pas intérêt particulier dans le nombre exact de 10. La chance de 10 au moins est plutôt ce que nous avons à exprimer. L'approximation de la probabilité est 8008/13/10, c'est-à-dire qu'il y a moins d'une chance sur dix millions qu'un tel résultat se produise absolument au hasard, c'est-à-dire sans aucune cause spéciale.
Des expériences ont été faites un autre soir, tant avec des cartes que des objets ; sans contact, les résultats furent nuls, mais avec contact, on eut de nouveau des succès.
J'en revins alors aux simples dessins comme résultats, une croix fut reproduite par une croix, et une figure ressemblant à 4 pétales le fut de deux façons, dont l'une montrait vaguement 5 pétales.
Un objet consistant en un mètre de poche en ivoire, dressé sur ses extrémités, comme un V renversé, fut assez bien dessiné dans son aspect général.
Une ligne sinueuse donna en reproduction plusieurs lignes sinueuses. Un triangle, ou coin, la pointe en bas, fut reproduite imparfaitement.
D'autres soirs, on essaya d'autres diagrammes simples : une figure humaine donna trois ronds avec des points et des croix ; un dessin ressemblant à un A traversé d'un trait fort long, mais qui pouvait aisément passer pour un A, fut reproduit correctement, comme un diagramme géométrique avec le long trait bien en évidence. Un cercle avec trois rayons, donna un cercle avec un triangle grossièrement inscrit.
Le nombre 3145 provoqua très rapidement la réponse orale : 3146 ; puis 715 aussi rapidement : « 714, non, 715 ».
Le mot « Bund » écrit, fut bien reproduit mais avec une initiale majuscule.
Comme on me disait qu'elles avaient précédemment reproduit un mot d'une langue inconnue d'elles mais elles en connaissaient les lettres, le hongrois, j'essayai avec le mot grec Φαιδω; mais ce fut considéré, comme trop embarrassant, et le résultat obtenu fut seulement : Uaso.
Un soulier français en faïence présenté comme objet, fut très bien dessiné par le percipient, qui dit que c'était quelque chose comme une chaussure, et une protubérance fut ajoutée à l'endroit où se trouve le talon.
Le moulage blanc en plâtre d'une main d'enfant, essayé ensuite, ne procura aucune impression. Une bougie non allumée, dans un chandelier, donna un insuccès ; on objecta qu'il y avait trop de lumières allumées. Plus tard le percipient raconta avoir vu le contour général d'un chandelier mais ne pas avoir pensé que ce fut la l'objet. On échoua avec une théière et une tasse, et deux dessins ne réussirent pas à provoquer une imitation reconnaissable.
Finalement, on fit une autre série d'essais avec les cartes, dans le but d'observer l'effet de diverses espèces de contact ; une série d'expériences avec les cartes est facile et rapide à faire.
Cartes montrées à l'agent
Cartes nommées par le percipient
Contact complet
par les deux mains neuf Neuf
roi roi
Contact par le bout
des doigts seulement Valet Deux
Neuf Neuf
Neuf Dix
Reine Deux
Huit Huit
Contact par un doigt
d’une main
Sept Sept
Cinq Six
Trois Quatre
Dix Six
Reine Deux
As As
Pas de contact As Quatre
Valet Cinq
Pas de contact direct mais « pont » jeté par la main d'une autre personne
Roi Quatre
Dix huit
Huit Sept
Léger contact des articulations
huit six
Six as
Deux deux
Nouveau, contact complet Valet as
Sept six
Trois trois
Quatre quatre
As de carreau As rouge carreau
Huit de trèfle tenu obliquement Neuf trèfle
Le compte-rendu de cette série est plus complet que celui d'une autre série avec contacts variés, relatée ci-dessous, mais à l'époque je n'en fus point frappé et ne la trouvai pas aussi instructive comme elle eut lieu à la fin de la soirée, il y avait probablement quelque fatigue.
Les deux dernières mentions représentent des essais faits pour deviner la valeur aussi bien que la couleur mais comme les précisions sont données par degrés il n'y a aucun avantage spécial à faire ainsi désigner les cartes complètement, et cela prend plus de temps.
Un autre soir, l'étendue du contact fut variée, mais j'omis de signaler au rapporteur la position des mains l'une par rapport à l'autre. Une main de chaque personne reposait sur une table, et tantôt je les réunissais, tantôt je les séparais, pendant tout le temps que se poursuivit l'expérience des cartes. Mon impression à l'époque (comme je l'ai dit plus haut) fut que des erreurs profondes se produisaient dès la rupture du contact, mais que le simple rapprochement des articulations des doigts suffisait pour amener une certaine proportion de succès. Quand les réussites sont fréquentes dans la liste ci-dessous, on peut admettre qu'il y a contact complet. D'autres fois, je séparais et unissais les deux mains à mon choix, pour mon édification personnelle, et j'étais frappé de l'efficacité singulière du contact.
Je puis seulement donner la relation telle qu'elle est. Je crois que nous avons commencé sans contrôle mais bientôt nous avons laissé les mains se toucher de temps à autre.
Seconde série de cartes, contacts variables, parfois nuls
Expériences de cartes, contacts variables, parfois nuls
Cartes montrées Cartes nommées
Deux de pique valet
As de carreau Cinq
Valet de carreau valet
Dix de carreau neuf
Six de cœur six
Huit de cœur neuf
Neuf de carreau As
Roi de carreau roi
Dix de cœur Dix
Neuf de trèfle quatre
As As
Reine deux
Reine reine
valet as
Roi roi
huit huit
huit huit
sept huit
As As
Valet Valet
sept Sept
quatre quatre
Neuf Six
Reine Trois
Roi Roi
as sept
as cinq
cinq dix
Cinq Quatre
Six sept
cinq trois
six six
Deux Trois
Trois Six
Quatre quatre
Deux huit
quatre cinq
trois quatre
trois valet
Les lignes de séparation indiquent un changement dans le contact, mais il y eut d’autres modifications qui ne furent point notées. Le seul avantage de la relation dans cette série est donc que l’on doit considérer comme un tout où l’on remarque que sur 39 questions 16 sont bonnes et 23 mauvaises.
En l’occurrence, il y avait un rapporteur qui notait ce qu’il entendait or les opérations étaient si rapides qu’il avait à peine le temps d’écrire. Vers la fin de la série, la réponse trouvée par l’agent et le percipient sembla rendre les réponses mauvaises. Il est manifeste qu’il ne faudrait pas continuer ces expériences en rendant de trop longues séances consécutives ni répéter les réponses.
Ses intervalles trop rapprochées mais avec un peu de bon sens, ces essais n'amèneront rien de fâcheux. Si un plus grand nombre de personnes expérimentaient, on trouverait probablement que cette faculté est plus répandue qu'on ne le soupçonne.
Je veux exprimer ici, à Mlles Von Lyro et à leurs parents, ma gratitude pour la courtoisie avec laquelle ils ont accueilli mes requêtes concernant les expériences, et pour la bonne volonté que ces demoiselles mirent à se soumettre à des conditions monotones et fastidieuses, dans le but de me permettre d'apporter un témoignage aussi bon que possible.
Expériences à distance
Pour des expériences plus récentes, et pour celles ou agent et percipient étaient séparés par des distances considérables, je renvoie le lecteur aux Proceedings de la S. P. R. où l'on trouvera le compte rendu d'une importante série d'observations bien prises à l'occasion d'expériences faites par deux dames, membres de la Société, Mlle Miles et Mlle Ramsden. Ces demoiselles tandis qu'elles se trouvaient soit à la campagne ou ailleurs, mais séparées par de grandes distances, essayaient de se transmettre l'une à l'autre l'impression de scènes ou d'occupations. Elles enregistrèrent très soigneusement toutes deux ce qu'elles essayèrent d'envoyer et ce qu'elles reçurent ; en comparant ces relations on voit nettement que leur concordance dépassa tout ce qui peut être, de près ou de loin, attribué au hasard.
La connivence pourra être donnée comme explication rationnelle, par des étrangers mais ceux qui connaissent toutes les circonstances du cas ne sauraient l'accepter.
Quand Mlle Miles et Mlle Ramsden commencèrent leurs expériences, en 1905, Mlle Miles habitait à Londres, et Mlle Ramsden dans le Comté de Buckingham ; elles convinrent que Mlle Miles jouerait le rôle d'agent et Mlle Ramsden celui de percipient, et fixèrent à l'avarice l'époque de chaque expérience. Au moment de l'épreuve, Mlle Miles notait sur un cahier consacré à cet usage, l'idée ou l'image qu'elle désirait transmettre ; pendant ce temps, Mlle Ramsden consignait chaque jour les impressions qui lui venaient à l'esprit et en envoyait la relation à Mlle Miles avant de savoir ce que celle-ci avait eu l'intention de faire. Mlle Miles collait alors cette pièce dans son livre, en regard de ses propres notes, et parfois y ajoutait un commentaire indiquant les circonstances dans lesquelles elle se trouvait à l'époque ; on s'aperçut que les impressions de Mlle Ramsden concordaient souvent avec ces circonstances. Toutes les fois que cela était possible, Mlle Miles faisait attester par d'autres personnes des faits de détail qui n'avaient pas été notés en temps voulu, et la corroboration de ces personnes était inscrite sur son livre. Tous les rapports originaux de ces expériences ont été soumis à l'éditeur des Proceedings de la S. P. R., et ont subi cette épreuve critique.
Dans la seconde série d'expériences, en octobre et novembre 1906, Mlle Miles, l'agent, résidait d'abord près de Bristol, et ensuite près de Malmesbury dans le Wiltshire ; Mlle Ramsden, le percipient, demeurait aux environs de Kingussie, Inverness-shire, et par conséquent à 4.00 milles environ de l'agent. Pendant les trois derniers jours des expériences, Mlle Miles, à l'insu de Mlle Ramsden, était à Londres.
Le plan général de travail était celui-ci : Mlle Ramsden devait penser à Mlle Miles régulièrement à sept heures du soir, chaque jour fixé pour une expérience, et écrire ses impressions sur une carte postale ou sur une carte-lettre qui, mise à la poste à l'adresse de Mlle Miles, arrivait presque toujours le matin suivant. Ces correspondances étaient conservées par Mlle Miles qui les collait dans son cahier de notes de cette façon les timbres justifiaient bien la date de l'envoi. Copie de plusieurs de ces cartes postales était, en même temps envoyée aussi au professeur Barrett qui avait donné des conseils sur la méthode d'expérimentation.
Mlle Miles, de son côté, n'avait pas de moment fixé pour penser à Mlle Ramsden mais pensait à elle plus ou moins durant tout le jour ; le soir, elle notait brièvement les idées dominantes qui s'étaient présentées à son esprit pendant la journée, et qu'elle désirait transmettre à Mlle Ramsden ou pensait lui avoir été transmises. Ces notes étaient généralement écrites sur une carte postale, que Mlle Ramsden recevait ordinairement le jour suivant. Les cartes postales étaient ensuite retournées à Mlle Miles pour être jointes à ses notes, les timbres montrent, ici encore, la date de l'envoi des indications de Mlle Ramsden.
Sur un total de quinze jours d'expériences, l'idée de Mlle Miles avait essayé de transmettre, ainsi qu'en font foi ses cartes postales, apparut en six occasions, sous une forme complète ou partielle, dans les impressions de Mlle Ramsden à la même époque. Mais, il arriva aussi presque chaque jour, que certaines des impressions de Mlle Ramsden représentèrent, assez exactement, des choses que Mlle Miles avait vues, ou dont elle avait parlé le même jour. En d'autres termes, tandis que l'agent ne réussissait que par occasions à transmettre les idées choisies par elle la percipiente semblait souvent avoir une sorte clé connaissance supranormale de l'entourage de son amie, indépendamment de ce que celle-ci avait désiré.
Quand cela se produisait, Mlle Miles rédigeait aussitôt avec soin des notes sur l'événement ou le sujet auquel la déclaration de Mlle Ramsden semblait se rapporter, et recueillait aussi, sur ce point, le témoignage confirmatif de ses amis. De plus, quand Mlle Ramsden donnait descriptions de scènes qui paraissaient représenter à Mlle Miles les endroits où elle se trouvait, celle-ci se procurait des cartes postales illustrées de ces endroits, ou les photographiait, pour montrer jusqu'a quel point les descriptions correspondaient à la réalité.
La relation accompagnée d'illustrations de ces expériences est donnée dans les Proceedings de la S. P. R. ; il nous suffira de citer le jugement critique exprimé en ces termes par l'éditeur : « De l'étude de toutes ces observations, il nous apparaît que, s'il s'est produit entre les expérimentateurs, des coïncidences de pensées, probablement accidentelles, la somme totale des correspondances vraies est trop grande pour pouvoir être expliquée ainsi, et elle montre nettement existence d'une action télépathique entre ces deux personnes. »
Chapitre V – Cas de transmission de pensées spontanées
Un fait nouveau de ce genre, s'il est réellement établi, peut avoir des conséquences innombrables : entre autres choses, il pourrait expliquer un grand nombre de phénomènes dont l'occurrence spontanée est alléguée, mais qui n'ont pas encore trouvé créance entière auprès des autorités scientifiques.
Nous commencerons, par exemple, par classer sous la rubrique « Télépathie spontanée », les cas analogues à ceux qui vont suivre ; alors il sera naturel de chercher à s'avancer plus loin dans la même direction et de se servir, si possible, de la télépathie comme d'un fil conducteur dans l'étude de beaucoup d'autres faits légendaires. C'est ce que nous essayerons de montrer dans le chapitre suivant.
Deux cas
Comme intermédiaires entre les cas expérimentaux et spontanés, je citerai les deux faits suivants, tirés d'une masse de matériaux accumulés a la fin du premier volume de M. Myers, page 674. Le premier concerne un de mes parents éloignés.
Le 27 avril 4889, nous attendions ma belle-soeur et sa fille, qui venaient de l'Amérique du Sud. Ma femme, absente de la maison, ne pouvant aller à leur rencontre à Southampton, un ami intime de la famille, M. P., offrit de la remplacer. Ceci se passait entre Derby et Leicester, vers 3 h. 30 après-midi. Ma femme voyageait en chemin de fer. Elle ferma les yeux pour se reposer ; au même moment, un télégramme lui apparut, portant ces mots : « Venez immédiatement, votre sœur est dangereusement malade ». Dans le courant de l'après-midi, je reçus un télégramme de M. P., adressé à ma femme : il portait exactement les mêmes mots, et avait été expédié de Southampton pour Bedford à 3 h 30. Quand ma femme arriva à la maison, vers 9 heures du soir, j'attendis, avant de le lui communiquer, qu'elle eut pris quelque nourriture, car elle était très fatiguée. Je lui dis ensuite : « J'ai des nouvelles pour vous. » Elle répondit : « Oui, je l'ai pensé ; vous avez reçu un télégramme de M. P. ! » - « Comment le savez-vous ? » m'écriai-je. Elle m'indiqua alors le contenu du télégramme et me raconta l'étrange sensation qu'elle avait éprouvée dans le train ; elle en avait été tellement impressionnée qu'elle était restée anxieuse tout le reste du jour.
J'ajouterai, au sujet de ce qu'on vient de lire, que ma femme n'avait aucune idée que sa soeur fut malade ; elle ne pensait même pas à elle, ni à sa nièce en ce moment-là, mais bien à son propre enfant qu'elle venait de laisser dans un pensionnat. Dans le texte qui lui apparut, elle reconnut immédiatement l'écriture de M. P. Mais, alors il aurait du écrire sur une feuille de formule télégraphique en papier blanc, tandis que ce qu'elle vit était le papier brun ordinaire.
Fredk. L. Lodge
Voulant des demandes d'explications, M. F. Lodge écrivit ce qui suit :
« La lettre que je vous ai envoyée, avec le récit de la vision, a été écrite sous la dictée de ma femme. Après que cet événement se fut produit dans le train, elle prit note de l'heure et, d'après celle qui était inscrite sur le télégramme lors de son dépôt à Southampton, nous remarquâmes immédiatement que la vision avait eu lieu pendant que M. P. remplissait la formule télégraphique à Southampton. M. P. est maintenant dans l'Amérique du Sud, où il construit une ligne de chemin de fer et ne reviendra pas en Angleterre avant un an environ. Le fait lui a été raconté. »
Deux ans s'étant écoulés depuis lors, ma femme ne pourrait, à présent, dire exactement l'heure de sa vision, mais, c'était entre 3 heures et 4 heures. Quand l'événement se produisit, nous avons constaté la coïncidence des temps, d'après l'heure du télégramme.
Fredk. L. Lodge
Le second cas montre la possibilité de communiquer des sensations, ainsi que l'ont vérifié les expériences de M. Guthrie, faites à Liverpool. Un pincement ou toute autre douleur, une sensation gustative due à des aliments ou à des substances chimiques, furent souvent transmises d'un agent à un percipient. Le contact fut ordinairement reconnu indispensable pour le succès de ces expériences mais, pour défendre les sujets contre des sensations normales, l'agent et le percipient étaient séparées par un mur dans lequel on avait pratiqué une petite ouverture garnie d'ouate, par laquelle ils pouvaient se tenir la main. Quelques-unes des premières expériences de ce genre sont relatées dans les Proceedings de la S. P. R ; j’ai assisté moi-même à beaucoup d’autres expériences analogues.
voici le récit d’un incident qui arriva à M. et Mme Arthur Severn ; il a été obtenu grâce à l’obligeance de M. Ruskin.
Mme Severn s'exprime ainsi :
« Brantwood,
Coniston, le 27 octobre 1583
Je m'éveillai en sursaut, sentant que j'avais reçu un coup violent sur la bouche avec la sensation distincte que j'avais été coupée et que ma lèvre supérieure saignait ; je me mis sur mon séant, pris mon mouchoir, je l'appliquai, comme un petit tampon, sur la partie atteinte ; l'ayant enlevé après quelques secondes, je fus étonnée de ne pas voir de sang et seulement alors, je compris qu'aucun objet ne pouvait m'avoir ainsi frappée pendant que je dormais profondément dans mon lit ; je pensai que c'était seulement un rêve. Ayant regardé ma montre, je vis qu'il était sept heures ; puis je remarquai qu'Arthur, mon mari, n'était pas dans la chambre ; j'en conclus (et j'avais raison), qu'il était allé faire, sur le lac, une promenade dans son bateau à voile car il faisait très beau.
Alors, je me rendormis. Au déjeuner, à neuf heures et demie, Arthur arriva en retard, et je remarquai qu'il s'asseyait, intentionnellement, plus loin de moi que d'habitude, et que de temps en temps, il portait furtivement son mouchoir à sa lèvre, exactement comme je l'avais fait, et au même endroit. Je lui dis :
- Arthur, pourquoi faites-vous cela ? Et j'ajoutai, un peu inquiète : - Je sais que vous vous êtes fait du mal ! Mais je vous dirai après comment je le sais.
Il répondit : - Eh bien ! Pendant que j'étais en bateau, il arriva une rafale soudaine ; la barre du gouvernail, brusquement rejetée sur moi, me frappa à la bouche, sous la lèvre supérieure ; j'ai beaucoup saigné et cela ne s'arrête pas.
Je lui dis alors : -Vous rappelez-vous l'heure qu'il était quand c'est arrivé ?
Et il répondit : - Il devait être environ sept heures.
Je lui racontai alors ce qui m'était arrivé à moi et il en fut fort surpris, ainsi que tous ceux qui se trouvaient à table avec nous.
Cela est survenu il y a trois ans environ, à Brantwood.
Joan B. Severn
Voici le récit d'un incident qui arriva à M. et Mme Arthur ; il a été obtenu grâce l'obligeance de M. Ruskin. Cet épisode est, suivant la règle de la S. P. R., dument authentifié par des témoignages concordants .
Autre cas
Un cas de clairvoyance, ou de télépathie à distance, me fut raconté par mon collègue, le professeur R. A. S. Redmayne, comme lui étant arrivé à l'époque où il était engagé comme prospecteur de mines dans un district éloigné de l'Afrique du Sud, ayant pour unique compagnon un ouvrier mineur de Durham. Voici l'abrégé de son récit.
Dans la mesure où ils pouvaient conserver la notion des semaines, les deux solitaires avaient coutume de se distraire en jouant le dimanche, au lieu de travailler ; mais un certain dimanche, l'ouvrier refusa de jouer disant qu'il ne se sentait pas disposé, car il venait d'avoir l'impression que sa mère était morte et qu'elle avait parlé de lui dans ses dernières heures, disant « qu'elle ne rêverait plus Albert ». Mon correspondant essaya de secouer la mélancolie de son compagnon, lui disant qu'il était matériellement impossible qu'aucune nouvelle récente n’ait pu lui arriver par des moyens normaux. Mais cet homme, s'obstinait dans sa conviction, et conformément aux traditions du pays du Nord, considérait comme naturel d'avoir ainsi été informé de cet événement. Quelques semaines après, la confirmation entière de ces faits arriva d'Angleterre, tant pour les dates que pour les circonstances ; les paroles prononcées par cette femme étaient bien celles que son fils absent avait « senties ».
Ces événements firent une impression profonde sur mon correspondant et diminuèrent son scepticisme à l'égard de la possibilité de ces faits étranges.
Je suis, heureusement en mesure de citer un récit confirmatif de cette relation car, peu après la vérification, le professeur Redmayne écrivit à son père ce qui lui était arrivé, et ce dernier m'envoya une copie certifiée conforme de la lettre.
Lettre du professeur Redmayne à son père
« Mgagane, Nr. Newcastle, Natal, 21 novembre 1891.
J'ai à vous raconter une chose curieuse et impressionnante. Il y a environ six semaines, Tonks me dit un matin : « Ma mère est décédée, Monsieur. Je l'ai vue de bonne heure ce matin, étendue morte sur son lit, avec les parents debout tout autour ; elle a dit qu'elle ne me rêverait plus jamais avant de mourir. » Je me mis à rire de lui et tournai la chose en ridicule ; il parut oublier tout cela ; il n'en fut plus question, mais Tonks m'avait demandé de noter la date de cet événement, et je n’en ai rien fait. Or, mercredi dernier, Tonks reçut une lettre de sa femme lui disant que sa mère était morte et enterrée depuis une semaine, qu'elle était morte un dimanche matin de bonne heure pendant son sommeil. Il y avait environ six semaines de cela. Enfin, avant de s'endormir, elle avait dit « que jamais plus elle ne rêverait Albert ». Il y a quinze jours environ, j'avais raconté à quelques personnes ce que Tonks m'avait dit, donnant cela comme exemple des superstitions des mineurs du Durham ; elles ont été très surprises quand, l'autre jour, je leur ai dit que le rêve s'était réalisé. Je ne rirai plus jamais de quoi que ce soit de ce genre.
Ce qui précède est extrait d'une lettre de mon fils, R A. S. Redmayne, lettre venant de Mgagane, Natal et datée du 21 novembre 1891. »
John M. Resmayne, 1er août 1902, Harewood, Gateshead.
Le professeur Redmayne eut aussi l'amabilité de me procurer un certificat du mineur en question, sous forme d'une copie de la lettre précédente suivie de cette note. L'extrait ci-dessus relate correctement ce qui m'est arrivé, à l'époque où je vivais au Natal, avec M. Redmayne.
Signé: Albert Tonks,
Date : 21 aout 9.901.
Témoin de la signature ci-dessus : N. B. Paddon, Seaton, Delaval.
Le rêve de Garibaldi lui annonçant la mort de sa mère à Nice tandis qu'il était au milieu du Pacifique, est un exemple historique du même genre de phénomènes .
Chapitre VI - Une télépathie appliquée. Un exemple de l’influence de la pensée moderne sur les anciennes superstitions
J'espère avoir montré clairement comment le fait de la transmission de la pensée - surtout du genre inconscient ou subliminal - nous met à même d'admettre comme possible la vérité d'un grand nombre d'événements qu’auparavant nous aurions pu taxer d'invraisemblance et d'absurdité. Car, en réalité, non seulement les apparitions de morts et les fantômes de vivants peuvent être ainsi expliqués à titre de tentative et hypothétiquement, mais encore, beaucoup d'autres phénomènes, semblent probablement destinés à trouver graduellement leur place dans un univers ordonné et intelligible, quand on les soumettra à cette analyse rationnelle. Je ne dis pas que le succès de cette méthode soit universel. Je crois qu'on l'a peut-être trop étendue ; il y a des choses que la plus grande extension ne saurait expliquer. Néanmoins, quand nous avons un fil conducteur, nous devons le suivre aussi loin que possible avant de l'abandonner, et nous allons par conséquent examiner autant de phénomènes que nous avons chance, au point où nous en sommes, de commencer raisonnablement à comprendre. Envisageons par conséquent ce sujet aussi rationnellement et physiquement que possible.
Par transmission de pensée, on entend la possibilité de communiquer d'esprit à esprit, par des moyens autres que les organes connus des sens : c'est ce que j'appellerais une liaison sympathique entre esprits ; j'emploie ce terme « esprit », dans son sens vague et populaire, sans définition nette. En ce qui concerne la signification de « liaison sympathique» prenons des exemples.
On constate souvent que deux leviers de fer, l'un reposant sur le sol, l'autre fixé à un poteau quelques centaines de mètres plus loin, sont unis sympathiquement, car lorsqu'un employé de chemin de fer déplace l'un d'eux d'un certain angle, le levier éloigné, ou le bras du sémaphore, tourne d'un angle pareil ; la perturbation a voyagé de l'un à l'autre par un moyen très évident de communication, c'est-à-dire un fil ou un câble de fer.
Un lecteur ignorant de la physique pourra penser que, dans ce cas, le mot « transmission » est une erreur de nom, puisque la connexion des mouvements est instantanée, mais il n'en est rien. Cette connexion est due à une impulsion qui voyage à une allure parfaitement définie et mesurée d'environ trois milles par seconde.
Quand on tire un bouton et qu'ensuite on entend retentir une sonnette on provoque un processus du même genre : la transmission de l'impulsion, dans chacun de ces cas, est communément considérée comme simple et mécanique. Ce n'est pas aussi simple qu'on le pense car nous sommes extrêmement ignorants de tout ce qui concerne la cohésion : pourquoi le bout d'un bâton remue-t-il quand on touche l'autre bout ? Personne, jusqu'ici, n'a pu nous le dire clairement.
Considérons, maintenant, un couple de diapasons, ou d'instruments de musique exactement semblables et isolés, tant l'un de l'autre que de tout corps solide, suspendus dans l'air, si l'on veut que l'on fasse vibrer l'un d'entre eux et l'autre répondra, c'est-à-dire, émettra la même note. Ce fait est connu en acoustique sous le non, de résonance sympathique ; c'est encore une perturbation qui, au travers du milieu, a voyagé de l'un à l'autre ; le milieu, dans ce cas, bien qu'intangible, nous est tout à fait familier, c'est l'air atmosphérique.
Suspendons ensuite deux aimants, en tous points semblables l'un à l'autre, et pouvant pivoter par exemple sur une pointe, à une certaine distance l'un de l'autre. Que l'on touche l'un des deux et qu'on le fasse osciller, immédiatement l'autre se mettra à osciller légèrement aussi. Une fois de plus, la perturbation a voyagé de l'un a l'autre, mais ici, le milieu, n'est pas facilement perceptible ; il n'est point solide, liquide ou gazeux, cela nous le savons. Est-il matériel ou non ? Cela dépend de ce que nous entendons par matériel ; d'autre part, avant qu'une réponse satisfaisante puisse être donnée, il est nécessaire d'avoir une plus grande somme de connaissances. Cependant, nous connaissons quelque chose du milieu opérant dans ce cas, et nous l'appelons l'éther, l’éther de l'espace.
Dans ces cas, l'intensité de la réponse varie rapidement avec la distance, et à une distance, suffisamment grande, cette réponse serait imperceptible.
On pourrait conclure hâtivement que c'est une conséquence naturelle des propriétés physiques du milieu interposé, un trouble physique ou mécanique mais ce n'est pas tout à fait cela.
Considérons un couple de téléphones convenablement reliés par des fils. Ils sont sympathiques et si l'un est frappé, l'autre reçoit un choc ; en langage populaire, ce que l'on dit : l'un est répété par l'autre, et la distance qui les sépare n'a pratiquement, aucune importance. En tous cas, il n'y a pas là une simple loi de raison inverse du carré, ni aucune loi de ce genre ; il y a un canal délimité transportant la perturbation de l'un à l'autre.
Le milieu réel de communication, je puis le dire, entre parenthèses est encore l'éther.
Prenez maintenant un miroir pouvant pivoter sur un axe et capable d'un léger mouvement. A une certaine distance, placez un instrument récepteur approprié, par exemple un cylindre de papier photographique et une lentille. Toutes choses étant convenablement disposées, si le soleil vient à frapper le miroir, son rayonnement pourra tracer une ligne sur le papier sensible à plusieurs milles de là et toute inclinaison donnée au miroir sera reproduite comme une couche sur la ligne. Cela peut s'obtenir à une grande distance ; aucun fil, ni quoi que ce soit de ce qu'on appelle communément « matériel » ne réunit les deux stations, rien, si ce n'est un rayon de soleil, un état particulier de l'éther.
Jusqu'ici, nous n'avons eu affaire qu'à la physique. Empiétons maintenant un peu sur le terrain de la physiologie. Prenez des cerveaux, aussi pareils que possible, appartenant par exemple à des animaux semblables ; placez-les à une certaine distance l'un de l'autre, sans moyens de communication perceptibles ou connus, et voyez s'il existe entre eux un lien sympathique quelconque. Excitez l'un et observez si l'autre répond d'une manière quelconque. Pour faire l'expérience commodément, le mieux est d'employer l'animal entier et non la cervelle seule. Il est alors facile d'exciter l'un des cerveaux par l'intermédiaire des organes sensoriels périphériques de l'animal et il serait peut-être possible de découvrir si quelque effet est déterminé dans l'un des cerveaux par une impulsion motrice, un mouvement musculaire qui se manifeste chez l'animal correspondant.
Autant que je sache, on a, jusqu'ici, expérimenté principalement sur l'homme ; cette méthode a certains avantages et certains inconvénients. Le plus grand avantage est que les effets moteurs traduits par la parole intelligente sont plus précis que ceux de simples mouvements par lesquels les animaux peuvent seulement manifester leurs impressions, qui restent toujours pour nous obscures et indécises.
Le principal désavantage est que le danger de la fraude consciente devient sérieux, beaucoup plus sérieux que lorsqu'il s'agit d'un animal moins rusé.
Naturellement, il ne s'ensuit pas de là qu'une expérience réussira avec un animal inférieur parce qu'elle a réussi avec l'homme mais, je le répète, je ne crois pas qu'on ait encore fait des essais autrement qu'avec l'homme.
Une manière d'expérimenter consisterait à pincer un individu, à lui faire du mal, et à voir si un autre individu ressentirait une douleur quelconque. Dans ce cas, il tressaillerait et se frotterait, ou bien exprimerait son mécontentement par la voix. Il y a deux variétés d'expériences : d'abord celle qui existe entre les deux sujets, un lien comme moyen de communication, comme par exemple quand ils se tiennent la main au travers d'une ouverture rembourrée, pratiquée dans une cloison qui les sépare et en second lieu, celle où l'on s'aperçoit aucun milieu intermédiaire, comme lorsqu'ils sont distants l'un de l'autre.
Au lieu de produire simplement une douleur d'une région quelconque de la peau, on pourrait stimuler le cerveau d'une autre manière, en excitant un organe sensoriel spécial, par exemple, celui du goût ou de l'odorat. Présentez au palais d'un sujet des substances nauséeuses ou agréables et demandez à la personne susceptible de recevoir l'impression, de décrire la substance que goûte le premier.
Des expériences de cette nature ont été décrites plus haut : elles ont donné d'assez bons résultats positifs. Mais je ne demande pas de créance à l'égard de faits spécifiques quant à présent, une étude sérieuse est nécessaire pour pouvoir faire la critique des faits. Ce que je m'attache à montrer, c'est que de telles expériences ne sont pas en elles-mêmes, absurdes, que ce sont des expériences qu'on devait faire, et que tout résultat obtenu, s'il est clair et bien défini, devrait être accepté par degrés, avec circonspection, qu'il soit positif ou négatif.
J'ai supposé, jusqu'ici, l'excitation appliquée aux nerfs du toucher ou plus généralement, de la peau ou du goût mais elle pourrait l'être également à ceux de l'ouïe, de l'odorat ou de la vue. Cependant, une expérience comprenant une excitation sonore ou olfactive n'a manifestement rien de « probant », à moins que la distance séparant les deux sujets A et B ne soit très grande mais une excitation visuelle peut volontiers être restreinte dans des limites d'espace étroites ; ainsi on peut tenir une image devant les yeux de A et demander à B s'il voit quelque chose et dans l'affirmative on lui demandera soit de le décrire, soit de le dessiner.
Si la peinture ou le dessin qu'on montre ainsi à A vient seulement d’être dessiné par l'expérimentateur responsable lui-même, s'il n'a pas un nom simple pouvant être transmis par des signes ; s'il n'est pas permis à A de toucher B ou de remuer pendant la durée de l'expérience, et s'il n'a jamais pu voir cette image auparavant ; si en interposant un écran, on peut être positivement sur qu'aucune radiation émanée de l'image n'a pu pénétrer dans les yeux de B ; si enfin, B déclare néanmoins qu'il « voit » cet objet, même obscurément, et s'il est capable de le dessiner, dans le profond silence de tous les intéressés, dans ce cas, alors je dirai que l'expérience est bonne.
Mais elle ne serait pas encore concluante, car il faut considérer ce que sont A et B. Si ce sont des gens qui vivent ensemble, et battent monnaie en s'exhibant, ou si de toute façon ils sont une paire de professionnels habitués à travailler ensemble, les expériences faites avec eux ne prouveront rien et je leur dénie toute valeur, car la ruse n'est en aucune manière une hypothèse improbable.
La ruse affecte une telle variété de formes qu'il serait oiseux de les discuter ; il est préférable d'écarter complètement cet aléa. C'est ce qu'on peut faire en employant des gens pris au hasard, placés dans des pièces auxquelles ils ne sont pas habitués. A la vérité, l'expérimentation devient ainsi beaucoup plus difficile, sinon tout à fait impossible : deux diapasons totalement différents ne peuvent se répondre. Deux personnes étrangères l'une à l'autre ne sont point habituellement sympathiques, dans le sens ordinaire du mot, et peut-être ne devrions-nous pas compter sur une réponse.
Néanmoins, l'expérience doit être tentée et si l'on trouve que B est capable de répondre non seulement à A, mais encore à A2, A3, et à d'autres agents qui lui sont complètement étrangers, et ce, dans les conditions brièvement signalées ci-dessus, l'expérience peut être regardée comme satisfaisante : je suis en mesure d'affirmer que de telles expériences satisfaisantes ont été faites.
Mais le pouvoir de répondre ainsi à des influences émanées de personnes étrangères, ne nous apparaît pas comme une faculté répandue ; le nombre des sujets capables de réagir efficacement comme B est en apparence, très limité mais je n'avance ceci que sous toutes réserves, étant donné le peu de gens qui ont été, jusqu'ici, examinés sérieusement. C'est fort probablement, une question de degrés : toutes les nuances de sensibilité se rencontrent, depuis, pour ainsi dire de zéro jusqu'à une valeur considérable.
Il est nécessaire de faire plus d'expériences ; elles ne sont pas difficiles à tenter, et l'on peut y introduire une variété suffisante, pour empêcher les observations d'être trop déplorablement monotones, car j'avoue qu'elles le sont.
Avant de les considérer comme satisfaisantes ou de les publier, il serait utile d'avoir recours à l'assistance d'un observateur exercé, qui soit à même de suggérer de plus strictes précautions ;
mais au début, il n'y a probablement pas de mal a choisir les conditions les plus faciles.
On obtiendra vraisemblablement plus de résultats avec des personnes familières l'une à l'autre qu'avec des étrangers ; les personnes qui éprouvent une sympathie réciproque, qui sont habituées à ce que l'une s'imagine connaître ce que l'autre pense, à dire simultanément les mêmes choses, tout ce qui concerne les vagues traditions du même genre qui se rencontrent dans beaucoup de familles, ces personnes, dis-je, seraient des sujets de choix pour débuter, jusqu'à ce que l'expérimentation en décide autrement. La faculté A semble être assez répandue, mais la faculté B, autant que je sache, est assez rare, tout au moins à un degré remarquable de développement.
La coutume veut qu'on appelle A l'agent, et B le percipient mais on peut faire à ces noms quelques objections.
Le mot agent suggère activité or, qu'une activité consciente soit nécessaire, c'est là une tout autre question. On pourrait employer les expressions d'expéditeur et de récepteur mais, elles se heurteraient à des objections similaires ou peut-être plus graves. Quant à présent, nous emploierons les termes de A et de B, qui n'impliquent aucune hypothèse.
A peut être comparé au microphone transmetteur d'un téléphone et B à l'appareil récepteur. A est le diapason ou l'aimant qui vibre et B est l'instrument secondaire qui répond au premier. A est le miroir réfléchissant, B le papier sensible.
Mais il faut remarquer que, dans tous les cas mentionnés jusqu'ici, une troisième personne est présente : l'expérimentateur, C ; A et B sont considérés comme de simples outils, des instruments, clés appareils, avec lesquels C expérimente.
Tous deux sont passifs jusqu'à ce que C arrive et excite les nerfs de A, en le pinçant, en lui faisant goûter quelque chose ou en lui montrant des dessins ou des objets. B est alors supposé répondre à A. On peut objecter que c'est réellement à C qu'il répond tout le temps. Sans aucun doute il peut en être parfois ainsi, et c'est une éventualité distincte à retenir. Si quelque chose, que C regardait inconsciemment, était décrit par B au lieu de l'objet placé devant A, il semblerait que l'expérience soit manquée : dans un domaine de recherches aussi nouveau, bien des possibilités analogues doivent se présenter à l'esprit.
Je veux aller plus loin maintenant et montrer que C n'est pas indispensable. Sa présence n'est pas le moins du monde une aide et jouerait plutôt un rôle d'obstruction, même s'il est d'un caractère sérieux et bien intentionné mais, si, en outre, d'irresponsables spectateurs, D, E, F, sont là, à bavarder et à s'agiter, ou simplement assis en silence et pensant, on se trouve dans de mauvaises conditions ; on ne peut jamais être sur de ce que fait F, par exemple : peut-être ne fait-il que des farces. Une expérience conduite en présence d'une assistance nombreuse est, au point de vue scientifique, sans utilité.
Toutes les fois que j'emploie l'expression « Transmission de pensée », je n'ai jamais en vue quoi que ce soit d'analogue à un spectacle public, qu'il s'agisse de gens sincères ou d'imposteurs. La race humaine est ainsi constituée que de tels spectacles ont leur valeur : ils incitent les autres à faire aussi des essais mais scientifiquement parlant ces représentations publiques, en elles-mêmes, sont inutiles, excepté lorsqu'elles sont d'un ordre suffisamment élevé, comme dans le cas des Zancigs ; elles contribuent souvent à discréditer un phénomène en étant cause qu'il soit enveloppé d'un mépris à demi légitime.
J'ai bien peur que certaines exhibitions d'hypnotisme soient plus mauvaises qu'inutiles, en ce sens qu'elles sont faites non pour le progrès de la science, mais pour montrer, encore et toujours, des choses bien connues, non pas seulement à des gens d'étude, mais à une foule de badauds oisifs.
Revenons à A et B : supposons qu'on les a laissés seuls, sans être stimulés par une tierce personne ; A peut combiner les fonctions de C avec les siennes propres et se stimuler lui-même. Il peut très bien regarder une peinture ou une carte à jouer, ou goûter une substance, ou encore simplement penser à un nombre, à une scène, à un événement, et pour ainsi dire, garder avec intersites dans son esprit ces impressions. Il peut arriver que B soit capable de décrire la scène à laquelle A est en train de penser, parfois, avec un mélange d'erreurs, ou tout au moins d'impressions.
L'expérience est, au fond, la même que dans les cas dont il a été question plus haut, et peut être excellente ; le seul côté faible en est que, dans ces circonstances, tout dépend du témoignage de A et l'on ne croit pas toujours ce que dit A.
Après tout, c'est là, une incapacité qu'il partage avec C ; en tous cas, il peut se convaincre lui-même par ces expériences, si elles réussissent.
Faisons encore un pas en avant. Supposons que A et B ne pensent pas du tout à expérimenter ; qu'éloignés l'un de l'autre, ils vaquent à leurs occupations ordinaires, y compris le sommeil, et tous les autres états, actifs et passifs, des vingt-quatre heures. Supposons, cependant, qu'ils ne sont point étrangers l'un à l'autre, mais parents ou amis intimes. Admettons maintenant, que A soit stimulé par une impression très vive, qu'il tombe d'une falaise, soit renversé par un cheval, fasse une chute dans l'eau, devienne gravement malade, ou enfin subisse quelque violente émotion admettons même qu'il soit à l'article de la mort.
Si le lien de sympathie que j'ai supposé existe réellement entre les individus, si une excitation minime provoquée par un tiers peut, ne fut-ce qu'a un très faible degré, se transmettre de l'un à l'autre, n'est-il pas concevable, n'est-il même pas probable que la stimulation violente dont A sera l'objet pourra déterminer chez B, quoique inattentif ou même occupé à d'autres choses, un écho, une répercussion, une réponse, et être cause qu'il sera plus ou moins averti de la souffrance ou de l’émotion de A ? Si B est affairé, absorbé ou se livre à une occupation active, il peut ne rien remarquer. Mais s'il est calme, inoccupé, pensif, somnolent ou endormi, il peut s apercevoir de quelque chose, et en avoir conscience. Peut-être n'éprouvera-t-il qu'un sentiment vague et général de dépression ou bien il pourra associer ce sentiment à A d'une manière précise ou il aura la notion plus distincte de ce qui est arrivé et criera que A est tombé ou a été victime d'un accident, qu'il s'est noyé, qu'il est malade ; il pourra encore avoir un rêve particulièrement frappant, dont il demeurera troublé longtemps après son réveil, et il en parlera à plusieurs personnes ou l'écrira ; ou bien il pensera qu'il entend la voix de A ou enfin, il évoquera dans son imagination, une image tellement vivante de A, qu'il en arrivera à persuader, à lui-même et aux autres, que ce dernier lui est réellement apparu ; tantôt, ce fantôme sera sans signification précise, tantôt il se placera dans une scène, vision ou peinture, assez exacte de ce qui survient réellement, ailleurs, au même moment.
La S. P. R., avec une persévérance et une activité admirables, a entrepris et mené à bien l'oeuvre ingrate de collectionner et de passer au crible une grande masse de témoignages relatifs à des phénomènes de la nature de ceux auxquels j'ai fait allusion ; elle en a publié un certain nombre dans deux forts volumes, sous le titre de Phantasms of the Living. Des témoignages nouveaux se produisent chaque mois ; ils sont si nombreux, certains d'entre eux si bien établis, qu'ils renversent le scepticisme de ceux dont la patience n'a pas reculé devant la pénible étude de cette matière. Ces preuves déterminent la croyance, mais elles ne sont pas encore assez abondantes pour permettre des inductions justifiées.
Je ne peux me porter garant de ces faits, comme je l'ai fait pour les simples expériences où j'ai joué le rôle de C. La démonstration des cas de transmission de pensée, spontanés ou involontaires, doit évidemment dépendre des déclarations tant de A et de B, que d'autres personnes de l'entourage de A et de B ; ils doivent être appuyés par les nouvelles des journaux contemporains, telles que la nécrologie du Times, et d'autres documents du passé, relatifs aux circonstances de fait, quand on peut en trouver et qu'ils sont dignes de confiance.
Je n'hésite pas, d'ailleurs, à déclarer que les témoignages recueillis ont assez de poids pour me satisfaire ; pour moi, aucun doute n'existe sur la réalité de ces phénomènes ; la distance qui sépare l'Angleterre et l'Inde n'est pas un obstacle à la communication sympathique entre les intelligences, par des voies qui, actuellement, nous échappent ; la touche d'un appareil télégraphique manipulée à Londres détermine, dans un appareil semblable, une réponse à Téhéran - ainsi que cela se présente journellement - de même, des événements tels que le péril ou la mort d'un enfant, d'un père, d'un époux peuvent être signalés sans le secours du fil ou de l'employé du télégraphe, au cœur d'êtres humains adaptés a la réception de pareils messages.
Nous appelons ce phénomène télépathie, sympathie à distance : nous ne le comprenons pas. Quel est le milieu par lequel se fait la communication ? Est-ce l'air, comme pour le diapason, l'éther, comme pour l'aimant ? Est-ce quelque chose de non physique ? Et d'exclusivement psychique ? Personne encore ne peut le dire. Il faut que nos connaissances soient poussées beaucoup plus loin, avant de pouvoir répondre a cette question, et peut-être même, avant de savoir avec certitude si elle a ou n'a pas de sens.
L'attitude scientifique qu'il convient, sans aucune espèce de doute, de prendre, après avoir été forcé d'admettre le fait, est de supposer un milieu physique, et de découvrir, si possible, ce milieu et ses propriétés ; lorsqu'on n'y aura pas réussi, le moment de formuler des hypothèses nouvelles viendra.
En attendant, il est clair que la télépathie nous frappe, comme étant la manifestation spontanée de cette intercommunication d'esprit à esprit (ou de cerveau à cerveau) que, faute d'un oeil leur nom, nous appelons transmission de pensée. Nous avons peut-être tort de la considérer comme telle, mais en tant qu'hommes de science, c'est ainsi que nous sommes obligés de l'envisager, à moins que la force des preuves accumulées ne nous contraigne à prendre une position en apparence moins tenable.
Cette opinion est fortifiée par ce fait que les impressions se produisent spontanément, peuvent être imitées artificiellement ou expérimentalement par des essais conscients faits pour les reproduire. On connaît des individus qui, par un effort de volonté, peuvent agir sur le cerveau d'une autre personne, à une distance modérée - par exemple dans une autre partie de la même ville, ou même à une grande distance - au point que cette seconde personne s'imagine entendre lin appel ou voir un visage.
On appelle ces faits des apparitions expérimentales, et ils semblent bien démontrés. Ces expériences ont encore besoin d'être répétées ; elles exigent, évidemment, de la prudence, mais ce sont des éléments de preuve de grande valeur, qui doivent apporter un tribut considérable à l'étude de la psychologie expérimentale.
Quelle est la signification de ces résonances inattendues, de ces répercussions syntoniques entre intelligences ? Doit-on penser que c'est la le germe d'un sens nouveau, quelque chose que la race humaine, dans le cours de son évolution, serait destinée à recevoir, un jour, dans une plus forte mesure ? Ou bien, est-ce le reste d'une faculté possédée par nos ancêtres animaux avant l'existence du langage ?
Je n'ai pas le désir d'importuner par des spéculations, et pourtant je ne peux répondre à ces questions que par leur moyen. Je ne veux affirmer rien, sinon ce que je crois être des faits solides et vérifiables.
Qu'on me permette, toutefois, d'indiquer que cette communion réciproque des intelligences, que ce fait d'exciter dans le cerveau B une pensée émanée de A, est, après tout, un processus ordinaire et connu. Nous possédons une quantité de mécanismes bien réglés pour le rendre possible. La race humaine a dépassé de beaucoup les animaux dans le développement de ces mécanismes, et l'homme civilisé est allé plus loin que le sauvage. Il est donc concevable qu'en développant ainsi ce mécanisme, nous avons commencé à perdre la forme spontanée et vraiment simple de cette faculté mais visiblement elle existe chez nous avec son mécanisme.
Je confie, tout bas, un secret à A, et, très peu de temps après, je constate que B en est parfaitement informé : ce fait se produit parfois. Probablement, il s'est réalisé d'une manière que nous avons coutume de considérer comme très ordinaire A l'a dit à B. Cependant, quand on en vient à analyser le processus, on s'aperçoit qu'il n'est pas du tout aussi simple. Je ne veux pas entrer dans des détails fastidieux mais si on se rappelle que ce qui transportait la pensée étaient les impalpables compressions et dilatations d'un gaz, et que, dans le cours de la transmission, la pensée a existé pendant une durée finie de temps dans cette condition curieuse mécanique intermédiaire, on aura quelque idée de l'énigme qu'est cette opération. Je ne suis pas sûr que nous devions admettre la sympathie directe entre deux intelligences, sans ce processus mécanique, comme étant réellement le moyen le plus simple et direct pour le transport d'une idée. Cependant, toute espèce de dualisme déplaît quand on le pousse assez loin, et je ne veux pas, en ce moment, rechercher s'il y a une antithèse réelle et essentielle entre l'esprit et la matière, entre l'idée et son moyen de transmission.
Passons à une autre comparaison.
Révélez un secret à A, en Nouvelle-Zélande puis, découvrez que, fort peu de temps après, B, à Saint-Pétersbourg, en est informé, sans que ni vous ni lui n'ayez voyagé. Comment cela a-t-il pu arriver ? Pour un sauvage cela ne serait pas possible, et lui semblerait mystérieux. En réalité, c'est mystérieux. L'idée a existé pendant quelque temps sous la forme de traits noirs sur un morceau de papier, qui a voyagé entre les deux endroits. Un transport de matière s'est produit, et non une vibration aérienne ; le morceau de papier, tenu en face des yeux de B, éveille en lui l'idée de la connaissance du fait que vous aviez communiqué à A.
Un transfert matériel n'est pas toutefois nécessaire : aucune matière ne coule le long des fils télégraphiques, et l'air n'est pas troublé par le courant électrique mais la transmission de la pensée à travers un milieu éthéré (avec ou sans l'aide d'un fil télégraphique ou téléphonique) est un fait accompli, bien qu'il eut fort étonné nos ancêtres du siècle dernier. Et encore, ce n'est pas réellement une chose nouvelle ce qui est nouveau, c'est seulement la distance à laquelle on opère et la perfection du procédé. Nous possédons tous, dans notre oeil, un appareil récepteur pour les phénomènes éthériques. Le vieux système de signaux sémaphoriques, comme la méthode héliographique, sont réellement une utilisation de l'éther pour cette sorte de transmission de pensée. Beaucoup d'indications, parfois importantes, peuvent être données par un clignement d'yeux ou un signe de tête, ou même par un regard. Ce sont aussi là des messages envoyés à travers l'éther. L'oeil est impressionné par des perturbations voyageant dans ce milieu, et par elles seules.
Maintenant, fermez les yeux, bouchez-vous les oreilles, ne transmettez aucune substance matérielle, interposez une distance suffisante pour empêcher tout contact indicateur. Dans de pareilles conditions, la pensée ou les idées peuvent-elles encore être transmises ? L'expérience répond qu'elles le peuvent. Quant à la nature du milieu intermédiaire, et à la manière dont le processus s'accomplit, il appartient à des recherches futures de l'élucider.
Nous avons réduit à deux nos trois individus primitifs ; nous pouvons même réduire ces deux derniers à un seul. Il est possible de combiner en apparence les fonctions A et B chez un seul individu. Une certaine habitude semble être nécessaire pour cela, et c'est un curieux état de choses. Cette pratique paraît aidée par la fixation d'un globe de verre ou de cristal, ce qui détermine probablement un léger degré d'auto-hypnotisme. Alors on a des visions, on reçoit des impressions, ou la main travaille inconsciemment, comme si une partie du cerveau faisait des signaux à une autre partie, et que le sentiment de l'identité fut endormi ou dissocié pour quelque temps. Mais, dans ce cas de soi-disant écriture automatique, de vision dans le cristal, de discours à l'état de trance, de clairvoyance et autres semblables, sommes-nous sûrs qu'il s'agisse des facultés de A et de B ? Et, dans l'affirmative, savons-nous si le sujet qui est devant nous agit comme tous les deux ? Je n'en suis pas sûr, et j'en doute fort dans certains cas. Il est possible que le clairvoyant réponde à quelqu'intelligence universelle inconnue, dont lui-même serait une partie : l'agent véritable ne serait ni lui, ni aucune autre personne vivante. On doit donc tenir compte de cette possibilité dans les cas ordinaires de transmission de pensée apparente.
Faisons un pas de plus. Supposons que je trouve un morceau de papier couvert de signes ; je puis deviner que ces signes ont été faits dans un but déterminé, mais ils ne sont pour moi que des hiéroglyphes inintelligibles ; je l'apporte à diverses personnes, en leur demandant de l'examiner mais, il ne provoque chez elles aucune réponse. Leur compréhension ne dépasse pas celle d'un sauvage. Pourtant l'une d'elles fait exception ; un homme à qui je montre mon papier possède la faculté perceptive, pour ainsi dire ; il entre dans une violente agitation ; il commence à chanter, se précipite sur une chose fabriquée avec du bois et de la corde à boyau et remplit l'air de vibrations. Et maintenant, les autres peuvent apprécier un peu à leur tour le sens des signes : le morceau de papier était un manuscrit perdu de Beethoven.
Quelle sorte de transmission de pensée est-ce là ? Ou est le sujet A duquel émanent les idées originales ? Il est mort depuis des années ; sa pensée fossilisée est demeurée latente dans la matière ; il n'était besoin que d'une intelligence sympathique et instruite pour la percevoir, la faire revivre et en faire le bien commun du monde. Appellerai-je cela une idée ? Mais ce n’est pas seulement une idée ; il peut y avoir là tout un monde d'informations emmagasiné dans la matière et prêt à être mis en lumière comme par une détente. Action de l'esprit sur la matière, réaction de la matière sur l'esprit. Ces faits sont-ils donc eux aussi des banalités vulgaires ?
S'il en est ainsi, qu'y a-t-il d'impossible ?
Voici une chambre où une tragédie s'est accomplie, où l’esprit humain a vibré dans l'angoisse la plus poignante. N'existe t-il plus, de cette agonie, une trace qui soit encore présente et puisse être perçue par une intelligence réceptive, accordée au même diapason ? Je n'affirme rien, sinon que cela n'est pas inconcevable. Si le fait se produit, il peut prendre beaucoup de formes : on éprouvera une inquiétude mal définie, on entendra des bruits imaginaires, on aura des visions vagues, ou peut-être un rêve, une représentation de l'événement, tel qu'il s'est passé. Qu'on ne s'y méprenne pas : je ne considère pas ces faits comme aussi démontrés que certains des autres phénomènes dont j'ai parlé. Cependant, la croyance a leur réalité peut s'imposer à nous, et on sent déjà que leur allure de superstition disparaît. Ils prendront leur place, s'ils sont vrais, dans un univers coordonné, à côté d'autres faits non sans rapports avec eux, et qui sont actuellement bien connus.
Il y a aussi les reliques, est-il croyable qu'une relique, une mèche de cheveux, un vieux vêtement, puissent conserver quelque trace d'un ami défunt, représenter une partie de sa personnalité ? N'en est-il pas ainsi pour une lettre ancienne ? Pour une peinture, nous l'appelons l'œuvre d'un vieux maître. Certes, beaucoup de la personnalité du vieux maître peut être ainsi conservé. L'émotion ressentie en regardant ses toiles n'est-elle pas une sorte de transmission de la pensée du mort ? Un tableau diffère d'un morceau de musique en ce que la pensée y est, pour ainsi dire, constamment incarnée ; elle est là visible pour tous, compréhensible pour quelques-uns seulement.
La musique doit être incarnée, elle peut être exécutée comme on dit ; on peut alors l'apprécier. Mais toujours l'assistance d'une intelligence harmonique est nécessaire, et dans un certain sens, ces choses sont de la transmission de pensée différée. Elles peuvent être comparées à de la télépathie qui ne s'étend pas sur des distances de l'espace, mais qui persiste à travers les périodes du temps .
Pensez à toutes ces grandes choses, et ne soyez pas injustement sceptique à l'égard des petites. Il faut toujours garder l'attitude d'un investigateur pénétrant, et dans cette mesure conserver le sens critique ; ayez autant de scepticisme que vous voudrez, c'est non seulement légitime, mais encore nécessaire. Le scepticisme que je repousse est, non celui qui met sévèrement en doute et vérifie rigoureusement, mais celui qui affirme avec assurance et nie à priori. Ce n'est d'ailleurs pas là le vrai scepticisme, au sens propre du mot, car il empêche les recherches et défend l'examen ; il est trop affirmatif au sujet des bornes de la science et du point ou commence la superstition.
Fantômes, rêves et revenants, visions dans le cristal, prémonitions, clairvoyance, est-ce là le domaine de la superstition ? Oui, jusqu'à présent, mais il est possible que ce soit aussi le domaine des faits. Au point de vue de l'effort à faire pour y croire, ce sont des bagatelles, comparées aux choses avec lesquelles nous sommes déjà familiarisés ; elles nous sont justement trop familières ; c'est ce qui nous empêche de les apprécier comme elles devraient l'être.
L'ensemble de nos connaissances, notre existence, sont enveloppés de mystère : les choses les plus banales sont elles-mêmes pleines de merveilles ; l'objet de la science est de soumettre les forces de la superstition et de les enrôler au service du vrai savoir. Quand cette oeuvre sera accomplie, certaines de ces forces, j'en suis sur, deviendront les alliées de la cause sacrée de la religion elle-même.
Section III – Télépathie spontanée et clairvoyance
Chapitre VII – Les apparitions considérées à la lumière de la télépathie
Les faits de télépathie ayant été expérimentalement établis par un nombre considérable d'expériences entreprises par différentes personnes, il nous reste à étudier plus complètement son importance et sa signification.
La télépathie signifie l'action en apparence directe d'une intelligence sur une autre, par des moyens inconnus de la science. Il est prouvé maintenant qu’une pensée, une image, une impression, une émotion, existant dans l'esprit d'une personne, peuvent éveiller Une impression similaire dans l'esprit d'une autre personne, suffisamment sympathique et ayant assez de loisirs pour surveiller et enregistrer l'impression. Le mécanisme par lequel cela se produit est encore inconnu ; on ne sait même pas s'il y a dans ces faits quoi que ce soit qui puisse être comparé à un mécanisme physique. Les apparences font supposer une action directe d'esprit à esprit, ou de cerveau à cerveau, indépendamment des nerfs habituels, des muscles, et des organes des sens.
Ce fait seul - une fois admis - permet d'expliquer, au moins d'une manière plausible et à titre d'essai, un grand nombre de phénomènes énigmatiques notamment, il donne la possibilité de comprendre les phénomènes d'apparitions et d'hallucinations de toute espèce, aussi bien de la vue que de l'ouïe et du toucher. Il a spécialement l'avantage de réduire à l'absurde la difficulté rudimentaire que l'on soulève à propos des vêtements et accessoires des Esprits, puisqu'il est naturel qu'une impression mentale représente une personne déterminée dans son entourage habituel, quoiqu'il puisse s'y présenter des circonstances inattendues, comme cela arrive justement dans les rêves ordinaires.
Le mot hallucination, appliqué aux apparences fantômatiques en général, a été critiqué dans son emploi pour désigner certaines de ces apparitions ; on lui reprochait de vouloir signifier, ce qui a souvent été représenté comme une erreur, qu'il n'y a pas de réalité objective sous-jacente à l'apparition.
Il est, cependant, admis que certaines apparitions peuvent être et sont, à n'en pas douter, véridiques, c'est-à-direqu'elles disent la vérité, en ce sens qu'elles correspondent à quelque événement réel, à quelque émotion forte, due peut-être à un accident survenu à la personne éloignée dont l'image est apparue, ou à sa maladie ou même à sa mort.
Elles correspondent donc à quelque chose d'objectif et de réel, comme l'image réfléchie par un miroir correspond à une réalité objective, et en est la preuve véridique. Quant à la question de la substantialité des fantômes, elle demande de nouvelles recherches. Hypothétiquement, elle peut varier avec les circonstances de chaque cas cependant il n'est pas prudent, sans preuve spéciale, de supposer que ces phénomènes ne sont pas simplement psychologiques.
L'application de la photographie aux fantômes visibles et à d'autres qui sont invisibles, mais que les clairvoyants, dit-on, peuvent percevoir, est encore une question ouverte jusqu'ici aucune preuve photographique ne m'a paru concluante. En cas de succès, la photographie démontrera que l'impression n'était pas seulement mentale, mais que l'éther de l'espace a subi également une modification définie, de telle sorte que l'impression a probablement été reçue par l'appareil optique de l'oeil, et a été transmise au cerveau par les voies ordinaires. Cela ne prouverait pas sa matérialité, puisqu'il est très facile de photographier une image virtuelle formée par un miroir. Cependant, des photographies authentiques marqueraient une avance sur la télépathie, elles établiraient la réalité d'une variété de ce qu'on appelle les phénomènes physiques. Il existe assurément un tres grand nombre de témoignages à l'appui de phénomènes physiques de ce genre, techniquement supra-normal ; jusqu'a présent ils n'ont pas justifié leur droit à être acceptés d'une manière aussi claire et aussi positive que la télépathie.
Mais, en ce moment, nous n'avons pas à nous occuper des phénomènes physiques. Nous n'éprouvons pas le besoin de supposer qu'une apparition ait quelque réalité objective ou physique. C'est peut-être seulement une impression dans l'esprit du percipient, analogue à l'image ou à l'impression déterminées chez une personne lorsqu'une autre s'efforce de lui transmettre l'image d'un objet. Nous pensons que des faits observés dans des expériences faites de propos délibéré peuvent quelquefois survenir d'une manière inconsciente. Nous ne sommes pas sûrs au fond que la conscience ou la volonté de l'agent y soit pour quelque chose ; nous ne savons pas comment le transfert est effectué, et il se pourrait bien que ce fut entièrement une affaire de subconscience. Dans ce cas, l'émotion éprouvée par une personne, même éloignée, peut déterminer un écho ou une répercussion dans l'esprit d'un parent ou d'un étranger « sympathique », sans que, pour cela, l'agent ait, le moins du monde, conscience de ce qui s'est produit, ni le percipient la plus faible idée de la marche du phénomène. Celui-ci pourra penser que l'impression produite sur son esprit est réelle, et n'être désabusé que s'il essaye de toucher cette apparence ou bien il se rendra compte que ce qu'il perçoit n'est pas plus réel qu'une image reflétée dans un miroir et même moins réel et cependant, il pourra se sentir certain que cela correspond à une réalité psychique quelconque existant quelque part.
Dans ce cas, l'impression est dite véridique, ou disant vrai parce qu'elle transmet une information réelle, bien qu'elle le fasse d'une manière fantasmagorique ou irréelle. Les hallucinations ne sont peut-être pas nécessairement irréelles dans tous les cas : c'est la matière à recherches futures, mais assurément, on déblaiera le terrain en les considérant comme telles, pour commencer.
Fantômes
Les exemples d'apparitions de personnes vues par leurs parents ou des proches, à l'époque de leur mort, sont si nombreux qu'il est presque inutile d'en citer ici. Les publications de la S. P. R. et le livre intitulé Phantasms of the Living en sont remplis ; dans la plupart des réunions il s'en trouve, parmi les personnes présentes, quelques-unes qui ont connaissance de cas de cette espèce survenus dans leur propre famille.
Le scepticisme qui entoure ce sujet est sans doute en partie du aux difficultés inévitables auxquelles on se heurte si ces apparitions sont considérées comme des réalités objectives. En admettant qu'un être humain puisse apparaître ainsi, l'apparition de ses vêtements et des plus simples accessoires devient chose embarrassante à expliquer. Parfois de semblables formes ont été vues accompagnées d'animaux, ou bien avec leur entourage comme légèrement esquissé, par exemple une partie de navire dans le cas d'un marin. Toutes ces difficultés disparaissent si l'on comprend que la vision est une impression mentale produite par un agent psychique, véridique en ce sens qu'elle correspond plus ou moins exactement à la réalité, mais subjective, parce qu'il n'y a point de présence corporelle. C'est sur l'admission d'une théorie rationnelle de ce genre que la S. P. R. a été fondée : l'espoir de découvrir pareillement un élément de sens commun au fond d'une foule de légendes populaires a du donner à ces pionniers l'impulsion nécessaire pour la fonder. De toute façon, c'est la théorie qu'ils avaient adoptée : toutes ces apparitions étaient supposées dues a une action télépathique émanée du défunt, et furent appelées Phantasms of the Living (Fantômes des vivants).
Voici l'extrait du rapport de l'un des comités :
Des témoignages probants attestent que des clairvoyants ont vu et décrit des incidents triviaux, sans intéret pour eux, et même des scènes dont les acteurs, bien qu'existant réellement, leur étaient complètement étrangers ; de tels cas paraissent devoir être rapprochés de ceux ou ils décrivent simplement des endroits ou des objets, dont il est difficile de croire que l'idée leur a été transmise par quelqu'un. Encore une fois, les apparitions au moment de la mort - bien que le fait de mourir implique suffisamment l'existence d'émotion et de trouble dans une intelligence - ont été souvent aperçus, non seulement à l'état normal par des parents ou des amis, qui, naturellement, sont intéressés à l'événement, comme dans le cas envisagé ci-dessus, mais par d'autres observateurs qui n'y avaient aucun intéret personnel.
Pour obtenir des témoignages sur ces faits, nous avons du compter sur la coopération du public, et nous avons recherché de tous côtés des dépositions loyales que nous avons soumises à un contrôle sévère, ne nous déclarant pas satisfaits tant que, par des enquêtes, par des interrogations contradictoires, et par l'examen des relations contemporaines de tous ordres nous n'avions pas acquis la certitude - autant qu'il est humainement possible de l'avoir - que nos témoins ne mentaient pas ou qu'ils n'avaient pas trop recours à leur imagination, mais au contraire que l'événement s'était produit à peu près comme ils l'avaient, à l'époque, raconté ou noté.
« Fantômes des mourants » serait une meilleure dénomination pour ces cas si nombreux d'apparitions ou d'hallucinations véridiques. Quelle qu'en soit la cause, le fait de leur existence a été solidement établi ; il existe une concordance, indépendante du hasard, entre des apparitions transmettant l'impression de la mort inattendue ou de la maladie d'une personne éloignée et le fait actuel ; l'information est, de cette manière, communiquée à distance à un percipient, par une sorte d'activité mentale en apparence inconsciente, et par des moyens encore inconnus.
Exemples résumés
Comme exemple d'une vision accompagnée d'accessoires appropriés, je puis donner ce cas, rapporté plus longuement dans les Proceedings . C'est l'histoire d'un ouvrier écossais, fort dévoué et très aimé, qui apparut à son patron dans un rêve extraordinairement vivant ; l'ouvrier se montra avec un visage d'une couleur bleu pâle indescriptible, avant au front des tâches ressemblant à des gouttes de sueur ; à plusieurs reprises, il répéta avec chaleur qu'il n'était pas l'auteur de ce dont on l'accusait. On lui demanda de quoi il s'agissait ; il répliqua d'un ton impressionnant : « Vous le saurez bientôt. » Presque immédiatement après, on apprit la nouvelle du suicide de cet homme. Mais le patron, sur la foi de la vision, était certain que cet homme, bien que mort, n'avait pas commis le suicide et il le déclara. La vérité de cette conviction fut bientôt démontrée : l'ouvrier avait bu par erreur une bouteille contenant de l'acide nitrique. Plus tard, le patron constata que les apparences vues par lui sur le visage de l'apparition, étaient bien les symptômes propres à l'empoisonnement par ce liquide.
Un autre cas de vision avec plus de détails circonstanciés est communiqué par le docteur Hodgson ; on peut le résumer ainsi :
Le matin du 24 octobre 1889, son mari étant allé au travail et ses enfants à l'école, Mme Paquet, éprouvant un malaise, se faisait du thé, quand, soudain, elle eut une vision : son frère Edmond Dunn était à quelques pas devant elle. Voici la suite de son récit.
« L'apparition se tenait debout, me tournant le dos, du moins en partie, et elle était en train de tomber en avant, en s'éloignant de moi, entrainée en apparence par deux cordages, ou une boucle de corde, qui la tiraient par les jambes. Cette vision ne dura qu'un moment, disparaissant par-dessus un garde-fou élevé ou un plat-bord ; mais ce fut très distinct. Je laissai échapper le thé, et, mettant les mains sur ma figure, je m'écriai : « Mon Dieu ! Edmond s'est noyé ! »
A 10 heures et demie du matin environ, mon mari reçut un télégramme de Chicago, lui annonçant que mon frère s'était noyé. Quand il revint à la maison, il me dit : « Edmond est malade à l'hôpital de Chicago, je viens de recevoir un télégramme ! » A quoi je répliquai : «Edmond s’est noyé ; je l'ai vu tomber par-dessus bord ! » Et je lui fis une description détaillée de ce que j'avais vu. Je déclarai que mon frere, tel que je l'avais vu, était tête nue ; il portait une lourde chemise bleue de marin, il n'avait pas de veste ; il avait passé par-dessus un garde-fou ou un plat-bord. J'avais remarqué que le bas de son pantalon était assez relevé pour montrer la doublure blanche intérieure. Je décrivis aussi l'aspect du bateau à l'endroit d'où mon frère en était tombé.
Je ne suis pas nerveuse, et jamais, ni avant, ni depuis, je n'ai éprouvé quoi que ce soit d'analogue à ce qui vient d'être raconté. Mon frère n'était pas sujet aux évanouissements ni au vertige.
Agnès Paquet.
Déclaration de M. Paquet
« Le 24 octobre 1889, vers 10 h. 30 du matin, je reçus de Chicago un télégramme annonçant que mon beau-frère Edmond Dunn s'était noyé à 3 heures le matin même. Je rentrai directement à la maison et, voulant atténuer l'effet de la triste nouvelle que j'avais à communiquer à ma femme, je lui dis : « Edmond est malade à l'hôpital de Chicago ; je viens de recevoir un télégramme. » Elle me répondit : « Edmond s'est noyé ! Je l'ai vu tomber par-dessus bord. » Et elle me décrivit l'aspect et le costume de son frère, tels qu'on peut le lire dans son récit, ainsi que l'apparence du bateau, etc.
Je partis immédiatement pour Chicago, et aussitôt arrivé, je constatai que l'aspect de la partie du bateau décrite par ma femme était bien tel qu'elle l'avait décrit, quoiqu'elle n'eut jamais vu ce bateau ; l'équipage confirma ce qu'avait raconté ma femme au sujet des particularités du costume de son frère, etc. mais ces gens pensaient qu'il avait son chapeau au moment de l'accident. On me raconta que M. Dunn avait, quelques jours avant l'accident, acheté un pantalon qui était un peu trop long, et se plissait aux genoux ; il l'avait donc relevé, ce qui en faisait voir la doublure blanche, ainsi que ma femme l'avait remarqué. »
Récit de l’accident
Le 24 octobre 1889, Edmond Dunn, frère de Mme Agnès Paquet, était employé comme chauffeur à bord du remorqueur Wolf, petit vapeur affecté au touage des vaisseaux dans le port de Chicago. A 3 heures du matin environ, le remorqueur s'amarrait à un vaisseau, en dedans de la jetée, pour le haler en remontant la riviere. Tandis qu'il arrimait le câble de remorque, M. Dunn tomba ou fut jeté à l'eau par le câble et se noya.
Dans ce cas, s'il était réellement trois heures à Chicago, la vision doit avoir suivi l'accident de très près mais il est, peu à peu, devenu manifeste que, dans certains autres cas, les apparitions ne coïncident pas précisément avec l'époque de la mort, mais la suivent parfois d’un intervalle assez long pour qu'on ait du créer un autre groupe sous le nom de « Fantômes des Morts ».
Les hallucinations peuvent encore être collectives, en ce sens que plusieurs personnes présentes ont la même vision. On peut considérer cela comme des cas d'hallucination contagieuse ; il n'est pas, d'habitude, nécessaire de supposer que la personne éloignée dont l'image est ainsi vue, en soit informée, ou fasse aucun effort pour communiquer sa pensée.
Si cette personne avait conscience de l'essai tenté, ou mieux encore, si elle avait connaissance de sa réussite, ce serait certes là un caractère du plus grand intérêt ; le cas rentrerait alors dans la classe des cas réciproques qui sont plus rares.
Apparitions expérimentales
Ces apparitions peuvent être aussi produites par l'action de gens vivants et même en bonne santé ; la preuve en a été donnée par les expériences de M. S. H. B., comme on peut le voir dans Phantasms of the Living et dans Human Personality . M. S. H B. voulut apparaître à deux dames non averties de l'expérience ; il réussit dans sa tentative : ces deux dames le virent simultanément, bien qu'il ne les vît point ; son apparence était celle d'un homme en costume de soirée, errant sans but à travers la chambre, suivant la coutume traditionnelle des revenants. Cet exemple de production expérimentale d'un fantôme est particulièrement instructif ; beaucoup de ces fantômes sont ceux de gens vivants qui, d'ordinaire, sont inconscients d'avoir causé de pareilles manifestations. Il semble n'y avoir aucune raison pour que les apparitions soient toujours celles de personnes décédées. Mais, que toutes les apparitions soient de cet ordre immatériel et purement subjectif ou que certaines aient un degré supérieur de réalité, et appartiennent à ce dont on a parlé quelquefois comme d'un commencement de matérialisation, c'est ce que je ne veux même pas discuter. Il suffit d'indiquer qu'une hypothèse vérifiée ne ferme pas la porte à d'autres, plus compréhensives, lorsqu'elle ne suffit pas à expliquer tous les faits.
En effet, l'analogie commode avec la transmission de pensée consciente et intentionnelle ne doit pas être poussée trop loin. Nos phénomènes résistent à toute tentative de groupement sous la rubrique, d'impressions délibérément transmises ; les mots «télesthésie » et « télépathie » ont été adoptés par M. Myers pour englober tous les cas où il y a impression perçue à distance sans que les organes sensoriels connus entrent normalement en jeu.
Ces termes généraux trouvent constamment leur emploi quant à ce qui est actuellement compris sous leur désignation, nous devons en préciser et en arranger la matière plutôt en vue de la commodité que dans la croyance d'avoir fait une classification définitive et fondamentale. On ne peut pas établir de véritable démarcation entre les différentes espèces de ces expériences ; il nous faut des observations de ces phénomènes, aussi nombreuses et aussi variées que possible, pour être en mesure d'étudier d'une manière satisfaisante l'un quelconque d'entre eux.
Le terme populaire « fantôme » peut envelopper un vaste ensemble de phénomènes essentiellement différents, et les apparitions hallucinatoires mais véridiques, n'ayant pas rapport étroit avec un endroit déterminé, sont les mieux établies et constituent la variété la plus commune.
Hantises
Les fantômes associés à un endroit, une chambre par exemple, et qui sont vus par toute personne y couchant, pourvu qu'elle soit assez bien éveillée et ne soit pas trop réfractaire aux influences fantastiques de ce genre, sont d'une étude difficile et peu satisfaisante. Les témoignages en faveur de l'existence de ces apparitions fixées dans un endroit déterminé, sont sérieux, mais ils ne sont pas concluants ; ces apparitions ne sont pas comprises dans les fantômes des vivants, ni dans les hallucinations dues à l'action télépathique d'un blessé ou d'un mourant.
La société n'a pas eu l'occasion d'examiner beaucoup de soi-disant « maisons hantées » ; plusieurs de ces cas, même quand ils font l'objet d'un compte rendu, se réduisent simplement à des bruits étranges qui s'expliquent de bien des manières différentes.
Je ne voudrais pas que l'on croie que j'exprime une opinion quelconque sur l'occurrence positive des apparitions de ce genre ; leur étude est encore insuffisante, mais il m'est impossible de concevoir un doute à l'égard des visions qui coïncident, assez exactement, avec le moment où la personne dont l'image apparaît est victime d'un accident grave. Leur preuve dépend assurément du témoignage humain mais nous nous sommes donnés beaucoup de mal pour collationner de tels témoignages, recueillis parmi un grand nombre de personnes très différentes, pour les passer au crible, les examiner, les contrôler par tous les moyens en notre pouvoir, et les réunir en volumes accessibles au public. Ceux qui, depuis des années, se sont attachés à cette besogne, sont en mesure de les attester dans les termes suivants :
« Nous avons ainsi accumulé une importante masse de témoignage qu'il est impossible de négliger ou de rejeter. Ces faits constituent une fondation sur laquelle on pourra commencer à édifier la science qui les concerne. »
Notre démonstration n'est pas une apparence mouvante dont l'interprétation puisse être laissée au goût ou au tempérament individuel, elle ressemble davantage à une masse solide que l’on aperçoit dans la pénombre ; on peut sans aucun doute éviter de s'y heurter, mais il faut pour cela s'en éloigner résolument. Quand le « savant » déserte ainsi le terrain, le public ordinaire a besoin qu'on lui fasse comprendre avec plus de soin la nature et la véritable masse des témoignages accumulés, qu'il n'est nécessaire de le faire dans les domaines déjà explorés à fond par les spécialistes aux « dires » desquels il lui est loisible de s'en rapporter. Le défaut de ce contact direct avec les faits, l'attention, un peu fascinée, du public est au point de vue scientifique, aussi l'utile que le dédain résolu du savant. Les connaissances en cette matière ne pourront s'accroître tant que l'on ne concevra pas à quel point cette question : « Est-ce que vous croyez à ces choses ? » est puérile, à moins d'être précédée de cette interrogation : «Qu'en savez-vous ? »
En fait, ce sujet, occupe actuellement la position que la zoologie et la botanique occupaient au temps d'Aristote ou la nosologie au temps d'Hippocrate. Aristote n'avait pas de jardin zoologique, ni de traité méthodique auquel se référer ; il était obligé de descendre au marché aux poissons, d'écouter ce que racontaient les marins et d'examiner tout ce qu'ils pouvaient lui rapporter. L'énergie d'une curiosité « omnivore » l'exposait, sans nul doute, a entendre quantité de choses exagérées ou fausses mais il est clair que la science zoologique n'aurait pas pu être édifiée sans cela. Les maladies offrent un parallèle encore beaucoup plus frappant avec les phénomènes qui font l'objet de nos recherches. Les hommes de science ont coutume d'objecter qu'il est impossible de reproduire ces phénomènes dans les conditions et au moment qu'il nous plaît. L'inconséquence dont font ainsi preuve des hommes d'intelligence ordinairement claire, montre la prépondérance des préjugés sur l'éducation. Ceux qui font ces objections peuvent-ils affirmer que l'on est à même de reproduire expérimentalement toutes les aberrations fonctionnelles, ou toutes les dégénérescences organiques ? Est-ce que les médecins peuvent produire un cas de cancer ou de maladie d'Addison par des arrangements préalables ? Notre science n'est, en aucune façon, la seule s'occupant de phénomènes qui seraient actuellement, dans une large mesure, impossibles à reproduire : toutes les sciences de la vie rentrent encore dans cette catégorie, et il en était ainsi de toutes les sciences, quelles qu'elles soient, à leur début.
Chapitre VIII - Télépathie d'origine immatérielle
Le phénomène dont nous allons nous occuper se montre sous différentes formes, et il est connu sous des noms divers : le plus simple est écriture automatique c'est-à-dire, écriture indépendante de la conscience de l'écrivain, la main obéissant soit à quelque région inconsciente de l'esprit du sujet, ou répondant à quelque autre influence psychique plus ou moins distincte de sa personnalité normale ou supranormale. Parfois, ce phénomène se manifeste, non sous forme d'écriture, mais de discours pareillement inconscients ; souvent alors, le sujet dont la main ou la voix sont mis à contribution, est complètement entrancé, et demeure inconscient pendant une ou deux heures. Évidemment, il reste beaucoup à apprendre sur la nature de ce phénomène, et nombre de conjectures ont été faites pour tenter de l'expliquer mais nier sa réalité est inutile : ce serait simplement faire preuve d'ignorance. Il est souvent manifeste que l'écriture ou les discours ainsi obtenus, n'ont aucun rapport avec les connaissances normales de l'automatiste ; l'incertitude règne sur l'origine de ces informations, qui, suivant, les cas, doivent avoir une source différente. L'hypothèse la plus simple, et qui peut-être embrasse la majorité des faits, est que l'intelligence inconsciente de l'écrivain,c'est-à-dire son moi subliminal, son strate de rêve mi de génie, est en activité et se trouve dans certaines conditions à la fois d'inconscience et de lucidité subliminales, le sujet lui-même étant dans une sorte d'hyperesthésie.
On sait depuis longtemps que pour arriver à des résultats remarquables dans n'importe quel domaine intellectuel, l'Esprit doit demeurer étranger à toute influence passagère. Avoir une sagacité toujours en éveil, être sur le qui-vive, constituent des qualités de premier ordre, et, pour les besoins ordinaires de la vie mondaine, c'est un état d'esprit beaucoup plus utile que cette manière d'être nuageuse et absorbée qui est le propre d'une intelligence dit géniale mais, ce n'est point avec cela qu'on arrive à de brillants succès.
Quand un poète, un musicien ou mathématicien se sent inspiré, ses sens, ou du moins son attention ordinaire, étrangère à son occupation, sont émoussés ou demi-endormis et, encore que certaines parties de son cerveau soient en état de grande activité, je ne sache pas qu'aucune expérience ait été instituée pour déterminer quelles sont ces parties agissantes, ni pour rechercher si, dans cet état, les régions qui fonctionnent ordinairement, sont ou non réellement assoupies. Il serait intéressant, mais difficile, d'élucider avec précision les phénomènes physiologiques associés à ce qui, sur une petite échelle, est appelé profonde rêverie et sur une plus grande période d'inspiration.
Il ne semble pas déraisonnable de supposer que cet état est, en quelque sorte, analogue à la période initiale de l'anesthésie chirurgicale ; en effet, le caractère somnambulique est analogue, les fonctions automatiques du corps s'accomplissent dans de meilleures conditions qu'à l'ordinaire, tandis que l'esprit, sous son aspect conscient ou perceptif, est latent de sorte que les choses qui impressionnent le sujet ne sont plus en apparence, les incidents habituels affectant ses organes périphériques, mais bien un stimulant, soit interne, soit étranger à l'univers physique ordinairement connu.
L'esprit est peut-être dans un état constant de réceptivité mais alors que la personnalité pratique éveillée aux choses du dehors, reçoit l'impression des détails même les plus vulgaires, de son entourage physique, le sujet à demi endormi semble recevoir, d'une couche tout à fait distincte, des impressions qui seront tantôt plus élevées tantôt moins, mais toujours différentes de celles que perçoivent ordinairement les hommes dans leur état habituel.
Chez l'homme de génie, cet état se produit spontanément, et les résultats en sont merveilleux. On rencontre quelquefois des personnes débiles qui cherchent à se donner l'apparence du dénie par le moyen facile consistant à affecter ou à cultiver une attitude de distraction ou d'inutilité. Toutes sortes d'effets peuvent être obtenus dans cet état qui par lui-même ne vaut rien, à moins qu'il ne soit justifié par ses résultats.
L'expérience et l'observation ont, maintenant, établi qu'un état assez semblable à celui-ci peut être déterminé par des moyens artificiels, par des médicaments, l'hypnose, la fixation du cristal, l'inattention intentionnelle, et que, de même, des états de réceptivité et de clairvoyance surviennent quelquefois sans provocation pendant le sommeil ou la trance. Tous ces états semblent, à certains point de vue, reliés les uns aux autres, et, comme on le sait, M. Myers a traité de leur parenté dans une série d'articles sur la conscience subliminale.
Quelle est donc la source de l'intelligence manifestée pendant ces périodes de lucidité clairvoyante, survenant parfois dans l'état hypnotique ou somnambulique, durant la trance, à moins qu'il ne se développe automatiquement ?
Les cas les plus frappants dont j'aie, en ce moment, connaissance directement ou indirectement, sont les trances de Mme Piper et l'écriture automatique de Mme Verralll et de Mme Holland, par exemple. Je me suis assuré expérimentalement que le transport d'informations d'un esprit à un autre est possible sans l'aide des organes sensoriels ordinaires et sans assoupissement apparent de l'attention ; les cas rapportés sont particulièrement frappants et serviront à restreindre le champ de la discussion à ce que, en définitive,l'on peut considérer comme les points essentiels.
Indubitablement et j'emploie ce mot dans son sens le plus énergique : je n'éprouve pas plus de doute sur ce sujet, que je n'en ai relativement à la connaissance ordinaire que mes amis ont de moi-même et des autres hommes, indubitablement, dis-je, la personnalité développée chez Mme Piper en état de trance, est instruite de beaucoup de choses dont elle n'a aucune indication par des moyens ordinairement reconnus, et desquelles et son état normal, elle n'a aucune notion. Comment arrive-t-elle à savoir tout cela ? Quand elle est en trance, elle affirme obtenir ces renseignements en causant avec les amis et les parents défunts des personnes présentes.
Je suis tout disposé à croire que c'est vraiment son opinion, c'est-à-dire que le phénomène se présente ainsi à son être inconscient ou subconscient, à cette partie d'elle-même qui avait coutume de s'appeler « Phinuit », et qui maintenant, se nomme « Rector ». Mais cela ne nous mène pas tres loin dans la connaissance de ce que ce phénomène est réellement.
L'acte de converser implique l'élocution verbale et quand elle reçoit ou demande des renseignements, elle est momentanément dans un profond sommeil et ne parle pas normalement. Parfois, il est vrai, on entend dans un léger murmure les questions qu'elle se pose et auxquelles elle répond ou qu'elle écrit ; on dirait le murmure d'une personne endormie qui est sous l'empire d'un rêve tres intense.
Certainement, le rêve, chez une personne ordinaire, est ce qui se rapproche le plus de la trance et l'amnésie, au retour de la mémoire consciente, s'observe également au réveil de Mme Piper. Mais ce n'est pas un rêve à peu près passif : cela ressemble plutôt à l'état somnambulique, bien que l'activité, loin d'être principalement locomotrice soit surtout mentale et, en partie, seulement, musculaire.
Elle est dans un état somnambulique où l'esprit est plus actif que le corps et cette activité est si différente de son activité ordinaire, elle constitue si distinctement une autre sorte de personne, qu'elle se donne elle-même, fort justement, un autre nom.
Il est tout naturel de demander si elle est encore elle-même. Mais, à moins que cette expression elle-même né soit définie, il est difficile de répondre à cette question. C'est sa bouche qui parle et sa main qui écrit : je suppose que son cerveau et ses nerfs animent ses muscles, mais ils ne sont pas mis en action par les moyens ordinaires, et l'intelligence qui se manifeste ne ressemble pas a la sienne, Toutefois, jusqu'à ce que le sens précis du concept d'identité puisse être déterminé avec exactitude, je trouve qu'il est difficile de discuter la question de savoir si c'est elle ou une autre personne qui parle et écrit.
Sur ce point, l'expérience à l'état de veille de Mme Newham nous sera d'un grand secours. La main de cette dame écrivait des choses qui n'étaient pas dans son esprit ; elle ne percevait pas ce qu'elle écrivait et sa main se mouvait tandis que l'attention de son être conscient s'échappait de cette main, en la laissant guider par sort être subconscient ou par quelque autre intelligence .
Le trait intéressant de ce cas était que les esprits qui, soi-disant influençaient la main, n'étaient pas tant ceux de gens morts que de gens vivants. L'avantage en était que l'on pouvait ensuite questionner ces personnes sur la part qu'elles avaient prises à l'affaire or il apparut, soit qu'elles n'en savaient rien, soit qu'elles en furent surprises, car bien que les communications correspondissent à quelque chose qu'elles avaient dans l'esprit, elles ne représentaient rien de leurs pensées conscientes et n'exprimaient que fort approximativement ce qu'elles auraient pu se proposer de transmettre. Elles ne semblaient pouvoir exercer aucun contrôle sur les messages, pas plus que des gens, non entraînés à cela, ne sont capables de le faire pour leurs pensées pendant les rêves. Cependant nous ne devons pas nous hâter de conclure que tel est toujours le cas, et que la réciprocité du rapport n'est jamais consciente, comme lorsque deux personnes causent ensemble mais cela montre, en tout cas, que ce n'est pas une nécessité, Puisque le communicant vivant n'est pas averti de ce qu'on est en train de dicter, il est de même inutile de supposer que le communicant décédé agisse consciemment ; il devient ainsi concevable que la main de l'automatiste puisse être influencée par des intelligences autres que la sienne propre, appartenant aussi bien a des vivants qu'à des morts, l'action des uns paraissant aussi efficace que celle des autres ; dans les deux cas, cette action n'émane pas de régions conscientes de l'esprit, mais bien de celles du subconscient des rêves, si tant est qu'elle émane d'une région quelconque.
Par conséquent, lorsque Phinuit, ou Mme Piper en état de trance, rapporte des conversations tenues avec d'autres intelligences et d'habitude, dans le cas de Phinuit, il s'agit de personnes mortes : lorsque même sa voix est changée, et que les messages semblent vraiment avoir pour auteur ces personnes elles-mêmes, il ne s'ensuit pas que, nécessairement. elles aient connaissance du fait, ni que leur moi conscient, si elles en possèdent un, ait besoin d'être actif dans l'opération.
La signature donnée par la main d'un automatiste équivaut à affirmer que Mlle X., par exemple, est en train d'écrire de propos délibéré ; de même pour la déclaration de Phinuit c'est lui qui parle volontairement et l'on n'est pas autorisé à dire que cette déclaration soit un mensonge, pas plus que la signature soit un faux et cependant l'un ou l'autre peut ne pas être vrai au sens convenu.
L'existence de cette communion d'intelligences, de cette possibilité d'échange ou de réception unilatérale de pensées me semble claire et certaine. J'irai même plus loin : ceux qui nient le fait matériel exposé comme j'ai voulu qu'il le fut ici, sans l'adjonction d'aucune hypothèse, sont simplement des ignorants. Ils n'ont pas étudié les faits de la cause. L'occasion leur a manqué ou ils n'en ont pas eu le gout ; ils ne sont en aucune façon obligés d'en faire l'objet de leurs recherches s'ils ne le veulent pas mais toute dénégation dogmatique opposée par de tels gens est destinée désormais, ou dans un avenir très prochain, à retomber, pour les discréditer, non sur les phénomènes niés par ignorance, mais sur les négateurs eux-mêmes, trop présomptueux et trop sûrs d'eux.
Ne nous empressons cependant pas trop d'affirmer que l'action apparente d'un esprit sur un attire soit réellement de cette nature. L'impression reçue peut venir de l'agent prétendu mais elle peut émaner aussi d'une tierce personne, ou bien, tandis que certains le considèrent comme plus vraisemblable, elle peut avoir aussi pour origine une intelligence centrale - quelque Anima Mundi - à laquelle se reporteraient toutes les intelligences que nous connaissons, par laquelle elles seraient influencées. Si l’on pouvait démontrer que cette action est un rapport syntonique ou sympathique entre deux intelligences, on serait alors fondé à supposer qu'elle est d’ordre physique et on la définirait convenablement comme intervenant directement de cerveau à cerveau ou de corps à corps. D'autre part, il est loisible de la concevoir comme purement psychologique ; le cerveau éloigné peut n'être stimulé par aucune intervention physique ou matérielle, mais bien d'une façon en quelque sorte plus immédiate, par son côté psychologique plutôt que physiologique.
La question se pose d'une manière très précise, si on l'exprime ainsi : « L'action se produit-elle par l'intermédiaire d'un milieu physique ou non ? » Des conjectures sur ce qui est a priori vraisemblable sont sans valeur si l'on veut résoudre la question, il faut l'attaquer mentalement.
La voie ordinairement employée par A pour comnmuniquer avec B emprunte un certain mécanisme physique, et l'on peut diriger la pensée de A existe pendant un temps déterminé, a l'état de vibration éthérée ou aérienne, avant de reproduire une pensée semblable dans l'esprit de B. Nous avons pris une telle habitude de ce processus physique intermédiaire, que, loin d’en être frappés et de le considérer comme une complication déroutante, il nous apparaît comme naturel et simple ; toute action plus direct de A sur B, sans le secours d'un mécanisme physique, est repoussée comme absurde ou au moins extrêmement improbable. C'est là simplement une question de fait qui peut être tranchée par une expérience cruciale.
On admettra tout d'abord la difficulté d'exécution d’une pareille expérience. S'il s'agit d'un effet physique, il doit vaier suivant certaines lois de distance, ou dépendre de la nature du milieu interposé mais pour arriver à savoir si dans n'importe quel cas considéré, ces variations se produisent, il est nécessaire de mettre les deux sujets, agent et percipient, dans des conditions exceptionnellement sûres et de les tenir, si possible, dans l'ignorance du changement qui fait l'objet des recherches.
Il est à désirer qu'on réalise cette derniere condition, à cause de la sensibilité du subconscient à la suggestion, auto-suggestion ou autre. Si l'idée vient au percipient que la distance ou les écrans interposés sont préjudiciables, il est plus que probable qu'ils le deviendront, et quoique par artifice il soit possible de lui donner la suggestion que la distance est, au contraire, avantageuse, cela vicierait l'épreuve, parce que le stimulus physique diminué serait peut-être utilisé plus qu'il ne conviendrait par l'organisme hyperexcité.Toutefois,c'est là encore une expérience à tenter parmi tant d'autres et elle serait instructive s'il arrivait qu'un jour l’agent soit, je suppose, dans l'Inde, alors que le percipient le croirait à Londres, vice versa.
Il est très désirable qu'on arrive à résoudre cette question d'un mode physique ou non physique de communication dans les cas de télépathie et si l'on parvient à établir d'une manière certaine qu'il se produit une communication sympathique entre des lieux aussi éloignés que l'Inde, l'Amérique ou l'Angleterre, ou encore les Antipodes, communication qu'on ne perçoit pas dans l'intervalle, ni dans le voisinage de sa source, je serais disposé à voir dans ce fait-là une chose tellement différente de celles auxquelles nous sommes habitués en physique, que je serais fortement enclin à diriger mes recherches vers quelque autre mode plus direct de communication mentale. Certaines des expériences conduites par Mlle Miles et Mlle Ramsden tendent à confirmer une pareille hypothese .
Voici donc la premiere question sur laquelle il est désirable d'instituer des expériences décisives, quoiqu'elles soient difficiles à réaliser.
1. Le mécanisme de la télépathie est-il physique ou non ?
La seconde question à laquelle je pense est moins aisée à poser, et encore moins facile à résoudre, à mon avis. On peut l'énoncer ainsi, en deux parties, ou sous forme de deux questions séparées :
2. La faculté d'agir sur les esprits des individus habitant la Terre est-elle limitée aux seuls individus vivant sur la Terre ?
3. La faculté d'agir sur le reste de l'univers physique ou de l'influencer est-elle limitée aux seuls corps matériels vivants ?
Je suppose qu'une réponse affirmative à la question 1 permettrait probablement de répondre affirmativement aussi aux questions 2 et 3, mais qu'une réponse négative à la question 1 laisserait complètement ouvertes les questions 2 et 3 parce que, autaut que nous puissions le savoir, les individus habitant la Terre et possédant un corps matériel peuvent être les seuls individus qui existent.
C'est cette possibilité ou comme beaucoup le penseraient, cette probabilité, ou encore cette quasi-certitude, qui rend si difficile la position strictement scientifique des questions 2 et 3. Il faut pourtant les envisager et elles doivent bien être susceptibles, avec le temps, de recevoir des solutions définitives
Nous savons qu'il y a des individus vivant sur la 'Terre, nous savons aussi qu'il existe une immense variété d'autres vies terrestres et cependant, si ce fait ne nous était pas aussi familier, nous serions surpris par la puissante luxuriance et la variété de la vie. L'existence, par exemple, d'une chauve-souris ou d'un homard nous paraîtrait incroyable. Nous ignorons s'il y a ou non de la vie sur d'autres planètes, nous ne savons pas s'il y a une existence consciente dans l'espace interplanétaire, mais je ne vois à priori aucune raison pour faire des affirmations scientifiques sur ce sujet dans un sens ou dans l'autre. C'est précisément parce que nous savons que la Terre est peuplée d'une infinie variété d'êtres vivants, que je m'attendrais à trouver d'autres régions très peuplées et offrant une diversité de vie encore plus extraordinaire. Puisque sur la Terre l'action de l'Intelligence est évidente, je compterais découvrir aussi son existence ailleurs. Si la vie est nécessairement associée à un corps matériel, nous pouvons alors être certains que la surface de l’une des nombreuses masses planétaires doit être le théâtre de son activité mais s'il existe une action mentale quelconque indépendante de tout milieu matériel ou physique, alors il est permis de penser que la population psychique n'est pas limitée à la surface des agrégats matériels ou des globes de matière, mais peut s'épanouir soit dans les espaces interstellaires, soit dans quelque forme d'existence sans dimension dont nous n'avons aucune idée.
N'était le fait de la télépathie, la question serait entièrement oiseuse, ce serait une spéculation ne reposant sur rien, incapable de supporter l'examen et encore moins d'être vérifiée ou réfutée. Mais, étant donnée la télépathie, la question cesse d'être oiseuse, précisément parce qu'il est possible que ces autres intelligences, quel que soit leur mode d'existence, se trouvent en mesure de communiquer avec nous par un procédé semblable à celui dont nous apprenons en ce moment l'usage pour communiquer les uns avec les autres. Que ce soit vrai ou faux, on a affirmé constamment, avec véhémence, que de telles communications, émanant principalement de parents décédés, souvent aussi d'étrangers, sont quelquefois reçues par des personnes vivantes.
Les discours de Phinuit, l'écriture automatique de Mlle A., de M. Sainton Moses et d'autres, abondent en communications venant soi-disant d'intelligences n'ayant plus aucun lien avec la matière terrestre. Eh bien, s'il en est ainsi, peut-on faire une expérience cruciale pour établir la preuve du bien ou du mal fondé de cette prétention ?
Il n'y a pas grande valeur scientifique à attribuer à des messages de pur sentiment, ou sont retracés des traits personnels des morts, bien qu'ils suffisent fréquemment à convaincre leurs amis vivants. Il faut chercher quelque chose de plus précis ou de plus généralement intelligible.
Parmi les faits de ce genre, je citerai la reproduction de l'écriture automatique d'une personne décédée si un automatiste qui n'a jamais vu cette écriture la reproduit exactement, cesserait la, il me semble, une preuve exceptionnellement bonne, si on pouvait l'obtenir. Mais c'est la preuve de la complète ignorance de l'écrivain qu'il est difficile d'avoir.
A première vue, il semblerait que l'on eut une preuve satisfaisante, lorsque des faits connus du mort et non de l'automatiste sont rapportés d'une manière assez correcte et détaillée pour exclure la possibilité d'une simple coïncidence. Mais alors la télépathie, qui nous a si bien servi jusqu'ici, commence à devenir gênante ; en effet, si ces faits ne sont connus de personne sur la Terre, ou ne pourra peut-être pas les vérifier, et, s'ils le sont d'une personne vivant encore, - quelque éloignée soit-elle, - il est nécessaire de supposer que la transmission télépathique inconsciente par son esprit est possible.
Certains faits sont vérifiables sans l'assistance ou les souvenirs d'aucune personne vivante : c'est le cas, lorsqu'un avare meurt emportant le secret de l'endroit ou des valeurs sont cachées, et que la main d'un automatiste donne, dans la suite, signée de cet avare, l'indication de cet endroit ; on encore lorsqu'un document scellé, soigneusement conservé, est déchiffré après la mort de son auteur. La preuve, dans l'un ou l'autre de ces deux cas, est meilleure. Toutefois, la télépathie à forme différée entre vivants n'est pas écartée, bien qu'à mon avis elle soit extrêmement improbable, car, ainsi que M. Podmore l'a souvent répété, la personne qui a écrit le document ou qui a enfoui le trésor, peut avoir, de ce fait même, agi à la manière d'un agent inconscient sur l'esprit de ses contemporains.
Cas d'apparente activité posthume
L'un des exemples les plus remarquables de ce genre et qui, par bonheur, attira l'attention du philosophe Kant, est celui ou Swedenborg joua le rôle de médium ; en voici la relation écrite par Kant dans une lettre, publiée sous forme d'appendice à son petit livre, si prudent, sur la clairvoyance, traduit en anglais, sous le titre de Dreams of a spirit Seer.
« Mme Herteville (Marteville), veuve de l'ambassadeur de Hollande à Stockholm, fut, quelque temps après la mort de son mari, sommée par un orfevre, nommé Croon, de payer un service d'argenterie que son mari avait acheté chez lui. La veuve était convaincue que son défunt époux était trop exact et ordonné pour n'avoir point payé cette dette - encore qu'elle ne put arriver à en trouver le reçu. Dans son chagrin, et aussi parce qu'il s'agissait d'une somme considérable, elle pria M. Swedenborg de venir la voir. Après s'être excusée de l'avoir dérangé, elle lui dit que si, comme tout le monde le disait, il possédait le don extraordinaire de converser avec les âmes des morts, peut-être voudrait-il avoir la bonté de demander à son mari ce qui en était à l'égard de ce service d'argenterie. Swedenborg ne fit pas de difficulté pour accéder à sa requête. Trois jours après, cette dame avait de la compagnie chez elle ; on prenait le café, Swedenborg lui fit visite et l'informa avec son sang-froid habituel qu'il avait conversé avec son époux. La dette avait été payée quelques mois avant son décès, et le reçu se trouvait dans un bureau, dans une chambre du haut. La dame répliqua que ce bureau avait été complètement fouillé, et que le reçu n'avait pas été trouvé au milieu des papiers. Swedenborg lui dit alors que son mari lui avait donné les indications suivantes : en retirant le tiroir de gauche, on découvrirait une planche qui, une fois enlevée, découvrirait un compartiment secret renfermant la correspondance hollandaise privée de l'ambassadeur, ainsi que le reçu. A l'annonce de cette information, toute la compagnie se leva et accompagna la dame dans la chambre du haut. On ouvrit le bureau ; on fit ce qui avait été indiqué, on trouva le compartiment duquel personne auparavant n'avait eu notion, et, au grand étonnement de tous, on y découvrit les papiers, conformément aux indications de Swedenborg. »
Il est difficile d'attribuer cette apparente activité posthume à de la télépathie à échéance retardée provenant du bourgmestre alors qu'il était encore vivant, - je veux dire, différée depuis le temps où il s'occupait à ranger ses papiers - d'autant plus, peut-être, que, dans ce cas, il ne les rangeait pas dans l'intention de révéler plus tard leur cachette. L'ajournement de cette action en apparence posthume, pendant plus d'un siècle, de manière que, nécessairement tous les contemporains soient morts, tend encore plus sur cette sorte d'explication télépathique, en fait, jusqu'à la rompre même mais cette éventualité n'est guère accessible à l'expérience rationnelle. Le dépôt de lettres ou d'objets est au contraire possible ; des personnes dignes de confiance devraient écrire et déposer des documents caractéristiques, dans le but de les communiquer après leur mort à quelqu'un s'ils le peuvent ; il faudrait prendre toutes les précautions raisonnables contre la fraude et les collusions, et aussi, exigence peut-être considérable, il faudrait que ces personnes prissent elles-mêmes garde d'oublier la teneur de leurs documents.
Cet oubli m'a toujours paru extremêment probable, et c'est pour cela que je n'ai jamais déposé de documents de cette espèce chez des amis. Je suis sûr que j'en oublierais le contenu, que j'oublierais même que j'ai écrit quoi que ce soit, et si je m'en souvenais, je m'embrouillerais désespérément à chercher quelle phrase j'ai pu placer dans telle ou telle enveloppe.
Le compte rendu suivant, qui a déjà une publicité plus que suffisante, montre que cette épreuve peut échouer, pour les raisons que je viens de dire ou pour d'autres. Il s'agit d'une expérience négative et il est de mon devoir de ne pas la laisser dans l'ombre ; je reproduirai donc fidèlement le texte du journal de la société.
Ouverture d’une enveloppe refermant une note posthume laissée par M. Myers
Le 13 décembre 1904, sir Oliver Lodge convoqua les membres du Conseil et quelques autres membres de la Société au siège de la Société, 20, Hanover Square, pour assister à l'ouverture d'une enveloppe scellée qu'en janvier 1891 lui avait envoyé M. Myers (il y a environ quatorze ans), dans l'espoi r qu'après sa mort, la communication du contenu pourrait en être donnée par le moyen d'un médium.
On avait décidé de l'ouvrir parce que diverses déclarations faites par l'écriture automatique de Mme Verrat durant les trois dernieres années, avait fait supposer à cette dame qu'une certaine phrase y était contenue. Les allusions apparentes à cette note posthume avaient eu un début vague et avec quelques répétitions s'étaient graduellement développées, pour devenir, semblait-il, un exposé clair et défini de ce que renfermait l'enveloppe déposée entre les mains de sir Oliver Lodge. Les allusions à cette enveloppe venaient soi-disant de M. Myers, et étaient mêlées au reste de l'écriture ; certaines parties relatives à d'autres sujets semblaient véridiques. Il en était notamment ainsi d'une indication antérieure à la publication de Human personality, portant qu'on trouverait un certain passage dans ce livre, lorsqu'il serait publié. Ce fait ayant été vérifié, on espérait que le compte rendu donné par l'écriture du contenu de l'enveloppe, serait également correct.
La convocation eut lieu par une circulaire dont voici la copie :
Mariemont, Edgbaston, décembre 1904.
Vous savez probablement que F. W. H. Myers, il y a quelques années, remit entre mes mains une enveloppe contenant un écrit ou un message quelconque destiné à être, si possible, déchiffré après sa mort.
Vous savez également que la faculté de l'écriture automatique s'est développée chez Mme Verrall peu de temps apres le déces de M. Myers. Il paraît que cette dame croit avoir reçu des messages ou des indications au sujet du contenu de cette enveloppe. Son impression naturellement, peut être erronée ; cependant, elle a l'avantage d'être bien définie, et Mme Verrall est en mesure de consigner par écrit ce qu'elle croit devoir être trouvé dans l'enveloppe.
Les choses étant posées ainsi, j'ai pris conseil et me suis assuré, que, d'après l'opinion générale, le temps est venu d'ouvrir l'enveloppe, et de vérifier son accord ou son désaccord avec l'écriture automatique, ou, dans le cas ou il y aurait partiellement concordance, d'en déterminer la proportion.
L'enveloppe, depuis quelque temps, est déposée dans une banque, mais je propose de l'en retirer cette semaine, et de l'apporter à Londres mardi 13 décembre ; puis à 4 heures de l'apràs-midi, au siege de la Société des Recherches psychiques, 20, Hanover Square, après avoir exposé les faits relatifs au dépôt de cette enveloppe et lu les déclarations de Mme Verrall sur ce qu'elle croit y être contenu, il sera procédé à son ouverture en présence d'un nombre suffisant de témoins. Je ne propose pas d'effectuer cette opération, en réunion du Conseil, parce que je crois qu'il serait bon qu'une ou deux personnes étrangères au Conseil, fussent présentes, car je désire que cet événement soit connu et qu'il en soit tenu compte, que le résultat soit un succès ou non. La seule manière d'éviter toute coïncidence due au hasard est de déterminer à l'avance si un événement donné doit compter ou non et, sans réserve de ce qui pourrait se produire entre temps, je propose que ce fait devra être compté et que l'enveloppe sera ouverte.
Je vous invite donc, si vous le jugez bon, à vous rendre au Siege de la Société, le mardi 13 décembre à 4 heures de l'apres-midi.
Il reste entendu que les opérations demeureront confidentielles, et que la question d'une publication ultérieure est réservée au Conseil de la Société.
Oliver Lodge
Mme Verrall fit d'abord part à l'assemblée des conclusions auxquelles elle avait été amenée, au sujet de l'enveloppe, par son écriture automatique dont elle lut les parties paraissant concluantes. A l'ouverture de l'enveloppe, on constata qu'il n'existait aucun rapport entre ce qu'elle contenait réellement et ce que l'écriture automatique avait prétendu figurer.
Cette expérience, fut donc, il faut bien le dire, tout à fait manquée et je ne nierai pas que cet échec n'ait été un désappointement. Mais après tout, quand bien même la communication du contenu d'une enveloppe scellée serait donnée avec succès, la preuve d'une action mentale de la part d'un agent décédé nous paraîtrait encore incomplète, car il se pourrait que la télépathie ne soit pas la véritable explication de ces phénomènes peut-être sont-ils dus, si toutefois ils sont réels à la clairvoyance ; le document, encore qu'il soit scellé ou renfermé dans du métal, serait lu par le moi subliminal à l'aide d'un procédé inconnu, ou en empruntant la quatrième dimension.
L'existence d'une faculté de ce genre peut, cependant, être vérifiée séparément ; en effet, si la clairvoyance proprement dite est possible, des choses inconnues à toute personne vivante ou morte seront lues ou examinées comme, par exemple, un fragment déchiré au hasard dans un journal qu'on n'aurait pas lu et qu'on placerait sous scellés , ou une poignée de lettres ou de chiffres pris dans un boite. Mais en essayant ces expériences, il ne faut pas trop se hâter de conclure négativement. Un résultat positif pourrait être suffisamment précis ; un résultat négatif ne constituerait guère qu'une probabilité. En outre, il serait peu sage de dire à un automatiste qui s'efforcerait de déchiffrer ces figures inconnues, qu'elles n'ont jamais été regardées par personne dans leur position actuelle : la connaissance de ce fait agirait sur lui comme une suggestion gratuitement hostile et débilitante.
Mais ces écrits seraient-ils lus, qu'on devrait quand même tenir compte de la possibilité d'une hyperesthésie exceptionnelle soit du toucher du côté de la personne qui les a scellés, soit d'une espèce de vision à la manière des rayons X de la part du clairvoyant, ou même de quelqu'autre hypothèse encore plus forcée. Le mémoire de Sidgwick sur les preuves de la clairvoyance réelle se trouve dans les Proceedings , mais je ne veux citer ici aucun des exemples qu'elle donne.
Le terme de clairvoyance devrait être strictement réservé à la perception de choses cachées, sans l'aide d'aucune connaissance humaine mais,dans la pratique courante, ce terme est souvent aussi appliqué aux cas plus nombreux ou une sorte de télépathie quelconque est possible, pourvu que les circonstances soient telles qu'une espèce de perception directe, analogue à la faculté des sensitifs, ne soit pas improbable.
Si la télépathie procède jamais d'une région supra-mondaine et immatérielle, c'est-à-dired'une intelligence désincarnée dépourvue de cerveau, il peut être difficile ou impossible de la distinguer de la clairvoyance. Aucune distinction d'ailleurs ne serait probablement nécessaire, cela pourrait être ce que la seconde vue ou la clairvoyance sont en réalité. Cependant, au point de vue scientifique, il y a évidemment une immense différence entre la télépathie admise, telle qu'elle intervient, comme on en a la preuve, entre personnes vivantes, et cette autre espèce de télépathie plus hypothétique que l'on a soupçonné intervenir. Entre des intelligences désincarnées, s'il en existe et des personnes vivantes, s'il était démontré que le mécanisme de la télépathie ordinaire expérimentale soit l'action exercée directement par un cerveau sur un antre, l'acceptation de cet autre genre hypothétique auquel j'ai fait allusion serait presque interdite, en tout cas elle deviendrait extremêment difficile. Au contraire, si le processus est décidément purement psychique, en d'autres termes si c'est une action psychologique intervenant directement d'une intelligence à une autre et telle que les cerveaux existant aux deux extrémités de la chaîne ne soient que des instruments d'enregistrement et de contrôle, on comprend la transmission de la pensée entre intelligences dépourvues de ces organes, ou entre une de celle-ci et une intelligence incarnée. Il faut le démontrer bien entendu, et la preuve demeure toujours très difficile à donner, mais on a le droit de s'efforcer de l'obtenir. C'est l'effort que depuis quelques années la Société fait avec patience ; quelques-uns des résultats obtenus seront indiqués dans la section IV.
Chapitre IX - Exemples de clairvoyance apparente
Pour démontrer la réalité d'un certain degré de clairvoyance apparente, qu'elle soit le fait de l'hyperesthésie, de la télépathie ou de quelque autre cause, je choisirai une instructive petite expérience publiée par Mme Verrall dans les Proceedings ; c'est un essai qu'elle fit en novembre 1890, avec sa petite fille alors âgée de sept ans et demi. D'autres exemples seront donnés plus loin .
Reconnaissance d'objets par télépathie ou hyperesthésie
Percipient : H. âgée de 7 ans et demi
Mme Verrall rapporte ce qui suit :
En novembre 1890, je tentai l'expérience suivante avec H. Je traçai un dessin que je plaçai sur le front de H., tandis qu'elle fermait les yeux, et lui demandai de me le décrire. Afin que cet exercice ressemblât davantage à un jeu, je poursuivis en lui demandant de quelle couleur était le dessin et ce qu'elle pouvait en voir. Nous fimes quatre expériences, trois dans l'après-midi du 16 novembre et une autre le 30 à 6 h. 15 ; en voici les résultats :
1° Objet dessiné : Un triangle.
Résultat : H. trace avec son doigt un triangle dans l'air. (Exact.)
2° Objet dessiné : Un triangle dont le sommet est coupé.
Résultat : H. décrit et dessine une figure irréguliere, qui ne parait pas la satisfaire. Puis elle dit que c'est quelque chose comme un plat ovale. (Mauvais. )
3° Objet dessiné : Un carré.
Résultat : H. dit : « C'est comme une fenêtre où il n'y aurait pas de barres transversales »,et elle dessine dans l'air les quatre côtés d'une figure rectangulaire. (Exact.)
4° Objet dessiné : Un carré divisé en quatre carrés par une ligne horizontale et une verticale.
Résultat : H. dit : « Est-ce un diamant » ? « Quoi encore » dis-je pensant à la couleur, etc. « Il y a une ligne au travers, et une autre qui la coupe. (Exact.) La couleur est bleu pâle. »
Quand je lui donnai le dessin, elle le regarda sous un certain angle et lit : « Oh oui ! c'est cela, et ce que j'ai dit pour la couleur n'était pas mal du tout ! »
Comme le diagramme était dessiné à l'encre sur du papier blanc, je ne comprenais pas, et demandai ce qu'elle voulait dire. Elle répondit : « Mais c'est tout bleu, blanc bleuâtre à l'intérieur, et même l'encre est bleue. » Le dessin avait été séché au papier buvard, et n'était pas d'un noir foncé, mais je ne pouvais y rien voir de bleu. Dix minutes après, elle reprit à nouveau le papier et fit des commentaires sur le fait que le dessin était bleu, les lignes bleu foncé brillant, et l'intérieur bleu pâle. Je brûlai alors le dessin, et cessai le jeu, en observant la persistance de cette hallucination auto-suggestive.
Nous avions, précédemment, essayé des expériences qui semblaient montrer que cette enfant était apte à sentir le dessin. Elle pouvait presque toujours dire si c'était l'envers ou l'avers d'une carte à jouer qui était placé sur son front. J'étais tout à fait incapable de distinguer l'un ou l'autre côté. Je suis disposée à attribuer le succès de ces essais (3 sur 4) à l'hyperesthésie, plutôt qu'à la télépathie. »
J'arrive maintenant a un cas, on l'on verra un exemple frappant de ce fait que l'intelligence agissant par un processus inconscient ou subliminal, est supérieure à l'intelligence normale des personnes intéressées ; il y a des gens qui parviennent quelquefois à connaître des faits ou des événements par des moyens qui, d'habitude, leur sont interdits ; c'est un phénomène analogue à la faculté de trouver l'eau par le moyen de la baguette des sourciers ou à l'instinct qui fait retrouver aux animaux l'endroit où ils habitent. De même on a vu des personnes écrire des vers ou résoudre des problèmes, alors qu'elles n'auraient pu le faire au moyen de leurs capacités normales.
Voici par exemple un cas dans lequel la solution d'un problème de mathématique fut donnée par l'écriture automatique ; le crayon n'était pas tenu à la main, mais attaché à cet instrument fait d'un morceau de bois plat en forme de coeur connu sous le nom de planchette. Cette observation est tirée du rapport que j'ai communiqué à l'époque au Journal de la S. P. R.
Un cas d'intelligence automatique
Un trait intéressant est que les deux témoins sont exceptionnellement compétents. Le compte rendu fut écrit par une de mes anciennes éleves du Collège de Bedford de 1871à 1880, qui comptait parmi les plus capables, Mlle C. M. Pole, fille de feu le docteur Pole, F. R. S., si bien connu comme ingénieur, musicien, et par ses écrits sur la théorie des jeux de cartes. Mlle Pole, devenue Mme Garrett Smith, demeure à Magdebourg. Voici ce qu'elle écrit :
« Au commencement de 1885, j'étais à... chez Mme Q. Sa fille Mlle Q. bachelière es-lettres de l'Université de Londres et moi, nous amusions à écrire avec la planchette. Nous avions plusieurs planchettes (quatre, je crois), mais nous ne pouvions obtenir de l'écriture qu'avec l'une d'elles, qui appartenait à Mlle Q. Il y avait avec nous, dans la maison, huit ou neuf autres personnes mais cette planchette ne fonctionnait avec aucun autre couple que nous. Elle avait, autrefois, donné de bons résultats avec Mlle Q., et un autre de ses amis ; quant à moi, je n'ai jamais écrit avec une planchette, ni avant, ni depuis. Nous obtînmes toutes sortes d'absurdités, de longs couplets de mirliton, à plusieurs vers. Nous demandâmes aussi des prophéties ; mais je ne peux m'en rappeler une qui se soit réalisée : mon impression est qu'en général, quand nous réclamions une prophétie, la planchette partait en ligne droite, et tombait hors de la table si nous n'enlevions pas nos mains. Elle se comportait souvent de cette manière, refusant absolument d'écrire et vers la fin de mon séjour dans cette maison je crois qu'il en a toujours été ainsi; nous ne pouvions obtenir aucune réponse. Je crois bien que nous lui avions demandé par quel Esprit elle était guidée; mais je me rappelle qu'une fois seulement, elle donna une réponse cohérente et précise ; elle écrivit alors que son nom était Jim, et qu'il avait été classé premier aux examens de l'Université . Après d'autres questions, nous lui demandâmes d'écrire l'équation de sa propre courbe, (en d'autres termes, de donner l'expression mathématique du contour, en forme de coeur, de la planchette).
Elle écrivit fort distintemrent quelque chose comme ceci :
(La boucle en retour signifiait toujours que la réponse était terminée. La question fut répétée encore a plusieurs reprises, mais la réponse fut toujours la même chaque fois, plus ou moins distincte. Nous interprétâmes donc cette figure ainsi : r = a sinθ/θ. J'en savais juste assez pour dessiner la courbe représentée par cette équation. A la premiere tentative, je commis une erreur qui me fit croire que la courbe était totalement différente mais ensuite, je dessinai quelque chose de semblable a ceci : (ce n'est qu'une esquisse grossière. C'est une double spirale sans fin, voyez toutefois p. 110).
Nous voulumes contrôler notre résultat en communiquant l’équation au professeur de mathématiques du Collège de garçons ; il dessina la même espèce de courbe mais nous ne lui indiquâmes pas comment nous avions obtenu l'équation.
Je ne peux pas dire si la planchette dont nous nous étions servies avait exactement la même forme que cette courbe ; j'imaginerais plutôt que la ressemblance n'allait pas plus loin que la forme générale en coeur. Je suis tout à fait sûre de n'avoir jamais auparavant vu cette courbe, et par conséquent que la production de cette équation ne peut avoir été un acte de mémoire inconsciente de ma part.
De plus, je ne suis certainement pas assez forte en mathématiques pour être en mesure d'établir une équation représentant une pareille courbe, ou même pour savoir de quel type d'équation devait être. Mais j'avais étudié des équations analogues et construit les courbes qu'elles représentaient ; par exemple dans ta suite, j'ai retrouvé dans mon cahier de notes, la spirale r θ =½πα et le cardioïde r = α(1+cosθ)
Nous n'avions pas fait usage de manuels, et dans les notes complètes des conférences suivies par moi, il n'y avait que ces deux courbes qui fissent le plus semblables à celle de la planchette. Si mon cerveau a produit l'équation écrite par cette planchette, il a du arriver que, inconsciemment, j'ai formé une équation analogue à celles antérieurement vues, et que par une coïncidence curieuse, elle représentât une courbe en forrme de coeur.
Je sais que, toutes deux, nous étions totalement inconscientes d'avoir exercé une influence quelconque sur la planchette.
Cécilia Garett Smith
Magdebourg, novembre 1903. »
J'ai moi-même fait une enquête auprès de Mlle O. ; j'appris qu’elle était bien connue de certains de mes amis. C'est une personne sérieuse, de bon sens et digne de confiance ; je lui écrivis pour lui poser quelques questions sur ce sujet et reçus d'elle la réponse suivante :
23 mars 1904.
Quant à Mlle Pole et à moi, nous étions tout à fait de bonne foi ; il n'y a pas lieu de nous soupçonner d'avoir voulu nous jouer de mauvais tours, ni de nous dresser des pièges. Il est vrai que nous n'avons jamais écrit avec la planchette dans un but sérieux, tel l'étude de l'inconscient on tout autre objet scientifique, mais simplement pour nous amuser. Nous avions coutume de demander des prédictions sur des événements futurs et de composer des vers, tout cela par jeu comme des écolieres. Néanmoins tout fut écrit de bonne foi. L'équation donnée par la planchette ne rentrait pas dans le cadre des connaissances en mathématiques, qui se trouvaient limitées au programme du « London B. A Pass Degree ». Je savais, certes, que toute courbe peut être représentée par une équation, et j'étais familiarisée avec les coordonnées polaires, du genre de l'équation en question. Mais les seules équations que je pusse identifier, étaient celles des sections coniques. Mlle Pole avait quelque teinture de calcul différentiel et en savait plus long que moi mais mon impression est que ses connaissances n'étaient pas suffisances pour lui permettre de tracer des courbes.
Certainement, aucune d'entre nous ne pouvait, d'après l'apparence de l’équation, s'apercevoir que la réponse était correcte ; il ne fallait d'ailleurs pas s'y attendre, même si nos connaissances eussent été plus étendues.
Je n’en savais pas assez, à cette époque, pour essayer de construire cette courbe. Je crois que Mlle Pole le tenta, mais, si elle le fit, ses essais furent infructueux. Nous fûmes convaincues que l'équation représentait une courbe analogue au contour de la planchette, seulement quand nous avons demandé à notre professeur de mathématiques de la tracer pour nous. Il exécuta, d'ailleurs, ce travail sans que nous lui avions dit quoi que ce soit sur ce qui s'était passé.
Je ne me rappelle pas que nous avions jamais comparé avec soin la courbe qu'il dessina d'après l'équation, et la forme de la planchette en question. Nous n'avions pas pris la chose au sérieux, et nous étions satisfaites de voir que la solution, à tout prendre, était approximativement vraie.
En traçant maintenant la courbe représentée par l'équation, j'incline de croire qu'elle ressemblait très exactement à la forme de la planchette dont nous nous étions servies autant que je m'en souvienne. (Cette planchette n'existe plus.)
A ceci, j'ajouterai que l'équation qui se présenterait à l'esprit de n'importe qui est le cardioïde : r = α (sinθ/θ) et, si cette équation avait été écrite par la planchette, il n'y eut eu là rien de particulièrement remarquable car bien que Mme Garrett Smith ne l'eut point présente à l'esprit, indubitablement elle l'avait connue au cours de ses études.
L'équation écrite par la planchette n'est pas une formule habituelle ; elle ne lui serait probablement pas venue à l'esprit, pas plus qu'à moi d'ailleurs ; cependant l'esquisse donnée plus haut ne prétend pas être une représentation exacte de la courbe de l'équation écrite par la planchette, mais seulement du souvenir de ses caractères généraux.
M. J. W. Sharpe, de Bournemouth, a été assez bon pour me tracer un graphique exact de cette courbe ; le voici, a une échelle réduite. Il faut se rappeler que l'équation r = α (sinθ/θ) avait été donnée par la planchette comme exprimant mathématiquement le profil de son propre contour, et que l'intelligence contrôlant ses mouvements prétendait être celle d'un premier prix (Senior Wrangler).
A l'égard de son tracé, M. Sharpe fait observer que la courbe ne consiste pas en deux séries de spirales, comme on l'avait, tout d'abord, grossièrement décrite, mais bien en deux séries de boucles passant toutes par l'encoche, tangentes en ce point l'une à l'autre, et renfermées toutes dans le contour extérieur en forme de coeur.
Cette équatioion représente très bien la forme ordinaire d’une planchette mais, si par accident, elle eut été renversée ainsi, r = α (θ/ sin θ) la courbe aurait été entièrement différente, très dissemblable au profil de la planchette.
M. Sharpe considère comme peu vraisemblable qu'aucune de deux automatistes ait jamais vu le graphique exact de l'équation donnée par leur écriture. Il est naturellement beaucoup plus difficile d'inventer une équation convenant à une courbe donnée (ce que l'écriture a fait dans le cas présent), que de tracer la courbe lorsque l'équation en est donnée.
Faculté de lire un texte caché
Les écrits automatiques de M. Stainton Moses fournissent l'exemple démonstratif d'une faculté supranorniale d'un genre encore plus remarquable. M. Stainton Moses bien connu comme ayant été professeur, pendant plusieurs années, au Collège de l'université à Londres, eut pendant une grande partie de cette période, l'habitude d'écrire automatiquement, dans la solitude, chaque matin. Un grand nombre des écrits ainsi obtenus, ont été publiés et sont familiers à ceux qui étudient la question ; mais l'incident suivant est d'un caractere surprenant et offre un exemple singulièrement frappant du pouvoir de lire les lettres, que possèdent, dans une certaine mesure, un ou deux des contrôles de Mine Piper, et de beaucoup d'autres médiums dont on connaît l'histoire.
Le texte suivant fut obtenu par M. Stainton Moses, alors qu'il était en séance dans la bibliothèque du docteur Speer, et conversait par le moyen de sa main qui écrivait automatiquement avec divers interlocuteurs supposés :
S. M. - Pouvez-vous lire ?
Rép. - Non, ami, je ne peux pas, mais Zacharie Gray, ainsi que Rector le peuvent.
S. M. - Y a-t-il ici l'un quelconque de ces Esprits
Rép. - Je vais en amener un tout à l'heure. Je vais envoyer Rector est ici.
S. M. - J'ai demandé si vous pouviez lire. Cela est-il vrai ? Pouvez-vous lire un livre.
Rép. - (L'écriture change). Oui, ami, mais difficilement.
S. M. - Voulez-vous m'écrire la derniere ligne du Premier Livre de l’Énéide ?
Rép. - Attendez... Omnibus errantem terris et fluctibus restas.
(C'était bien cela).
S. M. - C'est bien. Mais il est possible que je l'aie su. Pouvez-vous aller dans la bibliotheque, prendre l'avant-dernier volume du deuxième rayon, et me lire le dernier paragraphe de la page 91 ? Je ne sais pas quel est le livre, et j'en ignore même le titre.
Après un court laps de temps, on obtint ceci par l'écriture automatique.
Rép. - Je prouverai par un court récit historique que la Papauté est une nouveauté qui, graduellement, s'est élevée et a grandi depuis les temps primitifs du Christianisme pur, non seulement depuis l'âge apostolique, mais, même, depuis la lamentable union de l'Église et de l'État par Constantin.
Le volume en question se trouvait être une oeuvre bizarre ayant comme titre : Roger's Antipopoprieslian, an attempt to liberate and purify Christianity from Popery, Politikirkality and Priestrule .
L'extrait donné ci-dessus était exact, sauf le mot narrsrtiee substitué au mot account.
S. M. - Comment se fait-il que je sois tombé sur une phrase aussi bien appropriée ?
Rép. - Je ne sais, mon ami, c'est l'effet d'une coïncidence. Le mot a été changé par erreur. Je m'en suis aperçu quand c'était fait, mais je n'ai pas voulu le corriger.
S. M. - Comment lisez-vous ? Vous écriviez plus lentement, par accès et par saccades.
Rép. - J'écrivais ce que je me rappelais, et j'allais ensuite lire plus loin. Il faut faire un effort spécial pour lire. Cela n'a d'utilité que comme preuve. Votre ami avait raison hier au soir ; nous pouvons lire, mais seulement quand les conditions sont très bonnes. Nous allons lire une fois encore, nous écrirons, et ensuite nous vous donnerons l'impression du livre : « Pope est le dernier grand écrivain de cette école de poésie, la poésie de l'intelligence, ou plutôt de l'intelligence mélangée à l'imagination. » Ceci est vraiment écrit. Allez prendre le onzième volume sur le même rayon.
J'y pris un livre intitulé Poésie, Romans et Rhétorique.
- Il va s'ouvrir pour vous à la page voulue. Prenez et lisez, et reconnaissez notre pouvoir, et la permission que nous donne Dieu, grand et bon, de vous montrer notre puissance sur la matière. Gloire a Lui. Amen.
Le livre ouvert à la page 145, montra que la citation se trouvait parfaitement vraie. Je n'avais pas vu le volume auparavant ; il est certain que je n'avais aucune idée de ce qu'il renfermait. S. M. Ces volumes se trouvaient dans la bibliothèque du docteur Speer. F. W. H. M.
A ceci, M. Myers ajoute, avec justesse, cette note :
« Il est évident qu'un pareil pouvoir d'acquérir et de reproduire des connaissances nouvelles, apporte beaucoup de difficulté à l'identification de tout soi-disant Esprit au moyen de sa connaissance des faits survenus pendant sa vie terrestre. »
Clairvoyance des mourants
La grande lucidité des mourants est une chose qui a été si souvent alléguée, que c'est devenu presque un lieu commun ; quelquefois, il semblerait qu'elle dépasse la simple imagination, comme par exemple, quand un enfant mourant fait accueil à sa mere morte, et paraît en recevoir de son côté la bienvenue. Mais ces phénomènes visuels et auditifs qui sont manifestement communs ont trait d'ordinaire à des choses que nous ne pouvons savoir, en sorte que, la plupart du temps, il faut les reléguer dans la catégorie des faits impossibles à vérifier. Cependant, nous possédons la relation de quelques faits de clairvoyance ayant permis à des personnes qui, en bonne santé, ne possédant pas ce pouvoir, de percevoir des événements survenant sur notre globe ; ce sont là des cas dignes d'attention, surtout ceux qui sont réciproques, c'est-à-dire qui produisent une impression aux deux extrémités d'une ligne terrestre, comme si un mode de communication télépathique, moins matériel, avait déjà commencé à fonctionner pour eux.
Les récits qui nous sont parvenus rapportant les paroles des mourants, rappellent beaucoup les discours de Mme Piper pendant ses périodes de réveil, comme nous le verrons plus loin, et il n'apparaît pas que ce soient des paroles prononcées au hasard et dépourvues de sens ; au contraire, elles correspondent a une certaine espèce de réalité, puisque l'aspect de personnes étrangères s'y trouve être fréquemment décrit avec exactitude, et que des messages sont transmis, qui ont un sens défini. De plus, l'aspect extatique de la physionomie de Mme Piper, au moment de sa période de réveil, est tout a fait semblable à ce qu'on voit sur le visage de certaines personnes au moment de la mort ; dans les deux cas, la vision subjective est décrite comme représentant des choses plus belles et plus attrayantes que celles de la Terre.
Il est douteux que les mourants aient, comme agents, une plus grande puissance télépathique que les vivants : c'est là l'explication télépathique ordinaire, admise dans Phantasms of the Living ; mais il semble qu'ils aient quelquefois, comme percipients, une plus grande sensibilité, et souvent l'événement qu'ils ont décrit, est pareillement perçu par une autre personne, dans un endroit éloigné, ce qui paraît démontrer une influence télépathique réciproque. Il existe un petit groupe de cas indiquant la clairvoyance au moment de la mort ; je ne puis en citer qu'un ou deux, choisis parmi le petit nombre de ceux dont la réalité est bien établie, c'est-à-dire dont la preuve satisfait aux conditions exigées par la S. P. R.. En les rapportant, j'omettrai les preuves à l'appui, ce qui les abrégera ; je veux seulement faire connaître, en effet, la nature des faits auxquels je fais allusion.
Le rédacteur du compte rendu suivant est le colonel B., gentilhomme irlandais bien connu. Il expose que sa femme avait invité, pour chanter avec ses filles, une demoiselle X., qui étudiait pour chanter en public ; dans la suite, elle abandonna cette intention, s'étant mariée à un M. Z.
Six ou sept ans après, Mme B., mourante, parla en présence de son mari, de voix qu'elle entendait chanter, disant qu'elle les avait entendues plusieurs fois dans la journée, et que parmi elles, il eu était une qu'elle connaissait, sans pouvoir se rappeler à qui elle appartenait.
« Soudain, écrit le colonel B., elle s'arrêta, et dit, désignant un point, au-dessus de ma tête : - Mais voici qu'elle est dans le coin de la chambre ; c'est Julia X.; elle est venue ; elle est penchée sur vous ; elle tient ses mains en l'air ; elle prie; regardez ; elle s'en va. Je me re¬tournai, mais ne pus rien voir. Mme B., dit alors : - Elle est partie. Je m'imaginais que tout cela, cette audition d'un chant, et cette vision de la chanteuse étaient des rêveries de mourante.
Deux jours après, en lisant le Times, je vis l'annonce de la mort de Julia Z., femme de M. Z. Je fus tellement surpris que, un jour ou deux après l'enterrement, j'allai chez M. X. et lui demandai s'il était vrai que Mme Z., sa fille, fut morte. Il me répondit : - Oui, la pauvre femme, elle est morte de fièvre puerpérale. Le jour de sa mort, elle se mit à chanter dès le matin, et chanta... chanta... jusqu'au moment où elle mourut ! »
Le cas suivant est un curieux incident en rapport avec la mort d'un enfant ; ce sont les révélations faites à la mère éplorée, au cours des séances qu'elle eut chez Mme Piper, en Amérique, au temps où Phinuit était son contrôle.
C'est la conclusion d'une longue et frappante série de communi¬cations, extrêmement caractéristiques au point de vue de l'identi¬fication ; elle est rapportée à la fois dans Human Personality et dans les Proceedings S. P. R.
Voici le témoignage de la mère :
« Les remarques faites pendant sa seconde séance donnent à penser que, dans l'esprit de l'enfant « le petit livre», n'était point celui-ci. Ka¬kie veut le petit livre que maman lisait à son chevet, avec les jolies choses brillantes qui y étaient suspendues, maman le lui mit dans les mains, c'est la dernière chose qu'elle se rappelle. Mme Sutton déclare que c'était un petit livre de prières, portant, attachés avec des rubans, une croix et d'autres symboles en argent, pour marquer les pages ; ce livre lui avait été envoyé par un ami, après que Kakie eût cessé de reconnaitre qui que ce soit, excepté peut-être pendant un court instant. Mme Sutton le lisait pendant que Kakie semblait inconsciente et après la mort de Kakie, elle le plaça entre les mains de l'enfant pour empêcher le sang de se fixer sous les ongles. Plus tard elle ajoutait que les mains de Mme Piper, lorsque le livre fut réclamé pour la séance, se placèrent dans la même position que celles de Kakie. »
Il y a aussi l'indication d'une réciprocité d'espèce inusitée, dans le cas de Mme Piper, car Phinuit a été dépeint comme perçu par une personne à l'article de la mort, dans un endroit éloigné de Mme Piper ; ce fait correspondait à l'assertion de Phinuit décla¬rant qu'il voulait aller parler à cette personne à propos de clauses injustes insérées dans son testament.
Le récit de ce curieux épisode est dû à un gentleman américain qui avait suivi une bonne partie des séances de Mme Piper ; il désire garder l'anonyme. Des trois exemples qu'il donne comme prédictions, obtenues dans ces séances, je choisis celui-ci qui caractérise le genre de sensation réciproque dont j'ai déjà parlé. Le récit est corroboré par Mme M. N.
5 avril 1889
« Vers la fin de mars, l'année dernière, je fis une visite à Mme Pi¬per (comme j'avais coutume de le faire depuis le début de février, envi¬ron une fois par quinzaine). Elle me dit sous la personnification Phinuit que la mort d'un de mes proches parents aurait lieu environ dans dix semaines et que ce décès me vaudrait quelques avantages pécuniaires naturellement, je pensai qu'il s'agissait de mon père qui était âgé et dont Mme Piper m'avait fait une description fort exacte une semaine ou deux auparavant. Elle n'en avait pas parlé comme étant mon père, mais sim¬plement comme d'une personne me touchant de près. A cette séance, je lui demandai si c'était cette personne qui devait mourir mais elle refusa de s'expliquer plus clairement. Ma femme, qui était alors ma fiancée, vint voir, quelques jours après, Mme Piper ; celle-ci lui dit que mon père mourrait dans quelques semaines.
Vers le milieu de mai, mon père mourut subitement à Londres, d'une affection du coeur, au cours de sa convalescence d'une très légère attaque de bronchite ; ce triste événement eut lieu le jour même où le médecin avait déclaré qu'il était hors de danger. Antérieurement, Mme Piper per¬sonnifiant le docteur Phinuit m'avait dit vouloir essayer d'influencer mon père au sujet de certaines de ses dispositions testamentaires, avant qu'il mourût. Deux jours après avoir reçu le câblogramme annonçant sa mort, ma femme et moi allâmes voir Mme Piper ; elle ou du moins Phi¬nuit parla de la présence du défunt, de son arrivée soudaine dans le monde des Esprits, et le docteur Phinuit ajouta qu'il avait essayé, pen¬dant que mon père était malade de l'amener à modifier son testament.
Le docteur Phinuit me raconta quelles étaient les dernières volontés de mon père, me dépeignit le principal exécuteur testamentaire, qui, me dit-il, prendrait certaines dispositions en ma faveur, soumises au con¬sentement des deux autres exécuteurs, lorsque j'irais à Londres, en Angleterre. Trois semaines après, j'arrivai à Londres ; je constatai que le principal exécuteur testamentaire était bien l'homme que Phinuit m'avait dépeint. Le testament de mon père était bien tel qu'on me l'avait dit. Le codicille en ma faveur était fait et ma soeur, qui n'avait guère quitté le chevet de mon père pendant les trois derniers jours de sa vie, me raconta qu'à plusieurs reprises, il s'était plaint de la présence d'un vieillard qui, se tenant au pied du lit, l'ennuyait à discuter ses affaires privées.
M. N.
Un exemple semblable de réciprocité se rencontra dans le cas d'une dame nommée Elisa Mannors ; ses proches parents et ses amis, dont il est question dans les communications, étaient bien connus de M. Myers. Le matin qui suivit la mort de son oncle, nommé F. dans le compte rendu, cette dame raconta un incident relatif à son appa¬rition au lit de mort de cet oncle. Voici le récit qu'en fait le docteur Hodgson, dans les Procee¬dings, S. P. R.
La nouvelle de la mort de F. était dans les journaux du matin de Boston, et il advint que je la lus en allant à la séance. La première com¬munication à cette séance fut écrite par Mme Elisa, sans que je m'y at¬tendisse. Elle écrivit d'une manière claire et ferme, expliquant que F. était là, avec elle, mais qu'il était incapable de parler directement ; elle désirait nous raconter comment elle avait aidé F. à venir la rejoindre. Elle était, nous dit-elle, présente à son lit de mort et lui avait parlé ; elle nous répéta ce qu'elle avait dit, ce qui était une expression inusitée ; elle ajouta qu'elle avait été entendue et reconnue de lui. Tout ceci fut confirmé en détail par la seule voie possible à cette époque, c'est-à-dire par un ami très intime de Mme Elisa et de moi, et aussi par le plus proche parent survivant de F. Je montrai à mon ami le procès verbal de la séance, et, un ou deux jours plus tard, le parent qui avait assisté à la mort raconta spontanément à cet ami que F., mourant, voyait Mme Elisa qui lui parlait et il répétait ce qu'elle disait. Ces paroles répétées par le mourant, et que son parent citait à mon ami, étaient bien celles que j'avais reçues par la communication de Mme Elisa, pendant la transe de Mme Piper, alors que naturellement l'incident survenu au lit de mort m'était tota¬lement inconnu.
Écriture en langues étrangères
Les exemples de médiums parlant ou écrivant une langue qui leur est inconnue, sont relativement rares.
A une séance de 1892, alors que Mme Elisa faisait une communi¬cation, un peu d'italien fut écrit sur demande ; l'italien et l'anglais lui étaient aussi familiers l'un que l'autre mais on ne put déchiffrer que deux ou trois mots communs. Les premiers prénoms du consultant et de la personnification furent donnés, et le dernier prénom fut, à la fois, écrit et plus tard donné par G. P. à Phinuit. Certaines parties de l'écriture avaient un caractère personnel, et d'autres concernaient la mon¬tre au sujet de laquelle une enquête avait été faite. G. P. entre au¬tres choses, indiqua correctement que la mère du consultant était pré¬sente en Esprit , qu'elle était près de lui et qu'il ne la connaissait pas. Les prénoms véritables sont très rarement énoncés. Les mots ita¬liens signifiant « C'est bien, patience » furent chuchotés à la fin de la séance comme s'ils étaient prononcés sous le contrôle direct de la voix par Mme Elisa.
Des essais subséquents ont été faits pour obtenir qu'on parlât ou écrivit en italien mais il ne fut pas dit grand'chose et l'écri¬ture ne fut pas lisible. A ce sujet, le docteur Hodgson fait les remarques suivantes :
Ainsi que je l'ai mentionné autre part , l'intelli¬gence communiquant par l'écriture est inconsciente de l'acte d'écrire. La principale difficulté, apparemment, pour obtenir que la main écrive en une autre langue, est la tendance à écrire les mots étrangers d'une ma¬nière phonétique, à moins qu'ils ne soient pensés lentement, lettre par lettre. L’écriture est, d'ordinaire, à présent beaucoup plus lisible qu'à l'époque où furent faites les relations que je viens de citer ; on éprouvait alors, fréquemment, beaucoup de difficulté à déchiffrer même les mots anglais les plus simples. Il n'était donc pas surprenant qu'on n'ait déchiffrer que si peu de chose de l'italien écrit par Mme Elisa.
Ce cas ne paraît pas très probant, celui qui suit me semble bien meilleur. Le docteur Hodgson rapporte l'incident suivant, survenu cours d'une séance qu'eut un M. Vernon Briggs avec Mme Piper en octobre 1893 .
La communication prétendait émaner d'un jeune garçon d'Honolulu, nommé Kalua, qui s'était fort attaché à M. Briggs durant les six mois qu'il demeura dans ce pays, en 1881 ; ce garçon suivit M. Briggs quand il revint à Boston, dans des circonstances un peu romanesques, en 1883, il fut bientôt renvoyé dans son île natale, mais de nouveau il revint à Bos¬ton, où il fut tué d'une balle, dans un bouge fréquenté par les marins ; on ne sait si ce fut intentionnellement, ou non. On eut quelques soup¬çons sur un suédois qui fut emprisonné ; mais il n'y avait pas de preuves contre lui et finalement, on le relâcha. Le Suédois raconta que Kalua s'était tué accidentellement d'un coup de revolver, et en fin de compte, avoua qu'après l'accident, il avait, lui-même, caché le revolver derrière le tuyau d'une cheminée ; après avoir démoli une partie de cette cheminée, on trouva effectivement l'arme. M. Briggs avait apporté à la séance un mouchoir ayant appartenu à Kalua. Kalua avait été tué d'une balle au coeur et il se produisit une certaine confusion apparente à propos de l'endroit dont il souffrait ; l'estomac et le côté furent indiqués par ce qui paraissait être la voix, sous le contrôle direct, de Kalua; M. Briggs demanda si c'était bien Kalua qui se trouvait là. Alors, Phinuit parla pour Kalua, qui raconta ne pas s'être tué lui-même ; il avait joué avec l'autre individu qui s'était disputé avec lui, et l'avait tué d'un coup de revolver sans en avoir l'intention ; cet homme avait jeté le revolver dans la boite chaude où sont les pepples, (voulant dire le fourneau et les charbons), et caché sa bourse sous les marches sur lesquelles il avait été tué. Kalua dit aussi que près de là se trouvait une charmille. La cave de la maison fut examinée, on ne trouva pas de bourse, et il n'y avait pas de charmille dans cette cave. Kalua essaya alors d'écrire en hawaïen, mais on ne put déchiffrer que les mots communs « lie » (signifiant couronnes ; il en faisait chaque jour pour M. Briggs), qui étaient écrits nettement et souvent, et un essai de tracer « aloha » (salut). Phinuit essaya d'obtenir une réponse à la ques¬tion de savoir où était le père de Kalua ; il ne réussit qu'à obtenir « Hiram ». Mais l'écriture donna la réponse « Iles Hawaï ». Dans laquelle ? demanda-t-on ; l'écriture traça en réponse « Kawaï » et Phinuit pro¬nonça « Tawaï ». Le mot est écrit Kawaï, mais il est prononcé Tawaï par les indigènes de l'île elle-même, et dans l’ile où Kalua était né. Les natu¬rels des autres îles l'appellent Kawaï.
Le cas dans lesquels la lucidité ou la faculté de la claivoyance ne sont pas limitées au présent, mais anticipent, en apparence sur l'avenir, sont suffisamment importants pour qu'on leur consacre un chapitre. il est extrêmêment difficile de prendre en considération une telle faculté. Jusqu'ici nous nous sommes seulement occupés de la connaissance du présent et du passé.
Chapitre X - Prévision
On assure qu'il existe un genre de lucidité à laquelle peuvent, quelquefois, arriver des personnes en bonne santé, lucidité qui dé¬passe les facultés de toute intelligence ordinaire, même aidée par la télépathie ; en ce sens que, parfois, ce ne sont pas seulement des faits survenant au loin, que ces personnes se montrent informées, mais encore d'événements qui ne se sont pas encore produits, et dont on ne pourrait induire la réalisation par aucun procédé de rai¬sonnement.
Est-il possible d'être averti des événements avant qu'ils ne soient arrivés, par des moyens autres que la prédiction scientifique ordi¬naire. L'anticipation de l'avenir est une faculté dont la nécessité n'ap¬paraît ni dans le spiritisme ni dans toute autre hypothèse ; c'est une question distincte, qui entraîne par elle-même d'importantes conséquences. Une réponse affirmative affecterait peut-être dans leur fondement les notions métaphysiques que nous possédons sur le temps mais elle ne démontrerait pas forcément d'une ma¬nière immédiate l'existence dans l'univers, d'intelligences autres que les nôtres. Nous pouvons admettre ou nier l'existence d'une galerie de tableaux cosmiques, pour employer l'expression de M. Myers, ou d'un enregistrement photographique ou phonogra¬phique de tout ce qui est arrivé ou doit arriver dans l'Univers ; la partie clairvoyante de l'intelligence des automatistes ou des personnes entrancées aurait partiellement accès à ces documents et elle les déchiffrerait obscurément.
Mais ce qui nous intéresse est de savoir si nous pouvons obtenir la démonstration évidente et claire qu'il existe, dans une forme quelconque, une faculté de prévision. Ce n'est pas une chose facile à mettre au-dessus de toute espèce de doute.
Des critiques sans autorité ont dit qu'une preuve documentaire, comme le timbre de la poste apposé sur une lettre racontant en détail un événement qui ne se soit pas encore produit, ou en tous cas, encore inconnu par les voies ordinaires à la date indiquée par ce timbre (comme, par exemple, un récent naufrage en plein océan), serait pour eux la preuve positive qu'il s'agit de quelque pouvoir occulte. Un auteur (le signataire d'un article dans la Revue The XIXth Century), va jusqu'à dire qu'un document ainsi vérifié officiellement par un employé de la Poste vaudrait mille livres pour le Bristish Museum. Dans ce cas, il serait singulièrement facile de devenir riche. Je crois que l'apposition du timbre de la Poste sur une enveloppe satisferait certains de ces critiques. Mais le timbre, sur le document lui-même, serait à mon avis, bien au¬trement convaincant.
Je m'étonne qu'un mystificateur entreprenant n'ait pas encore essayé de duper un journal important à l'aide du récit détaillé, par exemple, du désastre du Victoria, de l'explosion de Santander, ou du tremblement de terre de Messine, écrit sur une feuille de papier, transmise en blanc par la poste, à peu de frais, et prépa¬rée ainsi en vue de n'importe quel événement marquant ; peut-être aussi un employé de la Poste ingénieux pourrait-il timbrer le papier avec des dates antérieures, et il ne serait pas non plus bien difficile à un habile employé du gouvernement de le sceller de cire rouge.
Croire que tout ce qui émane d'un fonctionnaire des postes est concluant, est un sentiment du même ordre que l'opinion d'après laquelle les avocats, les juges criminels, ou les médecins prati¬ciens sont les seuls gens capables d'apprécier les phénomènes mentaux insolites, parce que leur profession les a familiarisés avec les perversions de l'esprit humain.
Autant que je le comprenne, le rôle du médecin, est de guérir une manifestation anormale, s'il le peut, et non point de la prolonger pour en faire un sujet de recherches. Il est vrai qu'un médecin peut être, par surcroît, un homme de science mais, en tant que médecin il est hors de son élément lorsqu'il fait des re¬cherches ayant une portée générale et si c'est un praticien en vue, il en aura très peu le loisir. S'il n'en était pas ainsi, l'attitude qu'ont prise ou qu'avaient l'habitude de prendre les médecins à l'égard de toute nouveauté, serait non seulement pitoyable, ce qu'elle est, mais encore véritablement honteuse. Maintenant encore je ne serai pas surpris qu'il y eût, enfermés dans des asiles, des sujets intéres¬sants, tant pour les recherches que pour la thérapeutique psy¬chique, et qui sont perdus pour la science et pour eux-mêmes.
Mais rêvenons à la question des timbres de la Poste. Je ne pré¬tends pas que leur valeur probante soit nulle. Ils peuvent avoir une importance comme preuve subsidiaire corroborant un témoignage, et l'on devra toujours s'efforcer de les obtenir ; je conteste seulement qu'ils puissent dispenser de témoignages formels. Pour moi, le rôle de toute preuve accessoire ou de tout en¬registrement automatique est de diminuer les chances qu'on a de se tromper soi-même, ou d'être victime de son imagination trop exubérante. Si par un échange de lettres, en prenant soin que les dates soient vérifiées de sang-froid, et d'une manière officielle, deux amis pouvaient établir qu'ils ont eu, à l'avance, la con¬naissance d'événements impossibles à deviner ou à inférer, leur témoignage acquerrait de la valeur par la présence du timbre de la Poste, dans la mesure suivante ou les faits se sont produits comme ils le disent ou ils sont de connivence pour faire de faux témoi¬gnages et tromper. On ne pourrait leur accorder le bénéfice de l'auto-déception que pour leur éviter d'être suspects d'insanité .
C'est dans ces limites que les documents automatiques, photo¬graphies et autres semblables, peuvent avoir beaucoup de valeur ils complètent le témoignage humain, mais ne sauraient se substi¬tuer à lui.
Prévision d'événements
Possédons-nous des preuves formelles d'un pouvoir permettant de prévoir des événements qu'il était impossible de prédire ? Chose étrange, ces preuves existent mais elles ne sont pas encore en assez grand nombre pour justifier une généralisation ; elles sont suffisantes cependant pour nous obliger à n'avoir aucune précon¬ception, même en cette matière, et à être prêts à examiner rigou¬reusement les preuves nouvelles à mesure qu'elles se produisent.
L'article de Mme Sidgwick sur les preuves en faveur des prémoni¬tions, se trouve dans le vol. V des Proceedings.
Je n'attache pas d'importance à la prédiction des maladies et de la mort ; elle peut témoigner d'une puissance inusitée de diagnos¬tic, et rien de plus. En outre, un grand nombre de ces prédictions ne s'accomplissent pas ; des prédictions de cette nature ne sauraient affecter aujourd'hui la personne expérimentée qui en est l'objet. La prévision vérifiée d'un accident doit elle-même être attribuée en règle générale à une coïncidence fortuite, à moins d'être accom¬pagnée d'un ensemble exceptionnel de détails.
Le cas suivant est tiré de l'article de Mme Sidgwick . Il émane d'un mécanicien de chemin de fer qui, dans la suite, a été inter¬rogé en Amérique par un agent de la S. P. R.
En 1853, j'étais chauffeur sur une locomotive ; c'était une belle ma¬chine pour trains de voyageurs, toute nouvelle, construite pour la vitesse et sortant des ateliers. Je me trouvais heureux de monter sur une aussi belle machine, et étais très fier de ma position. Une nuit, le 29 mai 1853 je rêvai que le train roulait dans une tranchée peu profonde et débouchait sur un pont de pierre élevé, sur lequel le train passa ; à ce moment, la machine chavira et tomba sur la rivière d'une hauteur de 70 pieds en¬viron. Je racontai mon rêve, le matin suivant, à la famille chez laquelle j'habitais. La dame (morte à présent) me dit que j'allais être tué, mais je lui répondis que, d'après mon rêve, j'avais l'assurance que je n'aurais pas de mal. Le second jour après ce rêve, nous fûmes envoyés sur une partie de la ligne que je connaissais peu ; bientôt nous passâmes dans une tran¬chée peu profonde et je vis un grand nombre d'hommes, devant nous, sur la voie. Le mécanicien était myope et ne les vit pas. Je lui criai d'arrêter la machine ; il essaya de le faire, mais, la voie était mouillée, et, voyant qu'une partie de la voie, en avant de nous, avait été enlevée, il sauta de la machine. Je restai dessus, et essayai de l'arrêter. Avant que je pusse y parvenir, nous arrivions sur un pont en pierre, et je ne pou¬vais plus descendre. La machine quitta la voie, et à l'autre bout du pont tomba, et fit doux tours sur elle-même avant d'atteindre le fond ; j'étais resté dessus : je n'eus qu'une petite égratignure ; «comment ?» je n'en sais rien. Je remontai sur la rive, et regardant en arrière, je revis exactement ce que j'avais vu dans mon rêve. Le pont avait 200 pieds de long, avec cinq arches de pierre de 54 pieds de haut, et la rive où la machine était tombée était à 70 pieds.
Le cas de Marmontel
La perception à distance des événements est assez commune, mais, celle des événements à venir est rare. Le choix suivant de faits de cette espèce reçus par Mme Verrall est un exemple des quelques cas dignes de confiance qui sont à ma connaissance . Le 11 décembre 1901, c'est-à-dire à la fin de la première année où s'était développé sa faculté d'écriture automatique, la main de Mme Verrall écrivit ceci :
Rien n'est trop vil, le trivial aide, donne confiance. De là ceci. Il gèle et une bougie dans le demi-jour. Marmontel, il était en train de lire étendu sur un canapé ou sur un lit, mais il y avait seulement la lueur d'une bougie. Elle se rappellera sûrement cela. Le livre était prêté, ne lui appartenait pas - il en parla.
Puis se manifesta un essai fantaisiste mais indéniable pour écrire le nom de Sidgwick. Ce qu'on vient de lire n'avait aucun sens pour Mme Verrall, mais la tentative finale lui suggérait naturellement l'idée de s'adresser à Mme Sidgwick. Ce qui fut fait, sa réponse, reçue le 17 décembre, fut qu'elle n'y comprenait rien, mais qu'elle averti¬rait Mme Verrall si le nom de Marmontel survenait.
Mme Verrall était alors absente de chez elle, et avait décidé de ne point s'occuper d'écriture automatique jusqu'à son retour. Mais pendant toute cette journée du 17, elle fut tellement tourmentée par le désir d'écrire, qu'elle en prit le temps et, le soir, obtint ce message.
J'avais besoin d'écrire. C'est bien de Marmontel qu'il s'agit. C'était un livre français, des Mémoires, je pense. Passy peut aider. Souvenirs de Passy ou Fleury. Le nom de Marmontel n'était pas sur la couverture. Ce livre était relié et prêté - deux volumes reliés et imprimés à l'an¬ cicunee mode. Cela n'est dans aucun écrit. C'est un essai fait pour que quelqu'un se souvienne - un incident.
« Peu après mon retour à Cambrigde, raconte MmeVerrall,vers le 29 décembre 1901, je cherchai dans une liste de livres - que j'avais parcourue avant le 11 décembre - et trouvai cette indica¬tion : Marmontel, Histoires Morales (Moral Tales) choisies et traduites par G. Saintsbury. Quelque étrange que cela puisse pa¬raître, c'était, autant qu'il m'en souvienne la première notion consciente que j'eusse de Marmontel comme écrivain français ».
Ainsi finit le compte rendu de l'obtention de cette communica¬tion écrite. La phrase de la première partie « Elle se rappellera sûrement cela » est une remarque caractéristique faite comme en a parle ; ce fait n'est pas rare dans ce genre d'écrits, et possède une signification analogue à celle de la dernière phrase de la seconde partie, c'est-à-dire que Mme Verrall elle-même se souviendra de la communication quand, plus tard, on fera allusion à l'incident. décrit. La vérification vient maintenant par des moyens tout à fait inattendus.
En janvier 1902, il arriva que Mme Verrall écrivit à un de ses amis M. Marsh, pour lui demander de lui faire une visite de bout de semaine ; ce monsieur s'annonça pour le 1er mars. Elle n'avait eu aucune nouvelle de lui depuis juin 1901. Le 23 février elle lui envoya une carte postale pour lui rappeler sa visite, en réponse elle reçut une lettre le 24. Le compte rendu de Mme Verrall continue ainsi :
Le 1er mars, M. Marsh arriva, et le soir, au dîner, raconta qu'il venait de lire Marmontel. Je lui demandai s'il avait lu les Histoires Morales, à quoi il répondit que c'étaient les Mémoires, qu'il avait lus. J'étais intéressée par la mention faite de Marmontel et demandai à M. Marsh quelques détails sur sa lecture, expliquant en même temps les raisons de ma curiosité. Il me conta alors qu'ayant pris cet ouvrage à la Bibliothèque de Londres, il en avait emporté le premier volume seule¬ment à Paris, où il le lut le soir du 20 février, puis à nouveau le soir du 21. A chaque fois, il lut à la lumière d'une bougie ; le 20, il était au lit ; le 21, il était étendu sur deux chaises. Il parla de cet ouvrage aux amis avec lesquels il séjournait à Paris. Le temps était froid, mais, dit-il, il ne gelait pas. L'exemplaire de la Bibliothèque de Londres est relié, comme la plupart de ses volumes, dans une reliure qui n'est pas moderne ; mais le nom de Marmontel est sur le dos du livre. L'édition com¬porte trois volumes ; à Paris M. Marsh n'en avait qu'un, mais à l'époque où il nous fit visite, il avait lu également le second tome.
Je lui demandai si les mots de « Passy » ou « Fleury », pourraient être de quelque utilité, il répondit que certainement, le nom de Fleury se ren¬contrait dans l'ouvrage, en note ; il n'était pas sûr quant à Passy, mais il se promit de le vérifier à son retour à Londres, et de s'assurer, autant que possible, en se reportant au livre, de la partie du volume qu'il lisait à Paris. Il a l'habitude de lire au lit mais chez lui, il a la lumière élec¬trique dans sa chambre, en sorte que depuis des mois, il n'avait pas lu dans un lit ou sur un sofa à la lumière d'une bougie, jusqu'à ce qu'il lût Marmontel à Paris.
Le 4 mars 1902, M. Marsh, de retour à Londres, m'écrivit que le 21 février, étendu sur deux chaises, il lisait le premier volume des Mé¬moires de Marmontel, décrivant la découverte, à Passy, d'un panneau, etc., se rattachant à une histoire dans laquelle Fleury joue un rôle important.
Il faut donc, noter que l'écrit de décembre 1901, raconte comme passé à ce qu'il semblerait, un incident qui s'est produit en réalité deux mois et demi après, en février 1902 ; au temps où l'écriture en fit le récit, il n'était pas possible de prévoir cet incident.
M. Marsh m'assura que l'idée de lire Marmontel lui vint peu de temps avant son voyage à Paris. Il est probable que s'il ne m'avait pas vue presque immédiatement après son retour, quand son esprit était encore sous l'impression de la lecture de cet ouvrage, je n'aurais jamais su qu'il eût fait cette lecture et à plus forte raison je n'eusse point découvert à quoi s'appliquaient les écrits des 11 et 17 décembre 4901.
La description est précise, et pour la plus grande partie, exacte. Il y a, néanmoins, des erreurs : bien que le temps fut froid, il ne semble pas qu'il eût réellement gelé pendant l'une ou l'autre des deux nuits en ques¬tion ; l'ouvrage n'était pas en deux volumes, comme l'écriture semblait le dire, quoique deux volumes seulement eussent été lus quand l'incident me fut relaté ; si le nom de Marmontel n'était pas sur un des plats de la couverture, il était au dos du volume ; la reliure, bien que non moderne, pouvait passer difficilement pour une reliure ancienne. Mais la mention des noms de Passy et Fleury est précise, il y a là une remarquable coïncidence, car ces noms, autant que j'ai pu le rechercher, tic se rencon¬trent point ensemble dans aucun passage des Mémoires de Marmontel. excepté dans celui que lut M. Marsh, le 21 février.
Deux autres points sont à retenir. 1° L'écrit du 17 décembre rejette l'avis que le nom de Marmon¬tel ait rien à voir avec Mme Sidgwick. 2°Aucun nom ne fut donné au lecteur de Marmontel.
Cette dernière sorte de réticence est caractéristique de l'écriture automatique et, bien qu'à un examen superficiel, on puisse juger ironiquement ce fait, il a cependant une importance essentielle pour la vérification de la prévision car, si le nom de M. Marsh eût été donné, Mme Verrall eût écrit prématurément à ce monsieur pour te questionner, et tout eût été manqué.
Comme l'écriture ne faisait aucune allusion à M. Marsh, ce dernier fut laissé libre d'exécuter, inconsciemment, la prédiction, qu'il continua à ignorer complètement, et par laquelle il ne fut nullement influencé. Cette prévision, enregistrée en décembre fut réalisée en février, et c'est en mars que l'on en rendit compte.
Le fait que la prédiction a bien été reçue en décembre est prouvé par la lettre écrite le 17 décembre par Mme Sidgwick, lettre dans laquelle elle disait ne pouvoir en tirer aucun parti ; mais que si elle découvrait ce nom dans un des manuscrits qu'elle était en train de lire, elle le ferait savoir à Mme Verrall, cette lettre a été conservée.
Discussion de la possibilité de la prévision
Dans son livre, M. Myers a envisagé la réalité des prévisions, et il s'en est occupé dans maint passage éloquent ; celui qu'on va lire l'est trop peut-être pour le fait qui vient d'être relaté ; mais il fait connaître ses idées sur la possibilité de pareille chose.
« Peu d'hommes ont longuement médité sur ces problèmes du Passé et du Futur, sans se demander si le Passé et le Futur ne sont pas en vérité rien autre chose que des mots, si nous ne concevons pas comme un cou¬rant de conséquences, ce qui est un océan de co-existences, si nous ne mesurons pas ces choses subjectives qui sont nos années et nos siècles, en les isolant de choses éternelles et absolues. Les précognitions exami¬nées ici ne dépassent guère, sans doute, la vie individuelle du percipient. Mais tenons-nous-en à ce court espace de temps et imaginons qu'une vie terrestre tout entière soit en réalité un phénomène absolument instantané, bien qu'il soit infiniment complexe. Supposons que mon « moi » transcen¬dental en perçoive directement et immédiatement chaque élément, mais que mon « moi » empirique connaisse chaque élément d'une façon médiate, et par des moyens impliquant différents degrés de retard, tout comme lorsque je perçois l'éclair plus vite que le tonnerre : soixante-dix ans ne peuvent-ils pas alors se placer entre mes perceptions de la naissance et celles de la mort aussi facilement que sept secondes entre mes perceptions de l'éclair et du bruit ? Ne peut-il pas exister entre les consciences quelque moyen de communication qui permette à celle de notre plus vaste « moi » de crier à notre « moi » le plus limité, notre « moi » central de dire à notre « moi » externe « A telle heure, tel coup te frappera ! Écoute le grondement qui s'approche ! »
Mais examinons s'il n'y a point de moyens d'envisager l'accomplissement d'une anticipation insignifiante comme dans le cas de Marmontel, relaté plus haut, sans trancher une question aussi difficile que la réalité du temps.
Je ne puis que proposer une explication analogue à la suggestion hypnotique, exécutée automatiquement. Une intelligence exté¬rieure, disons « subliminale » provoque la mention faite par Mme Verrall : un homme, non désigné, lira Marmontel pendant une nuit froide, couché sur un sofa, à la lueur d'une bougie, etc. puis elle s'emploie à essayer d'obtenir que dans les deux ou trois mois suivants, quelqu'un exécutera la prédiction, quelqu'un qui soit suffisamment lié avec Mme Verrall pour que suivant toute probabilité elle puisse être informée de ces circonstances dans une conversation ultérieure.
Je donne cette supposition pour ce qu'elle vaut, comme étant le seul moyen qui se présente à moi pour éviter les hypothèses encore plus difficiles à condition, bien entendu, que nous n'écar¬tions le tout d'emblée comme une pure invention, ce qui serait absurde, ou un hasard, ce qui, à mon sens, est mis hors de cause tant pour la quantité des détails donnés que par d'autres incidents de nature générale dont l'écrit de Mme Verrall donne un exemple.
On peut se demander quel peut être la raison de prédire un incident aussi vulgaire et aussi banal. Cette raison, pour ceux qui participent aux travaux de la S. P. R., est suffisamment manifeste.
J'ai souvent discuté, de leur vivant, avec M. Sidgdgwick et M. Myers, sur la question de savoir quelle sorte de preuve pouvait être regardée comme concluante relativement à l'existence d'une intelligence supranormale, même si elle n'était point posthume. Nous étions d'accord pour penser que la meilleure preuve résulte¬rait, à condition de les obtenir en quantité suffisante pour élimi¬ner le hasard, de prédictions d'incidents futurs insignifiants, incidents tels qu'une connaissance aussi vaste qu'on le puisse imaginer, des événements contemporains, ne permettrait pas de les deviner par inférence ou déduction, qui seraient hors de la portée de l'habileté la plus grande qu'un historien, un mathéma¬ticien, un politicien, pourrait posséder. Il ne s'en suivait pas que de telles anticipations fussent « possibles », autant que nous soyions capables de le dire, elles dépassaient peut-être non seule¬ment les facultés normales, mais aussi les supranormales cependant, si elles étaient possibles nous convenions qu'elles seraient singulièrement satisfaisantes.
Par conséquence, faire des essais de ce genre est éminemment caractéristique d'une intelligence prétendant être plus ou moins associée à feu le professeur Sidgwick, ou feu M. Myers. Quelques tentatives ont été faites avec un résultat variable, et j'en ai choisi une. D'autres se trouvent rapportées dans l'article de Mme Verrall au chapitre intitulé Événements futurs.
Section IV – Automatisme et lucidité
Chapitre XI - Écriture automatique et discours en état de trance
Nous abordons maintenant l'examen plus détaillé d'un groupe de faits dont la Société, dans ces dernières années, a recueilli une moisson remarquablement abondante ; leur authenticité est géné¬ralement admise sans hésitation par tous ses membres dirigeants qui, s'ils diffèrent d'avis quant à leur interprétation, sont cepen¬dand unanimes à reconnaître l'importance et l'intérêt des témoi¬gnages apportés à leur appui ; j'entends unanimes dans le sens que nous désirions et que nous prévoyions.
A la fin du chapitre précédent, nous avons examiné la possi¬bilité de l'hypothèse vague et mal définie d'après laquelle des moyens d'information illimitée sont accessibles aux personnes en état de clairvoyance, comme si, durant l'inconscience, elles péné¬traient dans une région psychique où seraient renversées les barrières existant ordinairement entre les âmes, ou entre les intel¬ligences. Cette supposition d'ailleurs, ne doit pas être rejetée sans examen, si nous sommes forcés d'y venir mais ce n'est pas une cause qui nous soit connue.
C'est, bien entendu, seulement, quand tous les moyens normaux d'obtenir l'information ont été scrupuleusement écartés que le problème apparaît ; la première hypothèse que l'on doit faire,
toutes les fois que les explications normales ont complétement échoué, est qu'une action télépathique quelconque émane d'une personne vivante, et influence la sensibilité de l'opérateur plus ou moins inconscient, à la manière d'un rêve sympathique objectivé. Cette hypothèse est très élastique, et peut être étendue de façon à recouvrir une aire immense ; il est très difficile d'aller au delà, et de trouver exactement une région que cette hypothèse ne régira pas. Depuis vingt ans au moins, les membres de la Société sont familiers avec des cas excellents et surprenants de discours en état de trance, ou d'écriture automatique ; ils ont cependant hésité à faire, sans restrictions, usage de tous ces matériaux, et ils se sont abstenus de suivre la direction que ces faits indiquaient, sans doute possible, tant qu'il a subsisté une chance - même lointaine - de les inter¬préter au moyen de la télépathie, soit par des variétés actuellement connues, soit par quelque extension de celles-ci. Certains d'entre nous soutiennent que la télépathie entre gens vivants est encore suffisante - au moins aussi suffisante qu'elle l'a jamais été - et qu'il n'est pas besoin de faire un nouveau pas en avant. D'autres commencent à penser - non sans anxiété et sans un reste d'hési¬tation - que le temps est venu ou va venir, auquel il serait légitime et nécessaire de faire ce pas, et d'admettre, au moins comme une hypothèse provisoire, la théorie que les phénomènes eux-mêmes nous suggèrent indubitablement et que dès le début ils ont tendu à nous imposer.
C'est l'hypothèse de l'influence télépathique, ou télergique posi¬tive, d'une intelligence extérieure à nous, de l'intelligence appa¬remment survivante de l'un de ceux qui ont récemment vécu sur cette planète. On nous les représente maintenant comme essayant, au milieu de difficultés décourageantes, de faire constater la possibilité de communiquer avec nous, en s'aidant du mécanisme intermédiaire dont ils disposent, c'est-à-dire, le cerveau, les nerfs et les muscles d'un automatiste ou d'un médium. Quand le contrôle de la personnalité normale est temporairement suspendu, nous dit-on, des intelligences désincarnées peuvent, difficilement
il est vrai, faire usage de ses organes dans le but de transformer leur propre pensée en un mouvement mécanique, et de produire ainsi une sorte de discours ou d'écriture dans le monde physique. Cet emploi d'un appareil physiologique par une intelligence à laquelle, normalement, il n'appartient pas, est-ce qu'on appelle automatisme Moteur ou Télergie, ou populairement, -quand il s'agit de faits extrêmêment caractérisés Possession, il ne s'ensuit, en aucune façon, que l'Agent ou l'Intelligence, agissant dans ces cas inusités soit nécessairement celle d'une personne décédée, mais, c'est sous cette forme sans aucun doute que le phénomène se présente le plus souvent ; par conséquent, si nous voulons nous résigner à nous laisser le moins du monde guider par lui, nous devons voir jusqu'où ses prétentions, ouver¬tement énoncées et affirmées avec persistance sont susceptibles de nous conduire, avant de les condamner définitivement. Si nous nous décidons à les éprouver, je prétends qu'il vaut mieux le faire francheluent et complètement : il est préférable de les accepter comme une hypothèse provisoire, et d'examinerjusqu'à quel point ira son utilité ; c'est là le moyen de vérifier toute hypothèse de ce genre. On peut hésiter autant qu'on le veut avant de proposer une théorie, même provisoire, ou d'en accepter une à titre d'essai mais, quand on a résolu de vérifier une explication, ou une solu¬lion théorique, il faut le faire jusqu'au bout. Essayez la clef dans toutes les serrures, et si vous n'arrivez à en ouvrir aucune, rejetez¬-la mais n'hésitez pas, à chaque occasion, à tenter d'introduire la clef. Hésitez avant d'accepter une hypothèse d'essai, non après si elle est fausse, sa fausseté sera révélée par ses échecs et par son impuissance à convenir aux faits.
M. Myers a montré, dans Human Personality que si nous consentons à admettre cette hypothèse, elle s'adaptera au moins à beaucoup d'autres faits ; l'innovation que l'on nous demande de faire consiste à supposer que des segments de la per¬sonnalité peuvent fonctionner en séparation apparente de l’organisme :
« Une pareille supposition, certes, n'aurait pu être faite sans la preuve de la télépathie, et ne serait que difficilement soutenable sans la preuve de la survie après la mort. Mais, étant donnée la télépathie, nous avons l'existence de quelque agent psychique, en connexion avec l'homme, agissant en dehors de son organisme. Étant donnée la survie, nous avons un élément de sa personnalité - pour ne rien dire de plus - qui fonc¬tionne quand l'organisme est détruit. Ce n'est donc pas demander un grand sacrifice nouveau que de supposer la possibilité pour un élément de cette personnalité, de fonctionner en dehors de l'organisme, quand cet organisme existe encore.
Ce n'est que le premier pas qui coûte . Si nous saisissons la « pensée » humaine agissant indépendamment du corps, si par exemple la fixation de mon attention, sur le deux de carreau modifie de quelque manière le cerveau d'un autre individu à quelques mètres de distance, de manière qu'il croie voir le deux de carreau flotter devant lui, dès lors il n'y a pas de point d'arrêt visible, du côté de ce percipient, entre le cas de télépathie et sa conséquence extrême, la « possession » par l'esprit d'un mort. Il n'y a pas davantage de point d'arrêt de mon côté jusqu'à l'arrivée aux « déplacements à l'état de clairvoyance» avec la visibilité correspondante de mon fantôme pour les personnes se trouvant dans les endroits que je visite en esprit. »
L'esprit et le corps
Portons tout d'abord notre attention sur le mécanisme du lan¬gage ou de l'écriture, dans les cas de l'espèce la plus normale, la plus banale. Une idée est conçue dans l'esprit, mais pour arriver à produire un effet dans le monde matériel, elle doit mettre la matière en mouvement. Le mouvement, ou changement des rap¬ports de la matière, est tout ce que nous sommes capables d'accom¬plir dans l'Univers physique ; la totalité de notre activité terrestre se réduit à produire des changements de mouvement.
La pensée appartient à un tout autre ordre d'existence ; quelle qu'elle soit, elle n'est pas matérielle ; elle n'est ni matière ni force ; elle n'a pas de pouvoir direct sur la matière ; elle ne peut, immé¬diatement et sans auxiliaire, mouvoir quoi que ce soit. Comment peut-elle alors se traduire en termes de mouvement ? Comment peut-elle, en partant d'un phénomène psychique, produire un effet physique ? La physiologie ne nous montre pas tous les moyens par lesquels cela s'accomplit, mais elle nous donne des indications partielles sur la méthode employée. Ce qui peut mouvoir la matière s'appelle un muscle. Dans le muscle est emmagasinée l'énergie nécessaire : elle n'a besoin que d'arc excitée à l'action, pour être transformée en un mouvement visible et être transmise dans toute direction voulue.
Dans un corps vivant, les moyens d'exciter les muscles existent sous la forme d'un réseau compliqué de fibres nerveuses ; celles-¬ci, lorsqu'elles sont stimulées d'une quelconque des nombreuses manières appropriées, peuvent déterminer la contraction d'art .muscle. Nous ne comprenons pas complètement cette partie du processus, mais elle nous est familière. Le nerf peut être excité par une pression, par une irritation mécanique ou électrique dans un organisme vivant l'excitation a une origine bien plus intel¬ligente et économique : c'est la décharge d'énergie d'une cellule nerveuse centrale, telle qu'il en existe dans l'écorce ou substance grise du cerveau. Nous comprenons encore relativement, sinon complètement, ce processus : le ganglion central apparaît nette¬ment comme étant l'instrument déterminant directement l'excita¬tion des nerfs, la contraction des muscles et la production du mou¬vement. Mais, qu'est-ce qui stimule le cerveau ? Qu'est-ce qui désire l'accomplissement d'un mouvement spécial et libère l'éner¬gie de la cellule cérébrale voulue ? Dans certains cas, c'est simple¬ment une action réflexe, une excitation qui, venue des terminaisons nerveuses périphériques, provoque une réponse dans le ganglion central, c'est-à-dire dans la moelle ou l'encéphale, d'où le stimulus est parvenu à une cellule voisine, et ainsi jusqu'aux fibres nerveuses efférentes. Dans ce cas, il n'est pas question de conscience ; l'élé¬ment psychique est absent ; dans ce phénomène il n'y a ni intelli¬gence ni volonté, aucune sensation n'est nécessaire. Le tortillement d'un ver, beaucoup de contorsions des animaux inférieurs, doivent être de cet ordre, du moins il est permis de le supposer.
Mais, je ne m'occupe pas des cas de réflexe et d'action inconsciente ; je suppose qu'une pensée, une idée, est conçue dans l'esprit, qu'elle agit pour ainsi dire sur la volonté, qu'elle décide qu'il y aura dans le monde matériel une réponse à son ac¬tion. Par quel moyen le stimulus sort-il du domaine psychique pour arriver au physique et libère-t-il l'énergie du centre cérébral ? Je n'en ai pas la moindre idée, et je ne crois pas m'aventurer beau¬coup en disant que personne ne le sait.
Cette opération est encore mystérieuse. Mais visiblement elle se produit, c'est, à n'en pas douter, un processus rationnel, qui sera, je le pense, finalement intelligible, c'est-à-dire à l'occasion duquel des découvertes sont possibles, bien que, jusqu'ici, aucune n'ait été faite. De manière ou d'autre, le rapport est établi et par une longue habitude il semble l'être dans les cas normaux sans dif¬ficulté avec une facilité singulière même, comme lorsqu'un pia¬niste exécute d'une manière miraculeuse une sonate compliquée.
Il arrive aussi que les choses aillent mal, que l'énergie soit libé¬rée dans une mauvaise direction, et des muscles excités à tort, en sorte qu'il en résulte du bégaiement ou des contorsions ou bien les connexions mentales peuvent se trouver suspendues, l'esprit être incapable d'atteindre le centre convenable, pour ainsi dire, et s'abstenir d'agir sur aucun pendant un certain temps ; c'est dans ce cas que nous observons l'hésitation, l'aphasie, des fai¬blesses de toute sorte, jusqu'à la paralysie. Il est permis d'attri¬buer ces effets à des défauts, à des dérangements du mécanisme physiologique, défauts qui pourront être découverts et amendés. Enfin si les centres cérébraux sont fatigués, la réponse sera faible et incertaine. Mais quand l'organisme physiologique est en bonne santé, et le moi conscient en de bonnes conditions, ayant une pensée déterminée qu'il veut communiquer, ce moi paraît alors capable de jouer sur le cerveau, comme un musicien joue sur un clavier, et de traduire son contenu psychique en termes de mouvement, en sorte que d'autres intelligences suffisamment sympathiques et munies d'un mécanisme récepteur approprié seront plus ou moins averties de l'idée qu'on a l'intention de transmettre. Cela signifie que, à l'aide de leurs fibres nerveuses et de leurs centres cérébraux, des mouvements mécaniques peuvent être transformés de nouveau en pensée.
C'est là le processus habituel ; les choses vont d'esprit à esprit par le moyen d'appareils physiologiques et d'un mécanisme phy¬sique. Ce dernier est un intermédiaire neutre de matière inani¬mée, n'appartenant à personne, ou plutôt appartenant également à tout le monde. Tous, nous pouvons faire vibrer l'air : quelquefois dans les réunions publiques c'est ce que chacun fait en même temps, et cela détermine quelque confusion. Tous, nous pouvons écrire avec de l'encre ; en cas de besoin, il nous arrivera de trem¬per notre plume dans l'encrier du voisin et de nous servir de son pupitre, bien qu'il en résulte quelque incommodité ; nous sommes embarrassés pour mettre la main sur son papier à lettre mais si nous trouvons son carnet de chèques, si nous nous mettons à le remplir et à signer ses chèques, ce serait sans efficacité. L'identité de l'écrivain devient alors une importante considération. Dans ce cas, assumer une identité troublerait la conscience sociale et serait stigmatisé non seulement comme une prise de possession injustifiée et nuisible, mais comme un faux.
Ainsi, parmi toutes les formes existantes de la matière, il en est certainement qui peuvent être employées intelligemment, quoique temporairement, par des gens auxquels elles n'appartiennent pas. Mais, quel que soit le communisme indéterminé de la plus grande partie de l'univers physique, la partie physiologique est la propriété incontestée des individus ; le corps n° 1 appartient exclusivement à l'opérateur n° 1 et le corps n° 2 à l'opérateur n° 2 ; l'idée commune, je dirais même l'idée du sens commun, est que l'opérateur n°1 est entièrement restreint au contrôle de son appareil physiologique et qu'il est incapable d'agir sur celui d'un autre, directement, sauf par des moyens physiques neutres. Telle est l'idée qu'on se fait à première vue ; elle repose sur l'expérience ordinaire ; elle n'a besoin d'être ni exactement vraie, ni complète, des faits peuvent se présenter qui suggèrent quelque chose de différent ou de supplémentaire.
En réalité, la télépathie (il n'est pas nécessaire de prendre en considération pour cela ce qu'il y a de physiologique dans sa production) nous persuade que l'esprit peut agir directement sur l'esprit, et déterminer des effets dans le monde physique par l'inter médiaire de l'organisme d'une autre personne. Mais il y a de cas où l'intervention de l'esprit de la seconde personne n'apparait pas du tout ; celle-ci est occupée de ses propres pensées ou ne fait rien de particulier, elle se trouve peut-être en état d'inconscience, ou en tout cas d'inattention et cependant son mécanisme physiologique sera mis en mouvement, son entourage physique affecté de telle manière qu'on est amené à penser à une stimulation n'ayant pas son origine en lui, mais dans l'esprit d'une autre personne ; cette dernière personne, dans ce cas, doit être considérée comme agissant, non sur la seconde intelligence mais directement sur son cerveau. Si ce n'est pas sur le cerveau, ce serait alors sur une autre région du système nerveux, par exemple sur les ganglions spinaux, on sur d'autres non essentiel¬lement, ni nécessairement en rapport avec la conscience ; celle-ci n'est pas avertie de l'action qui stimule les centres contrôlés ordinairement par la subconscience ; ces régions du système nerveux sont celles qui régularisent les battements du ceeur, les fonction des poumons, la digestion et les diverses sécrétions de l'organisme.
Si l'on admet la possibilité pour une intelligence d'agir, non seulement, comme c'est l'habitude, sur son propre corps, non seu¬lement, comme je l'ai supposé, par télépathie, sur une autre intel¬ligence, mais encore directement et télergiquement sur un autre organisme, alors on se trouve en présence de ces cas que l'on désigne sous le nom de possession commençante ou partielle.
Jusqu'ici, nous n'avons a priori aucune raison pour douter de l'existence de pareils faits ; nous n'en avons pas davantage pour les admettre. Nous ne savons rien du lien qui unit l'esprit et le corps, si ce n'est que le cerveau est l'organe ou l'instrument spécialement affecté à cet objet ; par conséquent, nous n'avons pas le droit d'émettre des suppositions a priori. Nous savons que tout organisme est d'habitude façonné par l'individu ou unité psychique spéciale qui l'emploie habituellement et à laquelle il appar¬tient ; c'est comparable au virtuose qui possède un violon et ne souffre pas que personne, surtout un novice, se hasarde à en jouer. La table de travail d'un auteur est sa propriété personnelle ; c'est de là que procède un certain genre de littérature et l'auteur n'ai¬merait pas que l'on s'en servît pour y écrire des oeuvres d'ima¬gination, des commérages médisants, des plaidoyers pour la vacci¬nation ou le végétarisme, pour la Christian Science ou la réforme des tarifs. Mais cela ne prouve pas l'incapacité de s'en servir pour cet usage. Ce pouvoir peut exister, mais être inuti¬lisé, ou considéré comme inconvenant et incommode, ou même dangereux et illégal.
Si la faculté existe, il vaut la peine qu'on le sache. S'il est pos¬sible qu’un opérateur normal de sortir pour se promener et de laisser le mécanisme qui lui sert à écrire accessible au vaga¬bond qui passe, on à l'audacieux visiteur, c'est là un fait défini que nous avons intérêt à connaître.
Ou suppose que cette faculté de dislocation on de suspension des connexions unissant l'esprit et le corps se produit plus on moins durant le sommeil ; on l'admet certainement pendant la trance, et, dans le cas de ce qu'on appelle le dégagement clair¬voyant, elle semblerait être un fait en quelque sorte démontrable.
En tout cas il est orthodoxe, non scientifiquement, mais religieu¬sement orthodoxe, de soutenir que l'union entre nous-même et notre organisme est seulement temporaire, et que, au moment de ce que nous nommons la mort, nous abandonnerons pour toujours ce moyen matériel de nous manifester, de telle sorte que le corps se résoud en ses éléments originaux. On suppose habituel¬lentent qu'après la perte du pouvoir de diriger à la manière ordi¬naire les organes appropriés de notre corps, quand même nous existerions encore comme entités psychiques, nous n'avons, dans ce nouvel état, aucun moyen d'agir sur le monde physique. Nous ne pouvons plus mettre en mouvement aucune particule de matière ni faire naître des idées dans l'esprit de nos amis quand nous sommes morts. Non, nous ne pouvons pas à moins qu'une des trois choses suivantes ne se produise :
1° Le pouvoir télépathique continue et il nous est possible d'agir directement sur le conscient ou l'inconscient de l'esprit de nos amis, de telle sorte qu' ils produisent un effet physique ou un document écrit, cela par des moyens normaux, et à l'aide de leur mécanisme habituel.
2° Un pouvoir matérialisant peut persister, analogue à celui qui nous permet, au cours de notre vie sur cette planète, d'assimiler toutes sortes de substances, de les digérer et de les disposer dans notre organisme, de manière à ce qu'elles nous constituent un corps. Il est extraordinairement difficile de conce¬voir une pareille faculté, et impossible de supposer qu'elle soit le produit direct d'une action psychique, sans le secours de l'acti¬vité reproductrice d'une individualité quelconque déjà incarnée; cette propriété supposerait un contrôle de l'esprit sur la ma¬tière, contrôle que nous admettons par hypothèse ne pas exister en fait, sauf par le mécanisme du cerveau. Une pareille action pourrait en effet être à bon droit considérée comme un miracle.
Cependant, on assure qu'il se produit quelque chose de ce genre mais toujours, je crois, avec l'assistance d'un organisme spécialement prédisposé ou médium.
3° Il est possible qu'il existe un pouvoir telergique, analogue à celui que nous avons déjà supposé agir à l'occasion, pouvoir qui permettrait à l'individualité psychique de découvrir un mécanisme physiologique complètement développé et de s'en servir, bien qu'il ne lui appartînt pas, je veux dire un cerveau complètement dé¬veloppé, avec toutes ses dépendances de nerfs et de muscles, ainsi, pendant une vacance temporaire de leur propriétaire habi¬tuel, ces organes seraient utilisés pour réaliser d'une manière inexperte et plus ou moins maladroite, quelque action désirée sur le monde physique. Dans ce cas, on serait libre de concevoir l'opé¬rateur comme s'efforçant d'exprimer, par la parole ou l'écriture, une sorte de message qu'il a l'intention de faire parvenir à ses amis, aimés encore, mais occupés ailleurs et inaccessibles.
Il ne faut pas croire cependant que l'affection puisse être le seul mobile incitant un opérateur donné à prendre toute cette peine pour faire usage du mécanisme scripteur d'une autre personne, et ce, au risque d'éveiller la superstition et la peur, ou d'être chassé par un traitement médical. Quelquefois cela pourra être un intérêt scientifique qui survit en lui, datant de l'époque où il était un membre zélé et actif de la S. P. R. ; de sorte qu'il désire par-dessus tout faire parvenir à ses amis, engagés dans les mêmes re¬cherches, quelque assurance, non seulement de la continuation de Son existence individuelle, existence à laquelle on peut imagi¬per qu'ils croient déjà pour des motifs religieux, mais encore de la persistance de son pouvoir de communiquer de temps en temps indirectement avec eux et de produire des mouvement dans le aronde physique, avec la bienveillante autorisation d'un orga¬nisme ou d'une partie d'organisme, dont la possession tempo¬raire lui a été consentie dans ce but.
L'identité
La question de l'identité est, naturellement, une question fon¬damentale. Le contrôle doit prouver son identité, principa¬lement en indiquant des faits qui appartiennent à sa mémoire et non à celle de l'automatiste. Il faut remarquer que la preuve de l'identité dépendra ordinairement du souvenir de petits détails. L'objection fréquemment soulevée, que les communications ont trop souvent rapport à des choses triviales, montre chez le cri¬tique une absence d'intelligence, ou tout au moins de réflexion. Le but est d'obtenir, non pas quelque chose de noble, mais quelque chose de probant et comment la persistance de la mémoire peut¬elle être mieux démontrée que par le souvenir d'incidents insigni¬fiants, qui, pour quelque raison personnelle, ont produit une impression permanente ? Ne nous rappelons-nous pas nous-mêmes de menus incidents de notre vie domestique plus vivement que des choses paraissant, aux yeux du monde extérieur, beaucoup plus importantes ? Les guerres et les cérémonies de couronnement sont des choses qu'on a déjà lues dans les journaux ; elles sont ordi¬nairement trop notoires pour être admises comme preuves d'une identité persistante mais un jouet cassé, une plaisanterie faite en famille, une aventure d'écolier, ont une saveur plus personnelle et sont d'un genre dont on se souviendra probablement même dans la vieillesse, ou après une secousse déchirante.
On trouve des exemples continuels de ce fait dans la littérature. C'est le cas d'identification du sauvage muet et fourbu, que l'on prenait pour un rôdeur afghan, dans The man Who was, (Rudyard Kipling). Qu'est-ce qui révèle au régiment, vers lequel il s'est traîné, échappé de la Sibérie, que vingt ans avant, il lui avait appartenu ? C'est la connaissance du bouton du mécanisme provoquant la transformation d'un vase de fleurs, de la position ancienne d'un trophée sur le mur, et du bris d'un verre à boire après un toast de fidélité. Cela est vrai pour la vie et probablement aussi pour la mort.
C'est là le genre de preuve auquel nous devons nous attendre c'est aussi celui que nous obtenons souvent. Nous n'avons cependant pas cru pouvoir le considérer comme suffisant. Le régiment dans le conte de Kipling, n'a pas pensé à une influence télépathique inconsciente émanée de lui-même, pour ôter sa valeur au témoignage des souvenirs apparents du rude sauvage ; on sentirait fort bien ce qu'une pareille explication aurait eu de forcé, d'improbable, d'exagérément sceptique. Mais quand il s'agit de prouver la continuation de la vie et de la mémoire au delà de la tombe, nous sommes obligés d'en venir là et de retrancher du crédit dû au témoignage ce qui est dans nos propres intelligences, ou dans celle de toute personne vivante.
Ainsi la difficulté d'avoir une preuve incontestable d'identité s'accroît immensément, au cas même où le témoignage permet de découvrir une chose cachée dont aucun être vivant n'a le secret, comme dans la découverte faite par Swedenborg de papiers privés du bourgmestre. On préfère quelquefois demander à la té¬lépathie retardée l'explication plausible, comme le pensa Swedenborg si Kant n'y songea pas .
Chapitre XII - L'identité personnelle
Voici un bon exemple à l'appui des remarques faites à la fin du chapitre précédent ; il montre la manière dont les preuves d'iden¬tité sont données dans les cas d'écriture automatique ; M. Stainton Moses en fit le récit à Edmund Gurney et à F. W. H. Myers ; le fait était encore récent la première fois qu'il les rencontra le 9 mai 1874. M. Stainton Moses écrivait automatiquement et pouvait, pour ainsi dire, converser avec l'écriture qui émanait de sa main, sous¬traite au contrôle de sa conscience.
Il avait l'habitude, alternativement, d'écrire une question con¬sciente, et de recevoir ensuite une réponse inconsciente ou subli¬minale ; sa main était guidée en apparence par une intelligence qui n'était pas la sienne propre. Le compte rendu s'exprime ainsi :
« Le soir du 8 avril 1871, alors qu'il était à Bedford avec son père et sa mère. M. S. Moses qui venait de recevoir pendant la journée des messages concernant les religions anciennes commença à poser cette question « J'aimerais… » quand un dessin sans signification fut fait en place des mots qu'il avait l'intention d'écrire.
Q. - Qu'est-ce que cela ? Et pourquoi ai-je été arrêté ?
R. - L'esprit d'une femme désire communiquer et on nous commande de le lui permettre. Elle ne peut écrire facilement, mais elle communi¬quera par notre intermédiaire. Son nom est Fanny Westoby. Connaissez¬-vous ce nom ?
Q. - Je ne me le rappelle pas.
R. - Votre mère la connaît très bien ; c'est une de ses cousines ; elle a quitté votre terre le 15 mai dernier.
Q. - Était-elle mariée ?
R. - Oui, son nom de fille était Kirkham.
Q. - Fanny Kirkham, oui, je me rappelle vaguement. Elle habitait ordinairement à Markby.
R. - Elle dit qu'elle est née à Alford, dans la maison qu'habite main¬tenant Sam Stevenson. Ensuite elle a demeuré à Markby, après s'être mariée à Belchford. Elle est morte à Horncastle à l'âge de 63 ans. Ne vous la rappelez-vous pas quand, en 1845, vous êtes allés la voir à Markby ? Sa mère, Élisabeth Kirkman, venait d'être délivrée par la mort, d'une longue maladie, et votre mère avait été présenter ses com¬pliments de condoléances à sa cousine. On avait fait faire un tour dans la ferme, vous étiez monté à cheval sur une chèvre (elle insiste sur ce point) qui vous jeta en jouant sur un tas de froment qu'on venait de battre. Le résultat fut que vous avez été sérieusement mordu par une punaise des champs. Elle tient beaucoup à ce que vous puissiez rappeler cela à votre mère.
Q. - Je veux bien ; mais est-ce sage ?
R. - Vous ne pourrez pas l'amener à faire des recherches sur ce sujet. Mais vous aurez probablement la satisfaction de constater que ce qu'on vient de dire est vrai.
Q. - A-t-elle un message à exprimer ?
R. - Elle dit : « J'ai beaucoup perdu des chances de progresser que j'avais parce que j'ai trop donné de satisfaction à mes appétits matériels, ce qui m'a fait reculer. Mon avancement spirituel est encore à venir. Je ne trouve pas ma vie présente très différente de la vôtre. Je suis presque la même. Je voudrais pouvoir influencer Mary, mais je ne peux appro¬cher d'elle.
Q. - Peut-elle m'assurer qu'elle est F. W. ?
R. - Elle ne peut pas vous donner d'autres preuves. Attendez, ques¬tionnez votre père au sujet de Donnington et de la trappe.
Q. - Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'elle veut dire. Tant mieux. Je demanderai. Désire-t-elle quelque chose de plus ? Est-elle heureuse ?
R. - Elle est aussi heureuse qu'elle peut l'être dans son état actuel.
Q. - Comment m'a-t-elle découvert ?
R. - Elle est venue par hasard, elle errait auprès de son amie (c'est-à¬-dire Mme Moses), et vit qu'elle pouvait communiquer. Maintenant elle reviendra.
Q. - Puis-je l'assister ?
R. - Oui, priez. Elle, et nous tous d'ailleurs, sommes secourus quand vous consacrez de bon coeur vos dons à nous aider.
Q. - Que voulez-vous dire ?
R. - En défendant et en faisant progresser notre mission avec pru¬dence et jugement. Nous sommes alors pénétrés de joie. Puisse le Su¬prême vous bénir. »
Rector.
A ceci, M. Stainton Moses ajoute ces commentaires :
Je me suis enquis auprès de ma mère : les détails donnés sont exacte¬ vrais. Elle s'étonna de ce que je me souvienne de choses survenues quand j'avais 5 ans. Je n'ai pas osé lui dire comment j'avais obtenu cette information, croyant que ce serait imprudent et inutile. De mon père je n'ai rien pu tirer à propos de la trappe, soit qu'il ne se rappelle pas cet incident soit qu'il ne veuille rien dire.
9 avril 1874. - Mon père s'est rappelé cet incident. Une trappe donnait accès au toit de la maison qu'il habitait à Donnington. Cette maison avait une toiture double, d'où on pouvait avoir une belle vue. F. K., au cours d'nne visite, désira y monter et fut prise dans l'ouverture, au milieu de grands rires. Nous avons vérifié la mort de Mme Westoby dans le registre des dé¬cès. - F. W. H. M.
Il est rare que des détails particuliers sur les dates, le lieu, les circonstances, soient donnés aussi abondamment et aussi complètement. D'ordinaire, les communiquants eux-mêmes se montrent confus quant il s'agit de donner ces détails très précis mais un reporter apparent, après avoir recueilli d'eux à loisir des informations sur ces détails, peut, parfois, les indiquer par l'in¬termédiaire d'un automatiste, avec assez d'exactitude, comme dans le cas ci-dessus.
Un autre exemple frappant a trait à une dame connue ici sous le nom de Blanche Abercromby ; le mystère qui cache le nom réel enlève à ce cas une partie de l'intérêt que l'on y eût trouvé autrement. Quand la communication se produisit par sa main, M. St. Moses ignorait la mort de cette dame, et c'est d'ailleurs, à peine s'il la connaissait ; il l'avait rencontrée une fois seulement à une séance avec son mari, et ce dernier l'avait fort contrarié par sou insistance à nier la possibilité de ces choses.
La communication se donne comme une amende honorable faite à la première occasion posthume qui se soit présentée. M. Myers a examiné soigneusement ce cas, il a été fort intéressé par certains détails. Les pages du cahier de notes dans lequel l'écriture était consignée avaient été collées et marquées confidentiel et il ne semble pas qu'à cette époque, on en eût fait mention à qui que ce soit. Mais quelques années plus tard, après la mort de M. Stainton Moses, ce cahier et d'autres carnets passèrent entre les mains de M. Myers , qui, avec le consentement des exécuteurs testamentaires, ouvrit les pages collées.
Il fut surpris de trouver une communication écrite, tout à fait caractéristique d'une dame qu'il avait connue, nommée ici Blanche Abercromby ; elle était morte un dimanche après-midi, il y a maintenant près de quarante ans, dans une maison de campagne située à deux cents milles, environ, de Londres. Il constata que c'était le jour même, vers minuit, que l'avis supranorrnal de la mort était parvenu à M. Stainton Moses, dans le logis retiré qu'il habitait au nord de Londres ; ensuite, cette dame avait écrit, en apparence elle-même, quelques lignes. La valeur probante de l'écriture, qui présentait une particularité, est bien authentique ; elle est spécialement attestée, non seulement par M. Myers, mais aussi par un membre de la famille et par un expert. Il n'est pas probable que M. Moses ait jamais vu l'écriture de cette dame.
Les difficultés inévitables que présenta la vérification de ce cas sont trop compliquées pour qu'on puisse les exposer complète¬ment ici. Cette dame, tout à fait étrangère aux recherches psy¬chiques, était morte depuis environ vingt ans quand sa lettre fut découverte dans le cahier secret de M. Moses, par l'une des très rares personnes encore vivantes qui l'avaient assez fréquentée pour connaître les traits caractéristiques du message, et qui en même temps s'intéressaient assez aux questions d'identification des Es¬prits pour faire comparer les écritures et enregistrer le cas.
Je cite maintenant les mentions du carnet de M. Stainton Moses. Les communications débutèrent par d'obscurs dessins, représen¬tant en apparence le vol d'un oiseau ; interrogée ensuite sur leur signification, l'écriture poursuivit :
«R. - C'est un esprit qui vient, à l'instant de quitter son corps. Blanche Abercromby, de son vivant. Je l'ai amenée. Rien de plus. M. »
Q. - Vous voulez dire...
Pas de réponse (dimanche soir, à minuit environ, la nouvelle m'est inconnue).
Lundi matin, l'écriture continue :
Q. - Je voudrais des renseignements à propos d'hier soir. Est-ce vrai. Etait-ce Mentor ?
R. - Oui, bon ami, c'était Mentor qui a pris en pitié un Esprit désireux de renier d'anciennes erreurs. Elle désire que nous le disions. Elle a tou¬jours été un esprit chercheur ; elle a été soudainement rappelée de votre terre. Elle se reposera maintenant. Une preuve de plus vous a été donnée de la continuité de l'existence. Soyez reconnaissant et méditez en priant. Ne cherchez pas davantage à présent, mais arrêtez-vous. Nous ne voulons pas que, vous posiez maintenant d'autres questions.
†I : S : D : Rector.
Une semaine plus tard, quelques détails sans valeur probante furent ajoutés ; je les indique dans le cas actuel, à cause de son importance :
Q. - Pouvez-vous écrire pour moi, maintenant ?
R. - Oui, le chef est ici.
Q. - Comment se fait-il que cet Esprit (Blanche Abercromby) soit venu vers moi ?
R. - Son intelligence était dirigée sur ce point ; étant active, elle s'est projetée sur vous. De plus, nous étions heureux de pouvoir vous apporter un nouveau témoignage de notre désir de faire notre possible pour vous apporter la preuve de la vérité de ce que nous disons.
Q. - Est-il correct de dire que la direction de la pensée détermine la présence de l'Esprit ?
B. - Dans certains cas, il en est ainsi. Une grande activité de l'es¬prit. Le désir de découvrir la vérité et de chercher les causes cachées des choses, permettent à un Esprit de continuer à se manifester. De plus, la direction de la pensée détermine ce que vous nommeriez sa route ou sa localisation. Par là nous voulons dire que la tendance instinctive du désir ou de la pensée détermine la possibilité d'une manifestation objective. Alors avec l'aide de ceux qui sont versés, comme nous-mêmes, dans la manipulation des éléments, cette manifestation devient possible. Elle ne l'aurait pas été dans ce cas, si nous n'avions pas profité de ce qui aurait, autrement, passé inaperçu, afin de donner une autre preuve de la réalité de notre mission. Il est nécessaire qu'il y ait un concours favorable de circonstances pour qu'une pareille manifestation soit possible. Or ce con¬cours est rare. De là le peu de fréquence de tels événements et la diffi¬culté que nous avons à les régler : spécialement quand l'anxiété s'y mêle, comm dans le cas où la présence d'un ami est ardemment désirée. Il pourrait bien se faire qu'une preuve aussi nette que celle-ci ne se repro¬duise pas à nouveau.
Q. - Alors, un concours de circonstances favorables vous est vent, en aide. Cet esprit veut-il se reposer, ou n'en a-t-il pas loisir ?
R. - Nous ne connaissons pas la destinée de cet Esprit. Il sortira de notre contrôle. Les circonstances nous ont permis de profiter de sa pré¬sence, mais cette présence ne sera pas maintenue.
Q. - Si la direction de la pensée détermine le mouvement, j'aurais cru qu'il en était ainsi pour nos amis, et que, par conséquent, ils seraient plus aptes à venir à vous.
R. - Il n'y a pas que cela et il n'en est pas ainsi non plus pour tous, tout le monde ne peut venir sur la terre. Et ce n'est pas dans tous les cas que la volonté ou la pensée déterminent l'union des âmes. Bien d'autres conditions sont nécessaires avant que cette union se produise. Des obstacles matériels peuvent l'empêcher, les gardiens s'y opposer. Nous ne pouvons, maintenant, continuer à traiter ce sujet, nous voyons que nous écrivons avec difficulté. Une autre fois, nous pourrons le reprendre. Cessez à présent, et ne cherchez pas plus loin.
†I : S : D : Rector. »
Quelques jours plus tard, M. Moses écrivit :
« Q. - L'Esprit B. A. a commencé par des dessins. Était-ce l'Esprit de cette dame lui-même ?
R. - Avec de l'aide. Elle ne pouvait pas écrire. Un jour, si elle peut revenir, elle sera plus capable d'exprimer ses pensées.
Quelques jours plus tard.
R. - L'Esprit d'une dame qui a communiqué précédemment va lui-même écrire pour vous.
Il vous quittera alors, vous ayant donné la preuve requise.
R. - J'aurais bien voulu parler plus longtemps avec vous, mais cela ne m'est pas permis. Vous possédez une vérité sacrée. Je ne sais encore que peu de choses. J'ai beaucoup, beaucoup à apprendre. Blanche Abercromby. Ceci est semblable à mon écriture, afin de vous servir de preuve. »
L'affirmation que l'écriture de ce message est semblable à celle de cette dame fut donnée longtemps après, avec beaucoup de peine et de soin, par M. Myers mais la ressemblance est nette. L'amende honorable et la phrase : « J'ai beaucoup, beaucoup à apprendre », sont caractéristiques.
On a essayé, on essaye encore quelquefois, d'expliquer les faits de ce genre, par une reviviscence de mémoire perdue, par la télé¬pathie, ou par la clairvoyance. S'il en est ainsi, comment est-il possible de surmonter la difficulté et d'établir l'identité d'un communiquant quelconque ? Je réponds à cela :
1° Par des preuves intrinsèques graduellement accumulées, et fondées sur des recherches persévérantes et prudentes.
2° Par des correspondances croisées, c'est-à-dire par la récep¬tion. par des médiums différents, des fragments inintelligibles, en apparence, d'un message unique raisonnable et cohérent.
3° Par des indications et des signes caractéristiques des intelli¬gences que l'on suppose se communiquer et, si possible, en un certain sens, nouveaux pour le monde.
La correspondance croisée, c'est-à-dire la réception d'une partie d'un message par un médium et d'une autre partie par un autre médium, est une bonne preuve de la domination des deux auto¬matistes par une même intelligence, spécialement dans le cas où ces fragments de message sont inintelligibles pris séparément, en sorte qu'ils ne peuvent avoir été rationnellement dictés par des moyens normaux ou supranormaux. S'il arrive que ce message porte l'empreinte caractéristique d'une personne défunte et soit reçu par l'intermédiaire de gens qui ne la connaissaient pas inti¬mement, on aura là une preuve assez bonne de la persistance de l'activité intellectuelle de cette personnalité. Si, de plus, nous obtenons de cette personnalité, un morceau de critique littéraire qui , soit éminement dans son genre, et tel qu'il ne se présenterait pas à l'esprit de tout le monde, pas plus aux médiums qu'aux lit¬térateurs, mais qui cependant se révélerait à l'examen comme une critique aussi juste que caractéristique, montrant une connaissance approfondie de la poésie de plusieurs époques et unissant d'une manière précise des passages sans lien entre eux en apparence, alors je n'hésiterai pas à dire que la preuve, déjà frappante, de¬viendra décisive.
Ce sont là les sortes de preuves que la Société cherche à obtenir¬ et qu'elle recueille actuellement.
Chapitre XIII - Les débuts du cas de Mme Piper
Mme Piper, de Boston (U. S. A.) est, incontestablement, le sujet le plus célèbre de tous les automatites modernes ou mé¬diums, parlant et écrivant en état de trance. On a réalisé avec elle une somme énorme de travail ; les Proceedings de la S. P. R., aussi bien dans les années passées que dans celles à venir, témoi¬gneront de la richesse et de la fertilité de ce cas, aussi bien que de l'habileté avec laquelle on en a suivi et étudié les différentes phases.
Si je voulais seulement donner une idée de l'ensemble de mes propres travaux là-dessus, et ce n'est que la plus petite fraction de ce qui a été fait, j'aurais besoin de beaucoup plus d'espace qu'il rne serait raisonnable d'en employer dans ce livre aussi choisirai-je seulement des fragments pouvant donner une idée de ce qui se produit, et renverrai-je les chercheurs qui veulent pour¬suivre cette étude aux Proceedings S. P. R.
Comme prélude au rapport sur la série anglaise des séances de 1890, qui furent les premières que publia la Société, M. Myers écrivit à l'époque une introduction de laquelle je ferai quelques extraits, car elle met en lumière l'opinion que ce chercheur expé¬rimenté professa à l'égard de ces phénomènes, en quelque sorte.
Premier témoignage de M. F. H. Myers
Tous ceux qui ont des éléments d'information suffisants pour asseoir leur jugement s'accordent de façon décisive sur certains détails exté¬rieurs ou préliminaires mais, sur cette question plus intéressante et plus délicate qu'est l'origine des paroles prononcées en état de trance, nous ne pouvons absolument pas avoir la même opinion. Nous nous accordons seulement pour soutenir que les discours démontrent l'acqui¬sition de connaissances par quelque intelligence, de quelque manière supranormale, et pour insister auprès des psychologues professionnels, afin de leur montrer que leur devoir est d'observer des cas similaires et d'en analyser les résultats comme nous avons essayé de le faire.
L'étude du langage dans la trance est, au premier abord, ingrate ; beaucoup de discours automatiques, réels ou feints ont, en effet, notoirement été le moyen de commettre des fraudes conscientes ou in¬conscientes. Mais, de même que les phénomènes physiques et psychi¬ques de l'hystérie, longtemps laissés de côté, comme n'étant que jonglerie et tricherie, sont, maintenant analysés avec des moyens suffisants pour se mettre à l'abri des fraudes et donnent de féconds résultats, de même ces manifestations verbales peuvent être actuel¬lement étudiées d'une manière rationnelle, grâce aux progrès faits dans la compréhension des phénomènes automatiques durant ces dernières années, par l'effort des Français et des Anglais.
Le langage automatique, bien que se manifestant souvent chez des sujets hystériques, ne parait pas être nécessairement en rapport avec l'hystérie. Nous n'avons aucun motif réel pour le considérer comme indiquant par lui-même un état morbide, quoique sa répétition excessive puisse déterminer des états pathologiques. Tout ce que nous pouvons dire avec certitude, c'est qu'il représente une forme de l'automatisme et constitue un des nombreux phénomènes survenant chez des sujets sains, sans pénétrer dans la conscience normale de l'état de veille, ni briser une partie de la chaîne habituelle de la mémoire.
Dans une discussion précédente, l'automatisme a été divisé en types actif et passif ; l'automatisme actif est représenté par des phéno¬mènes tels que l'écriture et le langage automatique ; le passif, par des hallucinations de la vue, de l'ouïe, etc. Appelons donc, si l'on veut, l'automatisme, actif, s'il se produit par une voie motrice, passif si c'est par une voie sensorielle; mais l'im¬pulsion qui en est l'origine peut être la même clans un cas comme dans l'autre.
Le caractère futile des manifestations verbales en état de trance est, en général, universellement admis. Les discours pendant la trance sont éminemment vides de faits, ils ne montrent généralement rien de plus qu'une simple faculté d'improvisation, qu'il est possible d'exercer frau¬duleusement, ou qui constitue une faculté caractéristique du moi incon¬scient.
Quand des témoins, aussi dignes de foi que le professeur William James, médecin autant que psychologue, ou M. Hodgson dont l'habileté à déceler l'imposture s'est montrée dans plus d'une branche de recherches, nous avaient informés que les manifestations verbales de Mme Piper renfer¬maient sans contredit, à leur point de vue, des faits que cette dame ignore totalement à l'état de veille, il nous parut que des recherches tou¬chant le caractère de cette trance rentraient directement dans le cadre de nos travaux.
De quelque manière qu'on interprète ces paroles émises pendant la trance, elles constituent dans leur ensemble un cas remarquable et rare. C'est un exemple de ce genre particulier d'automatisme dans lequel le soulèvement des couches de la subconscience n'est pas seulement local, mais intéresse, pour ainsi dire, l'aire psychique tout entière dans lequel une conscience secondaire, non seulement se fait jour, ci et là, au travers de la conscience primitive, mais prend même sa place pour un certain temps dans lequel, en résumé, il semble que la personnalité entière subisse un changement intermittent.
On ne peut pas toujours produire ces trances à volonté. On les détermine ordinairement par un état d'expectative paisible ou d'auto-subgestio mais parfois la tentative échoue complètement. Nous n'avons jamais essayé de produire la trance par l'hypnotisme. Nous savons, effet, que Mme Piper n'a jamais été profondément hypnotisée, bien que le professeur Richet ayant tenté avec elle des expériences de suggestion à l'état de veille, l'ait trouvée un peu suggestible. D'autre part, on observa parfois l'apparition de la trance alors qu'on ne la désirait pas. La première fois qu'elle se produisit (à ce que nous raconta Mme Piper) elle causa une surprise plutôt désagréable. Un incident de ce genre se produisit à Cambridge. Avant d'aller se coucher, raconte M. Myers, s'était, sur ma demande, et pour la première fois de sa vie, mise à regarder dans une houle de cristal, afin de savoir si elle n'y verrait pas quelque figure hallucinative, qui projetterait un peu de lumière sur la mystérieuse personnalité seconde. Elle ne vit rien mais le lendemain maitin, elle semblait épuisée ; elle pensait, disait-elle, avoir été entrancée pen¬dant la nuit. La première fois, ensuite, qu'elle entra en trance, Phinuit (c'est le nom qu'elle avait coutume de prendre pendant la trance) mous dit qu'il était venu et avait appelé, mais que personne ne lui avait répondu. Il semble que la concentration de la pensée sur le cristal ait agi ici comme une espèce d'auto-suggestion et déterminé l'état second, alors qu'on ne le désirait pas.
Quand la trance est produite, elle dure généralement une heure environ. Une fois, chez moi, et je crois aussi, une fois au moins, en Amérique, elle dura seulement une minute environ. Phinuit eut tout juste le temps de dire qu'il ne pouvait pas rester puis les gémissements habituels commencèrent et Mme Piper revint à elle.
On observa souvent une différence marquée entre les premières mi¬nutes de la trance et le reste du temps. Dans ces occasions, presque tout ce qui présentait de l'importance était dit pendant ces premières minutes ; ce qui venait ensuite ne consistait qu'en de vagues généralités, ou en de simples répétitions des choses déjà dites. Phinuit, comme on le verra, pré¬tendait toujours être un Esprit communiquant avec des Esprits ; il avait coutume de dire qu'il se rappelait leurs messages pendant quelques mi¬nutes après avoir pris possession du médium, mais qu'ensuite, tout lui devenait confus. Cependant, il ne pouvait pas, apparemment, partir quand il avait épuisé sa provision de faits. Il semblait qu'il y eût comme une libération involontaire d'énergie, devant durer jusqu'à ce que l'impul¬sion primitive se fût perdue dans l'incohérence.
Le cas de Mme Piper a été observé d'une manière à peu près continue par le professeur James et d'autres savants, à dater, presque, de l'apparition soudaine de la trance initiale, il y a quelque vingt-cinq ans. Le docteur Hodgson avait coutume d'a¬mener des visiteurs de sa connaissance à Mme Piper, sans les nommer; beaucoup d'entre eux lui ont entendu raconter, en état de trance, des faits concernant des personnes mortes avec les¬quelles ils avaient été en relation et que, ils en étaient sûrs, Mme Pi¬per n'avait pas connues. Le docteur Hodgson avait, aussi, fait surveiller ou filer M. et Mme Piper, pendant quelques semai¬nes par des détectives privés ; il voulait savoir si M. Piper, alors employé dans un grand magasin de Boston, ne faisait pas des enquêtes sur les affaires des gens susceptibles de se rendre aux séances ou si Mme Piper recevait d'amis ou agents à son service, des lettres lui donnant des informations. Cette enquête fut menée assez à fond, mais on ne découvrit absolument rien qui pût mettre en suspicion Mme Piper ; informée depuis de cette surveillance, elle eut le bon sens de reconnaître la légitimité, je puis même dire la nécessité scientifique, de ce genre de vérification.
Mine Piper n'avait fait aucune tentative qu'on pût découvrir pour avoir des informations, même sur les personnes dont elle avait lieu d'attendre la visite. Encore moins eût-elle pu avoir connaissance des affaires privées des personnes que le docteur Hodgson choisissait pour les amener anonymêment chez elle.
Nous nous sommes donnés beaucoup de mal, poursuit M. Myers, pour éviter de lui fournir des indications dans la conversation et l'on trouvera une garantie encore plus complète dans ce fait que nous ignorions nous-mêmes nombre des faits rapportés comme ayant trait aux relations de nos amis, etc. Dans le cas de Mme Verrall, personne, excepté elle-même, ne pouvait fournir la substance de l'information donnée et son ignorance de quelques-uns des faits énoncés était complète. Quant à mes propres affaires, j'ai pensé qu'il ne valait pas la peine de citer in extenso des indications telles qu'il était possible de se les procurer à l'avance, puisque, naturellement, Mme Piper savait que j'assisterais à ses séances. Les faits tels que l'existence d'une tante nommée Cordélia Marshall, plus communément appelée Corrie, pouvaient être puisés bien que je ne pense pas qu'ils l'aient été, dans des documents imprimés ou dans d'autres sources. Or, il ne m'a pas été indiqué, je pense, une plus grande proportion de faits ainsi accessibles, qu'il n'en est indiqué à un assistant ordinaire, inconnu auparavant ; il ne m'a pas été donné non plus aucun de ces détails plus subtils qu'il aurait été si facile de trouver si on s'était donné la peine de consulter mes articles et mes livres. D'un autre côté, dans mon cas, aussi bien que dans celui de plusieurs autres assistants, des messages furent donnés comme émanant d'un ami mort depuis nombre d'années ; des circonstances dont, à mon avis, Mme Piper était dans l'impossibilité d'avoir eu connaissance, y étaient mentionnées.
Je connais aussi plusieurs des faits énoncés dans d'autres séances et qui furent supprimés comme trop intimes, ou touchant à des secrets n'ap¬partenant pas au consultant seul. Je puis dire que, dans ma conviction personnelle, l'énoncé d'un ou deux de ces faits est même plus concluant en faveur d'une connaissance supra-normale, que la mention de douzaines de noms, de relations, etc., que le consultant n'avait aucun motif de taire.
En somme, je crois que tous les observateurs, tant en Amérique qu'en Angleterre, qui ont vu suffisamment Mme Piper dans ses deux états, pour être à même de se faire une opinion, s'accorderont pour affirmer : 1° que beaucoup des faits énoncés ne peuvent avoir été connus, même par le moyen d'un habile détective ; 2° que pour connaitre les autres, bien que la chose fût possible, il eût été nécessaire de faire une dépense d'ar¬gent aussi bien que de temps telle, qu'il semble que Mme Piper n'ait jamais été en situation de le faire ; 3° que sa conduite n'a jamais fourni aucun motif qui permit de la supposer capable de fraude ou de tricherie.
Peu de personnes ont été aussi longuement et aussi soigneusement observées ; et elle a laissé à tous ceux qui l'ont examinée, l'impression d'une intégrité, d'une candeur et d'une honnêteté parfaites.
Mme Piper et la Presse
Certains de mes lecteurs savent peut-être que, dans l'année 1901, des articles absurdes, faits pour induire en erreur, ont été publiés dans la presse américaine et reproduits dans certains journaux anglais; on y prétendait que Mme Piper s'était confes¬sée et avait dévoilé tous ses artifices. Ces articles ne font pas honneur à l'esprit d'entreprise des jour¬naux transatlantiques, et il est décourageant de penser qu'ils n'aient pas été plus promptement jugés à leur véritable valeur. Je cons¬tate que le malentendu ainsi provoqué subsiste encore ; aussi vais-je citer l'opinion critique et judicieuse que l'éditeur du Journal de la Société des recherches psychiques exprime sur ce sujet ; elle met complètement au point la question, en ce qui con¬cerne les membres de la Société.
Depuis la publication du numéro du Journal de novembre, un exem¬plaire de l'article sur Mme Piper, paru dans le New-York Herald du 20 octobre 1901, nous est parvenu. La première partie de cet article est signée de Mme Piper elle-même, la seconde partie est com¬posée des opinions et de commentaires sur son cas. L'auteur de l'article débute en disant que Mme Piper a l'intention d'abandonner l'oeuvre qu'elle avait entreprise pour la S. P. R., afin de se consacrer à d'autres travaux qui lui conviennent mieux puis il ajoute que c'est en raison de son propre désir de comprendre les phénomènes que Mme Piper a permis de faire des recherches sur ses trances et s'est mise entre les mains d'hommes de science, sachant qu'ils la soumettraient à tous les contrôles qu'il leur plairait de lui appliquer mais à présent, après quatorze ans de travail, le sujet n'étant pas encore éclairci, il lui répugne de se prêter à de nouvelles investigations. Envisageant le phénomène à son point de vue, elle dit : « La théorie de la télépathie apparaît lumineusement, à mon avis, comme la solution la plus plausible et la plus scientifique du problème.... Je ne crois pas que les Esprits des morts aient parlé par ma bouche quand je me trouvais en trance... ll peut se faire que ce soit, mais ie ne l'affirme pas. »
L'éditeur du Light, dans son numéro du 30 novembre 1901, déclare avoir reçu une lettre de Mme Piper, dans laquelle elle explique que, ayant su que les gens du New-York Herald avaient, dans une réclame préliminaire, annoncé son nom, avec, au-dessus, le mot confession, elle avait tout d'abord interdit la publication de l'article tout entier. Le résultat fut qu'elle reçut un télégramme du Herald lui con¬seillant de dormir tranquille et lui assurant que le mot confes¬sion avait seulement été employé comme un moyen d'avertissement adroit, et n'apparaitrait pas dans l'article. Ce télégramme, Mme Piper nous l’a envoyé et nous le possédons encore.
Le Docteur Hodgson nous a envoyé des coupures de deux journaux de Boston traitant de cette affaire. Le Boston Adverliser du 25 octobre 1901, dit que Mme Piper a dicté ce qui suit à l'un de ses rédacteurs : « Je n'ai fait aucune espèce de récit du genre de celui qu'a publié le New¬York Herald, pour dire que les Esprits des morts ne me contrôlent pas... Mon opinion est, aujourd'hui ce qu'elle était il y a dix-huit ans. ll se peut que les Esprits des morts me contrôlent, comme il se peut que non. Je confesse que je n'en sais rien. Je n'ai pas changé. Je n'ai pas varié dans mes déclarations. »
Maintenant, si nous comparons ensemble tous ces récits, on verra que, ni dans l'article original du Herald, ni autre part il ne fut fait aucune révélation qui pût, en aucune façon, porter atteinte à la valeur évidente des phénomènes de trance de Mme Piper. Son honnêteté n'est pas en ques¬tion, et le Herald parle d'elle, dans des termes hautement laudatifs. Il la représente comme professant une certaine opinion à l'égard des phé¬nomènes, opinion réellement incompatible avec la supposition qu'ils seraient frauduleux.
Les mots employés ultérieurement par Mme Piper montrent que, bien que l'article du Herald ait été truqué, et post-daté, elle préfère cepen¬dant la télépathie à l'hypothèse spirite. Tous les membres de la S. P. R. savent bien, et il est à peine nécessaire de le répéter, que ces deux hypo¬thèses ont toujours été présentes à l'esprit des chercheurs qui ont eu des séances avec elle et, puisqu'on n'attacherait qu'une mince valeur à son opinion si elle était en faveur de l'hypothèse spirite, on ne peut loyale¬ment insister pour que son opinion dans l'autre sens ait pour nous quelque poids. En fait, Mme Piper, ainsi que nous l'avons déjà dit, loin d'être mieux placée pour se former une opinion, est au contraire dans une situation moins favorable que ceux qui tiennent séance avec elle puis¬qu'elle ne se rappelle pas ce qui s'est passé pendant sa trance.
D'autre part, l'affirmation du Herald, que Mme Piper avait finalement décidé d'interrompre ses séances, n'était pas fondée comme on l'a bien vu. Les séances avaient été suspendues pendant quelques mois à cause de son état de santé ; cependant on en fit une, ainsi que nous informe le Docteur Hodgson, le 21 octobre (le lendemain du jour où parut l'ar¬ticle du Herald), et l'on convint alors de les reprendre après un laps de trois mois.
Au total, il est clair que Mme Piper n'a jamais dit ni fait quoi que ce soit pour amoindrir la valeur des preuves obtenues par son entremise, que l'article du New-York Herald était mensonger, et que les relations de Mme Piper avec la Société et le Docteur Hodgson ont continué sur le même pied qu'auparavant.
Chapitre XIV - Premières attestations du professeur Williams au sujet de Mme Piper
C'est seulement durant l'automne de 1889 que Mme Piper vint en Angleterre, sous les auspices de la Société. Cependant, quelques sociétaires la connaissaient déjà en ce qui nous concerne, on peut dire qu'elle a été découverte en 1885 par le professeur William James. Ses premières impressions des séances de cette dame et le récit qu'il fait de la manière dont son scepticisme ini¬tial fut vaincu, sont fort intéressants ; je ferai ici, quelques citations d'un court mémoire de lui, inséré dans les Proceedings de la Société en même temps que son premier rapport sur le cas de Mme Piper.
Déclaration du professeur William James
Je fis la connaissance de Mme Piper dans l'automne dee 1885. La mère de ma femme, Mme Gibbens, avait entendu parler d'elle par des amis pendant l'été précédent et, n'ayant jamais encore vu de médium, elle lui avait fait une visite par curiosité. Elle revint de là en racontant que Mme Piper lui avait cité une kyrielle de noms de membres de la famille, principalement des prénoms, le tout accompagné du récit de faits concernant les personnes mentionnées, et leurs relations l'une avec l'autre ; il était impossible de comprendre comment elle pouvait connaître tout cela sans admettre l'intervention de facultés supra-normales. Ma belle¬soeur y alla le lendemain, et obtint des résultats encore meilleurs, à ce qu'elle raconta. Entre autres choses, Mlle G. avait donné à Mme Piper une lettre qu'elle plaça contre son front, et elle décrivit avec exactitude les circonstances dans lesquelles l'auteur de la lettre l'avait écrite. Cette lettre était en italien, et celui qui l'avait écrite n'était connu ici que de deux personnes.
Je dois ajouter que, dans une occasion subséquente, ma femme et moi portâmes une autre lettre du même correspondant à Mme Piper, qui arriva à parler de lui dans des termes qui l'identifiaient à nouveau sans erreur possible. Dans une troisième occasion, deux ans plus tard, je retournai avec ma belle-soeur chez Mme Piper pendant sa trance, elle revint sur ces lettres, et nous donna alors le nom de leur auteur, nous disant qu'elle n'avait pu nous le dire antérieurement.
Mais reprenons dès le commencement. Je me rappelle qu'à l'époque je faisais l'esprit fort devant mes parentes et que je cherchais à expliquer par des procédés simples le caractère merveilleux des faits qu'elles me rapportaient. Ceci ne m'empêcha point, cependant, quelques jours plus tard, en compagnie de ma femme, d'aller moi-même voir quelle serait mon impression personnelle. Jusque-là on n'avait dit à Mme Piper les noms d'aucun d'entre nous ; Mme J. et moi nous avons pris naturellement soin de ne pas faire d'allusions aux parentes qui nous avaient précédés. Pourtant, le médium, pendant sa trance, répéta la plu¬part des noms des Esprits qu'il avait annoncés dans les deux pre¬mières occasions, et en ajouta d'autres. Le nom du père de ma femme, Gibbens, fut d'abord émis sous la forme de Nibbin, puis Gibbin. Herman, un enfant que nous avions perdu l'année précédente, eut son nom épelé Herrin. Je crois que dans aucun cas, au cours de cette visite, elle ne donna ensemble le prénom et le nom. Mais, d'après les faits attribués aux personnes nommées, dans bien des cas, il était impossible de ne pas reconnaître individuellement les gens dont on parlait. Particulièrement, en cette occasion, nous fimes attention à ne pas aider le contrôle Phi¬nuit à surmonter les difficultés qu'il rencontrait, à ne pas poser de questions qui pussent le guider. Instruit, dans la suite, par l'expérience, je crois que ce n'était pas la meilleure méthode. En effet, il arrive souvent que si l'on donne à cette personnalité de la trance un nom, ou l'indication d'un petit fait, faute duquel il restait coi, il repart préci¬pitamment dans un flux copieux de conversation supplémentaire renfer¬mant une masse de preuves.
Voici l'impression que j'emportai de cette première visite ou bien Mme Piper possédait une faculté supra-normale, ou bien elle con¬naissait de vue les membres de la famille de ma femme et était parvenue, par d'heureuses coïncidences, à connaître la multitude d'incidents domestiques qui lui permettaient d'arriver à produire une impression aussi saisissante. Ce que j'appris plus tard de ses séances, et la connais¬sance personnelle que je fis d'elle, m'ont amené à rejeter absolument cette dernière explication et à croire qu'elle a des facultés supra-normales.
Pendant cet hiver, je fis une tentative pour voir si la trance média¬nique de Mme Piper avait un rapport quelconque avec la trance hypnotique ordinaire.
Mes deux premiers essais pour l'hypnotiser échouèrent. Entre la seconde et la troisième fois, je suggérai à son contrôle, au cours de la trance médianique, d'en faire pour moi un sujet magnétisable. Il y con¬sentit. Une suggestion de ce genre faite par un opérateur au cours d'une trance hypnotique aurait probablement quelque effet sur la trance suivante. Au troisième essai, elle fut partiellement hypnotisée mais le résultat fut si faible, que je l'attribue à la répétition de mes essais plutôt qu'à la suggestion qui avait été faite. Au cinquième essai, elle était devenue un assez bon sujet hypnotique, quant aux phénomènes muscu¬laires et à l'imitation de la parole et des gestes mais je ne pus agir sur sa conscience, ni lui faire, d'autre manière, dépasser ce point. Son état, pen¬dant cette demi-hypnose, est très différent de sa trance médianique. Celle-ci est caractérisée par une grande agitation musculaire ; les oreilles même se meuvent vigoureusement, de manière telle qu'il lui serait impossible de le faire à l'état de veille. Mais, pendant l'hypnose, son relâ¬chement musculaire et sa faiblesse sont extrêmes. Elle fait souvent plusieurs efforts pour parler avant que sa voix devienne perceptible ; pour obtenir, par exemple, une forte contraction de la main, on doit employer des manipulations appropriées et la suggestion. Les imitations automatiques dont je parlais sont tout d'abord très faibles et ne devien¬nent plus fortes que par répétition. Durant la trance médiumnique, ses pupilles sont contractées. Les suggestions faites au contrôle de faire en sorte qu'elle gardât le souvenir de ce qu'elle avait dit dans sa trance médianique, furent acceptées, mais demeurèrent sans résultat. Durant la trance hypnotique, une pareille suggestion donne souvent au sujet le souvenir de tout ce qui s'est passé.
Aucun signe de transmission de pensée ne put être décelé en elle, ainsi que j'ai pu m'en convaincre en essayant de lui faire deviner des cartes ou des dessins, soit en procédant durant l'état hypnotique, que je viens de décrire, soit immédiatement après, bien que son contrôle ait dit, pendant la trance médiumnique, qu'il l'y amènerait. Autant que je l'aie essayé, deux fois seulement, elle ne put deviner correctement des cartes, pendant la trance médianique. A l'état de veille, la transmission de pensée ne se manifesta pas nettement, ainsi qu'on put le constater en essayant de lui faire indiquer des cartes. Des essais de willing-game et des tentatives d'écriture automatique donnèrent, de même, des résultats négatifs. Autant que la preuve puisse en être faite, sa trance médiumnique parait donc être un trait caractéristique isolé dans sa physiologie. Cette observation constituerait à elle seule un résultat important s'il pouvait être établi et généralisé, mais les constatations sont évidemment trop imparfaites pour que des conclusions certaines puissent en être tirées dans un sens ou dans un autre.
A cette époque, j'interrompis mon enquête sur la médianité de Mme pi¬per pendant un laps d'environ deux ans. Je m'étais assuré qu'on se trou¬vait en présence d'un véritable mystère mais j'étais surchargé de devoirs qui prenaient tout mon temps, et je sentais qu'une circumnavigation autour de ce phénomène était une tâche trop longue pour que je pusse désirer de l'entreprendre. Durant cet intervalle, cependant, je l'ai vue, par hasard, une fois et, au printemps de 1889, je l'ai de nouveau rencontrée quatre fois. A la fin de 1889, elle nous fit une visite d'une semaine, à notre maison de campagne dans le New Hampshire ; j'appris alors à la connaître mieux que je n'avais pu le faire auparavant, et m'af¬fermis dans la conviction qu'elle est une personne absolument droite et sincère. Personne ne peut, quand on est mis au pied du mur, prouver en faveur d'autrui le bien fondé d'une telle croyance maintenant nous vivons journellement auprès d'eux, et vraiment je risquerais volontiers autant d'argent sur l'honnêteté de Mme Piper que sur celle de n'importe qui des gens de ma connaissance, et je suis prêt à risquer ma réputation de sagesse ou de folie sur cette déclaration, dans la mesure où la nature humaine proprement dite est en jeu.
Je répète donc ce que j'ai dit plus haut : en tenant compte de tout ce que je sais de Mme Piper, j'ai le sentiment d'être absolument certain, comme je le suis de n'importe quel fait personnel, qu'elle connait, pen¬dant sa trance, des choses dont il lui est impossible d'avoir eu connaissance à l'état de veille, et que la philosophie définitive de ses trances est encore à trouver. Les limites de ses informations pendant la trance, leur discontinuité et leur irrégularité, enfin, leur apparente incapacité de dé¬passer un certain point, finissent par éveiller l'impatience morale et humaine à l'égard du phénomène ; cependant tout cela, au point de vue scientifique, compte parmi ses particularités les plus intéressantes, puisque là où il y a des limites, il y a des conditions et la découverte de celles-ci est toujours un commencement d'explication.
La déclaration la plus récente du professeur James sur ce sujet est publiée dans les Proceedings ; elle renferme le compte rendu de conversations entretenues, par le moyen de Mme Piper, depuis la mort du docteur Hodgson, avec ce qui prétend être sa personnalité survivante ; le tout est accompagné de commentaires critiques par le professeur James. Je ne citerai pas ce travail car la publication est d'un accès facile.
Chapitre XV - Communications de l'auteur sur Mme Piper
Ma première communication sur ce sujet parut en 1890, peu après la première visite de Mme Piper en Angleterre. La voici :
Compte rendu des séances avec Mme Piper
A la demande de M. Myers, j'entrepris de participer à des recherches sur un cas de soi-disant clairvoyance. Ce cas est celui d'une dame qui parait tomber en trance quand il lui plait au milieu d'un entourage favorable ; pendant cette trance, elle parle avec volubilité, d'une manière différente, et avec une tout autre voix que celle qu'elle a d'ordinaire, elle donne des détails sur des faits dont on ne l'a pas informée.
Dans cet état anormal, ses discours se réfèrent principalement à des parents et à des amis, vivants ou décédés, des personnes présentes ; elle peut soutenir une conversation à propos d'eux et parait être plus ou moins familière avec eux.
En introduisant des étrangers anonymes et en l'interrogeant moi-¬même de différentes manières, je me suis assuré que beaucoup des ren¬seignements qu'elle possède dans l'état de trance ne sont point acquis par les méthodes banales ordinaires, mais qu'elle a des moyens inusités d'ac¬quérir ces renseignements. Les faits dont elle parle sont habituellement connus de certaines des personnes présentes, bien qu'ils soient souvent au moment même hors de leur pensée consciente. Elle a parfois raconté des faits dont la vérification e été faite plus tard ; on était de bonne foi, en affirmant qu on n'en avait jamais rien su ; on voulait dire par là qu'ils n'avaient pas laissé de trace dans la mémoire consciente d'aucune des personnes présentes ni dans le voisinage et qu'il est infiniment impro¬bable qu'ils aient jamais été connus de ces personnes. Elle peut aussi, durant sa trance, diagnostiquer les maladies et dési¬gner les possesseurs ou les anciens possesseurs de menus objets, dans des conditions qui excluent l'emploi des méthodes ordinaires. Malgré cette lucidité, elle commet fréquemment des erreurs et fait des récits confus, n'ayant apparemment aucun sens ni aucune application.
Quant au moyen particulier par lequel elle acquiert ses différentes informations, il n'y a pas suffisamment d'éléments pour permettre de conclure. Je puis seulement certifier que le moyen n'est pas une des méthodes ordinaires connues des sciences physiques.
Mai 1890. Oliver Lodge
Extrait des séances de Mme Piper
Ce qui suit est un compte rendu détaillé des séances que j'eus à cette époque (1889-1890) avec Mme Piper, chez moi, à Liver¬pool ; toutes furent enregistrées très complètement, certaines même mot par mot, par un sténographe amené pour la circon¬stance. A cette époque, en effet, les communications étaient entiè¬rement verbales ; l'écriture n'était employée qu'exceptionnelle¬ment et limitée, de temps en temps, à quelques mots. Au contraire, dans ces dernières armées, la plupart des communications sont obtenues par l'écriture seule, et l'on n'a plus besoin d'un sténo¬graphe.
On trouvera mon mémoire détaillé dans les Proceedings de la Société ; je me propose d'en faire quelques extraits, en citant les incidents qui démontrent l'existence de l'une ou l'autre des facultés dont il va être question, ou qui éclairent par exemple le caractère général des séances à cette époque, plutôt au point de vue de la mise en scène qu'à celui de la preuve.
Les facultés dont je veux parler sont les suivantes :
1° La perception d'événements vulgaires qui surviennent au moment même à distance.
2° La lecture de lettres par des moyens autres que les moyens normaux.
3° La reconnaissance d'objets et leur attribution à leurs posses¬seurs respectifs.
4 ° La perception de petits détails familiers et intimes concer¬nant des personnes tout à fait étrangères.
5° Le récit des faits inconnus, dans le moment, de toutes les personnes présentes.
6° Avec, peut-être, un supplément montrant l'apparente igno¬rance de certains faits, que Mme Piper connaissait normalement, et aussi, ce qui est fréquent, des exemples d'assertions erronées ayant trait à des faits bien connus du consultant, et qui sont pré¬sents à son esprit.
Parmi les personnages qui ont assisté aux séances, je peux citer le docteur Gerald Rendall, ancien professeur à Trinity College à Cambridge, et alors Rector de l’University College à Liverpool. Il fut introduit sous le nom de M. Roberts et la séance commença immédiatement. Les noms de ses frères furent tous donnés cor¬rectement, à cette séance ou à celle du soir, ainsi que beaucoup de détails topiques qui se trouvaient être vrais.
Il apporta un médaillon ; on lui fit des communications et on évoqua des souvenirs émanant, soi-disant, de l'ami décédé que ce médaillon rappelait ; certaines de ces assertions n'ont pu être, à présent, complètement vérifiées, parce que les personnes qu'elles concernent sont en Amérique ; d'autres semblaient erronées, mais les faits, qu'il savait avoir été exactement indiqués, le furent d'un manière telle qu'il jugea absurde et hors de question de les attribuer au hasard, ou à toute autre supposition ordinaire.
Elle eut aussi la visite du professeur E. C. K. Gonner, qui était alors chargé du cours d'économie politique à l’University College à Liverpool ; il fut présenté sous le nom de Mr. Mc Cunn, un autre de ses collègues avec lequel, par conséquent, il pouvait être confondu dans l'hypothèse de la fraude. Il apporta un livre apparte¬nant à sa mère, qui habitait encore Londres et il lui fut correcte¬ment donné de nombreux détails sur ses parents et son entourage. Beaucoup de personnes de sa famille furent ainsi nommées, mais, soit à cause du livre, soit pour toute autre raison, l'influence de sa mère semblait plus puissante que la sienne propre ; et, parfois, des parents, dont cependant il avait été correctement parlé, étaient mentionnés dans les termes de leur parenté avec la génération précédente. Pourtant, Phinuit semblait avoir conscience de ces erreurs, et parfois, il se corrigeait lui-même ; il disait par exemple : « Votre frère William, non, je veux dire votre oncle, son frère. »
Cet oncle William était un bon exemple. Il était mort avant la naissance du professeur Gonner ; Mme Gonner mère, dont il était le frère aîné, avait été très émue de sa mort subite, elle avait été longue à se remettre de ce choc. Phinuit dit qu'il était mort d'un trou à la tête, comme un trou causé par une balle, qu'il ne s'agissait cependant pas d'un coup de feu, mais plutôt d'un coup ; en réalité cet oncle trouva la mort dans le Yorkshire, dans une émeute électorale, une pierre le frappa à la tête.
Puisqu'il est question de faits concernant des morts, je puis aussi citer le cas du père de ma femme qui mourut, alors qu'elle était âgée de quinze jours, d'une manière dramatique et émouvante. Phinuit fit le récit des circonstances de cette mort d'une façon saisissante. De même, la cause de la mort du beau-père de ma femme, due à des causes parfaitement définies, fut exactement précisée. La chute de son père au fond de la cale de son bateau et l'affection de la jambe qui en résulta furent clairement racontés. Ma femme était présente à ces séances ; on lui avait raconté tous ces événements de sa famille et elle se les rappelait.
Pour montrer avec quelle facilité le docteur Phinuit arrivait, à cette époque, à nommer les parents d'une personne étrangère, et à dire leurs particularités, je citerai ce qui s'est produit le même jour au cours de deux séances, auxquelles un méde¬cin exerçant à Liverpool avait été amené sans qu'on prévint Mme Piper. On le présenta sous le nom de docteur Jones. Durant la séance, le nom, les goûts et l'infirmité d'un de ses enfants, une petite fille sourde et muette, nommée Daisy, qu'il aimait beaucoup, furent indiqués d'une manière saisissante. Mes enfants ne connaissent pas les siens.
Je dois dire que le docteur C. garda un silence presque complet. A l'occasion, il acquiesçait avec un grognement, mais, je m'aperçus dans la suite, qu'il acquiesçait aux erreurs autant qu'aux vérités. Presque jamais, je ne savais ce qui était bon ni ce qui était mau¬vais quand je prenais des notes.
C'était ainsi un excellent expérimentateur, quoique fatigant, Phinuit était dans une de ses dispositions les plus loquaces, sans cela il n'aurait pas aussi bien marché. Vers la fin de la séance, on aurait pu remarquer qu'il commençait à être fatigué de son propre monologue. Voici un compte rendu fort abrégé :
Séance n° 42. Lundi matin, 23 décembre.
Présents : docteur C. (introduit sous le nom de docteur Jones) et 0. J. L.
(Ce qui suit est un extrait des déclarations exactes, ou ultérieurement corrigées, ou encore remarquables pour d'autres causes. Celles qui sont erronées ont été réunies de même ; on les trouvera plus loin, p. 168.)
Vous avez une petite fille boitant de la cuisse, âgée de 43 ans ; elle est la seconde ou la troisième. C'est une petite pâquerette . Je l'aime bien. Elle a des yeux noirs, aucun de vos enfants n'en a d'aussi doux ; elle a beaucoup de talent comme musicienne. Ce sera une femme brillante, ne l'oubliez pas. Elle a plus de sympathie, plus d'intelligence, plus... tout à fait une petite pâquerette. Elle a un signe, un curieux petit signe : quand on regarde de près, au-dessus d'un oeil, une cicatrice au travers du front, au-dessus de l'oeil gauche. Le garçon est excentrique, il est petit, mais un petit diable. Assez bon, quand on le connait. Il sera probablement architecte. Envoyez-le à l'école. Sa mère est trop nerveuse. Cela lui fera du bien. (C'était un sujet de discussion entre le docteur et sa femme.) Vous avez un garçon, deux filles et un bébé ; quatre incarnés. C'est la petite infirme que j'aime. Deux mères sont en rapport avec vous ; l'une se nomme Mary. Votre tante est morte d'un cancer. Vous avez de mauvaises digestions, vous prenez de l'eau chaude pour cela. Vous avez eu une fâcheuse aventure. Vous avez glissé et failli tomber à l'eau étant à bord. (Dangereux accident en yacht, l'été dernier. Les déclarations qu'on vient de lire sont correctes, excepté ce qui est dit de la boiteuse. Voyez la séance suivante.)
Il revint le même soir et amena sa femme. Cette fois, malheu¬reusenient, ils furent reçus par un domestique, qui les annonça sous leur nom. Cependant Phinuit ne fit pas allusion à ce fait. Le compte rendu complet de cette séance est long et exigerait une grande quantité d'annotations pour éclaircir certains détails. Pour abréger, je le résumerai. Il renferme nombre d'indications erronées, dont certaines s'expliquent en partie par ce fait que le docteur et Mme C. sont cousins, ce que j'ignorais, et que Phinuit n'indiqua point ; c'est pourquoi, à la séance suivante, il confondit leurs parents. Leur famille semble être très nombreuse. Avant de citer les erreurs, j'indiquerai les indications correctes, ou celles qui méritent un commentaire.
Séance n° 43. Lundi soir, 23 décembre.
Présents : docteur et Mme C. et 0. J. L. (indication correcte quand il n'y a pas d'observations entre crochets.)
Comment va la petite Daisy ? Elle va guérir de son rhume. Mais il y a quelque chose qui ne va pas dans sa tête. Il y a quelqu'un autour de vous qui boite et quelqu'un qui entend difficilement. La petite fille a de la musique en elle-même. La dame est remuante. Vous êtes quatre qui vont demeurer avec vous et un qui est sorti de son corps. Un a des fers à son pied. Mme Allen, c'est dans son entourage, qu'est celui qui a du fer à une jambe. (Allen était le nom de demoiselle de la mère du boiteux.) il y a environ 400 personnes dans votre famille. Il y a Kate ; vous l'appelez Kitty. C'est celle qui est un peu toquée. Honnête mais toquée. Elle se fera enlever et se mariera ; oui, elle le fera. Elle croit qu'elle sait tout, oui elle le croit. (C'est la bonne d'enfant Kitty, de laquelle il semble qu'on plaisantait, l'appelant un manuel d'information ambulant. Une enveloppe renfermant, écrites, les lettres N. H. P. O. Q., fut à ce moment donnée ; Phinuit écrivit B. J. R. 0. I. S., avec mauvaise humeur.) Un cousin issu de germain de votre mère est ivrogne. La petite fille aux yeux noirs est Daisy. Je l'aime bien. Elle n'entend pas très bien. Le boiteux est enfant de soeur. (En réalité un enfant de cousine, celle qui est « née » Allen.) Celle qui est sourde dans sa tête est celle qui a de la musique en elle-même. C'est Daisy et elle aura les peintures dont je vous ai parlé. (Elle aime la peinture.) Elle grandira et deviendra une belle femme. Elle devrait avoir une oreille en papier. (On avait pensé à un tympan arti¬ficiel.) Vous avez une tante nommée Elisa. Il y a trois Maries, Mary la mère, Mary la mère, Mary la mère. (Grand-mère, tante, et petite fille.) Votre femme a trois frères et deux soeurs. Trois vivants. Ils étaient onze dans votre famille ; deux moururent en bas âge. (Je n'en connais que neuf.) Fred va mourir subitement. Il est marié à une cousine. Il écrit. Il a des choses qui brillent. Lorgnettes. Il est absent. Il a une maladie qui lui prend le coeur et les reins, et mourra subitement. (Pas probable le moins du monde. Je me suis informé et appris que le Fred à qui on suppose qu'elle fait allusion est encore vivant en 1909. 0. J. L.)
Note. Ce qu'il y a de plus frappant dans cette séance est l'importance donnée à la petite fille préférée du docteur C., Daisy, enfant très intelli¬gente et fort bien douée, mais tout à fait sourde ; malgré cette infirmité, son éducation lui a permis d'aller à l'école et de participer aux leçons ordinaires, comme les autres enfants. A la première séance on la croit boiteuse, par erreur ; mais à la seconde l'erreur est reconnue et expli¬quer, et, en somme, tout ce qui est dit à propos d'elle est vrai, y compris le rhume qu'elle avait alors. Mme Piper n'a eu aucun moyen, quel qu'il pût être, de savoir ou d'apprendre quoi que ce soit sur les enfants C., par les moyens sociaux ordinaires. Nous les connaissons nous-mêmes à peine. Phinuit arriva au nom de l'enfant, s'en servant tout d'abord comme d'une simple description. Moi-même, je ne le connaissais pas. Le docteur Phinuit est prodigue de prédictions dans le genre de celle de la fin, et qui, fréquemment, pour ne pas dire toujours, ne se réalisent pas. Je regrette profondément de dire que ces prédictions à l'égard de Daisy sont pareillement fausses car elle contracta l'influenza et l'annonce de sa mort est dans le journal d'aujourd'hui. Juin 1890.
Une liste de détails semblables est ennuyeuse à lire, mais, au point de vue probant, c'est aussi bon que cela peut être. Il n'est pas pos¬sible de supposer que ces indications soient obtenues par des moyens normaux ; la personnification n'a pas cherché à se rensei¬gner en questionnant, et le consultant ne lui a été d'aucune aide. La seule explication normale est qu'elles ont été le résultat du hasard mais cela est parfaitement absurde, comme chacun s'en rendra compte en lisant le récit de ces incidents et en essayant de les appliquer à lui-même ou aux amis qu'il connait. En réalité, ils ne s'appliquent et ne peuvent s'appliquer en totalité à qui que ce soit, sauf à la personne qu'on a en vue. Naturellement, ce n'est, en aucune façon, un exemple isolé de la découverte de détails concernant en propre une famille, et peut-être n'est-il pas aussi frappant que certains autre; mais c'est un cas solide qui a été soumis à mon observation propre. Le docteur était, lui-même, extrêmêment sceptique à l'égard de tout ceci mais il me permit d'ajouter la note suivante, qu'il écri¬vit quelque temps après sur ce cas :
L'état de trance paraissait naturel mais on constatait plus de mouve¬ments volontaires que je n'en ai jamais vus dans une crise d'épilepsie. Le changement complet apporté au maintien et à la conduite de Mme Piper ne semble pas être dù à un effort intentionnel, et il est possible qu'elle¬-même croie que les concluions impliquent quelque chose agissant en dehors d'elle-même. A l'égard du résultat, les erreurs semblent balancer les réussites, et la lecture du procès-verbal n'est pas aussi frappante que l'était la séance. Après avoir lu vos notes, je pense qu'on se trouve en présence d'une certaine somme de lecture de pensée et d'une grande quantité d'adroites divinations.
Pour mon compte, je ne puis être d'accord avec ce jugement hâtif que les erreurs balancent les réussites puisque numériquement, on voit distinctement qu'elles sont moindres et si le résultat était dû au hasard, les réussites devraient être, comparativement, infiniment moins nombreuses. Ce qui suit est un résumé des assertions fausses faites au cours des deux séances :
A la première séance :
Votre femme est Fanny ; parfaitement, il y a une Fanny. [Non.] Fred a les cheveux blonds, la moustache brune, le nez proéminent. [Non.] Votre thèse traitait d'un sujet spécial. Je crois pouvoir dire qu'elle traitait des poumons. [Non.]
A la seconde séance :
Le nom de votre mère est Elizabeth. [Non.] Son père est infirme. [Non.] De vos enfants il y a Eddie, et Willie et Fanny ou Annie et une soeur qui a des syncopes, et Willie et Katie [Non, Katie ne compte pas ; c'est la bonne] et Harry et la petite aux yeux noirs, Daisy. [tout est faux excepté Daisy.] L'un d'entre eux est mort, d'une angine. [Non. ] Le père de votre femme a mal à une jambe ; son nom est William. [Non.] Votre graud'¬mère a une soeur qui est mariée à Howe, Henry Howe. [Inconnu.] Il y a un Thomson qui est votre parent [Non] et si vous cherchez bien, vous trouverez aussi un Howe. Votre frère le capitaine [correct] qui a une femme charmante à cheveux bruns [correct], a eu des troubles cérébraux [Non] et il a deux filles et un fils. [Non, trois filles.]
Un autre exemple de ce démêlage des parents d'un étranger est fourni par le cas d'un sténographe que j'avais emprunté au secréta¬riat de l'Université pour noter mot à mot ce qui était dit dans les séances. Il se tenait à une certaine distance, quand Phinuit se mit à faire allusion à lui, lui dit que son frère s'était fait arracher une dent (ce qui était vrai) et l'invita à demander des nouvelles d'un nommé George Edward H. qui s'était blessé à la main dans une réunion. Ce personnage n'a d'ailleurs pas été identifié. Phi¬nuit ajouta ensuite :
On dirait qu'il y a ici autour des amis de cet homme, que je ne puis éviter. Il y en a une quantité et je ne puis mettre les choses au point. Il faut me permettre de lui parler, épuiser ses influences ; je pourrai causer ensuite avec vous. Je ne puis m'en empêcher. Allez-vous-en. Vous m’en voudrez pas, dites ? (0. J. L., A. L. et M. L. sortent).
Le sténographe s'approcha, donna au médium une de ses mains et de l'autre prit de courtes notes : Vos parents m'embrouillent ; ils me dérangent quand je parle au capi¬taine, de sorte que si je mentionne quelqu'un appartenant à votre famille, avertissez-m'en afin que nous ne perdions pas la bonne voie. Il y a une vieille dame, un esprit, qui me parle et son influence me trouble. (Une grand'mère est morte il y a quelques années.) Demandez à votre frère s'il ne connait pas les gens qui ont assisté à une fête, et ce garçon qui s'est fait mal à la main, George Edward H., il a un frère qui s'appelle Fred. Vous avez un cousin, Charley (exact) qui demeure chez vous, (non, son frère y avait autrefois demeuré), et un autre qui s'appelle Harry (exact). Vous êtes six enfants dans votre famille, quatre garçons, deux filles (exact). Mennie est votre soeur (exact). Elle est lunatique, quelquefois stupide (exact), mais elle guérira. Votre mère souffre quelquefois de la tête (non). Mennie est musicienne (pas spécialement). Un de vos frères écrit beaucoup (j'écris beaucoup moi-même). Vous vous appelez Ed. (exact.) Votre grand'mère ne cesse d'appeler Ed. Ren¬seignez-vous sur les gens dont je vous ai parlé et vous verrez que tout ce que j'ai dit est vrai. (Des renseignements ont été pris sans résultat). J'ai besoin du capitaine. Voyez, mon capitaine, ce garçon est loyal. Allons, Alfred et Marie, je vous ai un peu dérangé. Allons, ça va bien. Venez, Alfred. j'ai à vous parler. Tous les autres, filez ! (Phinuit donnait habi¬tuellement à 0. J. L. le surnom de capitaine).
Le cas suivant est un exemple de la lecture d'une lettre, qui avait évidemment occupé ma pensée de la manière indiquée, mais que le médium ne lut pas d'une façon normale.
(0. J. L. remit une chaîne à Phinuit, elle avait été pliée dans un pa¬quet qui avait été remis de la main à la main à 0. J. L. assez tard la veille au soir. Il n'avait fait qu'ouvrir le paquet, regarder son contenu et lire rapidement une lettre qui y était jointe. Il avait ensuite replié le tout et l'avait serré. La chaîne avait été envoyée par Mme John Watson de Sefton Drive ; elle avait appartenu au père du docteur Watson.)
Ceci appartient à un vieux monsieur, qui est mort ; un aimable vieil¬lard. Je vois là quelque chose de drôle, quelque chose du côté du coeur, quelque chose de paralysé. Donnez-moi les enveloppes du paquet, toutes. (C'est-à-dire, les papiers qui l'enveloppaient, il y avait une lettre au mi¬lieu d'eux. Le médium les appuya sur le sommet de sa tête, rejetant peu à peu le papier blanc. Il n'examina rien. Pendant ce temps il tenait de la main une personne étrangère, un M. Lund. qui ne connaissait rien de la lettre ni de la chaîne.)
- Qui est mon cher Lodge ? Qui est Poole, Toodle, Poodle ? Qu'est-ce que cela veut dire ?
0. J. L. - Je n'en ai pas la moindre idée.
- J. N. W. est-il ici ? Poole. Et il y a Sefton aussi. S-e-f-t-o-n. Pool, des cheveux. Votre sincèrement, J. N. W. C'est cela ; j'envoie des cheveux. Poole, J. N. W. Comprenez-vous cela ?
0. J. L. - Non, en partie seulement.
- Qui est Alildred ? Milley ? Quelque chose est en rapport avec cela et Alice et avec lui, j'ai aussi Fanny. L'influence de son fils y est.
[Note de 0. J. L. - J'ai constaté plus tard que la lettre commençait par ces mots « Mon cher Lodge » qu'elle contenait ceux-ci : Sefton Drive, et Cook écritde telle sorte qu'on pouvait lire Poole. On lisait encore : «Je vous envoie des cheveux», et elle finissait par « vôtre sincèrement, J. B. W. » ; le B ressemblait à un N. Le nom de l'expéditeur n'était pas mentionné dans la lettre, mais dans une séance ultérieure Phinuit l'indiqua correc¬tement en connexion avec la chaîne.]
La lecture des lettres de cette façon anormale est curieuse ; c'est un type très ancien de ce genre de phénomènes. Kant et Regel le connaissaient : on l'appelait alors la lecture par le creux de l'estomac. Il semble maintenant que ce soit par le som¬met de la tête que cette lecture se fasse. J'en ai observé quelques autres cas, peu nombreux, et moins nets que le précédent, et je renvoie à la petite expérience faite par Mme Verrall, rapportée page 104, et à ce que je dis aussi page 110.
Un des meilleurs consultants fut un de mes amis qui habita longtemps à côté de chez moi à Liverpool, M. Isaac C. Thompson F. L. S. Avant qu'il lui eût été présenté, Phinuit avait adressé à Mr. Thompson un message au nom de son père. Trois générations de parents, appartenant à sa famille ou à celle de sa femme, vivants ou morts, furent nettement indiquées au cours de trois séan¬ces, avec des détails permettant de les identifier un à un ; c'étaient trois familles de quakers, peu nombreuses et étroitements unies ; l'informateur principal se donnait comme un frère prédécédé, jeune médecin d'Edimbourg, dont on avait pleuré la perte vingt ans auparavant. L'intimité et la touchante affection des messages ont été remarquables dans ce cas particulier, mais ils ne peuvent être reproduits dans les comptes rendus imprimés des séances. Peu d'erreurs furent commises ; les détails furent frap¬pants de vérité, au point que les consultants ne purent s'empê¬cher de croire que leurs parents conversaient réellement avec eux.
Cela peut paraître absurde cependant telle est bien l'impres¬sion que donne une série de bonnes séances, et c'est pour cela que, je l'indique ici. De menus événements survenant à distance furent également découverts par le docteur Phinuit dans leur cas, mieux que dans tout autre, à ma connaissance du moins. L'es¬pace me manque pour donner un compte rendu détaillé de cet excellent cas.
Un incident remarquable se produisit à la fin de la série de séances qui me fut donnée, alors que cet ami était présent. On y glissa un message destiné à un personnage habitant Liverpool, M. Rich, directeur de la poste de cette ville ; nous le connaissions, mais il ne vivait pas dans notre intimité et nous ne pensions certes pas à lui. La communication émanait soi-disant d'un fils de ce monsieur ; ce jeune homme était mort subitement quelques mois auparavant et je ne l'avais jamais vu ; M. Isaac Thompson lui avait, semble-t-il, parlé deux ou trois fois.
Cc fils interpella M. Thompson par son nom et le pria de trans¬mettre un message à son père, que sa mort avait abattu et qui soutirait depuis peu de vertiges céphaliques, de sorte qu'il craignait d'avoir à se retirer du service. D'autres petits détails carac¬térisant son identité furent donnés et le message fut communi¬qué quelques jours après à l'intéressé. Ce dernier reconnut l'exac¬titude des faits allégués ; quoique enclin naturellement au scepti¬cisme, il admit que la mort subite de son fils aîné l'avait frappé d'une façon extraordinaire, en raison d'un malentendu survenu entre eux, malentendu qui se serait dissipé s'il avait vécu.
La seule explication fondée sur la lecture de pensée que je puisse lui donner est la suivante : l'activité lointaine de son cerveau aurait agi sur la sensibilité du médium dont il ignorait complète¬ment l'existence et aurait réussi à se transmettre à elle-même un message illusoire !
Le fils paraissait très préoccupé d'un coffret noir, dont il nous pria de parler à son père, en marquant qu'il tenait à ce qu'il ne fût pas égaré. Le nére ne comprit pas ce que signifiait ce coffret noir, mais j'ai su depuis, indirectement, que le jeune homme ré¬clamait, sur son lit de mort, un coffret noir ; je n'ai pu savoir si cet objet a été plus tard identifié.
En présence de communications pareilles, je ne puis m'empêcher de penser que, si elles sont réellement des cas de transmis¬sion de pensée, elles constituent une transmission de pensée d'une espèce particulièrement vivante ; la preuve de sa réalité serait une précieuse acquisition, si telle est bien l'explication du phéno¬mène.
Je doute cependant que cette explication soit vraie ; il ne faut jamais oublier qu'en poursuivant une hypothèse favorite, on peut se lancer sur la mauvaise voie.
On doit pousser jusqu'à leur extrême limite toutes les explica¬tions connues avant d'admettre l'action d'une force nouvelle in¬connue ; l'abandon du dernier anneau de la chaîne des causes connues, par suite de son insuffisance pour soutenir le poids crois¬sant des faits a été une mesure qu'on ne pouvait prendre à la légère, bien que cette insuffisance commençât à éveiller en moi les doutes les plus sérieux ; je me demandais même si les causes connues nous mettaient d'une manière quelconque sur la voie de l'explication des faits observés.
Il était quelquefois dit, soit à moi, soit à d'autres, des choses si éloignées de notre pensée consciente, qu'elles nous paraissaient d'abord inexactes, ou n'étaient pas reconnues ; leur sens ne se ré¬vélait clairement que peu à peu, ou grâce à une explication subsé¬quente. Toutefois, on éprouve quelque chose d'analogue dans le rêve ; on s'étonne du cours que la conversation peut y prendre, on a l'impression d'apprendre quelque chose de nouveau, aussi l'argument que je viens d'indiquer n'a pas isolément grande valeur.
On en donne un second, qui se fonde sur les erreurs inex¬plicables que commet de temps en temps le docteur Phinuit. Une personne qui a assisté à mes séances en signale un exemple : au milieu d'indications nombreuses, toutes vraies et frappantes, on donna à son père prédécédé le nom de John. Le fils, auquel la séance était donnée, avait la conscience la plus nette que le nom de son père n'était pas John, mais bien Peter. Phinuit marqua cependant aucune connaissance de ce fait, quoique dans la suite il donnât souvent au père mort le nom de Thomas, montrant ainsi qu'il avait vaguement conscience d'avoir commis une erreur.
En dehors de l'erreur ou de la méprise, je ne puis suggérer à cela qu'une seule explication : j'étais présent et je prenais des notes et bien que je connusse le nom de famille, j'ignorais le prénom.
Il faut donc étendre et forcer un peu l'hypothèse de la transmis¬sion de pensée, malgré que nous soyions disposés à la pousser aussi loin qu'il le faille, tant qu'elle ne craquera pas ; ayant pour¬tant le sentiment de son insuffisance réelle, j'ai essayé d'employer quelques moyens décisifs.
J'ai d'abord eu recours à un alphabet d'enfant, dont j'ai pris au hasard quelques lettres que j'ai mises, sans les regarder, dans une petite boîte, scellée en présence du pr. Carrey Foster ; cela fut fait environ un mois avant la séance, au cours de laquelle je ten¬dis la boite à Phinuit en lui demandant ce qu'il y avait dedans ; je l'informai que personne n'en savait rien et l'invitai à faire de son mieux.
Il se fit immédiatement donner un crayon, et tenant la boîte appuyée sur le front de Mme Piper, il la secoua de temps en temps, comme pour en débrouiller le contenu et le rendre plus claire¬ment perceptible, il écrivit ensuite quelques lettres sur un mor¬ceau de carton qu'on maintenait pour cela. Je le remerciai, et le lendemain, pour plus de certitude, je le priai de recommencer ; il s'exécuta et écrivit les mêmes lettres, allant jusqu'à indiquer le sens dans lequel elles étaient tournées dans la boîte.
Je rédigeai deux procès-verbaux de la description du contenu de la boite, l'un pour M. Myers, l'autre pour le professeur Carey Foster et je scellai ce dernier; je l'expédiai au professeur, à qui j'avais télégraphié pour savoir s'il était chez lui, s'il était prêt à recevoir la boîte et à s'assurer qu'elle n'avait pas été ouverte (je ne m'en étais pas séparé un instant) ; je l'invitai à l'ouvrir et à noter les lettres et leur position, en détail, avant d'ouvrir mon procès¬ verbal scellé. C'est sur sa réponse affirmative que la boite lui fut adressée par pli recommandé et assuré.
Toutes les lettres étaient fausses, sauf deux ; leur nombre était à peu près exact ; ce résultat est celui que le calcul des probabi¬lités indique comme devant se produire avec des lettres prises au hasard dans un alphabet simple. La boîte contenait des lettres choisies dans plusieurs alphabets, mais la conclusion de l'expé¬rience doit être considérée comme négative. Les lettres n'avaient pas été lues .
Cette expérience me conduisit à penser que l'explication devait être cherchée dans quelque forme de lecture de pensée, différente de ce qui m'avait d'abord paru du domaine moins connu et plus vague de la clairvoyance.
Si les lettres avaient pu être réellement vues d'une manière di¬recte, il importait peu que nulle intelligence ne les connût mais, si l'esprit seul peut être lu, il devenait alors nécessaire que quel¬qu'un, existant quelque part, les connût. Je n'entends pas dire qu'il convienne de tirer une conclusion aussi précise du résultat d'une seule expérience négative ; j'ai l'intention de la recommen¬cer, quoique Phinuit n'aime pas ce genre de travail et prétende qu'il le fatigue ; elle me paraissait corroborer l'hypothèse de la transmission de pensée, sous une forme quelconque. Je me mis en devoir dès lors d'essayer d'obtenir, par le genre de communica¬tion qui agrée à ce médium, des faits que je ne connaissais pas, que je n'avais même jamais connus.
L'exposé de ces expériences, qui datent d'une vingtaine d'années, a été fait à l'époque d'une manière détaillée avant d'en résumer la substance, il est nécessaire que je donne quelques renseigne¬ments sur mes parents ; je m'en excuse.
Un de mes oncles habitait Londres : c'était un vieillard très âgé, l’ainé de trois frères qui représentaient les membres survivants d'une famille, autrefois nombreuse, dont mon père avait été le plus jeune enfant. Mon oncle avait eu un frère jumeau, mort au moins vingt ans auparavant.
Je réussis à l'intéresser à mes recherches et je lui demandai par lettre, de me confier quelque relique de son frère. Le courrier du matin m'ap¬porta un jour une montre d'or ancienne, curieuse, que ce frère prédécédé avait portée, et qu'il aimait beaucoup ; le même jour, dans la même matinée, personne n'ayant vu l'objet ou ne le connaissant, je le remis à Mme Piper entrancée.
Elle me dit, presque aussitôt, que la montre avait appartenu à un de mes oncles, dont on m'avait déjà parlé comme ayant succombé aux suites d'une chute ; cet oncle avait beaucoup aimé mon oncle Robert, son frère jumeau encore vivant ; la montre était maintenant dans la possession de l'oncle Robert, avec lequel le mort désirait vivement entrer en commu¬nication. Avec quelque difficulté et après plusieurs essais mauvais, le docteur Phinuit trouva son nom, Jerry, abréviation de Jeremiah, et dit solennellement, comme s'il le personnifiait : « C'est ma montre, et Robert est mon frère, et je suis ici. L'oncle Jerry ma montre. » Cela fut dit dès la première séance, le matin même de l'arrivée de la montre par la poste, alors que dans la salle il n'y avait de présents que moi-même et un sté¬nographe ; ce dernier venait pour la première fois à la séance, et ses anté¬cédents me sont bien connus.
J'entrai ainsi, eu apparence, en communication d'une manière quel¬conque avec ce qui prétendait être mon oncle Jerry ; je l'avais peu connu, dans les dernières années de sa vie seulement, quand il était déjà devenu aveugle ; j'ignorais tout de sa jeunesse. Je lui dis que pour aviser l'oncle Robert de sa présence, il serait bon de rappeler quelques menus détails de leur enfance, qui seraient fidèlement rapportés par moi.
L'idée lui plut et pendant plusieurs séances consécutives, il parut don¬ner des indications au docteur Phinuit, pour lui faire mentionner une foule de petits faits destinés à permettre à son frère de le reconnaitre.
Les allusions à sa cécité, à sa maladie, aux principaux faits de sa vie étaient sans valeur à mon point de vue mais les détails relatifs à son enfance, remontant à plus de soixante-six années en arrière, étaient complè¬tement et absolument ignorés de moi. Mon père lui-même n'avait connu ses deux frères qu'alors qu'ils étaient déjà des hommes faits.
Mon oncle Jerry rappela des épisodes tels que la traversée à la nage de la rivière, quand ils étaient de jeunes garçons, exploit qu'ils avaient accompli ensemble, au risque de se noyer ; le chat qu'ils avaient tué dans le champ de Smith ; le petit fusil qu'ils avaient ; enfin une longue peau, particulière, semblable à une peau de serpent, que, pensait-il, l'oncle Robert possédait encore.
Tous ces faits ont été vérifiés plus ou moins complètement. La chose intéressante est que le frère jumeau survivant, qui m'avait envoyé la montre et avec lequel j'étais en correspondance, ne pouvait pas se les rap¬peler tous. Il avait un vague souvenir de la traversée de la rivière à la nage, dont il avait été simplement le témoin. Il se rappelait très bien avoir eu la peau de serpent, se souvenait de la boîte où elle était enfermée, mais ne savait plus où elle était. Quant au chat tué, il n'en avait aucun souvenir, pas plus que du champ de Smith.
Malheureusement, le résultat n'est pas aussi simple ni aussi. Sa mémoire baissait, il le savait, et il eut l'obligeance d'écrire à un autre de ses frères, Franck, qui habitait la Cornouailles ; c'était un vieux capitaine au long cours. Il lui demanda s'il n'avait pas un meilleur sou¬venir de certains faits en lui donnant, naturellement, pour expliquer sa demande, des raisons plausibles Le résultat de cette enquête fut un triomphe ; elle établit l'existence du champ de Smith ; c'était un endroit situé près de leur maison à Barking, Essex, où ils avaient l'habitude de jouer ; Franck se souvenait aussi du chat qu'un autre de ses frères avait tué ; il donna des détails complets sur la traversée de la rivière, près d'un bief, Franck et Jerry ayant été les héros de ce téméraire épisode.
Je puis dire ici que le docteur Phinuit a un flair subtil, si on me permet cette expression, pour les bijoux et objets précieux personnels. Une bague que ma femme portait fut reconnue par lui comme m'ayant été donnée à moi, pour elle par une tante spécifiée, au moment de sa mort et, une autre fois, il indiqua fort bien la cause de son décès. Il réclama un médaillon que ma femme porte quelquefois, mais qu'elle n'avait pas sur elle ce jour ¬là ; ce bijou avait appartenu à son père quarante ans auparavant. Il reconnut la montre de mon père et en demanda la chaîne, qui lui fut remise ; il n'était pas encore satisfait, parce qu'il manquait une breloque, dont je ne pus pas avoir l'idée à cette époque, mais que, par la suite, ma femme me remit en mémoire ; Phinuit, à une autre séance, le saisit ; c'était un cachet qui avait été habituelle¬ment attaché à cette chaîne, et qui avait appartenu à mon grand-¬père.
Il retira la montre de ma soeur de la poche, et dit qu'elle avait appartenu à sa mère ; il en sépara la chaîne et dit qu'elle ne lui appartenait pas, ce qui était parfaitement vrai. Même de petits objets de poche, comme des couteaux à fruits ou des tire-bouchons, furent attribués par lui à leurs anciens possesseurs ; une fois il empoigna, à l'improviste, le bras du fauteuil sur lequel Mme Piper était assise, et dont il n'avait jamais été question, et dit qu'il avait appartenu à ma tante Anne. C'était parfaitement vrai ; c'était un fauteuil ordinaire de type ancien, auquel elle attachait du prix ; elle l'avait fait regarnir et nous l'avait donné comme cadeau de noces, douze ans auparavant. Phinuit, entre parenthèses, ne parut pas se rendre compte que ce fût un fauteuil ; il demanda ce que c'était et dit qu'il avait cru que cela faisait partie d'un orgue.
Le meilleur exemple, peut-être, de reconnaissance d'un objet, fut l'identification d'un bijou que me confia le Rev. John Watson, qui, à l'époque, était pour moi un ami de fraîche date, avec qui j'avais récemment résidé en Italie ; c'était une chaîne ayant appar¬tenu à son père ; il en est question à l'occasion de l'épisode, relaté plus haut, de la lecture d'une lettre (p. 169).
Le colis m'avait été remis en mains propres un soir chez moi : j'avais eu la chance de rencontrer le messager et de le recevoir directement. Le lendemain matin, je le remis au docteur Phinuit, lui disant seulement, en réponse au sentiment qu'il exprimait d'éprouver quelques difficultés, que cela n'appartenait pas à un de mes parents. Il dit que l'objet était la propriété d'un vieillard, et que l'influence de son fils y était perceptible. Il lut aussi, en partie, une lettre qui l'accompagnait, ainsi que je l'ai rapporté, p. 169. A la séance suivante, j'essayai de nouveau d'expérimenter avec la chaîne, et, très vite, il annonça que son dernier possesseur était présent, qu'il reconnaissait la chaîne, mais qu'il ne me reconnaissait pas. J'expliquai que son fils me l'avait confiée, sur quoi Phinuit dit que la chaîne appartenait maintenant à John Watson, un prédicateur absent pour cause de santé, et ajouta quantité d'autres détails connus de moi, et tous exacts. Le vieux monsieur fut alors représenté comme voulant écrire son nom. Un nom fut écrit à l'envers, comme Phinuit affectait de le faire quelquefois. Ensuite, dans un miroir, on put lire que c'était James Watson. J'ignorais complètement le nom du père. J'expliquai au communicant que son fils désirait avoir de ses nouvelles, et lui demandai de bien vouloir prouver son identité.
Là-dessus, par intervalles, nombre de faits caractéristiques, quoique d'un caractère trivial, furent mentionnés. Leur trivialité était fréquem¬ment admise et le communicateur s'en excusait, mais, néanmoins, ils constitueraient de bonnes preuves, meilleures certes que d'autres détails plus importants. Je les notai aussi bien que possible, ignorant absolu¬ment, pour la plupart d'entre eux, s'ils étaient vrais ou faux. Les faits que je connaissais étaient presque tous correctement rapportés. J'avais, par conséquent, bon espoir de trouver dans ce cas un autre exemple décisif.
Si ce que je connaissais était correctement indiqué, tandis que ce que j'ignorais avait été ultérieurement reconnu inexact ou faux, j'aurais forcément été contraint d'expliquer toute la série par une transmission de pensée directe. Mais, d'autre part, si ces faits, dont je n'avais jamais entendu parler et auxquels je n'avais jamais songé, avaient été vérifiés, on aurait alors été forcé de faire un pas en avant.
Malheureusement, le résultat n’est pas aussi simple, ni aussi définitif que je m'y étais attendu. Un étranger rencontre toujours des difficultés pour arriver aux faits. On constatait que le nom du père était non pas James, mais John - le même que celui de son fils - et quoique les faits exposés comme concernant ce fils, mon ami, eussent été, en somme, tous corrects, j'appris trois semaines plus tard, en recevant une réponse d'Égypte où il voya¬geait, que les déclarations concernant son père étaient toutes erronées. Elles devenaient sans valeur, donc, si ce n'est pour fortifier la preuve d'une transmission de pensée émanée de moi¬-même, car c'était les faits que j'ignorais qui étaient inexacts. Mais, le docteur Watson me raconta plus tard que James était le nom de son grand-père, et que les indications seraient plus con¬formes à la vérité si on les avait attribuées à son grand-père au lieu de son père. Alors, je fus amené à comprendre que la chaîne - qui était le lien apparent de connexion - avait appartenu aux deux.
Perception des événements à distance
Comme exemple de la perception de faits survenant à distance, je choisirai le cas que l'on pourrait appeler Charley et l'Oiseau. Cet épisode insignifiant n'était dans l'esprit ou la connaissance de personne dans ce pays. Il s'était produit au Canada pendant que Mme Piper était en Angleterre, et son existence ne fut établie que par une enquête faite spécialement dans la suite.
Le message était supposé venir de ma défunte tante Anne, dont ce Charley, qui habitait le Canada, était le fils adoptif.
« Elle dit qu'elle était très triste que Charley eut mangé l'oiseau, le poulet, et se soit rendu malade. Il avait souffert de l'estomac. Son Charley. Et il avait été souffrant pendant quelque temps. L'oiseau l'avait rendu malade. Une espèce d'oiseau. Tout à fait malade. Il l'avait rendu bien souffrant. Écrivez-lui pour le lui demander. Mais, c'est comme cela. Vous verrez que c'est vrai. Il vous le racontera. » (Ce message fut reçu le 6 décembre 1889.)
Suite ajoutée en septembre 1890. Au sujet de l'épisode rapporté ci¬-dessus : j'écrivis à une de mes cousines qui avait émigré au mois d'octo¬bre dernier, pour rejoindre son frère de Charley en question au Manitoba, et la priai de demander à ce dernier si une certaine espèce d'oiseau dont il aurait mangé aux environs de Noël, ne lui avait pas fait mal. Tout récemment, j'ai reçu des informations complètes sur ce sujet ; le caractère de cet acte indigne d'un sportsman ou ce qui est plus probable la difficulté de comprendre le sens d'une pareille question, sont en partie la cause de ce retard. Les déclarations qui me furent faites sont les suivantes :
« Les garçons tirèrent sur une poule de prairie en rentrant à la maison, une nuit, vers le début de décembre, au moment où la chasse était fer¬mée qu’on était mis à l'amende pour avoir tué ces sortes d'oiseaux. Il nous fallait donc la cacher. On la suspendit pendant une quinzaine environ, et quelques jours avant Noël, nous la mangeâmes, et c'est Charley qui en mangea le plus. Ce ne fut pas l'oiseau qui lui fit mal mais il fut malade à ce moment-là, il eut la grippe. Il alla à la ville la nuit même ou le jour suivant, et certainement il était plus mal quand il en revint. »
Un autre exemple de perception d'un événement survenant au loin, résulte d'une expérience que mon ami M. Gonner avait réglée à une des premières séances. Il avait combiné, avec sa sœur habitant Londres, d'amener leur mère, à faire quelque chose d'inusité, à une certaine heure, un certain jour, pour des raisons à lui exposer plus tard. Nous avons appris dans la suite que l'acte dont ils avaient fait choix consistait à se promener autour de Regent's Park, dans un hansom cab, sous la pluie. Et c'est ce qu'elle était en train de faire pendant que son fils assistait à la séance, à Liverpool ; le médium tenait à la main un petit livre appartenant à cette dame. Il avait pris soin de n'arranger ni de suggérer quoique ce soit d'approprié, mais il avait le pressentiment que, suivant toute apparence, un incident très ordinaire paraîtrait suffisant. Il est impossible de dire que l'idée d'une promenade éventuelle au dehors, n'ait pas été latente dans son esprit.
Nous ignorions complètement ce qui se passait à Londres, mais le docteur Phinuit décrivit l'entourage de cette dame, et une plus jeune clame qui était avec elle, il la décrivit comme ayant été persuadée de sortir, quoiqu'elle n'en eût pas envie, et comme étant en train de s'habiller pour sortir : plusieurs menues actions telles que le fait d'ouvrir une boîte, de prendre une photographie sur une table de toilette et de la regarder, et d'autres semblables furent énoncées correctement. Mais cela n'alla pas plus loin. Nous n'obtînmes pas l'indication de Regent's Park et du cab, bien que les choses en fussent là au moment où il parlait ; Phinuit s'arrêta juste à cette phase de l'acte : c'était à peu près au moment où commença la séance, quoi qu'il parlàt comme s'il décrivait le moment présent. Il est nécessaire de faire un plus grand nombre d'expériences de cette nature et il est très probable qu'elles ont été faites par d'autres. Je ne prétends pas que cette expérience par elle-même soit concluante, mais, quoi qu'il en soit, elle est utile.
Commentaires
Si des expériences de ce genre peuvent être réalisées avec succès d'une manière définitive, nous serons conduits à supposer que des actions peuvent être perçues ou que la pensée d'une personne de¬meurant neutre et inconsciente peut être lue à n'importe quelle distance, la connexion étant établie par un lien quelconque, comme un livre, ou une pièce de bijouterie, une vieille lettre, ou une mèche de cheveux, et parfois même sans que rien n'éta¬blisse une connexion.
Par conséquent si l'hypothèse d'une activité télépathique due à des intelligences séparées du corps pouvait être raisonnablement admise, je ne crois pas qu'elle expliquerait tous les faits. Par exemple elle ne rendrait pas compte de l'habileté de Phiuuit à recon¬naître les maladies, à lire les lettres, et à décrire les événements contemporains. La transmission de pensée ordinaire rend mieux compte de certains de ces cas, mais ou ne doit pas l'étendre à tous.
Si nous rejetons toute espèce d'explication par la télépathie, il semble que nous soyons forcés d'admettre la clairvoyance directe, et de supposer que, dans la trance, une personne est capable d'entrer dans une région où il est facile de se procurer toute espèce d'informations ; où, par exemple, le temps et l'espace n'existent pas, de manière que tout ce qui est arrivé, loin ou près, autrefois ou récemment, puisse être vu, entendu et décrit. Des lettres dont on ne connaît pas la teneur, placées dans une boite , pourraient être lues, dans cette hypothèse, en remontant à l'époque où elles n'y avaient pas encore été enfermées ou, si nous suppo¬sons qu'il soit possible de voir aussi l'avenir, en considérant par avance le moment où elles en auront été enlevées. Une quatrième dimension de l'espace sert, on le sait, pour surmonter des diffi¬cultés comme celles-ci et un temps omniprésent est très senn¬blahle à une quatrième dimension.
Je ne vois pas de moyen d'éluder une hypothèse aussi élas¬tigne que celle-ci. Elle pourrait expliquer tout et rien mais n'est¬-ce pas là plutôt postuler l'omniscience et la tenir pour une expli¬cation ? Il est bien de parler de clairvoyance mais la chose ainsi appelée a autant besoin d'être expliquée que celle dont elle prend la place.
Sans doute, Mme Piper, en état de trance, trouve accès à cer¬taines sources inusitées d'information ; elle a connaissance, dans cet état, de faits qui se sont produits il y a longtemps, ou à distance mais la question est de savoir comment elle acquiert cette connais¬sance. Est-ce en remontant le cours du temps et en assistant à ces évenements à mesure qu'ils se produisent ? Est-ce par le moyen d'informations reçues des acteurs encore existants, qui eux-mêmes ne s'en souviennent et ne les retracent qu'obscurément ? Est-ce par l'influence d'intelligences contemporaines, absorbées par d'autres préoccupations, et tenant en réserve dans leur cerveau, des masses d'informations oubliées qu'ils offrent sans s'en apercevoir à la perception de la personne entrancée ? Est-ce enfin, en se plongeant, tant que dure la trance, dans une Intelligence Universelle unique, dont toutes les consciences ordinaires, passées et présentes ne sont que des parties ? Les opinions peuvent différer sur le point de sa¬voir ce qui est la supposition la moins extravagante.
Il est possible qu'on invente une hypothèse plus simple que l'une quelconque de celles-ci ; mais, actuellement, mon sentiment est qu'aucune explication ne convient à tous les faits. Nous sommes, semble-t-il, au début de ce qui est, en réalité, une nouvelle branche de la science : prétendre forger des explications, sauf pour essayer de relier les faits entre eux et d'ouvrir un nouveau champ aux expériences, c'est chose aussi prématurée que l'eût été pour Galvani d'expliquer la nature de l'électricité, ou pour Copernic les lois des comètes et des météores.
Chapitre XVI - Résumé des idées du docteur Hodgson
De tous les hommes de son temps, c'est certainement le docteur Hodgson qui a eu la plus grande expérience des phénomènes de Mme Piper, car il leur consacra plusieurs années de vie, et en fit, pratiquement, sa seule occupation. Il s'y résolut parce qu'après une étude, préliminaire, il reconnut leur grande importance. Ce n'était pas un homme crédule, en fait, il était nettement sceptique, et nombreux ont été les phénomènes apocryphes qu'il a découverts et divulgués. A certains égards, à mon avis, il alla trop loin dans sa carrière destructive ; il ne crut pas à Mme Thompson, par exemple, et il annihila, pour ainsi dire à l'époque, le célèbre médium à effets physiques Eusapia Paladino . Mais ]'hyper-scepticisme est beaucoup plus utile au développement de ce sujet que l'hyper-crédulité, et, quand un tel homme est, après une étude suffisante, décidément et définitive¬ment convaincu, ses opinions méritent une attention sérieuse et tous ceux qui ont connu le docteur Hodgson lui ont fait cet ac¬cueil.
Je ne veux pas dire que nous devions être forcés d'accepter, pas plus que de rejeter, des faits sur la foi de jugements critiques portés sur eux par autrui ; il est hors de doute cependant que ses opinions sont d'un grand poids. Par conséquent, je donne ici des extraits d'un article qu'il a publié dans les Proceedings, vol. XIII, en l'année 1898 et je commence par son résumé du genre d'indi¬cations données par les communicateurs apparents, sur la ma¬nière dont le phénomène leur apparaissait du côté où ils se trou¬vent, indications dont à mon sens, il admettait en partie la vérité. (Voy. cepend. p. 200.)
Les déclarations des communicateurs sur ce qui se produit du côté du monde physique peuvent être, en termes généraux, résumés ainsi qu'il suit. Nous tous, avons un corps composé d'éther luminifère, enfermé dans notre corps de chair et de sang. Les rapports du corps éthrique de Mme Piper avec le monde éthérique, dans lequel les com¬municateurs prétendent habiter, sont tels qu'une réserve spéciale d'une énergie particulière est accumulée par son organisme ; ceci leur apparaît comme une lumière. Le corps éthérique de Mme Piper est enlevé par eux et son corps ordinaire se montre comme une coque remplie de cette lumière avec laquelle plusieurs communicateurs peuvent être simulta¬nénaennt en contact. Dans le cas de Mme Piper, cette lumière est compo¬sée de deux masses principales, l'une en rapport avec la tête, l'autre avec la main et le bras droit. Depuis peu celle qui est en rapport avec la main est plus brillante que celle de la tête. Si le communicateur prend contact avec la lumière et a conscience de ses pensées, celles-ci tendent à être reproduites par des mouvements dans l'organisme de Mme Piper. Très peu d'entre eux peuvent produire des effets vocaux, même quand ils sont en contact avec la lumière de la tête, mais en général, tous peuvent produire des mouvements d'écriture quand ils sont en con¬tact avec la lumière de la main. Les communications dépendent, toutes choses égales d'ailleurs, de la quantité et de l'intensité de cette lumière. Quand Mme Piper n'est pas bien portante, la lumière est plus faible et les communications ont une tendance à être moins cohérentes.
Elle s'épuise aussi pendant la séance, et quand elle s'obscurcit il y a une tendance à l'incohérence, même quand on a affaire à des commu¬nicateurs s'exprimant clairement dans d'autres conditions. Dans tous les cas, la prise de contact avec cette lumière tend à produire de la confuson ; si le contact est trop prolongé ou si la lumière devient trop faible, la conscience du communicateur peut s'évanouir complètement.
De plus, les émotions causées par la présence d'amis incarnés, les principales idées qui l'ont préoccupé quand il était incarné lui-même, le désir de conseiller et de consoler ses autres amis vivants ou ses parents, etc., se pressent dans l'esprit du communicateur ; le consul¬tant se met à poser des questions sur des sujets n'ayant aucun rapport avec ce que le communicateur a dans la conscience ; ce dernier est de plus en plus désorienté, de plus en plus comateux, il perd son emprise sur la lumière et est encore entraîné à la dérive pour revenir, peut plusieurs fois, et recommencer une expérience similaire . (p. 400-I)
Pendant les années durant lesquelles la personnification qui se donnait le nom de Phinuit continua à contrôler la voix au cours de la trance, après le développement de l'écriture automa¬tique, les personnifications contrôlant respectivement la main et la voix, montrèrent une complète indépendance entre elles.
Le sens de l'ouïe pour la conscience qui régit la main, paraît être dans la main même, et le consultant doit, pour être compris, parler à cette main. « Je n'ai pas la prétention, dit le docteur Hodgson, d'être en état de donner des explications satisfaisantes des processus que je décris. »
Les pensées émanant de la personnification qui contrôle la main tendent à être écrites, et l'une des difficultés paraît être d'empêcher l'écriture de manifester des pensées non destinées au consultant. D'autres communicateurs indirects se donnent fréquemment comme présents et la conscience de la main les écoute avec la main, comme s'ils étaient tout près, comme elle écoute les consultants, en présentant pour cela la paume de façon à amener, d'ordinaire, la région de l'articulation entre le petit doigt et la paume vers la bouche du consultant. Les différents communicateurs tiennent la main dans des positions légèrement différentes. L'écriture, dans les meilleures manifestations, est susceptible, parfois, de renfermer des remarques qui ne sont pas destinées à être écrites, des mots adressés en apparence par un communicateur indirect à la personnification de la main, par celle-ci à un communicateur indirect ou enfin par un communicateur indirect à un autre. Dans des cas plus mau¬vais encore, où la puissance d'inhibition semble avoir presque entièrement fait défaut, les pensées incidentes du communica¬teur direct paraissent reproduites sous forme de fragments incohérents, mêlés aux tentatives qu'il fait pour répondre aux ques¬tions du consultant, et en quelque sorte, à des bribes de con¬versations entre lui et d'autres communicateurs indirects.
Phinuit, par exemple, prétend s'être donné beaucoup de mal, pendant que la main a été employée à écrire, pour écarter diverses autres personnifications qui s'obstinaient à vouloir communiquer. Les interruptions, néanmoins, étaient assez fréquentes jusqu'à la survenance du groupe associé avec W. Stainton Moses et l'établissement de son contrôle. Quels qu'aient été par ailleurs ses effets, il me semble qu'un des résultats de ce changement ait été de dégager la voie, de la rendre moins sujette aux interruptions, de diminuer le nombre des éléments, apparemment étrangers, qui prédominaient si largement dans les premières séances. Les nouveaux contrôles prétendent avoir le désir et le pouvoir d'empê¬cher les intelligences inférieures dont ils parlent comme d'es¬prits attachés à la terre, de se servir de la lumière et, il est de fait que les perturbations en question ont à peu près disparu.
L'exclusion d'influences qui sont continuellement changeantes et qui d'autre part, peuvent ne pas faire obtenir de résultats bien nets, est une chose désirable ; on peut le supposer, à en juger par les méthodes que nous avons trouvées les meilleures dans l'expérimentation télépathique ordinaire. Si nous prenons en considération l'état d'esprit de l'agent et du percipient, nous donnons au percipient la possibilité de recevoir des impressions d'un objet avant de l'entraîner précipitamment vers un autre ; nous avons des égards pour ce qui peut être l'état extrêmêment sensitif de sa faculté télépathique, quelle qu'elle puisse être, et qu'elle réside ou non dans sa conscience subliminale.
Pareillement, si nous trouvions un agent et un percipient, tous deux particulièrement bons, nous penserions qu'il serait sage de les placer dans les meilleures conditions possibles, dans une longue série d'expériences, afin d'obtenir de meilleurs résultats, et, en variant les conditions, de déterminer, si c'est possible, quelles sont les limites de la communication télépathique nette, et quelles sont les causes qui lui sont le plus favorables.
« C'est pourquoi, dit le Docteur Hodgson, je pense que, dans le cas de Mme Piper et dans les cas semblables, le fait d'introduire des visiteurs au hasard, peut ne pas être une condition de succès mais bien une cause de perpétuelles erreurs. Nous pouvons tous, à présent, nous servir du téléphone mais quand Reis, Bell, Blake et d'autres étaient en train d'expérimenter dans des conditions qui ont finalement abouti à la con¬struction d'instruments satisfaisants, ils n'auraient pas songé à laisser le public perdre son temps à écouter les bruits plus on moins inarticulés que l'on percevait dans leur appareil récepteur embryonnaire.
Quelquefois, peu de temps avant que la main ne se mette à écrire, Phinuit donne avis que quelqu'un va parler lui-même avec vous. D'autrefois, la main est saisie et entame la série de ses convulsions, alors que Phinuit ne semble pas s'en apercevoir, mais bavarde sans interruption avec le consultant, même après que l'écriture s'est mise en train. Voici un exemple frappant de ce fait : à une séance une dame était en¬gagée dans une conversation tout à fait personnelle avec Phinuit, au sujet de ses parents ; j'étais présent, prêt à donner mon aide, con¬naissant cette dame et sa famille fort intimement, quand la main fut saisie très doucement et pour ainsi dire, subrepticement, et se mit à écrire pour moi-même une communication très personnelle, venant soi-disant d'un de mes amis décédé, et n'ayant aucun rapport avec la consultante ; les choses se sont passées exactement comme si un visiteur entrait dans une chambre où conversent deux personnes qui lui sont étrangères, mais où se trouve aussi un de ses amis, à l'oreille duquel il ferait à voix basse une communication particulière, sans gêner la conversation des deux autres.
Cependant, dans le cas où se présente un nouveau communicateur, Phinuit invite fréquemment le consultant à parler à lui, c'est-à-dire à la personnification qui écrit par la main et qui n'est pas Phinuit, mais G. P. ou Rector ou quelqu'autre ; Phinuit ne répugne pourtant pas à soutenir aussi bien une conversation orale, si on le désire. Il semble même le préférer et quand le consultant tourne son attention vers la main, Phinuit lui fait souvent des remarques énigmatiques dans le genre de celle-ci : « Je vais l'aider » ou « Je vais aider à le soutenir ». A d'autres moments, Phinuit réclamera qu'un objet lui soit remis, afin d'avoir quelque chose qui fixe son attention, et j'ai eu l'occasion de cons¬tater qu'il faisait tout à coup quelque remarque à propos de cet objet au milieu de la séance, pendant que l'écriture se manifestait encore. Il semble que, dans ces circonstances, Phinuit puisse être, à tout moment, tiré de son silence en parlant dans l'oreille de Mme Piper ; il reprend immédiatement la communication, tandis que l'écriture se poursuit sans interruption.
Il m'est arrivé, continue le Docteur Rodgson, d'observer que la main gauche pouvait écrire aussi, et qu'il était loisible d'obtenir de l'écriture des deux mains pendant que Phinuit parlait ; on avait ainsi trois com¬munications sur des sujets différents, faites à des personnes différentes ; je fis même remarquer à Phinuit que j'espérais un jour parvenir à avoir un contrôle distinct pour chaque doigt et chaque orteil du corps du médium, tandis qu'il s'occuperait de la voix. Le 24 février 7894, le contrôle d’Edmund Gurney, écrivit, au cours de quelques remarques sur certains médiums : « Dans ces cas, il n'y a pas de raison pour que diverses intelligences spirituelles ne puissent exprimer leur pensée en même temps par le moyen du même organisme ». Je fis alors allusion aux expériences que je m'étais proposées de faire avec les deux mains, et dis que je ferais en sorte d'essayer cela quelque jour avec Gurney se servant d'une main, et Georges Pelham de l'autre, mais que je n'étais pas préparé pour faire cette expérience en ce moment. A ma séance sui¬vante. le 26 février 1894, alors que je n'étais pas prêt et que je me trou¬vais seul, un essai, qui ne réussit qu'imparfaitement, fut fait pour écrire d'une manière indépendante avec chacune des mains, au début de la séance. Le 18 mars 1895, une autre tentative, beaucoup plus heureuse, eut lieu, alors que j'étais accompagné, dans ce but, par Mlle Edmund. Une soeur décédée écrivit par une main et G. P. par l'autre, tandis que Phinuit parlait, le tout simultanément et sur des sujets différents. Toutefois, il ne fut écrit que très peu de choses par la main gauche. La difficulté parut consister principalement dans l'inhabileté de la main gauche à former les lettres.
J'ai étudîé, de mon mieux, l'écriture de milliers de pages paraissant pro¬venir de nombreux scripteurs différents, j'ai posé maintes questions aux communicants eux-mêmes et j'ai analysé nombre d'incidents de toutes sortes qui se sont produits spontanément. Voici ce que je suis arrivé à con¬sidérer comme certain : La conscience qui se manifeste par l'écriture, quelle qu'elle puisse être, que ce soit la personnalité seconde de Mme Piper ou le communicateur réel, comme on le prétend, n'est pas consciente de l'écriture qu'elle produit ; les pensées traversant son esprit tendent à être reproduites en écrit par quelque partie du mécanisme scripteur de l'organisme de Piper. Ce mécanisme scripteur est loin d'être parfait et il produit fréquemment des mots qu'on ne peut pas lire. Cela entraîne une répétition du mot et embarrasse la pensée du communicateur ; ce dernier est déjà réduit à la nécessité de penser ses mots en se réglant sur la pro¬gression lente de l'écriture et d'écarter les autres pensées, qu'il ne désire pas écrire ; il se trouve dans un état difficile et tombe vite dans une sorte de sommeil partiel, par suite de son entrée en relation avec un organisme qui n'est point le sien, dans le but de se manifester dans le monde phy¬sique où j'existe.
Si, donc, l'on considère ces phénomènes comme supranormaux, je pour¬rai insister d'abord sur ce fait qu'il est beaucoup plus difficile, mainte¬nant, de supposer que les connaissances supranormales ainsi manifestées aient leur source dans l'esprit de personnes vivantes, qu'il ne l'était dans les premières années des trances de Mme Piper, lorsque Phinuit était la seule personnalité intermédiaire.
Avec l'intervention de l'intelligence G. P., le développement de l'écriture automatique et, l'emploi de la main par des vingtaines d'autres communicateurs identifiés, le problème s'est présenté sous un aspect tout différent. La forme dramatique fait, dorénavant, partie intégrante du phénomène. A voir cette main qui écrit tandis que la voix parle sur différents sujets avec les personnes présentes, qui écrit au profit de divers communicateurs dans la même séance, à voir ces commu¬nicateurs variés qui, successivement, se servent de cette main dans une même séance, aussi bien que dans des séances différentes, on résiste dif¬ficilement à l'impression que, réellement, ici l'on se trouve en présence de courants de consciences aussi variées que différentes et distinctes et possédant chacune leur individualité cohérente.
Une personne, non familiarisée avec ces dernières expériences, pourrait supposer que tout ce travail est l'oeuvre d'une personnalité seconde, qui emploierait la voix, écrirait en même temps avec la main, et prétendrait être, à tour de rôle, les amis des divers assistants ; en un mot ce serait un acteur accompli, ayant des facultés télépathiques, donnant, non seule¬ment, l'impression d'être le personnage qu'il joue. mais d'être entouré aussi d'autres individualités qui jouent avec lui, quoique invisibles, leurs rôles respectifs . Je ne crois, cependant, pas probable, que cette opinion semble acceptable, quand on observe et qu'on étudie les nombreuses synthèses cohérentes de souvenirs rattachés à des personnes différentes, les tendances émotionnelles distinguant chacune d'elles, la complication excessive du jeu nécessaire, et l'absence de tout lien apparent pour asso¬cier les pensées et les sensations indicatives de chaque individualité en dehors de quelque persistance de cette individualité elle-même.
Mais j'entends ici les objections qui sont faites. « Pourquoi, dira-t-on, si des personnes désincarnées communiquent réellement avec nous, pourquoi ne nous donnent-elles pas plus de preuves ? Si nous étions cités comme témoins et interrogés nous pourrions faire beaucoup mieux que G. P. lui-même. Pourquoi donc y a-t-il si peu d'autres personnalités capables d'approcher seulement de la clarté qu'il a montrée ! Pourquoi tant d'incohérence, de confusion et d'inappropriations ? »
En tous cas, je m'attendrais d'abord à de la confusion dans l'esprit de ceux qui doivent me comprendre, moi, aussi bien que dans le mien, pour ce qui se manifeste à moi. Si une intelligence a cessé d'une manière complète et prolongée, de se manifester, je m'attendrais à des difficultés encore plus grandes, au moins pour quelque temps, quand elle recom¬mencera à se manifester. Je m'attendrais à voir ces insuffisances et cet embarras beaucoup plus marqués, si cette intelligence, au lieu d'essayer de se manifester une fois de plus par le moyen de son propre organisme, dont elle a eu l'habitude de se servir pendant des années, était réduite à employer un autre organisme. En pareil cas, je m'attendrais à rencontrer dans les manifestations, d'abord ce manque de contrôle inhihitoire, cette inappropriation onirique qui caractérise, dans mon monde physique, toutes les manifestations d'une conscience qui a temporairement cessé de s'y manifester, et qui recommence une fois de plus à se révéler dans ce que j'appelle l'état de veille. Cet état sera variable suivant les cas particuliers ainsi que je le constate dans la vie ordinaire, soit que le réveil se produise après le sommeil ordinaire, ou après un coma prolongé ou après l'anesthésie, etc. mais l'incohérence des manifestations doit être d'autant plus prononcée, que la conscience essaye de revenir à l'état de veille, par rapport à moi, d'une manière inaccoutumée. Il paraît très peu probable qu'une telle conscience puisse jamais complètement regagner dans mon monde, par le moyen d'un autre organisme, sa plénitude d'au¬trefois. Je ne m'attendrais à constater qu'un réveil incomplet dans cet autre organisme. Par conséquent, il me faut supposer que même le meil¬leur des communicateurs qui se manifestent par Mme Piper en trance, est partiellement endormi. C'est là, dit le docteur Hodgson, le premier point que je veux mettre en relief.
De plus, il est naturel de penser que les personnes récemment mortes soient extrêmêment troublées et incapables de communiquer directement, ou même d'une manière quelconque ; c'est une conséquence du choc, du brusque arrachement produits par la mort. Ainsi, mon ami Hart était incapable d'écrire le second jour après sa mort. Dans un autre cas, un de mes amis, que j'appellerai D., écrivit, semble-t-il, avec beaucoup de diffi¬culté, son nom et les mots : « Je suis maintenant très bien. Adieu », et ce deux ou trois jours après sa mort. Dans un autre cas, F., un proche parent de Mme Elisa, ne put écrire le matin qui suivit son décès. Le second jour, alors qu'un étranger assistait avec moi à une séance, il écrivit deux ou trois phrases, disant : « Je suis trop faible pour articuler clairement » et, quelques jours plus tard, il écrivit avec assez de clarté, et dicta aussi à Mme Elisa, comme à un secrétaire un récit de ce qu'il ressentait à se trouver dans son nouvel entourage. D. et F. devinrent tous deux très clairs en fort peu de temps . D. communiqua plus tard, fré¬quemment, quelquefois en écrivant mais plus souvent en parlant, et montra toujours une personnalité caractéristique, marquée d’une manière impressionnante. Hart, d'autre part, ne parvint à la même clarté qu'après de nombreux mois. J'appris, longtemps après, que sa maladie avait été beaucoup plus longue et son organisme plus profondément atteint que je ne l'avais supposé . La perpétuelle confusion qui se produisit dans son cas paraissait explicable, si l'on considère les circonstances de sa longue maladie, y compris la fièvre mais on ne pouvait découvrir aucune rela¬tion entre son trouble et l'état de mon propre esprit.
Rêvenons à ce qui nous intéresse ; je dis que si les esprits de nos amis décédés communiquent, comme on le prétend, par les organismes de personnes encore incarnées, nous n'avons aucune raison d'espérer qu'ils se manifestent avec l'intégrité, la netteté de conscience qu'ils ont montrées pendant leur vie. Nous devons nous attendre, au contraire, à ce que les meilleurs communicateurs eux-mêmes soient encore loin de cette perfection pour deux raisons principales : 1° ils ne sont plus fami¬liarisés avec l'usage d'un grossier organisme matériel , il faut penser qu'ils sont comme des poissons hors de l'eau, ou des oiseaux immergés ; 2° ils sont incapables de diriger avec une complète précision le grossier organisme matériel, dont ils sont contraints de se servir . Ils ont, pen¬dant leur vie, appris à jouer sur une machine très compliquée, servant à parler et écrire, et tout à coup, ils se trouvent mîs en demeure de se servir d'une autre, de type différent.
Il y a, sans aucun doute, trois espèces de confusions que le chercheur doit distinguer : 1° la confusion existant dans l'esprit communi¬quant ou non, causée primitivement par les conditions mentales et cor¬porelles, dans lesquelles il a vécu ; 2° la confusion existait dans l'es¬prit déterminée par les conditions dans lesquelles il se met quand il communique ; 3° la confusion dans le résultat, due au défaut de con¬trôle complet sur le mécanisme écrivant, ou agissant autrement, du mé¬dium. Les erreurs de la seconde et de la troisième espèce s'accroissent beaucoup du fait que les assistants ne comprennent pas le procédé employé. Ainsi, quand un contrôle se disant Mme Mitchell était prié de répéter les mots que nous avions de la difficulté à déchiffrer, elle écri¬vait :
« Non, je ne peux pas, c'est trop d'ouvrage et cela m'affaiblit trop et je ne peux pas répéter, vous devez m'aider et je vous prouverai mon identité. Je ne peux rassembler mes pensées pour vous répéter des phrases. Mon époux chéri, je ne suis pas loin de vous, mais tout à votre côté. Accueillez-moi comme vous le feriez si j'étais avec vous, dans mon corps de chair et de sang. [Le consultant demande une preuve) Je ne puis me rendre compte de la manière dont vous m'entendez, et cela m'ennuie un peu... Comment m'entendez-vous parler, cher, quand nous consersons seulement par la pensée ? Vos pensées ne me parviennent pas du tout quand je suis en train de vous parler, mais j'entends un son étrange, et je dois à moitié deviner... »
Je ne peux trouver une explîcation satisfaisante à des confusions, comme celles que j'ai îndiquées plus haut, dans la télépathie due à un être vivant. Mais elles deviennent intelligibles quand on les rapporte ¬aux personnalités des morts. (Cf. aussi pp. 237, 241, 245).
Les échecs persistants de beaucoup de communicants dans des condi¬tions variées ; les échecs initiaux d'autres communicants qui, bientôt montrent plus de clarté dans leurs communications, et dont les premiers essais peuvent être, en apparence, rendus plus clairs avec l'assistance de personnes se donnant comme des communicateurs expérimentés ; le trouble spécial, bientôt dissipé, de ceux qui communiquent, peu de temps après la mort, trouble qui semble dépendre de cet événement ; le caractère individuel des automatismes mentaux spécifiques qui se manifeste dans les communications ; la netteté des souvenirs chez les petits enfants récemment décédés, contrastant avec l'oubli des choses enfan¬tines montré par les communicants morts en bas-âge depuis un grand nombre d'années, tout cela est en rapport défini avec les personnifica¬tions qui prétendent communiquer ; c'est exactement ce à quoi nous devions nous attendre si elles commmuniquent réellement, dans les condi¬tions présidant aux phénomènes de la trance chez Mme Piper. Les résul¬tats s'accordent avec ce qui est prétendu.
D'autre part, ce ne sont pas là les résultats que nous devrions attendre dans l'hypothèse de la télépathie émanant de personnes vivantes. Si l'on agit le moins du monde en prenant comme base l'hypothèse de la télé¬patbie entre vivants, comme on le fait dans les conditions expérimen¬tales habituelles, les résultats supranormaux en seront amoindris. Si le chercheur se refuse avec persistance à considérer ces communications comme venant des sources qu'elles prétendent avoir, il n'obtiendra pas les meilleurs résultats. Si, d'un autre côté, il accepte comme idée diri¬geante l'hypothèse que les communicants sont des esprits dont l'ac¬tion se produit dans des conditions défavorables, et s'il les traite comme il traiterait une personne vivante dans un état similaire, il constatera une amélioration dans les communications.
Après avoir pendant plusieurs années d'expériences éprouvé l'hypo¬thèse de la télépathie entre vivants, et pendant plusieurs autres celle des esprits, je n'hésite pas à affirmer, avec l'assurance la plus abso¬lue, que l'hypothèse des esprits est justifiée par ses résultats et que l'autre hypothèse ne l'est pas.
Note ajoutée en octobre 1909
On vient de m'envoyer d'Amérique un livre publié chez Shernam French et Cie, et intitulé les Deux côtés du Voile, qui contient des récits supplémentaires des phénomènes de Mme Piper, dus à la plume de Miss Robbins, cette dame a une expérience considérable des séances, car elle est très sympathique aux con¬trôles et elle a souvent servi de sténographe confidentiel, tant au docteur Hodgson qu'à de hauts fonctionnaires civils à Boston. Il lui était quelquefois permis de tenir séance seule avec Mme Piper, spécialement pour des séances parlées ; elle a rédigé ses notes par¬ticulières. C'est une sélection de ces comptes rendus qu'elle vient de publier, en leur donnant comme préface une introduction et une description écrites dans un esprit de fervente croyance. Soit point de vue et sa tournure d'esprit sont, en quelque sorte, diffé¬rents des nôtres, et par là, son récit est un supplément fort utile, car il met en évidence dans une forme suivie et facile à lire, l’allure apparente que prend le phénomène sans adopter entièrement ses appréciations, je recommande volontiers ce livre à l'attention de ceux qui, sans être trop portés à la critique, s'intéresseraient à la manière dont ces communications sont reçues et à leur subs¬tance, et qui aimeraient à en savoir plus long à leur sujet.
Chapitre XVII - Récentes séances de Mme Piper
Renseignements généraux
Le premier compte rendu de mes propres séances date de 1889-1890. Je revis Mme Piper le 9 novembre 1906, à Liverpool, à son arrivée d'Amérique ; elle était descendue chez Mme Isaac Thompson, dont elle avait fait la connaissance à son dernier voyage dans ce pays. On commença alors une nouvelle série de séances, mais à raison de deux ou trois seulement par semaine, au lieu de deux par jour ; je vais en donner un compte rendu qui en mon¬trera le caractère général.
Depuis les premières expériences que nous avions faites en Angleterre, avec Mme Piper, une grande quantité de matériaux avait été amassée en Amérique, sous la direction du docteur Hodgson, et la conduite des séances avait subi quelques modifica¬tions. Autrefois, les communications étaient toujours faites orale¬ment, tandis que les manifestations écrites étaient courtes et fortuites ; les communications sont obtenues, à présent, presque entièrement par l'écriture, et ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que la parole est employée.
Voici quelles étaient les dispositions prises : on choisissait une chambre où l'on n'avait pas à craindre d'être dérangé ; on allu¬mait du feu, mais on ouvrait les fenêtres pour aérer la pièce. Un fauteuil confortable était placé près de la table sur laquelle se trouvait une pile de quatre à six coussins ou oreillers, pour que le médium, assis sur le fauteuil et se penchant en avant, pût en sécurité y reposer sa tête tournée de côté, quand il commençait à dormir ; il n'enfouissait pas son visage dans les coussins mais le tournait sur le côté gauche afin de pouvoir respirer durant la trance. S'il arrivait que les coussins gênassent sa respiration, l'expérimentateur de service devait prendre soin de les disposer et de les tasser afin d'obtenir le libre accès de l'air à la bouche et au nez. A droite des coussins, sur la même table ou sur une autre plus petite, on disposait tout ce qu'il faut pour écrire, une grande main de papier ou un bloc-notes (25 X 20 cent.) de 100 feuilles blanches, toutes numérotées par ordre, et quatre ou cinq crayons à mine tendre, 2 B ou 3 B, bien taillés et prêts à servir.
Il était du devoir de l'expérimentateur de service de consigner tout ce que disait le visiteur. Cela pouvait généralement se faire en marge de la feuille sur laquelle écrivait le médium sans gêner sa main. Il fallait aussi disposer le bloc de papier de façon que la main pût commodément écrire, et enlever les feuilles de papier à mesure qu'elles étaient remplies. On ne fit rien pour économiser le papier ; l'écriture automatique était grande et griffonnée, et ne commençait pas souvent au haut de la page. Parfois, on obtenait beaucoup d'écriture sur une seule page, d'autres fois seulement quelques ligues ou même quelques mots. Les feuilles remplies étaient rapidement enlevées : la main attendait le temps néces¬saire, bien que, quelquefois, engagée dans un message pressant, elle montrât quelque impatience de cette interruption.
Mme Piper et ses filles déjeunaient souvent avec la famille ; quelquefois cependant, elle prenait son premier repas dans sa chambre.
Les jours ordinaires, elle courait les magasins, allait visiter les curiosités, ou s'occupait d'une manière quelconque mais les jours de séances, elle rentrait dans sa chambre après le déjeuner afin d'être au calme. Au moment fixé pour la séance, c'est-à-dire à 10 heures ou 10 heures et demie, Mme Piper se rendait à la salle pré¬parée pour cet usage et prenait place dans le fauteuil, devant les coussins ; l'expérimentateur de service s'asseyait alors sur une chaise,
près de la table, laissant une chaise vacante entre lui et le médium, pour le consultant ; à mes séances, le visiteur était quelquefois introduit dès le début, mais à celles qui eurent lieu à Londres, on l'admettait seulement quand la trance était complète. Mme Piper au bout de cinq minutes, environ, de conversation à bâtons rompus, elle commençait à respirer profondément, puis elle laissait tomber sa tête dans ses mains, sur les coussins, en tournant le visage vers la gauche. Presque aussitôt sa main droite se dégageait et tombait sur la table, près du matériel à écrire. Elle demeurait à peu près 30 se¬condes dans une immobilité complète, puis la main seule s'éveil¬lait pour ainsi dire ; elle s'élevait lentement, faisait le signe de croix dans l'air et indiquait qu'elle était prête à écrire.
L'expérimentateur lui donnait un crayon, le plaçant entre le médium et l'annulaire ; l'écriture commençait dès que le crayon était tenu. D'abord une croix était dessinée, puis le mot Salut était écrit ; ensuite, d'ordinaire, on lisait : « Nous revenons sur la terre dans la joie et la paix » ou : « Nous vous saluons encore une fois, ami de la Terre ; nous apportons la paix et l'amour » ou quelque autre phrase semi-religieuse signée R, mis pour Rector, l'écrivain apparent.
Autrefois, le contrôle s'appelait Phinuit mais celui-ci ne se montre plus maintenant et le contrôle se donne le nom de Rector.
Jadis, le ton des séances n'était ni aussi sérieux ni aussi digne : on n'eût, en effet, pu mieux le dépeindre qu'en le qualifiant d'humoristique et de faubourien mais, même alors, on sentait la constante présence d'un courant sérieux sous-jacent ; les salutations de bienvenue et d'adieu étaient empreintes de grâce originale et de bienveillance, d'affection parfois, et rien d'offensant ne fut jamais dit. A mon avis, si un visiteur s'était rendu coupable de frivolité ou de familiarité stupides, pour lesquelles il n'y eût eu d'ailleurs aucune excuse, il eût été immédiatement rabroué et réprimandé.
Autrefois, l'entrancement semblait se faire suivant un processus plutôt pénible, ou impliquant au moins un grand effort muscu¬laire ; le médium avait quelques contractions de la face et s'arra¬chait parfois quelques cheveux ; les mêmes phénomènes accom¬pagnaient le retour à l'état de conscience. La trance ne paraît être actuellement qu'un sommeil exceptionnellement profond, dans lequel le médium se trouve plongé sans effort, un sommeil ayant superficiellement l'apparence de celui que produit le chlo¬roforme et le retour à la conscience, quoique lent et pré¬sentant pendant un moment quelque confusion, est aisé et naturel.
La séance ne durait qu'une heure environ à présent, dans les rares occasions où la parole est employée, une heure est la limite mais une séance d'écriture semble demander moins d'efforts et on permettait souvent de la prolonger pendant deux heures, mais pas plus.
Sous le régime précédent, quand les séances étaient plus fré¬quentes, elles présentaient, dans leurs manifestations, des degrés inégaux d'intensité. Dans certains cas, bien que ce fût rare, la trance ne se produisait pas ; quelquefois même, quand elle s'était produite, la perte de conscience ne semblait pas complète. Dans les conditions actuelles, la trance est indubitablement profonde et la suspension de la conscience normale évidemment complète. Une fois, mais seulement une fois, au cours de mes récentes expé¬riences, la trance ne se manifesta pas, et toute tentative de séance dut être abandonnée jusqu'au lendemain.
Habituellement, après s'être, à dessein, placée dans les condi¬tions familières auxquelles elle est accoutumée, Mme Piper est capable de s'entrancer sans difficulté ni retard. L'intelligence opérante prenait grand soin du corps du mé¬dium, celui-ci étant ordinairement appelé la lumière, quel¬quefois la machine, bien que ce mot de machine fût habituellement réservé au crayon.
S'il arrivait que la respiration fût gênée, si la chambre était insuffisamment aérée, ou si les coussins avaient glissé de ma¬nière à rendre la position pénible, la main écrivait : « Quelque chose est dérangé dans la machine » ou une autre phrase de ce genre ; l'expérimentateur remédiait à tout cela avant que l'écriture ait achevé. Tout était aussi raisonnable et facile que possible, dès que les circonstances et les conditions de l'expé¬rience étaient comprises. Bien entendu, chaque expérimenta¬teur transmettait au suivant tous les renseignements et les habitudes d'Hodgson à ce sujet, de manière que les conditions auxquelles Mme Piper était accoutumée fussent réalisées à l'avance et que le médium n'éprouvât ainsi aucun trouble dans sa santé.
Voici un exemple du soin que l'on prenait des conditions phy¬signes et de la façon dont on en parlait. C'est un extrait de la séance tenue chez M. Dorr, à Boston en 1906.
Rector, interrompant une communication de Hodgson :
« Ami, il vous faut changer les conditions pendant un instant. » Au début de la séance, une seule des deux fenêtres de la chambre avait été entrouverte. Quelques moments avant, H. J. J. ayant remar¬qué que la chambre était un peu trop fermée, avait ouvert l'autre fenêtre et G. B. D. l'avait presque refermée.
G. B. D. - Qu'y a-t-il de mauvais dans les conditions ? Désirez-vous avoir plus d'air, ou moins ?
- Eh bien ! il faudra apporter un changement dans l'entourage ; il faudra avoir plus de force, qu'est-ce de l'air, oui, de l'air. Et beaucoup plus tout à l'heure. Hodgson prend beaucoup de force quand il vient, mais c'est lui qui a pleinement raison, il comprend très bien la méthode
à employer. (La fenêtre fut alors grande ouverte). Cela va mieux. Main¬tenant la lumière commence à devenir claire. Tout est bien, ami. »
Quand approchait la limite des deux heures, assignée comme temps qu'il ne fallait pas dépasser, parfois même plus tôt, au bout d'une heure et demie ou d'une heure trois quarts, l'expé¬rimentateur de service prévenait que la séance devait bientôt se terminer : les contrôles, autrement, donnent eux-mêmes cette indication, se préparent à partir et disent adieu. D'habitude la séance se termine comme elle a commencé, par une phrase sé¬rieuse et grave, invoquant la bénédiction du Très-Haut sur le con¬sultant et sur le groupe.
l.e réveil était progressif : pendant quelques minutes, l'état de demi-conscience persistait, le médium prononçait des phrases dans un murmure ; ses yeux, quand il les tenait ouverts, avaient un éclat somnambulique, jusqu'au moment où, presque soudai¬nement, ils reprenaient leur apparence normale, et Mme Piper redevenait elle-même. Cependant, pendant une demi-heure ou plus après la trance, elle demeurait un peu troublée et ne repre¬nait pas complètement conscience ; sa fille aînée ordinairement prenait alors soin d'elle. D'ailleurs, la trance leur était si fami¬lière à tous que ses filles ne s'inquiétaient pas ; elles continuaient leur correspondance ou leurs ouvrages d'aiguille avec indifférence dans une autre chambre. Après la séance, on appelait ordi¬nairement l'une d'elles pour faire faire à sa mère une prome¬nade dans le jardin. On déjeunait ensuite ensemble et on parlait de choses et d'autres ; rien n'était dit de la séance. On n'observa jamais aucune espèce de mauvais résultat ; il semblait qu'on se trouvât en face d'une fonction normale chez elle. Entre temps, l'expérimentateur avait collationné et mis en ordre les feuilles de papier, rangé les crayons et autres accessoires. Il lui incombait plus tard de transcrire lisiblement tout ce qui avait été dit et fait pendant la séance, en y ajoutant des notes suffisantes ; son tra¬vail était ensuite dactylographié.
Le compte rendu authentique est naturellement conservé pour que l'on puisse s'y référer quand cela est nécessaire. On recueil¬lait aussi les remarques faites par Mine Piper au moment où elle s'éveillait de la trance. Les phrases qu'elle murmurait étaient plus ou moins difficiles à saisir, mais souvent elles formaient la suite de ce dont il avait été question pendant la transe ; généralement on y rencontrait des indications utiles quoiqu'elles fussent, en ma¬jeure partie, l'expression de son admiration pour l'état qu'elle abandonnait ou les sensations qui finissaient, et de sa répulsion, de son dégoût même, pour la banalité du milieu terrestre où elle se retrouvait. Une journée lumineuse était pour elle sombre et terne ; elle fixait le consultant comme si elle ne le reconnais¬sait pas, et disait qu'il était laid et stupide, quelquefois qu'il était un nègre. Bientôt néanmoins, le regard redevenait intelligent et elle reconnaissait quelqu'un, ordinairement Lady Lodge la première, elle lui souhaitait alors le bonjour et, souriant, l'appelait par son nom, alors, rapidement, elle reprenait conscience.
En ce qui concerne les détails de la vie sociale, je ne crois pas qu'il soit malséant d'ajouter et les circonstances le justifient que cette famille est admirablement unie, et que nous les consi¬dérons comme de véritables amis.
Lors de la première visite de Mme Piper ses filles étaient des enfants. Maintenant elles ont grandi et se rendent très utiles à leur mère. On n'observa rien d'anormal ou d'insolite dans leur manière d'être et leur mère dit que son plus sincère désir est de ne pas les voir développer des facultés semblables aux siennes. Elle se rend compte des services qu'elle rend à la science, mais elle ne peut s'empêcher de sentir que ses facultés spéciales l'iso¬lent des autres et font, d'elle une sorte d'exception parmi ses voi¬sins de la Nouvelle-Angleterre, et que le temps passé dans l'état de trance empiète considérablement sur la durée utile de sa vie. Il en est ainsi de toute occupation pourtant, et qu'elle en est même ar¬rivée à considérer ses longs services, ayant déjà duré un quart de siècle, comme la charge qui lui a été spécialement confiée.
Quand on parle de messages reçus d'un certain contrôle, il ne faut pas le comprendre, en général, dans le sens que ce contrôle se sert réellement de l'organisme du médium ; toujours peut-être, cer¬tainement le plus souvent, le procédé consiste en une sorte de dictée faite, pour ainsi dire, par un intermédiaire, l'écrivain ou l’orateur effectif étant soit Rector soit Phinuit qui peuvent encore être ou n'être pas une facette de la personnalité de Mme Piper.
Autrefois, sans doute, le contrôle effectif semblait quelquefois changer à la manière d'une personnalité multiple maintenant au contraire, je crois que l'écrivain est presque toujours Rector reproduisant les messages dont il est chargé aussi fidèlement qu'il le peut, tout en s'exprimant d'ordinaire à la première personne, ainsi que le faisait souvent Phinuit. Je n'essaierai pas de faire une distinction entre ce qui nous est transmis par ce moyen ou ce qui nous arrive directement ; il est pratiquement impossible de le faire avec certitude, puisque ce qui parait être un contrôle direct peut se transformer par degrés insensibles en conversation rap¬portée : je veux dire que, si un agent déterminé prend le con¬trôle et écrit pendant quelques minutes, il ne semble pas apte à se maintenir longtemps dans cette position : il cède bientôt la place à la personnification la plus accomplie et la plus expéri¬mentée, Rector. Dans les expériences récentes, ily a peu d'in¬dications de l'existence d'un contrôle direct autre que Rector.
Nous parlerons cependant des contrôles Gurney, Hodgson et d'autres encore, sans impliquer par cela que ces agents, en admettant même leur existence et leur activité, prennent réel¬lement et physiquement possession de l'organisme du médium ; lors même, qu'ils jouent le rôle de contrôles aussi directement que possible, il est possible qu'ils agissent toujours télépathiquement plutôt que télergiquement, leur action s'exerçant en quelque sorte par l'intermédiaire de certains strates de l'intelli¬gence, plutôt que directement sur quelque partie de l'organisme physique. Il est encore trop tôt pour affirmer quoi que ce soit de définitif au sujet de la méthode réelle du contrôle, car il y a une trop grande quantité d'inconnues dans l'ensemble de ce phéno¬mène toutefois le Dr Hodgson a jugé utile de raconter quel était l'aspect général du phénomène, tel qu'il apparaît nous dit-on, aux communicants eux-mêmes ; on trouvera son récit à la page 400 du tome XII des Proceedings . Dans les pages qui suivent, il indique sa propre manière de voir et donne une descrip¬tion détaillée de ce qui survient ; ma propre expérience, bien que moins grande tend d'une manière générale à confirmer son témoi¬gnagne. Les lecteurs que ces détails intéressent peuvent se repor¬ter aux remarques faites plus loin, sur ce sujet, au chap. XIX.
Détails complémentaires
Jadis, Mme Piper se tenait droite sur son fauteuil, la tête un peu inclinée, les yeux fermés, et les deux mains libres pour prendre les objets qu'on lui présentait ou la main du consultant. Maintenant, sa tête repose entièrement sur un coussin, le visage tourné de côté. Seule la main droite est active, presque toujours occupée à écrire, ne s'arrêtantque par intervalles comme pour écou¬ter. L'activité scénique de cette main est très remarquable : elle est remplie d'intelligence, et on peut dire d'elle qu'elle ressemble plutôt à une personne intelligente qu'à une main . Elle se tourne d'elle-même vers le consultant lorsqu'elle désire converser avec lui mais elle s'en détourne habituellement quand elle n'écrit pas, comme si elle recevait des communications de l'exté¬rieur, qu'elle transcrit ensuite elle revient vers l'espace, c'est-à-¬dire elle se dirige vers une partie de la chambre où ne se trouve per¬sonne pour demander de nouvelles informations et des rensei¬gllements supplémentaires, quand le besoin s'en fait sentir .
Quand Mme Piper écrivait un nom autrefois, comme le fai¬sait parfois Phinuit, l'écriture était en miroir mais quelque¬fois, elle écrivait sur un papier appuyé contre son front, de telle sorte que la pointe du crayon était tournée vers sa figure, dans ce cas l'écriture était droite. S'il est vrai que les choses se soient aussi régulièrement passées, le fait est curieux. Mais, maintenant que Rector écrit et il écrit beaucoup, l'écriture en miroir ne se montre que par occasion, d'habitude, le seul ren¬versement consiste à donner les lettres d'un nom dans l'ordre inverse, par exemple à écrire Knarf au lieu de Frank.
Un autre point mérite d'être mentionné ici : au temps de Phinuit, le médium avait une grande facilité à se mettre en rapport avec les étrangers. Les personnes introduites anonymement entendaient énumérer leurs parents et raconter leurs affaires de famille si rapidement et si correctement qu'elles pensaient quelquefois se trouver en présence d'une fraude combi¬née. Cette aisance à se mettre ainsi en rapport avec les étrangers est maintenant beaucoup moins marquée. Actuellement, l'intro¬duction d'un étranger rend les phénomènes lents et laborieux, et on la déconseille car bien que les faits conservent encore leurs caractères primitifs dans une certaine mesure, les preuves don¬nées sont d'un autre genre. L'ancienne manière de procéder était utile au début et elle a continué de l'être pendant bien des années, jusqu'à ce que le cas eût été établi assez solidement pour justifier une investigation soigneuse ; il a dû paraître fastidieux de prolonger l'usage de cette méthode aussi, le groupe des con¬trôles associés à Rector assura-t-il au Dr Hodgson qu'il voulait prendre en mains la direction de la trance, la mieux déve¬lopper et l'élever vers de plus hautes régions.
A quel point ce changement est-il un perfectionnement ? Les avis ont quelquefois différé là-dessus mais, en présence des remarquables preuves données sous ce qui peut être appelé le nouveau régime, bien qu'il dure depuis quelques années, preuves qui ont été et qui sont analysées par M. Piddinglon, on ne saurait douter maintenant que l'amélioration obtenue soit réelle.
Chapitre XVIII - Le contrôle Isaac Thompson
Un dernier exemple du style actuel des communications est fourni par la suite du cas de la famille Isaac Thompson, dont il est question pages 170 et 176. Des membres de cette famille ont fait la connaissance de Mme Piper, ainsi que je l'ai dit, lorsqu'elle vint habiter avec nous à Liverpool, en 1890. Dans l'intervalle, en 1903, Isaac Thompson était mort et ses parents avaient le plus vif désir d'être mis en communication avec lui, si c'était possible.
La première tentative faite pour atteindre ce contrôle par le moyen de Mme Piper eut lieu au cours d'un voyage d'affaires que fit en Amérique son fils, Edwin Thompson, en 1906 ; le Dr Hodgson, sans le nommer, l'introduisit comme un étranger auprès de Mme Piper, entrancée, dans la maison qu'elle habite près de Boston. A mon avis, leurs efforts ne furent point couronnés de succès, ce qui doit, selon toute probabilité, être attribué, en partie, à l'inexpérience du consultant. La position est, du reste, fort diffi¬cile. Il (Edwin Thompson) n'avait acquis aucune expérience préa¬lable des séances ; en 1889, quand Mme Piper était à Liverpool, il n'avait que huit ans. En outre, le caractère des séances avait changé et l'écriture de Rector n'est pas facile à lire pour un no¬vice. Qu'il me suffise donc de dire qu'Edwin Thompson fut amené sans indication de son nom, par le Dr Hodgson, après le début de la trance, le lundi 11 décembre 1905, à Boston. On ob¬tint des messages supposés venir de son père ; ce dernier sem¬blait se demander avec surprise comment son fils était parvenu à le trouver. Ce fut, cependant, une maigre séance et selon toute évidence, il vaut mieux la considérer comme presque nulle.
Sans doute, il eût été nécessaire d'avoir, sans tarder, une nouvelle séance, afin de tirer au clair l'incertitude de cette entre¬vue, au cours de laquelle rien n'avait été nettement établi ; je crois, cependant, que M. E. Thompson en a éprouvé beaucoup plus de satisfaction que les remarques que je viens de faire ne le laisseraient supposer ; malheureusement, il lui fallait immédiate¬ment retourner en Angleterre, et il ne put assister à la séance sui¬vante. A certains points de vue, quelque regrettable qu'elle fût, l'absence de tout lien entre cette séance et celles qui furent tenues ultérieurement par le Dr Hodgson ou d'autres expéri¬mentateurs, en Amérique, peut être considérée comme donnant plus de force aux preuves, à la condition que, dans la suite, on ait obtenu quelque chose de nouveau, c'est bien ce qui advint ; il est ainsi difficile d'attribuer à l'influence du consultant les résultats obtenus. Les étrangers, habitant l'Amérique, ignoraient naturel¬lement tout de cette famille complètement inconnue au Dr Hodgson, si l'on excepte M. Edwin Thompson, dont il avait récemment fait la connaissance, d'une manière toute superficielle, d'ailleurs. Le 12 décembre 1905, assistait comme consultante, à la séance, une certaine demoiselle M. qui, le soir même, envoya par exprès au Dr Hodgson une lettre renfermant un message dont le con¬trôle Georges Pelhatn l'avait chargée. Elle écrivait :
« Il y avait un message pour vous, a dit Georges. Dites à Hodgson que le nom que le monsieur désincarné essayait de dire est Agnès. Ils disaient que vous sauriez ce dont il s'agit, et que cela datait du jour précédent. »
Cela se rapporte évidemment au nom d'Anna, qu'on avait essayé de donner vers la fin de la séance omise. Le nom d'Agnès est tout à fait approprié, c'était celui d'une des filles et il eût été immédiatement deviné par Edwin Thompson, si ce dernier avait été présent. Il est à remarquer que Phinuit, jadis, avait toujours hésité devant ce nom d'Agnès, prétendant qu'il ne pouvait le prononcer ; ses meilleures tentatives donnaient quelque chose comme Annese ou Anyese . Cependant, quand on le prenait à l'improviste, il le prononçait assez bien, bien qu'avant de le répéter il le changeât rapidement en Adnes . Le lendemain, 13 décembre 1905, le Dr Hodgson eut une séance au cours de laquelle Rector après avoir écrit sur d'au¬tres sujets donna le texte suivant :
Séance avec Mme Piper, en Amérique, le 13 décembre 1905.
Présent. Pr Hodgson, seul.
As-tu reçu le message de Georges ?
R. H. - Oui, hier soir, merci.
- Avez-vous les influences du père du jeune homme ?
R. H. - Non.
- Cela semble être presque une injustice envers nous, que de ne pas l'avoir rencontré une fois de plus, cela aurait été très utile au communi¬cant lui-même et tout à notre avantage.
R. H. - Je lui ai tout expliqué, et il doit m'envoyer, dès son retour en Angleterre, quelques objets appartenant à son père. Il ne pouvait demeurer plus longtemps ici, et il est déjà reparti. Il n'a pas eu l'occasion, avant de quitter l'Angleterre, de savoir ce qu'il aurait du faire.
- Nous comprenons, et puisque maintenant l'esprit attend en compa¬gnie de notre bon et fidèle collaborateur George (Pelham), nous écouterons ce qu'il a à nous dire, dès que nous aurons réglé quelques questions pré¬liminaires.
R. H. - J'en serai heureux.
- Ce jeune homme a lui-même quelque lumière significative. (A ce moment furent tracés des griffonnages, se terminant par Aidez-moi.)
R. H. - Ayez l'obligeance de me dire ce que vous désirez.
- Je tiens cette bouteille dans ma main, pour l'identification... Bou¬teille... dans ma main.
R. H. - Oui.
- Je m'occupais beaucoup de cela, quand j'étais dans votre monde.
R. H. - Qui êtes-vous
- On avait coutume de m'appeler... docteur...
[Il avait des ambitions médicales et était associé dans la maison Thomp¬son et Capper. 0. J. L.].
(G. P. communiquant). - Il fait tout son possible. Laissez-lui exami¬ner ses rêveries, H., et tout ira bien pour lui. S'il dit quoi que ce soit d'intelligible, félicitez-le, aidez-le, par des mots d'encouragement seulement, et rappelez-vous qu'il n'y a rien, ni personne excepté vous, qui l'attire ici.
R. H. - Oui. Est-ce le père du jeune homme ?
- C'est assurément lui. Agnès est sa fille.
R. H. – Oui ?
- C'est ce qu'il me dit.
R. H. - Causerai-je avec lui ?
- Précisément, encouragez-le un peu, en lui racontant qui vous êtes, etc., quel est l'objet de vos recherches, etc. Cela l'aidera beaucoup.
R. H. - En réponse à votre question, je vous dirai qui je suis : je suis un vieil ami du professeur Lodge.
- Lodge.
R. H. - Oui.
- Quoi ! mon vieux voisin à Liv...
(Agitation de la main qui se contracte et se crispe.)
- Du calme, ami. (Paroles échangées entre les esprits.)
- Li...
(L'agitation arrête de nouveau l'écriture.)
- Des drogues...
- Ne partez pas. Attendez-moi. LIVERSTOOL.
R. H. - Liverpool, voulez-vous dire.
- Je le dis.
- Je dis. Je le dis. Je le dis. Je le dis... (sic.)
R. H. - Oui, je comprends.
- Je le dis.
- Liverstol [Livestool?]
R. H. - Liver-pool.
- Pool. R. [R. Rector.]
- Je vis . Je vis. J'avais trois filles, un fils (vrai).
(Barbouillages sur les feuilles)... Je veux leur être utile à tous, tous, tous. Que Dieu m'aide à leur faire comprendre que je suis vivant.
R. H. - Oui ?
- Je suis troublé (confused) . Sans doute, mais bientôt je serai mieux, c'est si difficile à comprendre. Vous paraissez si lourd, un nuage noir long vous couvre, et c'est à peine si je peux vous voir. Me connaissez-vous ?
R. H. - Je ne vous connais pas personnellement, mais maintenant, je connais votre fils qui est venu avec moi. N'avez-vous pas vu en An¬gleterre, avec le professeur Lodge, cette dame, par laquelle vous com¬muniquez à présent ? Je veux dire la lumière ?
- Oh ! Je ne peux pas vous le dire encore, attendez que je m'y reconnaisse.
R. H. - Ne faites pas...
- Parlez-moi de vous d'abord, je veux faire connaissance avec vous.
R. H. - Oui, volontiers. Ayez l'obligeance d'écouter.
- Je ferai de mon mieux parce que j'ai besoin de parvenir jusqu'à ma famille un très, très grand besoin.
R. H. - Je m'intéresse aux recherches psychiques, et j'ai envoyé, voici bien des années, Mme Piper en Angleterre. Ne vous rappelez-vous pas avoir vu Mme Piper ?
- Piper ?
R. H. - Oui, et le...
(Agitation de la main.)
- Oh ! oui, je me rappelle Piper. N'était-ce pas un médium, Mme Piper, une dame américaine ?
R. H. - Oui.
- Oh ! oui, oh ! oui, je m'en souviens. Je m'en souviens, mais je veux la retrouver et venir à vous, si c'est possible. Comment vous appelez-vous ?
R. H. - Mon nom est Hodgson, Richard Hodgson.
- Pouvez-vous l'épeler ?
R. H. - H-o-d-g-s-o-n.
- Oh ! il est en train de me dire : merci beaucoup.
- Laissez-moi réfléchir.
- J'ai un tel désir de comprendre tout cela ensuite je pourrai con¬verser avec vous.
R. H. - Eh bien, maintenant, M...
- Où sommes-nous ? J'ai quitté mon corps, il y a déjà quelque temps. Où êtes-vous ?
R. H. - Je suis en ce moment en Amérique.
- L'Amérique ?
R. H. - Oui.
Bien, bien cela m'intéresse beaucoup.
- Vous êtes dans le corps ? (vous êtes vivant ?)
R. H. - Oui.
- Bien ? Heureux ?
R. H. - Oui, l'un et l'autre, merci.
- Splendide. Il commence à comprendre.
R. H. - Eh bien, maintenant, je veux en dire plus sur Lodge.
- Ma femme est mieux, je vous remercie, je veille sur eux. Mais mes affaires iront mieux plus tard. J'essaye d'en prendre soin pour mes enfants.
R. H. - Oui, n'avez-vous pas [dit] que vous aviez trois filles et un fils dans le corps ? (vivants).
- Oui.
- Ma femme portait des verres... des lunettes comme nous les appelions, je crois.
R. H. - Vous avez mentionné ses troubles oculaires.
- Oh ! c'est possible, c'était dans ma pensée.
- Qui est la dame qui est avec mon fils ?
R. H. - Je ne sais rien à son sujet.
- Non...
- Bien, je comprends. J'avais une affaire appelée...
- Cela résonne comme DROGUES.
- J'essaye de faire tout ce que je peux [ ceci était évidemment Rec¬tor].
(La main obéissant à l'esprit.)
- Il faut qu'il se repose, Ϯ.... [ceci est la signature d'Imperator].
R. H. - Je serais heureux de vous voir revenir et envoyer tels mes¬ sages que vous voudrez à votre famille.
- Il reviendra dans un moment, ami, mais je lui recommande de s'absenter un instant. ♣ R.
(La main frappe la table.)
- Madame, soyez assez bonne...
- Votre ami George est le meilleur aide que nous ayions.
R. H. - Je lui en suis très reconnaissant.
- Son esprit a-t-il paru plus clair ? R.
R. H. - Oui, il deviendra probablement à bref délai, un communi¬cant très clair.
- Causez avec lui sur des généralités quand il viendra, qu'il vous en donne l'occasion ou non... occasion ou non... il est très zélé, mais il ne comprend pas encore nos méthodes.
R. H. - Non.
- Je dis que je reviendrai et vous aiderai.
- Très, très heureux d'être venu.
R. H. - Je vous remercie beaucoup.
- Je ne pouvais pas comprendre pendant que vous étiez ici, mais j'ai pu le voir après votre départ. T.
R. H. - Je comprends.
Phase du réveil
Pendant cette période du réveil, Mme Piper a dit : ... Thompson [sic]... avec vous tous [Le nom était donné pour la première fois].
- Avant que je vous laisse partir… vous devez transmettre ceci à M. Hodgson... Dites-lui...
R. H. - Dites-lui ?
- Dites à M. Thompson que je suis très heureux d'être ici. C’est mieux ainsi. Je suis très reconnaissant de tout ce que Dieu a fait pour m'aider... la vérité se fera un jour. Adieu... Portes-toi bien... Paix.
(Pause.)
- Il y avait deux messieurs qui se ressemblaient. L'un était Georges, l'autre était un autre homme, qui lui ressemblait un peu.
Cela marque un progrès sur ce qui avait été obtenu à la séance précédente et montre l'ardent désir de se manifester, qu'éprouvait le contrôle lsaac Thompson car, à ce moment, il avait à surmonter la difficulté de converser avec une personne complètement étran¬gère ; je doute qu'on eût pu obtenir autre chose, sauf l'indication de mon nom, comme ami commun de Hodgson et du communi¬cant. L'agitation montrée par la main, comme on l'a vu, en mentionnant Lodge et Liverpool est caractéristique. En pareille occasion, elle se crispe, se tortille et, fréquemment, brise la pointe du crayon en l'appuyant contre le papier. C'est comme si les nerfs envoyaient aux muscles une excitation trop énergique, de telle façon, que l'écriture est arrêtée jusqu'à ce que cette agitation soit calmée . Les bouteilles et les drogues mentionnées sont des symboles de sa profession . Tout ce qui fut dit était vrai et en rapport avec le sujet. L'un des plus curieux épisodes est le procédé par lequel fut amené le nom de Mme Piper. R. Hodgson dit, pour se présenter lui-même :
R. H. - Je m'intéresse aux recherches psychiques, et j'ai envoyé voici bien des années, Mme Piper en Angleterre, ne vous rappelez-vous pas avoir vu Mme Piper.
- Piper ?
R. H. - Oui, et le...
(Agitation de la main.)
- Oh oui, je me rappelle Piper, Mme Piper n'était-elle pas un médium, une dame américaine ?
R. H. - Oui.
- Oh oui. Oh oui, je m'en souviens. Je m'en souviens. Mais je veux la retrouver et venir à vous, si c'est possible. Comment vous appelez-¬vous ?
R. H. - Mon nom est Hodgson, Richard Hodgson.
- Pouvez-vous l'épeler ?
R. H. - H. O. D. G. S. O. N (Oh ! il est en train de me dire : - Merci beaucoup).
L'agitation de la main recommence donc quand le nom de Mme Piper est rappelé alors le contrôle Thompson parle d'elle connue d'un médium qu'il aurait connu et dit qu'il veut essayer de la retrouver à présent, afin de communiquer. On se rendra évidemment compte de la bizarrerie de la situation. Si l'on veut bien se rappeler que tout cela s'obtient à l'aide de l'organisme même de Mme Piper.
La phrase : « Oh ! il est en train de me dire : merci beaucoup » signifie que, tandis que le contrôle Thompson essayait péniblement de comprendre ce que le Dr Hodgson lui disait, il était en train, de son côté, d'écouter ce que lui disait G. P. ou Rector qu'il remercie et tout cet aparté est, cette fois, comme cela arrive souvent, enre¬gistré par l'écriture automatique.
La manière dont il reçoit l'information de la présence d'Hodgson en Amérique, où Isaac Thompson avait passé, seul avec moi, neuf semaines en 1884, est aussi très naturelle ; la question posée par lui pour savoir si Hodgson est ou non une personne vivante, est curieuse.
Il est parfaitement exact que Mme Thompson portait des lunettes néanmoins, Mme Piper le savait personnellement. Dans la précédente série de séances , une soeur de M. Thompson était représentée comme n'avant pas l'habitude d'en porter et ayant besoin de les enlever. C'était là aussi une indication correcte du fait, à la date indiquée.
La phrase « Qui est la Dame qui est avec mon fils ? », pourrait bien se rapporter aux fiançailles de son fils : ce fait était inconnu, normalement de Mme Piper, ainsi que du docteur Hodgson, je pré¬sume. Mais ces sortes de choses peuvent naturellement se deviner, et, dans sa séance personnelle, E. T. l'avait clairement laissé entendre.
En fait, bien qu'on n'ait pas obtenu grand'chose, et qu'une petite part des faits apparaisse seule comme probante, en raison de ce que Mme Piper pouvait avoir précédemment appris, on ne relève, dans tout cela, dès que la communication est réellement commencée, rien qui ne puisse s'appliquer à la personnalité sup¬posée, ou qui soit erroné et parmi les détails épisodiques, j'en remarque beaucoup qui sont particulièrement intéressants. Il faut néanmoins admettre qu'aucune indication n'avait été donnée relativement à la famille par Edwin Thompson, lors de la séance à laquelle il assista bien qu'il n'ait pas donné son nom, je con¬state que le nom de Théodora fut mentionné, et qu'il fut aussi question des affaires.
Phase de réveil
D'habitude pendant qu'elle s'éveille de la trance, Mme Piper parle ou plutôt murmure de temps en temps, et l'on enregistre ses paroles, ou du moins ce qu'on en saisit. Ces propos décousus apportent parfois des informations supplémentaires intéressantes ; j'en citerai un exemple, que je choisis parce qu'il constitue un cas typique du réveil avec des indications sans importance ni va¬leur probante, mais cependant caractéristiques.
Les notes placées entre crochets ont été ajoutées simplement pour permettre au lecteur de comprendre la portée des indica¬tions contenues dans un discours subsconscient telles que les comprend le rédacteur du compte rendu après plusieurs séances qui l'ont habitué à ces propos.
De telles explications vont irriter, je le sais, ceux qui, depuis leur enfance se sont familiarisés avec les diverses espèces de discours en état de trance ; qu'ils veuillent bien tout d'abord remarquer que, si je donne des explications, cela ne veut pas dire que je suppose de l'ignorance chez les spécialistes. Il deviendrait impossible d'écrire dans une forme explicative sur aucune branche de la science même la plus orthodoxe, si par là on doit courir le risque d'offenser les spécialistes. Dans des sujets courants, on peut sans inconvénient admettre implicitement que les gens d'expérience comprendront que leurs connaissances sont sous-entendues. D'autre part, les trances ne sont, en aucune manière, identiques chacune a sa physionomie distincte. Les trances de Mme Piper ont elles-mêmes subi des changements depuis dix-neuf ans que je connais ce médium, et il est intéressant, ne serait-ce qu'au point de vue psychologique, de citer les propos qu'elle a coutume de tenir pendant la phase du réveil. Ils sont rarement identiques à eux-mêmes, mais ils se ressemblent beaucoup, d'une manière gé¬nérale ; voici ceux qui furent enregistrés, après une séance donnée à la famille d'Isaac Thompson :
Je vous ai déjà vu. C'est effrayant. [Cela veut dire qu'elle n'aime pas à sortir de l'état de trance pour revenir à son milieu ordinaire.]
Ils s'en vont. C'est horrible. Trop mauvais. Un craquement. [Cela se rapporte à la sensation qu'elle appelle un craquement dans la tête ; elle précède presque toujours le retour à la conscience. C'est assez sou¬vent l'annonce d'un brusque retour ; elle est toujours en plus complète possession d'elle-même après cette sensation qui doit, quelquefois, être répétée avant que le médium ne revienne tout à fait à elle. Je ne sais pas ce qu'est exactement ce craquement, mais il doit être phy¬siologique, je le pense du moins. On ne l'entend pas, quoique Mme Piper semble à-demi persuadée qu'il doive être entendu par les assistants.]
Qu'est-ce que fait tout ce monde ? [Quelques-uns des assistants de¬vaient se mouvoir dans la chambre et partir, s'imaginant à tort que la survenance de la sensation de craquement indiquait qu'il n'y aurait plus rien d'intéressant.]
J'ai vu un homme dans la lumière, il ressemblait à M. Thompson. Il agitait constamment la main ; l'homme à la croix l'aidait à sortir. [L'homme à la croix désigne Imperator.]
La lune (ou le soleil) brillait. [Cela indique simplement que le milieu où elle venait de se trouver était brillant et lumineux.]
Une vieille dame est avec lui. Elle l'aide à lire quelque chose. J'ai pu voir parfaitement la figure de ce monsieur.
Du bruit. [Probablement quelque chose se passant au dehors.] Ils me parlaient. Je suis rêvenue sur une corde, une corde d'argent. Ils es¬sayaient de me dire quelque chose concernant les enfants vivants. Joli endroit.
Cela bourdonne dans ma tête. Un autre craquement.
Mlle Thompson. Je vous croyais petite. Comme si je regardais par le gros bout de la lorgnette. Vous êtes devenue plus grande. Avez-vous entendu le craquement dans ma tête ? Elle se brise.
J'ai oublié l'endroit où nous faisions séance.
Tiens ! Mme Thompson ! Je ne vous savais pas là. Mon rhume. [Mme Piper était enrhumée à ce moment ; son intelligence était revenue à l'état normal.]
Chapitre XIX - Remarques générales sur les séances de Mme Piper
Je renvoie le lecteur, pour plus amples renseignements sur ces séances, au mémoire que j'ai publié dans le volume XXIII des Proceedings S. P. R. De nouvelles citations allongeraient trop le présent livre ; je me bornerai à quelques observations.
On est frappé de remarquer à quel point il est naturel, pour le ¬consultant, d'oublier tout ce que Mme Piper peut normalement savoir et de la traiter comme une autre personne, dès qu'elle est entrancée. Ses contrôles ont la même tendance. On ne peut évi¬demment faire dépendre aucune preuve de la supposition que ses connaissances normales ont peu ou pas d'influence sur celles des contrôles ; cependant tel paraît bien être le cas.
Je l'ai soupçonné au début, mes expériences subséquentes n'ont fait que confirmer cette impression. Le contrôle Isaac Thompson, par exemple, montra de la surprise et de l'empressement lorsqu'il fut informé, après quelque retard, de la présence de Mme Isaac Thompson à la première séance ultérieurement tenue chez elle à Liverpool. Mme Piper savait parfaitement quels étaient les assis¬tants qui devaient vraisemblablement participer à l'expérience et les avait vus se réunir ; cela n'avait rien d'imprévu pour elle. Mais tout fait penser que vraiment la conscience normale disparaît pen¬dant la trance ; nous ne pouvons sans doute attacher aucune valeur probante aux indications données pendant la trance, si elles coucernent des faits dont Mme Piper est informée cependant je ne trouve moi-même pas beaucoup de rapport entre les informations qu'elle a normalement et celles qu'elle a dans l'état de trance. Le consultant qui lui est présenté sous son véritable nom n'a pas plus de chance d'entendre prononcer ce nom que celui d'un autre introduit anonymement. Une analyse attentive confirmerait, je crois, cette indication, que je donne d'une manière générale, et pour inviter ceux qui en auraient le temps et le désir, à se livrer à l'examen des comptes rendus à ce point de vue. Ce travail méritait d'être entrepris.
Le sceptique pourrait voir dans cette sorte de vacuité, un in¬dice de rouerie, mais, pour la plupart d'entre les investigateurs, la suspicion paraît depuis longtemps hors de cause ; nous cher¬chons maintenant des informations authentiques, d'ordre psycho¬logique, nous ne faisons pas oeuvre de détectives. Déceler la su¬percherie est nécessaire en son temps, mais le cas de Mme Piper est un de ceux qui ont triomphé de cette épreuve et qui demandent une étude plus profonde.
J'entends, bien évidemment, par connaissances normales de Mme Piper celles qu'elle a acquises à l'état normal ordinaire ; celles qui sont amassées pendant la trance sont certainement acces¬sibles à la conscience dans cet état, elles ne le sont pas à l'état normal ; la réciproque est vraie. Je n'appelle pas cela des connais¬sances normales. Les contrôles eux-mêmes sentent qu'ils n'ont aucun accès direct à la conscience de Mme Piper ainsi, lorsqu'ils veulent communi¬quer avec elle, ils doivent avoir recours à un intermédiaire ; ils lui transmettront des messages par sa fille, avec qui ils communiquent quelquefois pendant la trance. Voici, à titre d'exemple, un court extrait d'une longue et sé¬rieuse conversation qui eut lieu entre eux et les exécuteurs testa¬mentaires de M. Hodgson, peu après la mort de ce dernier ; M. Dorr dirigeait la séance et c'est lui qui a fait les remarques précédées des lettres G.B.D.
G. B. D. - Nous désirons vivement que la lumière (médium) ne soit pas abandonnée et laissée à la dérive dans l'avenir et que nos rapports pas¬sés ne soient pas entièrement rompus par le changement d'entourage ou pour toute autre cause.
- Mais personne ne le désire ou n'y a intérêt autant que nous-mêmes ; nous avons été fort troublés en voyant des conditions du côté de la terre. Elles ne nous plaisent guère, car la lumière ne peut pas se connaitre et se comprendre elle-même. Les communications avec nous lui sont fermées, de notre côté, et elle doit demeurer dans l'ignorance des méthodes que nous suivons dans nos tentatives pour atteindre les mor¬tels du côté de la terre.
G.B.D. - J'ai pensé que vous pourriez arriver jusqu'à elle par sa fille, Alta.
- Oui, c'est le seul moyen.
Je ne cite pas cela comme une preuve, mais pour montrer l'apparence que se donne le phénomène quand il le fait avec tant de consistance, il est raisonnable de supposer que l'indication a quelque chose de vrai.
On observe dans beaucoup de comptes rendus, une tendance naturelle, chez le consultant, ou chez l'expérimentateur en ser¬vice, à inviter le contrôle à donner quelque preuve d'iden¬tité ou à répondre immédiatement à une question spéciale ; il n'y a là rien d'extraordinaire et c'est, je le crois, inévitable ; mais il faut reconnaître que ce n'est pas tout à fait logique ; on n'a pas toujours présents à l'esprit les menus détails de la vie domes¬tique ; ils ne viennent à nous que dans nos moments de loisirs et de ressouvenance, ou lorsqu'un entretien intime les pro¬voque.
C'est habituellement dans les conversations animées que les traits caractéristiques, les tournures de phrase particulières, les mots brillants, ont chance d'apparaître ; la réflexion solitaire et silencieuse peut engendrer quelquefois des pensées remplies de valeur, pleines d'esprit même; elle ne conduit d'ordinaire à rien de personnel, de caractéristique d'une identité ces pensées, au contraire, semblent avoir une origine impersonnelle ou nous arriver pour ainsi dire de l'extérieur.
La difficulté de contrôler l'ordre de ses pensées est une vérité banale ; un communicateur subitement invité à se souvenir d'une circonstance permettant de l'identifier, à envoyer un message approprié, peut se trouver dans l'état d'esprit d'une personne que l'on met devant un phonographe, en lui demandant de prononcer une phrase lumineuse pour la postérité. Un poète, dans ces con¬ditions, pourrait dire des vers de mirliton, ou ne se rappeler qu'imparfaitement les vers qu'il répéterait. C'est bien là en effet ce que font quelquefois les contrôles. Le plus souvent, il y aurait de l'hésitation, des demandes de délai, on solliciterait des con¬seils, on ferait ce dont nous trouvons l'indication dans les procès ¬verbaux.
Nous ne pouvons malheureusement pas donner aux contrôles le secours que donne dans une causerie stimulante et amicale, l'échange constant des propos ; dans les conditions où se font les séances, la conversation se résume dans un échange presque exclu¬sivement à notre profit ; nous recevons beaucoup et nous donnons peu... On admet qu'il est dangereux pour un consultant de trop parler, car cela trouble les conditions ; des pensées peuvent être transmises sans intention, hors du cercle de celles que les con¬trôles voulaient communiquer quoique bons, les résultats n'au¬raient alors aucune valeur probante. Il faut toutefois admettre aussi qu'une conversation perd toute action stimulatrice et cesse d'être satisfaisante, si son animation est constamment gênée par le désir de ne fournir aucune indication, toujours présent comme une arrière-pensée.
Il ne devrait pas en exister dans l'esprit ; cela est nécessaire pour qu'une conversation soit humaine mais il est impossible de con¬cilier cette nécessité avec les conditions que doivent remplir les expériences pour servir d'élément de preuve ; c'est un des inconvé¬nients auxquels se heurtent les recherches expérimentales en cette matière.
Souvenirs intimes et reliques
Des personnes, qui autrement ne seraient pas hostiles à quelque forme de l'hypothèse spirite, trouvent absurde, que, dans les circon¬stances données, il soit fait allusion à des trivialités, telles que des photographies commandées et non livrées, ou la possession d'un mouchoir ou de quelque autre relique. On donne habituellement comme excuse que ces objets sont choisis comme preuves d'iden¬tité ; il peut y avoir là quelque chose de vrai cependant, à mon avis, la raison de ce choix est plus sérieuse et n'a rien de con¬tradictoire avec la notion de survie. Les objets que nous avons aimés, ou qui nous ont intéressés, auxquels se rattache une asso¬ciation personnelle quelconque, ne nous deviennent pas tout à coup indifférents. On trouve constamment dans les séances des exemples de cette curieuse mémoire des menues choses et de l'intérêt qui leur est conservé ; il serait fastidieux d'énumérer les pages où ils se rencontrent. Tout expérimentateur habitué aux séances sait que ces sortes de références aux détails sans impor¬tance sont les plus communes, Comment l'expliquer ?
Je ne saurais le faire d'une manière complète, mais dans l'hy¬pothèse spirite, même la plus absolue, il ne semble pas que la mort soit le point de départ d'une brusque modification dans notre état, et qu'elle nous fasse immédiatement pénétrer dans une région où règnent la dignité solennelle et la religiosité. L'en¬tourage, comme le caractère, ne semblent pas différer de ce qu'ils sont ici-bas, autant qu'on pourrait l'imaginer. Cela est dû peut-¬être, à l'effort que l'esprit fait pour se placer dans une condition qui est presque celle d'un retour à la terre, et au procédé employé à cet effet ; une telle condition est indispensable à la communi¬cation, mais elle paraît impliquer une certaine diminution de la conscience. Il y a encore sans doute autre chose, car quelques-uns des contrôles récemment décédés, entr'autres une vieille dame dont je me souviens particulièrement, ont déclaré que le milieu nouveau dans lequel ils se trouvaient était plus séculier qu'ils ne l'avaient pensé. Ils ont même marqué du désappointe¬ment, bien qu'ils soient presque tous d'accord pour dire que ce milieu est supérieur au nôtre. En tous cas il ne semble y avoir aucun changement, violent ou brusque ; ceux qui ont aimé les bijoux peuvent encore y tenir de quelque façon.
Ce n'est même pas tout ; les objets paraissent servir à l'attrac¬tion des influences, ce sont comme des noyaux autour desquels le clairvoyant peut réunir des indications ; les choses se passent comme si nous laissions des traces de nous-mêmes, non seulement sur nos corps, mais encore sur beaucoup d'autres objets avec les¬quels nous avons été en rapport et ces traces pourraient être per¬çues par des sensitifs suffisamment impressionnables. Cela nous met en présence d'un ordre de phénomènes très nombreux. J'en ai dit un mot déjà dans d'autres mémoires, sans jamais en parler comme d'une chose certaine et sûre, mais bien comme d'un sujet demandant à être étudié, avec prudence, de peur que des malentendus n'ouvrent la route à des superstitions.
Pour revenir au simple sens commun et écarter jusqu'à la sup¬position de ces faits, comment pouvons-nous savoir que nous avons le droit de considérer certaines choses comme des triviali¬tés et d'autres comme des affaires d'importance ? Quelle est notre mesure des valeurs ?
Personne n'admettra qu'on soit indifférent à la distribution posthume de ses biens, quand ils valent quelques centaines de mille francs ; on fait soigneusement son testament et on serait peut-être fâché, si on le savait, que les dispositions prises ne sont pas respectées, ou que le testament est perdu. Soit, mais je le demande encore une fois, comment estimer la valeur des biens, quelle mesure leur appliquer ? Serait-il surprenant que d'insigni¬fiantes reliques personnelles, appréciées à un autre point de vue, puissent évoquer des émotions plus poignantes que le simple sou¬venir de nos actions et de nos autres valeurs de bourse ?
Cette idée découle naturellement, en tous cas, de la matière qui nous occupe ; notre appréciation terrestre de la valeur des choses n'a probablement pas pour elle la vérité cosmique ni l'éternité.
Quoi qu'il en soit, les contrôles de Mme Piper n'estiment évidemment pas en francs et centimes la valeur de ce qui leur a appartenu. Pour ne pas toujours donner à Phinuit les vieilles lettres, les vieux médaillons et les autres brimborions auxquels il s'intéressait, je lui remis une fois un billet de banque de cinq livres sterling. Ce fut une chose amusante de voir comment il es¬saya d'abord de le lire, à sa manière habituelle, en l'appliquant sur le crâne du médium, puis comment il le jeta après l'avoir froissé en grommelant, et tendit la main pour avoir quelque chose d'intéressant. Je ne voyais évidemment pas le billet de banque du même point de vue et m'empressai d'arracher au péril le morceau de papier que Phinuit avait dédaigné.
Chapitre XX - Le contrôle Myers
J'arrive maintenant aux épisodes dans lesquels F. W. H. Myers était supposé être le contrôle ou au moins le communicateur, en ma présence. J'examinerai en premier lieu les messages reçus par l'intermédiaire de médiums autres que Mme Piper. La plupart de ceux qui ont été transmis par cette dernière ont été obtenus par M. Piddington et c'est à lui qu'il appartient de les étudier, car ils renferment souvent des correspondances croisées ; leur analyse constitue sa tâche spéciale. Je n'avais eu, au surplus, dans les der¬nières séries de séances, que peu de conversations avec le con¬trôle Myers, modifié ou représenté par Mme Piper, que nous appelons Piper-Myers ou Myers-P. Peut-être ne lui en ai-je pas donné assez souvent l'occasion, car je fus un jour réprimandé par Rec¬tor qui me reprocha de ne pas laisser au contrôle Myers-P., plus de facilités pour s'exprimer. Mon excuse est que j'avais d'ordinaire à poser quelque autre question préparée. Je n'obtins donc pas grand'chose de Myers-P., ni d'Hodgson-P. dans ces récentes séances et en 1889-1590, hélas ! ils étaient encore pleins de vigueur et de vie.
Toutefois, bien avant l'arrivée de Mme Piper et peu de temps après la mort de M. Myers, j'avais eu à l'improviste une couple de séances avec Mme Thompson, le médium connu qui habitait alors Hampstead. Il est inutile de dire qu'elle n'a aucun lien de parenté avec Mme Isaac Thompson mentionnée dans les chapitres précédents comme ayant fait séance avec Mme Piper.
Mme Thompson avait cessé d'expérimenter, mais avec beaucoup de bonne grâce elle consentit à tenir deux séances avec ma femme et moi ; elle se sentait poussée à le faire, nous dit-elle, pendant les deux visites qu'elle rendit à des amis vivant à Birmingham ou dans les environs.
Mme Thompson connaît si bien M. Myers et sa famille qu'au¬cune valeur probante ne peut être attachée, quelque naturel qu'ils puissent être, aux remarques et aux messages concernant cette famille, obtenus par ce médium. Je les ai par conséquent suppri¬més. L'allusion à un fait trivial, à une affaire de famille, ne valent comme preuve que dans le cas de personnes complète¬ment étrangères ; dans les autres cas elles ne servent qu'à don¬ner à l'ensemble des communications son expression personnelle et son caractère scénique. Je regrette, à cet égard, d'avoir dû faire des omissions jugées nécessaires.
La trance de Mme Thompson est facilement obtenue, elle n'est pas aussi complète, ni aussi frappante que celle de Mme Piper; elle consiste en une sorte d'état dans lequel la conscience ordi¬naire est plus ou moins abolie ; la voix et les manières du médium sont modifiées.
Dans la séance que je vais résumer, Myers était le contrôle prétendu, il a pris en apparence la parole pendant la plus grande partie de l'expérience mais, au début, c'est le contrôle Nelly qui s'est manifesté ; il convient donc d'attribuer les mots rapportés, soit à ce contrôle, soit à l'un des autres guides habituels de Mme Thompson toutes les fois que le contrôle Myers ne prend pas nettement la parole. Il importe peu de distinguer entre les divers contrôles de Mme Thompson ; je n'étudie pas les phéno¬mènes qu'elle présente, je me borne à reproduire ce qui paraît être des communications émanant de Myers ou le concernant. Myers est mort le 17 janvier 1901.
Première séance avec Mme Thompson à Edghaston
La première apparition d'un contrôle se disant Myers, dans mes expériences, remonte au jeudi 19 février 1901, c'est-à-dire un mois environ après la mort de F. W. H. Myers. Mme Thompson était seule avec ma femme et moi. A dix heures, le contrôle Nelly se manifesta : elle n'avait pas cru à la mort de M. Myers et avait même déclaré qu'elle n'avait pu le rencontrer nulle part ; elle ne pensait même pas qu'il eût quitté la vie . Elle commen¬çait seulement à l'admettre.
Jeudi, 19 février 1901. Séance avec Mme Thompson, 225, Hagley Road, Birmingham. Notes prises par 0. J. Lodge et M. Lodge, 6 heures après-midi. Le contrôle Nelly parle.
- On m'a permis d'aller le voir le jour anniversaire de sa naissance. Il aura beaucoup à faire, car il a promis d'adresser des messages à 74 per¬sonnes. Tout le monde disait qu'il était mort, mais je ne le croyais pas ; je le voyais, mais je pensais qu'il venait simplement pour son anniversaire, comme une vision. Je le vois maintenant, c'est vrai ! c'est vrai ! (Avec agitation). Voyons s'il peut parler de manière à être compris. Il causait avec vous sur le quai de la gare, d'une gare près d'un champ de courses. [Je l'avais rejoint à Liverpool et avais assisté à son embarquement pour l'Amérique : mais cela est sans intérêt. Il viendra quand il sera mieux éveillé, avant neuf heures. Soyez prêts à neuf heures moins vingt-cinq Il sera réveillé à ce moment. Il voudrait réfléchir seul et se recueillir un peu. Pour un esprit, il est intelligible. Avant notre arrivée, maman priait. Elle disait : - Venez, et dites la vérité pour l'amour de la vérité. »
A 6 heures et demie Mme Thompson revint à elle.
Nous dînâmes, et à 8 heures et demie le contrôle Nelly reparut .
- Qu'est-ce qu'a la petite fille à la gorge ? Son oreille semble avoir dé¬terminé son mal de gorge. Une de vos filles, une jumelle.
[ C'est là un simple intermède amical. Une de mes filles, jumelle, souf¬frant souvent de l'oreille à cette époque.]
(Le contrôle Myers essaya de se manifester alors ; une allusion fut faite à un incident survenu dans un cercle. Puis un autre contrôle dit :)
- Savez-vous qu'il a l'impression de prendre des notes, non d'être l'esprit qui doit parler. Je crois qu'il va parler maintenant. (Malaise appa¬rent pendant un court instant ; Myers alors prétend communiquer :)
- Lodge, ce n'est pas aussi facile que je l'imaginais dans mon impatience. Gurnez dit que je m'en tire très bien. Mais je ne puis respirer. Oh! Lodge ! c'est comme si je regardais à travers un brouillard. Je sens distinctement que je devrais prendre des notes. Je n'ai pas la sensation de parler, mais il vaut mieux tout enregistrer. Dites-leur que je suis plus stupide que beaucoup de ceux dont j'ai eu à m'occuper. Oh ! Lodge ! Qu'est-ce que c'est quand je vous vois ? Était-ce à l'Albemarle-Club que nous sommes allés quand j'ai parlé de... oh ! Cela m'échappe... Sidgwick sait que je suis avec lui. Il m'a dit qu'il m'avait vu dans la matinée du... Ah ! Mon cher ! Cela m'échappe au moment intéressant.
Je puis m'entendre parler par la voix de Rosa Thompson.
- Je veux convaincre Sidgwick. Il dit : « Maintenant que nous sommes ensemble, Myers, vous me donnez la conviction que j'envoie bien mes messages moi-même et qu'elle ne les reçoit pas de nous de quelque manière. » Il veut encore que je le lui fasse voir. Il dit qu'il m'a vu le jour où il est allé voir Trevelvan, dans la matinée. Il rencontra Trevelyan et fut le premier à me voir. J'essaye de lui montrer la voie. C'est drôle ! Sentir que je parle lorsque ce n'est pas moi-même qui parle. Ce n'est pas mon être entier qui parle. Quand je suis réveillé, je vois où je suis. Vous rappelez-vous le jour où j'étais ici avec vous ? Ce jour-là, quand je suis rentré chez moi, j'étais malade. J'ai passé une si mauvaise nuit ! C'est dans mon agenda. C'était en mai, je crois. J'étais bien malade. [Cette allusion à Trevelyan paraît se rapporter à un incident dont M. Piddington s'est occupé, voy. Proceed., XVIII, pp. 239, 241.]
[La description des sensations du contrôle en train de communiquer ressemble beaucoup à celle que le docteur Hodgson en avait donné d'après ses expériences avec Mme Piper, voy. par exemple Proceed., XIII, 366, 380, 404, 405. L'oubli qui suit immédiatement peut être comparé avec les indications mentionnées plus haut, chap. XVI, notamment p. 190].
0. J. L. - Avez-vous quelque chose à dire de la Société ?
- Quelle Société ?
0. J. L. - Vous vous souvenez de la Société des Recherches Psychiques.
- Ne croyez pas que je l'aie oubliée... mais j'ai oublié... j'ai oublié à l'instant... Laissez-moi réfléchir... vous savez, Lodge, quand on a désiré quelque chose pendant trente ou quarante ans et qu'on l'obtient enfin, on ne pense guère à d'autres... Laissez-moi réfléchir et je vous répondrai peu à peu... J'obtenais, autrefois, de meilleures preuves quand je laissais les contrôles dire ce qu'ils voulaient. On me dit que cette Société était ce que je préférais, on va m'aider. Qu'est-ce qu'en a dit Battersea ?
0. J. L. - Je ne sais pas.
- Je vous parierai plus clairement et plus distinctement en avril. Maintenant je ne sais pas le nom de ma mère. Ce que James m'a donné pour me faire dormir ne m'a fait aucun bien. Il y a beaucoup de bonnes choses dans les manuscrits que j'ai laissés... si on les examine. Vous vous rappelez la discussion au sujet du Mé¬moire de Hyslop et de sa longueur ? Si on donne trop de détails, c'est trop long cependant, si vous le donnez in extenso, ceux qui veulent tous les détails les trouveront et vous pouvez choisir les points qui vous inté¬ressent...
Mon esprit était confus quand je suis arrivé ici. J'ai cherché mon chemin comme à travers des ruelles, avant de savoir que j'étais mort. Je croyais m'être égaré dans cette ville inconnue et je me frayais une route dans la ruelle... et même, quand j'ai aperçu des gens que je savais morts. J'ai cru n'avoir que des visions. A propos, je n'ai pas encore vu Tennyson . Je vais m'enhardir et faire déjà des prédictions. Je vous verrai en avril. A cette époque je saurai qui je suis.
0. J. L. - Et vous lirez ce que vous avez écrit dans l'enveloppe ?
- Quelle enveloppe ? On me dira. Ernest ne se tracasse pas maintenant. Pourquoi le mêle-t-on à moi (En plaisantant.) S'imagine-t-on que je veuille briller dans sa gloire ?
[C'est une allusion évidente à l'article nécrologique du Times que j'avais écrit, mais auquel un des rédacteurs du Times avait ajouté l'indication que F. W. H. Myers avait traduit Homère avec Walter Leaf et Andrew Lang ; tout le monde sait au contraire que c'est son frère Ernest .] Je voulais que vous fissiez pour moi ce que j'ai fait pour Sidgwick (c'est-à-dire écrire un article biographique dans les Proceedings de la Société.
0. J. L. - Je le ferai. James et Richet le feront aussi.
- Ah ! Richet ! Oui, Richet me connaît, et James le fera bien. Je n'ai pas fini les lettres que j'écrivais... lettres qu'on devait publier. [Cela se rapporte probablement à son livre : Human Personality].
[Le contrôle parut changer et on continua :]
Il dit qu'il lui faut rester, essayer d'aider... Il dit ! Le pauvre ! Quand il a tant de travail ! Il dit : « Je n'ai pas d'autres frères que Lodge ». Il voudrait que Lodge soit président, s'il peut trouver le temps de s'acquitter du travail, mais il dit : « Ne vous attachez pas à la corde... mais conservez le groupe, maintenez-le uni... Il se débrouillera bientôt tout seul. »
0. J. L. - Nous essayons d'avoir Rayleigh.
- Ce serait splendide mais il ne faut pas l'espérer. Ce serait trop beau. Je crois que ce sera vous. Merci de l'avoir aidé. Vous l'avez aidé. La sympathie humaine est plus utile que tout le reste et, avec de la sympathie, tout s'arrange et se met en place. Au milieu de choses qui ne prouvent rien, vous en obtenez qui sont démonstratives. Il faut tout prendre. Ceux qui se bornent à chercher des preuves ne les obtiendront pas. Il y en a tant qui voudraient vous aider ! Il a promis et il le fera. Quand il reviendra en avril, ses souvenirs seront plus étendus. Il se rappellera ce qu'il a écrit dans une enveloppe pour vous.
(La trance finit vers 10 h. 30 du soir.)
La personnification était remarquablement vivante et ressem¬blante, dans cette séance, qui eut lieu un mois seulement après la mort de M. Myers ; l'état de trouble dans lequel se trouvait le contrôle paraissait très naturel. Etant données les circonstances supposées, je ne pourrais pas imaginer une expérience ou une communication plus raisonnable, ou paraissant plus conforme à ce que je devais attendre. La nécessité de convaincre encore Sidg¬wick me frappa, elle était amusante et caractéristique. Il en a été de même pour d'autres menus détails, par exemple, quand Myers sentait qu'il devrait prendre des notes : c'est un point sur lequel il insistait toujours. Son oubli temporaire de l'exis¬tence de la Société des Recherches Psychiques, dont les gens qui nous plaisantent s'empresseront sans doute de faire une absurdité, nous frappa même à ce moment comme quelque chose de natu¬rel et d'intéressant au point de vue humain, pour inattendu qu'il fût. Et je le considère encore comme tel . En tenant compte des parties supprimées et en faisant état de tous ses détails, cette séance me paraît presque la meilleure de toutes celles où Myers s'est manifesté en ma pré¬sence. Sans être véritablement probante, elle était en réalité aussi convaincante que tout ce qu'on aurait pu inventer comme dé¬monstration.
C'était en février 1901 ; une nouvelle communication était pro¬mise pour le mois d'avril, mais on ne trouva l'occasion de tenir une nouvelle séance que le 8 mai ; elle survint à l'improviste et sans préparation. Il semblait peu probable, qu'on pût, avoir une séance de Mme Thompson car nous étions tous informés de sa décision définitive de n'en plus donner.
Deuxième séance Thompson à Edgbaston
Le 8 mai 1901, Mme Thompson revint à Birmingham pour rendre visite à des parents ; elle vint nous voir dans notre instal¬lation provisoire de Hagley Road. J'ai rédigé, au moment même, les notes suivantes ; elles mé¬ritent d'être reproduites, car elles font connaître les caractères que le cas offrait à cette époque.
Extrait du carnet de 0. J. Lodge, 9 mai 1901
Après le dîner, Mme Thompson demanda d'elle-même à Mme Lodge de la conduire dans mon bureau ; en montant l'esca¬lier, elle dit qu'elle se sentait à demi-consciente seulement, comme si elle allait partir. Enfin Nelly se manifesta ; je me mis à prendre des notes et Mme Lodge en prit de son côté. Elle ne prononça pas un mot d'un bout à l'autre de la trance.
La séance fut confuse et peu satisfaisante ; elle nous parut alors un échec presque à tous les points de vue. Elle dura environ une heure et demie ; la trance fut continue et à la fin Mme Thompson était fort agitée ; elle n'était pas épuisée mais pleurait, disant combien elle aimait peu l'idée de revenir à sa conscience nor¬male et d'abandonner l'état dans lequel elle venait d'être. Elle dit n'avoir conservé aucun souvenir des propos échangés et tel paraît bien être le cas. Elle m'assura aussi, avant la séance, qu'elle n'avait pas conscience d'avoir reçu des communications depuis quelque temps, du moins qu'elle ne se rappelait pas leur sens, car elle avait l'impression de s'être entrancée quand elle était seule trois ou quatre fois dans le dernier mois, à différentes heures ; une fois en se réveillant elle s'était trouvée étendue sur le plancher ; elle avait un sentiment de contentement et de satisfac¬tion profonde.
Elle ajouta que la brusque cessation de toute tentative pour obtenir des communications lui avait été un coup sensible ; sa santé physique s'en était ressentie. On lui avait promis quelque chose pour son anniversaire, le 22 avril ; elle pensait évidemment que cela avait rapport à moi : Nelly m'avait en effet promis, une séance en avril, comme je l'ai noté dans le compte-rendu de la dernière séance mais elle n'avait fixé aucune date ; elle parais¬sait cependant s'attendre au choix du 22 ; je n'eus pourtant pas de séance avant le 8 mai.
Note additionnelle écrite le 11 mai 1901
Ce qu'on vient de lire a été dicté avant que les notes fussent re¬copiées et donne l'impression que j'ai eue au moment de la séance : en relisant les notes cependant cette impression devient meilleure et je ne trouve pas la séance aussi mauvaise que nous l'avions pensé, malgré que les mots aient été prononcés faible¬ment, et d'une manière si confuse qu'un novice n'y aurait vu que du galimatias. Il y en a bien quelques-uns, ça et là, qui demeu¬rent indéchiffrables ; on les a notés, en cas qu'ils aient quelque sens. Je ne crois pas que ce soit réellement du verbiage sans signi¬fication, la confusion provient de nous qui avons mal entendu et mal noté ; cela avait probablement un sens, si nous avions pu bien entendre, et comprendre, mais cela n'avait vraisemblable¬ment aucun sens important.
Deuxième séance avec Mme Thompson, 225, Hagley Road, Birmin¬gham, 8 mai 1901, de 9 h. à 10 h. 30 du soir.
Etaient présents 0. J. L. et M. L., tous deux prenant des notes. Nelly parle :
- P'fesseur Lodge ? Qu'est-ce que ce parapluie qui est ouvert et qui assombrit tout ? Je voudrais qu'ils l'enlèvent.
(Suivent d'autres indications marquant qu'elle avait essayé de com¬muniquer mais avait rencontré de l'obscurité. Cela se rapporte sans doute à la suspension des séances pour des motifs d'ordre intime, Mme Thomp¬son avait refusé de donner des séances depuis quelques mois ; elle n'avait fait exception pour moi que par faveur spéciale, et parce qu'elle s'y sentait intérieurement poussée.)
- Je n'ai pas vu M. Myers ; pas une seule fois. Je ne l'ai pas vu depuis qu'ils ont ouvert ce parapluie.
[Nelly s'adressa alors à moi, me priant d'essayer de la croire et de l'écouter avec sympathie, sans avoir au fond de moi-même des soupçons : de tels sentiments forment une sorte de contre-courant qui l'embrouille ; si j'étais sympathiquement disposé, j'obtiendrais de meilleurs résultats. Je lui donnai l'assurance que je ne lui étais pas hostile et elle répondit : - Non, je ne trouve ce sentiment chez aucun membre de la famille Mars¬hall. Elle n'insista pas sur cette observation, qu'elle-même ne parut pas comprendre.
Je dois dire que ma grand'mère et le père de ma femme s'appelaient Marshall, mais n'étaient pas parents et n'avaient aucun lien avec les pa¬rents de M. Myers qui portent ce nom.
Nelly donna ensuite des communications pour M. Piddington ; elle ajouta qu'elle avait la sensation d'être dans un pound (?) au milieu d'un champ, de ne pas pouvoir clairement apercevoir les gens de l'autre côté de la clôture, que sa communication était aujourd'hui très diffîcile et peu nette.
Survinrent, ensuite quelques mouvements convulsifs et une sorte de colloque intérieur dont on ne percevait que des fragments. Il semblait qu'une conversation confuse avait lieu entre Nelly et M. Myers ; Nelly l'invitait à entrer, M. Myers répondait qu'on lui avait dit de ne pas le faire, qu'il croyait que les communications étaient suspendues pendant quelque temps.
Mais ce n'est là qu'une impression laissée par les murmures confus ; nous crûmes ainsi que M. Myers s'inquiétait de la présence d'une tierce personne ; Nelly le rassurait eu lui disant que c'était Mme Lodge.]
- Il n'y a que Mme Lodge que vous aimez.
- Non, je ne l'aime pas.
- C'est seulement la femme de Lodge, qui nous aidera.
- C'est plus que ce à quoi je m'attendais, beaucoup plus.
[Il y eut d'autres phrases d'un colloque intérieur à peine intelligible. La conversation reprit enfin avec moi, mais avec des arrêts et des in¬terruptions ; aucune personnalité ne se marquait ; on eut dit que Nelly donnait en partie les communications elle-même, en partie jouait le rôle de M. Myers ; elle se tirait péniblement d'affaire.]
Voici les phrases que j'ai notées :
- M. Myers est ennuyé au sujet de M. Sidgwick ; quelque chose n'a pas été compris, ou n'a pas été noté. Il (M. Sidgwick) avait quelques Israélites dans son collège et il ne pouvait pas le faire un samedi. Dites à Fielding qu'il perd son temps à faire ce qu'il a entrepris. Le Times en a parlé, et a dit que cela avait de la valeur.
[J'ai cru comprendre que le communicatenr pensait autrement. J'ignore à quel travail il est fait allusion].
Le premier coup qu'ont reçu mes plus chères espérances. C'était si bête de ne pas leur dire ce que je voulais. Le temps passait petit à petit. Vous savez que Sidgwick et moi avons eu beaucoup de désappointe¬ments comme celui-ci. (Quand la communication n'était pas claire ?) Je pensais pouvoir mieux faire, mais je ne puis pas. Nous en avons eu beaucoup une année, une centaine à Newcastle. D'amers désappointements. Mais lorsque je puis donner le... (pound ?) [confusion]. Donné un grain et trouvé autant qu'il y en aurait eu pour Sidgwick, dans cette centaine... Mme Sidgwick avait froid, sur le sol dallé de briques. Une centaine de résulats, rien. C'est vrai, Lodge, c'est vrai. J'ai essayé dimanche, avec... J'ai vu le réceptacle, mais pas celui-ci. Il y avait Hodgson, Smith et moi. Nous étions ensemble dans ma chambre et je lui ai dit. Je lui ai dit que je n'aurais aucune difficulté, s'il y avait vraiment une difficulté, à remettre les choses à leur place. Mais cela est. [Voulant dire que cela était plus dur qu'il ne l'avait cru.]
Je pensais être trop habile pour ne pas échouer si misérablement. [Parlant, en apparence ou peut-être de la lettre scellée.] Je suis parti. Je croyais avoir à donner des communications, mainte¬nant. Mais le temps n'est pas encore venu. Je voulais que vous m'écriviez tous. J'étais si loin, Je mourrais d'envie d'avoir de vos nouvelles. Ma philosophie ne m'a pas servi à grand'chose. Je me sens à présent isolé. Lodge, c'est bien comme ils le disent, vous tâtonnez dans le brouillard et l'obscurité. Je ne sais rien des choses de l'autre côté quand je viens vous parler. Mais je dois faire ce que j'ai promis. Je sais que je suis encore égoïste. Je l'ai désiré pour ma propre satisfaction. [Il y eut d'autres indications montrant qu'il ne trouvait pas à son goût les conditions dans lesquelles il était placé, au moins lorsqu'il essayait de communiquer ; qu'il ne se rendait pas bien compte des condi¬tions, néanmoins, de l'autre côté, lorsqu'il cherchait à se manifester ; qu'il souhaitait aller plus loin et plus haut au lieu de rester pour tenir ses promesses.] La typhoïde est-elle mieux ? Que faites-vous ici ? [Faisant allusion, semble-t-il, à l'entourage matériel inconnu, avec lequel il n'était pas familier ; il n'avait jamais vu la maison que j'avais louée provisoirement à Birmingham.] J'ai eu beaucoup d'expériences peu satisfaisantes de ce genre. [Vou¬lant parler de mauvaises séances.] James est venu avec moi. Il m'a semblé que de la souffrance et de la douleur on me conduisait vers la lumière. Je ne voudrais pas vous dire ce dont j'avais envie, cela me parait maintenant si égoïste. J'avais envie de causer avec Tennyson, que j'ido¬làtrais . Mais on m'a dit que je devais souffrir à cause de mes pro¬messes ensuite j'aurais ce que je désirais. Je n'aurais pas voulu être emporté si loin, cela rend les communica¬tions difficiles.
[Le contrôle, fit allusion, comme je le crus alors, à la trance de Mme Thompson, trance qui n'était pas plus attendue que désirée et dont cette dame m'avait parlé, me racontant qu'elle s'était réveillée sur le plancher ; il est plus probable pourtant qu'il se référait à un des inci¬dents mentionnés dans le mémoire de M. Piddington publié au XVIII vol. des Proceedings, pp. 447-148.]
Je ne l'ai pas jetée sur le plancher. C'était Talbot, Talbot Forbes. Ce n'était pas moi. Je voulais qu'elle s'aperçût de ma présence, mais Talbot voulait seulement qu'elle informât Mme Forbes, sa mère. Pourquoi me prîe-t-elle (parlant apparemment du médium) et me sup¬plie-t-elle de venir ? Elle sait pourtant que je dois être purifié d'abord des souillures terrestres. Je ne veux pas qu'elle vienne me chercher à tout instant. Ils m'appellent constamment. On me demande de tous côtés. J'entends qu'on m'appelle, mais je ne puis dire tout de suite qui le fait. On me dit qu'on a besoin de moi. Mais je veux concentrer mes efforts sur quelques points, ou sur un seul point et ne pas les émietter. Insistez pour qu'on ne me brise pas ainsi, et qu'on ne me laisse pas des idées claires dans un seul endroit. Je ne suis qu'un, maintenant, le bruit que vous faites tous en m'appe¬lant me fait sentir que je ne puis pas. Quelqu'un m'appelle à présent. Que me voulait Mlle Edmunds ? Elle m'a appelé vendredi. [Une lettre d'Amérique mentionnant ce fait à la date du 3 mai, par¬vint ultérieurement.]
Dites à Richet que je le rejoindrai à Rome. Je lui parlerai à Rome, le troisième jour du congrès. Je les ai entendu raconter comment je suis mort et je ne pouvais pas les arrêter. [Allusion, apparemment, à quelque séance, non publiée, donnée en Amérique par Mme Piper.]
Je ne pouvais pas le dire, mais ils traduisaient comme un écolier qui fait sa première version de Virgile ; c'était horriblement confus et inexact ! Mais, quoi qu'il en soit, je ne pouvais rien y faire. Ce n'était pas moi qui communiquais, mais j'ai vu ce qui se passait. Ils ont eu quelque chose de moi le 15. J'ai essayé de communiquer un 15. [Ces faits sont mentionnés dans le mémoire de Mme Verrat, Proceed. vol. XX, pp. 207-209. Voyez les notes plus bas.]
J'ai essayé d'écrire, Moses, Stainton Moses. Ils ont confondu les morts ; la sienne et la mienne. Cela s'applique à lui, pas à moi. [Allusion, apparemment, à quelque récit de ses derniers moments qui n'a pas été publié et qui m'est inconnu. ]
Qu'il est facile de promettre et qu'il est difficile de tenir. Suppliez-les de me laisser tranquille pendant deux ou trois semaines après qu'ils auront reçu la note. Quand Hodgson apprendra que j'ai essayé, quelque maladroitement que ce soit, demandez-lui de ne pas m'appeler ; dites-lui que, s'il le fait, on m'empêchera de l'entendre. Je suis revenu de l'endroit où j'étais cette nuit-là. J'ai pu entendre ce qu'elle (le médium) disait et le contrôler, mais je ne puis entendre main¬tenant ce qu'on dit. Je ne puis que penser les choses et des faussetés peuvent se glisser à mon insu. Travaillez-vous dix jours par semaine ? Je ne puis pas vous mettre à l'abri des tâches qui vous sont imposées, comme on peut me pro¬téger. Ne croyez-vous pas, Madame Lodge, qu'il a dix jours de travail par semaine ?
(Le contrôle Nelly réparaît alors.)
- P'fesseur Lodge, savez-vous que je viens de voir quelque chose de bien drôle ! J'ai vu M. Myers parler comme à un bâton à travers le corps de ma mère. Et pendant qu'il parlait à ce bâton, quelqu'un est arrivé et l'a touché et tout s'est troublé et il ne pouvait pas s'imaginer pourquoi cela n'avait plus marché. Il paraît obligé de parler à travers ce bâton et cependant d'autres per¬sonnes viennent le déranger. Je voudrais que maman ne soit pas si méchante, parce que maman ne laisse pas M. Myers tranquille quand il a besoin de sommeil et de repos. Elle l'appelle alors. Dites-lui de ne pas le faire. Dites-lui que c'est mé¬chant de l'appeler. Elle le retient quand il veut dormir et se reposer. Il ne faut pas qu'elle le fasse.
[Je promis de faire la commission et m'en acquittai après la séance ; elle reconnut qu'elle pensait à lui fréquemment et avec insistance, mais qu'elle essayerait de s'en abstenir.]
(Nelly continua.)
Savez-vous ? Lundi dernier quand je suis allée chez le docteur Van Eeden ; il m'avait demandée et nous y sommes allés. M. Myers est venu me dire qu'il m'appelait. Nous y sommes allés tous les deux, oui, lundi. Il a eu l'impression que M. Myers l'aidait à m'appeler.
M. Myers a dit : - Allons voir le vieux Whiskers (la vieille Barbe ?) dans son petit lit et moquons-nous de lui. Il est bien plus vif quand il me parle, et bien plus éveillé que quand il parle du haut en bas de ce bâton . Mais il semble ennuyé, il n'a aucun repos. Quelqu'un l'a appelé dans une bouteille de verre, oui, un cristal. Oh ! Oui et il dit que ce n'est pas lui qui a écrit lorsque Mlle Rawson a eu de l'écriture automatique et a dit qu'elle venait de lui. Mais ce n'était pas lui qui écrivait. Vous savez quand Mlle Rawson a rempli deux pages d'écriture au milieu d'une lettre de Gurney. Il dit que ce n'était pas lui ; ce n'était pas non plus une fraude. Il ne veut pas que vous fassiez cesser le phénomène. Il veut l'étudier. Il ne croit pas que vous disiez qu'il était faux et que vous l'arrêtiez. Il aime à observer la chose somnambulique à l'oeuvre. Ce n'est pas lui qui agit mais il regarde. Il ne voit pas comment cela se fait, mais il trouve cela plus intéressant que la communication véritable. il n'a pas secoué les rideaux non plus. Eva, ne croyez pas que je parle de Mme Myers, c'est de Mme Eva. Ils ont eu leurs rideaux secoués, et ont cru que c'était lui. Ce n'était pas lui mais on ne trichait pas et il ne veut pas que vous leur laissiez entendre qu'ils sont des tricheurs. Il ne sait pas comment cela se fait ; il l'étudie. Il croit que cela serait très utile de savoir comment se font les choses frauduleuses qui ne sont pas des fraudes. Ce n'est pas une fraude et pourtant ce n'est pas lui qui opère. Il n'y avait là aucun bâton traversant le corps de personne. Il dit que d'autres ont fait la même expérience. Quelquefois, quand ils croyaient communiquer, ils ne communiquaient pas et cependant ils étaient au courant de cela. Il dit qu'il est en train de découvrir comment on peut expliquer les non phénomènes honnêtes. Les phénomènes en apparence frauduleux sont des phénomènes d'un [intérêt ?] extrême, l'Esprit, qui prétend communiquer étant mis à part.
[Cette derniere partie fut lentement récitée par Nelly comme si c'était une leçon qu'elle ne comprenait pas.] Je ne puis l'aider à exprimer ce qu'il veut dire. Il faut que je m'en aille.
(Fin de la séance à 10 h. 30 du soir.)
Note sur cette séance
Quelques-unes des remarques ci-dessus rapportées semblent révéler un lien avec des déclarations faites à la même époque dans l'écriture automatique de Mme Verrall ; Mme Thompson n'en savait rien. Par exemple, il y a une certaine ressemblance entre la remarque « M. Myers est ennuyé au sujet de quelque chose qui concerne Mme S. » et les essais mal interprétés à 1’époque qui furent faits dans l'écriture automatique de Mme Verrall entre le 19 avril et le 8 mai, pour indiquer où Mme Sidgwick devait chercher quelque chose ressemblant à un livre. On les trouvera dans le vol. XX des Proceedings, pp. 191¬198.
« J'ai essayé dimanche avec... j'ai vu le réceptacle mais pas celui-ci », peut-être encore une indication se référant à la brusque impulsion qui poussa Mme Verrall le dimanche 17 mars à écrire automatiquement et amena la première allusion à Mme For¬bes ce qui fut l'origine d'une longue série de correspondances croisées entre ces deux automatistes.
Enfin il parait y avoir une étroite connexité entre les remarques reproduites ci-dessus, au sujet des difficultés résultant d'efforts simultanés faits pour communiquer, et des observations analo¬gues faites dans un écrit de Mme Verrall le même jour, et à peu près à la même heure . Ainsi, dans la séance de Mme Thompson, le contrôle Myers dit : «Le bruit que vous faites tous en m'appe¬lant me fait sentir que je ne puis pas. Quelqu'un m'appelle à présent» il dit encore : «Des faussetés peuvent se glisser » et le contrôle Nelly explique comment un instant auparavant « quel¬qu'un est arrivé et a touché » le bâton au moyen duquel la com¬munication était faite « et tout s'est troublé ». De son côté, l'écrit automatique de Mme Verrall, du lundi 8 mai à 10 h. 30 du soir, finit par ces mots, paraissant dus au contrôle Myers : « La fausseté n'est jamais loin. Que me voulez-vous ? Je ne puis pas... Il n'y a pas de force... Je fais autre chose ce soir. Notez l'heure. »
L'initiale H donnée, dans le mémoire, comme la signature de la communication a été substituée à l'initiale réelle ; celle-ci prétendait représenter M. F. W. H. Myers et, quand l'écriture automatique était à sa période du début, chez Mme Verrall, on a jugé plus prudent, moins sensationnel en tous cas, de traiter tout cela comme une simple personnification. Les correspondances peuvent être mises en évidence en les inscrivant dans des colonnes, ainsi qu'il suit .
8 mai 1901
Mme Thompson Mme Verrall
Birmingham Cambridge
de 9 h. à 10 h. 30 du soir de 10 h. à 10 h. 30 du soir
1. Je ne puis pas. 1. Non possum. (Je ne puis pas)
Il n'y a pas de force
2. Quelqu'un m'appelle à présent
2. Je fais autre chose ce soir.
3. Laissez-moi tranquille. 3. Desine (Cessez.)
4. Des faussetés peuvent se glisser.
4. La fausseté n'est jamais loin.
Les propos de Mme Thompson étaient inconnus à Mme Verralllquand elle a écrit le texte reproduit dans son mémoire mais la correspondance est mentionnée dans son article .
Notes supplémentaires sur les séances Thompson-Myers
J'ai rapporté plus haut les plaintes et les requê¬tes, formulées en termes assez frappants, reçues par l'intermé¬diaire de Mme Thompson.
« Ils m'appellent constamment. On me demande partout. Insistez pour qu'on ne me brise pas ainsi. »
« Qu'il est facile de promettre et qu'il est difficile de tenir. Suppliez¬-les de nie laisser reposer pendant deux ou trois semaines. »
Cela correspond aussi à une communication, tendant au même but qui a été reçue d'une manière indépendante, par l’intermédiaire de Mlle Rawson trois mois auparavant. On peut raisonna¬blement y voir une forme très simple de correspondances croisées. Ce message, obtenu 7 février 1901, prétendait provenir d'Ed¬mond Gurney qui était censé parler par la voix de Miss Rawson ; en voici le texte :
« Je suis venu vous donner un conseil au sujet de mon ami, vous implo¬rer de ne pas permettre qu'on l'appelle. Il n'a de repos ni jour ni nuit. A chaque séance c'est : « Appelez Myers ! Amenez Myers ! » Il n'existe pas un endroit en Angleterre où on ne l'appelle, cela le dérange, lui ôte la possibilité de se reposer. Pour l'amour de Dieu, ne l'appelez pas. Cela va bien quand il vient de son propre mouvement... Nous désirons ac¬tuellement qu'il s'élève, qu'il oublie les choses de la terre. Il ne peut dé¬sormais être d'aucune utilité. Il a consacré sa vie à cette oeuvre, c'est en cela qu'il a rendu service. On lui a seulement permis de dire qu'il conti¬nuait. Il le désirait beaucoup mais il ne sera utile à personne de le rap¬peler et de l'obliger à demeurer près de la terre. En réalité cela n'aura d'autre effet que de l'attacher à la terre. »
Je ne résiste pas au désir de citer ici, d'après le tome XXI, p. 213, des Proceedings, un extrait différent, mais non dissem¬blable, des mots écrits automatiquement dans l'Inde, par Mme Rolland, les 5 et 6 janvier 1904 par lé contrôlé Myers.
« Oh ! si je pouvais seulement arriver jusqu'à eux. Si je pouvais seule¬ment vous laisser une preuve positive que je me souviens, me rappelle, sais, continue... J'ai songé à une comparaison qui vous fera comprendre l’état d'attaché à la terre où je continue à me trouver. C'est en grande partie un effet du choix volontaire ; je suis en quelque sorte ins¬piré, par des sentiments par des sentiments de missionnaire ; l'ardent désir que j'ai de me faire entendre des Esprits emprisonnés, emprisonnés encore dans la chair, me conduit à m'éloigner pour un temps de la félicité. »
Cela exprime clairement l'idée de service que je veux mettre en évidence ; c'est un reflet, une extension ultérieure de la pensée qu'on trouve dans les passages déjà cités : ceux-ci n'avaient pas été rendus publics et Mme Holland les ignorait. Mais cette communication a été donnée si longtemps après qu'on n'a pas le droit de la considérer comme une correspondances croisée. C’était d'ailleurs une explication de la raison pour laquelle les messages continuaient à être volontiers donnés ; les deux autres, au con¬traire, si rapprochés de l'époque de la mort, sont empreints de gravité et d'anxiété.
Observations générales en réponse aux objections religieuses
Il arrive quelquefois que des personnes sérieuses, mais d'intel¬ligence médiocre, cherchent à jeter du discrédit sur la réalité de ces communications apparentes ; elles obéissent, non à des mo¬biles scientifiques, mais au préjugé pour ces personnes, des hommes justes devenus plus parfaits qui sont entrés dans la félicité, ne sauraient s'abaisser jusqu'à se souvenir de trivia¬lités et de menus détails, dans des conditions de difficultés parti¬culières ; dans le seul but de prouver à ceux qu'ils ont quittés le fait de la survivance et de la continuité de l'identité personnelle. On considère comme acquis que les Saints doivent avoir d'autres occupations dans la situation nouvelle, heureuse et exaltée, à la¬quelle ils sont parvenus.
Il ne m'appartient pas et il n'appartient pas aux autres hommes qui cherchent en tâtonnant leur voie au milieu des faits terrestres, de décider ce qui est ou qui n'est pas possible aux Saints. Je ne tiens pas à croire que tous nos communicateurs doivent être rangés dans la catégorie des saints parfaits et glorifiés ; cela me parait, je l'avoue, singulièrement invraisemblable. Il n'est pas davantage nécessaire de supposer que des exercices, tels que ceux dont nous nous rendons compte, en admettant que la réalité soit conforme à leurs prétentions, absorbent une grande partie de l'activité de ceux qui se disent intéressés à leur produc¬tion ; nos communicateurs avouent être loin de la perfection et avoir beaucoup à apprendre encore. La dignité et les convenances empêchent-elles quelquefois un archevêque ou un savant de jouer à de puérils jeux d'enfants et de condescendre à quelque autre fri¬volité, malgré qu'ils soient au seuil de l'Éternité, dans le monde de la douleur et du péché ?
Parlons sérieusement : n'a-t-on pas le droit de demander à ces braves gens si un saint lui-même ne doit pas s'efforcer d'être utile à ses frères quand il en trouve l'occasion ? Cette notion de perpé¬tuel service n'est-elle pas en harmonie avec leurs doctrines et avec leur foi ? Ont-ils été sensibles à ce dogme presque universel dans le christianisme, qui affirme énergiquement la descente du Maître dans l'enfer ? Et cela pour des raisons qui sont indiquées ailleurs.
Cela pourrait leur montrer qu'après une vie et une mort comme celle du Christ, celui-ci n'était entré dans la félicité qu'après une période de nouveaux services personnels effectifs. Interpréter les paraboles de manière à s'imaginer qu'une majestueuse pa¬resse soit l'unique occupation de l'éternité, qu'il n'y aura rien à faire dans l'au-delà, sinon à jouir dans l'oisiveté de la contempla¬tion béatifique et des récompenses réservées à une vie bien con¬duite ou à une foi bien conservée, sans aucune espèce de remords, sans l'occasion de nouveaux travaux et de nouveaux sacrifices, c'est s'exposer à constater peut-être un jour qu'on est dans l'erreur et qu'on s'est fait une idée très fausse du sens de ces mots significatifs « La Joie du Seigneur ».
Remarques complémentaires
C'est une erreur de croire qu'il y ait quoi que ce soit de sensa¬tionnel ou de particulièrement émouvant dans ces communica¬tions. La conversation ressemble à celles que l'on a par téléphone, elle est sujette aux mêmes interruptions désagréables, et aux mêmes éclairs de surprenante clarté, tels qu'une heureuse expres¬sion, une intonation, un détail inattendu qui révèle sans erreur possible, une identité - réelle ou fabriquée - par exemple un surnom approprié, un souvenir banal. En pareil cas, les parents du communicateur, s'ils sont présents, peuvent être vraiment émus. Ces observations sont générales ; elles s'appliquent à tout le groupe de phénomènes que je décris et ne concernent aucune série particulière.
Je n'ai aucun intérêt à persuader quoi que ce soit. Les faits n'impressionneront pas tout le monde de la même manière, et il se trouvera des personnes qui y demeureront complètement in¬sensibles. Celles-ci n'auront que du mépris et de la pitié. C'est leur droit, pourvu qu'ils aient lu avec conscience ce livre et les autres comptes rendus. Ils ne le font ordinairement pas, et nous sommes excusables de ne pas faire grand cas de l'opinion de gens qui sont mal informés.
Pour moi, les messages les plus intéressants sont les observa¬tions finales, en partie rapportées soigneusement, péniblement, par le contrôle Nelly. Ses mots, que je reproduis encore une fois, sonnaient étrangement dans la voix enfantine qui les pro¬nonçai.
(Myers) : « Je ne pouvais pas le dire, mais ils traduisaient comme un écolier qui fait sa première version de Virgile ; c'était horriblement con¬fus et inexact. Mais, quoi qu'il en soit, je ne pouvais rien y faire. Ce n'était pas moi qui communiquais, mais j'ai vu ce qui se passait. Je ne puis que penser les choses et des faussetés peuvent se glisser.
(Nelly) : Il dit que ce n'était pas lui ; ce n'était pas une fraude non plus. Il ne veut pas que vous fassiez cesser le phénomène. Il veut l'étudier. Il ne faut pas que vous disiez qu'il était faux et que vous l'arrêtiez. Il aime à observer la chose somnambulique à l'oeuvre. Ce n'est pas lui qui agit, mais il regarde. Il ne voit pas comment cela se fait, mais il trouve cela plus intéressant que la communication véritable. Il n'a pas secoué les rideaux non plus... mais on ne trichait pas et il ne veut pas que vous leur laissiez entendre qu'ils sont des tricheurs. Il ne sait pas comment cela se fait ; il l'étudie. Il croit que cela sera très utile de savoir comment se font les choses frauduleuses qui ne sont pas des fraudes...
Puis vient cette phrase péniblement dites :
« Il dit qu'il est en train de découvrir comment on peut expliquer les non-phénomènes honnêtes. Les phénomènes en apparence frauduleux sont des phénomènes d'un [intérêt] extrême, l'Esprit qui prétend commu¬niquer étant mis à part. »
Ces mots, quelle que soit leur origine donnent une idée vraie, à mon avis, de beaucoup de ces phénomènes. Je veux dire qu'ils ne sont pas exactement ce qu'ils paraissent être superficiellement, et ils ne sont pas une fraude. Ce sont des essais pour faire quelque chose qui dépasse les forces des opérateurs ; ceux-ci arrivent à peu près à leur but sans faire précisément ce qu'ils ont voulu. Ils tentent, par exemple, de transmettre quelque message défini : il survient un à peu-près. Ils savent à peine, parfois, comment cela survient ; c'est une énigme pour eux comme pour nous et ils ne savent souvent pas ce que nous avons obtenu. Quelquefois aussi ils ressemblent à des spectateurs informés du résultat, ennuyés des méprises et des erreurs qu'ils aperçoivent mais qu'ils ne peuvent empêcher, sauf comme ici, en essayant de nous ins¬truire et d'amener notre intelligence à un état dans lequel nous pourrons nous-mêmes comprendre les difficultés inévitables et y parer.
« Je ne puis que penser les choses », me parait être une descrip¬tion exacte de la méthode employée. C'est un procédé télépa¬thique ; la reproduction par la parole ou par l'écriture est un moyen supplémentaire, à peine contrôlable .
Sentir comme s'il était le preneur de notes et non le communi¬cateur, éprouver le besoin de tout noter, caractérisait également bien, Myers . Un autre épisode amusant était la persistante incrédulité du professeur Sidgwick , il était représenté comme demandant à être convaincu qu'il donnait bien lui-même la com¬munication et que le médium ne l'extrayait pas de lui, de quelque manière.
La coïncidence des heures auxquelles la séance de Birmingham s'est terminée et l'écriture automatique de Mme Verrall s'est produite à Cambridge, telle qu'elle est montrée dans l'analyse ci-dessus est remarquable et mérite l'attention, surtout quand on tient compte du caractère imprévu de la séance de Mme Thomp¬son. Il y a là, vraiment, une correspondance croisée.
Avec ces observations prend fin le compte rendu des communications obtenues avec Mme Thompson comme médium. Elle en a donné une quantité autrefois autant que je puisse le savoir, ces deux séances sont parmi les dernières qu'elle ait données. Nous devons lui savoir gré du temps qu'elle a généreusement consacré aux membres de la Société dans un but scientifique et des facilités qu'elle leur a données.
En finissant ce chapitre, que je tiens pour important, j'affirme que les propos rapportés représentent un phénomène psycholo¬gique authentique et intéressant par conséquent, à tous les points de vue, pour ceux qui étudient les Sciences Psychiques. Des criti¬ques hostiles peuvent trouver ici un peu de la matière nécessaire pour ridiculiser toute étude de ce genre. Ces faits, les conversa¬tions ultérieures remplies de lieux communs qui ont eu lieu avec Mme Piper, quelques-unes des communications invérifiables con¬signées dans nos Proceedings, comme celle mentionnée plus haut, p. 116, tout cela paraîtra-t-il plus amusant encore à prendre comme sujet de moqueries ? Je n’en suis pas juge et cela ne doit pas nous préoccuper beaucoup.
Chapitre XXI- Les contrôles Myers et Hodgson dans les dernières séances de Mme Piper
Je n'ai pas l'intention de rendre compte des communications que j'ai obtenues des contrôles Myers et Hodgson, pas plus que je ne l'ai fait autrefois du contrôle Gurney. Elles n'ont pas été aussi bonnes que celles dont d'autres personnes ont été favorisées ; c'est en partie ma faute car je n'en ai guère fourni l'occasion à ces contrôles. Recto» s'en est même plaint dans les termes sui¬vants :
- Myers n'a eu que très peu d'occasions pour prouver son identité, il n'y a pas été encouragé.
0. J. L. - Oui, c'est assez vrai jusqu'à présent.
- Si on lui en donne l'occasion maintenant, personne, de notre côté, ne désire plus que Myers de prouver son identité. Vous comprenez.
0. J. L. - Oui, je comprends très bien.
- Il comprend et il souhaite vivement communiquer avec quelques¬ uns de ses vrais amis. On devrait toujours s'y prêter, dans tous loes cas ; il est intelligent, clair et comprend la nécessité de le faire.
Le 16 avril 1907, Mme Holland a écrit automatiquement la description donnée, par le contrôle Myers, de l'une des difficultés qu'offre la communication :
« Je veux me faire comprendre, mais je trouve si rarement l'occasion de parler. C'est comme si je faisais la queue pour prendre mon billet et je sui toujours poussé loin du guichet avant que j'aie pu agir sur son esprit, non, celui de l’écrivain. »
Une seule des séances anglaises de 1907 fut tenue comme on les tenait autrefois, c'est-à-dire une séance parlée, dans laquelle on usait usage de la parole et non de l'écriture. Elle ressemblait aux séances de l'ancien temps de Phinuit plus que je ne m'y attendais.
En fait, on retrouvait nettement ce qu'on avait autrefois l'habi¬tude d'appeler la quête, quand Phinuit tâtonnait pour trouver un nom et espérait l'aide du consultant. J'éprouve vraiment depuis longtemps le besoin de décharger Phinuit de presque tout blâme à ce sujet. Il était nécessaire de reconnaître l'existence de ces procédés de quête et d'y insister, comme pour tous les autres points faibles. Phinuit n'avait pas été dressé à refuser toute assistance normale, à se garder de sa possibilité, comme on l'avait fait pour la Nelly de Mme Thompson. Pour moi, j'ai toujours pensé que ce vague et ces essais, faits pour arriver peu à peu aux choses, correspondaient à une difficulté réelle et formaient, dans le phénomène, un trait qui demandait à être étudié ; je trouve, par conséquent, de l'intérêt aux judicieuses déclarations qu'on lit dans le rapport du Dr Hodgson .
« C'est dans les rêveries automatiques de personnes placées dans quelque état analogue à ceux dont j'ai donné des exemples que Phi¬nuit, je le crois maintenant, avait si souvent à quêter des renseigne¬ments. Je pense que l'adhésion aux obligations exactes et les autres indices fournis par les consultants - outre l'aide qu'y trouvait le communicateur - étaient probablement fort utiles à Phinuit, en lui permettant de tendre la main vers ceux des automatismes mentaux qui concernaient spécialement le consultant. On comprend mieux les erreurs et les obscurités de Phinuit et sa méthode de faire des essais pour arriver aux faits vrais, dans des séances qui étaient en somme mauvaises, si on les compare aux résultats donnés par les différents communicateurs qui écrivent directement ou par l'intermédiaire de G. P. Je suis sûre que les quêtes de Phinuit étaient dues aux confusions des communicateurs eux-mêmes. Ceux-ci se trou¬vaient dans une sorte de coma et leur esprit lâchait, pour ainsi dire, une masse grouillante de souvenirs terrestres. »
Style du groupe Stainton Moses
Il ne sera pas indifférent à ceux qui sont familiers avec les écrits automatiques de Stainton Moses devoir apparaître les noms de ses anciens contrôles. Il n'y a pas qu'Imperator et Rector , Prudens se montre aussi un messager accompli. Toutefois, quelque soit le rapport qui puisse exister entre les personnages et les contrôles correspondants de Stainton Moses, ils ne sont pas, je le suppose, identiques. Un Doctor, par exemple, se donne comme contrôle ou communicateur, mais il ne semble avoir, ni alléguer, aucun rapport avec le Doctor - qui n'était pas médecin - de Stainton Moses. En tous cas, le contrôle de Mme Piper est quelquefois appelé Docteur Oliver et il est probable qu'il est introduit dans l'intention de figurer un médecin mort de Boston, Je ne m'explique pas pourquoi les personnalités de Mme Piper ont pris la même série de noms que ceux de Stainton Moses. Leurs traits généraux sont semblables mais je n'aperçois entre eux aucune ressemblance dans les détails. L'Imperator de Mme Piper n'a pas jusqu'à présent donné, comme son ancien nom terrestre, celui qu'avait indiqué à Stainton Moses l'ancien Imperator. Ils ne sem¬blent par conséquent pas prétendre sérieusement être les mêmes.
Les changements marqués de contrôle qu'on observait avec Phinuit se produisent maintenant peu souvent. Le langage paraît être une sorte de compte rendu que Rector fait en son nom personnel ; il parle ou écrit à la manière d'un vieillard digne et bien¬veillant.
Chose à remarquer, avec la survenance des contrôles de Stainton Moses en Amérique, l'allure des séances a quelquefois pris une tournure religieuse marquée . Voici un exemple que j'emprunte à la fin d'une séance parlée, tenue en 1906, dont M. Dorr m'a donné le compte rendu.
[Hodgson terminant sa communication].
- Allons, je vais partir. Adieu pour le moment.
[Rector reprend :] - Très bien. C'est parfait. Il lui a fallu du temps pour se retourner et sortir. Je n'ai jamais vu quelqu'un aimer moins à s'en aller. A la fin, il ne discontinuait pas de me parler. Il ne pouvait s'ar¬rêter.
Prière
Père, dans Ta bonté, guide Tes enfants de la terre, donne-leur Tes bénédictions, apprends-leur par Ta présence et Ta puissance à accepter la souffrance, la douleur, la maladie et le chagrin, apprends-leur que Ta présence est constamment auprès d'eux. Que Ta grâce et Ton amour éternel soient et demeurent avec eux maintenant et à jamais. Adieu. Nous partons, amis, que les faveurs de Dieu soient répandues sur vous. Adieu.
Style du contrôle Hodgson
L'allure des séances est toujours sérieuse mais rarement solen¬nelle ; le ton est ordinairement égal, quelquefois chaud et jovial. Voici l'exemple d'un accueil caractéristique du style Hodgson extrait d'une séance donnée à M. Dorr et à Henry James J. à Boston en 1906.
- Ha ! Eh bien, je ne m'attendais pas à vous voir si tôt.
- Bonjour Harry. Je suis enchanté de vous voir.
H. J. J. - Est-ce vous, monsieur Hodgson'?
- Oui, c'est une grande joie pour moi de revoir votre visage une fois encore.
- Comment tout va-t-il pour vous ? Très bien ?
H. J. J. - Très bien.
- Tiens ! J'ai comme la sensation d'être l'un de vous. Allo ! Georges.
G. B. D. - Allo !
- Vous autres, vous n'appréciez pas ma joyeuse humeur. Mais je suis Hodgson et je serai Hodgson jusqu'au bout de toute l'éternité. Vous ne pouvez pas me changer, quoi que vous fassiez.
H. J. J. – Il me semble que nous l'apprécions, monsieur Hodgson.
- Allons ! Je l'espère, sinon vous y perdez ! parce que je suis ce que je suis et ne serai jamais autre chose et de tous les joyeux moments de ma vie entière, les plus joyeux sont quand je vous retrouve tous.
Cela n'a bien entendu, aucune valeur probante cependant, je ne trouverais rien de mieux si j'étais prié d'inventer quelque genre de solution plus naturelle à Hodgson, et plus caractéristique de ses manières. Le court extrait qui suit montrera le style du contrôle Hodgson tel que je l'ai observé :
- Je suis Hodgson, mais je ne peux pas prendre aujourd'hui la place de Rector. Cependant j'essayerai tant bien que mal de parler par son intermédiaire.
0. J. L. - Très heureux de vous voir.
- Et moi, idem. Mme Piper est donc en Angleterre ?
0. J. L. - Oui, elle habite chez moi.
- Capital ! Si je vivais encore, il n'en serait pas ainsi. Toutefois, j'en suis content.
0. J. L. - Elle est ici, bien portante et contente, avec Alta et Minerve.
- Bien ! Parfait. Je suis ravi.
- Voulez-vous faire pour moi une commission à Billie Neubold, sûr?
0. J. L. - Oui, je l'enverrai par William James.
- Voulez-vous que je me charge d'une commission pour vous ? Parlez lentement, rappelez-vous que nous ne pouvons pas entendre aussi bien que vous. Que je suis content d'être de ce côté !
0. J. L. – Eh ! bien, Hodgson, je vais vous demander quelque chose. Vous le savez, quand je vous parle, je m'adresse à la main. Je voudrais savoir si c'est bien par l'intermédiaire de la main que vous entendez. Si, par supposition, je bouchais les oreilles du médium avec de l'ouate, cela ferait-il une différence ? Le message arriverait-il encore?
- Je pense que oui, essayez.
0. J. L. - Très bien, j'essayerai une autre fois.
- Parfait, je vous y autorise ; parfait.
Toute réflexion faite, je n'ai pas tenté l'expérience ; il est extrê¬mêment difficile d'obtenir une surdité complète en obturant les oreilles, même avec du mastic. J'avais aussi de la répugnance à manipuler la tête du médium pendant la trance, comme il eût fallu le faire. L'expérience vaudrait pourtant la peine d'être faite si nous étions certains qu'elle pût donner des résultats con¬cluants. Je l'eusse essayée, si j'avais pu trouver un moyen cer¬tain de m'assurer que le médium n'entendait rien. Mais l'hyper¬esthésie, d'un côté, une inhibition suggestive de l'autre, auraient pu entrer en ligne de compte. Le résultat ne m'a pas paru devoir permettre aucune conclusion positive. Néanmoins une personne compétente devrait se charger de réaliser cette épreuve.
Allure de la personnification en général
Dans certains cas extrêmes, la main entre en scène d'une ma¬nière vraiment saisissante ; son activité est toujours grande car elle a une personnalité marquée . Des notes, prises sur le moment par Mme Sidgwik, en donneront une idée. Elles ont été recueillies pendant une séance au cours de laquelle le contrôle Myers avait enfin réussi, après de longs et pénibles efforts, à don¬ner le nom d'Abt Vogler, comme titre d'un poème auquel il fai¬sait allusion.
« La main est dans la joie la plus complète ; elle s'agite, frappe la table, gesticule. Elle donne l'impression de quelqu'un qui danse de joie autour de la chambre, après avoir réussi à faire quelque chose. »
L'écriture qui suivit immédiatement mérite d'être reproduite. La voici, d'après le compte rendu.
[Rector communiquant] :
- Il l'a prononcé plusieurs fois pour moi juste comme vous l'avez fait ; il m'a dit : Rector, faites-le lui prononcer pour vous et vous com¬prendrez ; il me l'a murmuré à l'oreille.
E. M. S. - Au moment où vous partiez.
- Juste au moment où je quittais la lumière.
Vogler, oui.
E. M. S. - C'est bien.
[Myers communiquant]
- Maintenant, chère madame Sidgwick, n'ayez à l'avenir aucun doute, aucune, crainte au sujet de la soi-disant mort, parce qu'elle n'existe pas et qu'il y a certainement au delà d'elle, une vie intelli¬gente.
Les erreurs d'orthographe survenant ici et là, soulèvent une dif¬ficulté que l'on imagine aisément : Rector s'est plus tard exprimé là-dessus de la manière suivante, lorsqu'il répétait le titre d'un poème
Abt. ABT. Volg.
[La main témoigne que cela ne la satisfait pas.]
Vogler.
[Rector, communiquant]
- Vous voyez que je ne saisis pas toujours bien les lettres quand il me les répète. R.
E. M. S. - Non, je le vois.
- Par conséquent, je puis me tromper quand je les transcris.
E. M. S. - Je vois.
- Mais si vous me demandez de le corriger, et il est clair que je puis le faire. R.
Il est vraisemblable que les quêtes et l'utilisation d'indices donnés par le consultant interviennent dans les expériences les plus loyales. Rector, ou tout autre scribe, reçoit évidemment ses idées par une sorte de dictée et il ne peut pas toujours être en état de distinguer clairement leur source, soit du côté matériel, soit du côté ultra-matériel. Le contrôle Myers, par exemple, essaya de parler des Odes d'Horace et y réussit mais Rector, après avoir écrit Odes sans difficulté, parut n'être pas sûr du mot et écrivit Odessus, Odesesis, etc., et finalement obéit à moitié aux suggestions de Mme Sidgwick qui proposait Odyssey (odyssée). Cela montre combien Hector est apte à accep¬ter une suggestion erronée, alors même que ce qu'il écrit est exact. Cela indique aussi une absence de continuité entre la conscience de Rector et celle du véritable communicateur. Celui¬ci, dans le cas cité, s'efforçait visiblement de parler des Odes d'Horace afin de les rattacher aux citations de Abt Vogler qu'il venait de faire.
Chapitre XXII- Résumé de diverses autres expériences et com¬mentaires à ce sujet
Une dame du nom de Grove a fait des expériences dont les ré¬sultats sont remarquables ; ses amis décédés, un M. Marble et quelques autres, ont transmis des messages appropriés, ressem¬blant, sur beaucoup de points, à ceux que cette dame avait reçus par l'intermédiaire de médiums différents.
Ses amis étaient des gens sans aucune notoriété, complètement inconnus à Mme Piper, ignorés dans tous les endroits qu'avait visités ce sujet. Ces messages en tirent une importance particu¬lière, qui se rapproche de celle des séances d'autrefois, alors que Phinuit se montrait capable de s'occuper des affaires de diverses personnes étrangères. Ces séances sont décrites dans le fascicule LVIII des Proceedings, S. P. R. ; je ne les reproduirai pas, me bor¬nant à citer une expérience faite par moi à leur occasion.
Reconnaissance de la photographe d’un des contrôles
Les phases du réveil, à la dernière des séances tenues à Edgbaston, au cours des expériences de décembre 1906 et à la première de celles qui eurent lieu en mai 1907, après un intervalle de cinq mois, méritent d'être rapportées, à cause d'une expérience que j'ai faite avec la photographie de l'une des personnes qui prétendaient avoir donné des communications pendant la trance dans l'espèce M. Marble. Je voulais savoir si le sujet reconnaîtrait ou non une photographie avant de rêvenir complètement à l'état normal, c'est-à-dire pendant cette sorte de période au cours de laquelle il est possible de se rappeler obscurément ses rêves . M. Hodgson s'occupe de cette phase du réveil à la page 401 du vol. XIII des Proceedings ; il le désigne sous le nom de phase subliminale de Mme Piper et dit que, dans cet état, elle a fréquemment la vision des communicateurs qui s'en vont.
J'ai, la première fois, longtemps attendu avant de tenter l'expé¬rience : un peu plus d'une heure, la reconnaissance a été dou¬teuse cependant, malgré son incertitude, ce fait semblait un résidu de la trance, car il ne dura pas et le lendemain il n'en res¬tait pas trace. La seconde fois, j'ai fait l'expérience dès le réveil complet, la reconnaissance fut alors immédiate et certaine. Au bout de quelques minutes elle était devenue obscure et vague ; elle avait, cette fois encore, cessé complètement avant la fin de la journée.
Suite de la séance n° 13 qui avait duré de 11 h. 10 à 1 h 10 le 3 décembre 1906
Après le lunch, je pris onze photographies d'hommes et demandai à Mme Piper si elle avait jamais vu l'un des personnages représentés. Elle les examina, hésita quelque temps sur celle qui représentait M. Joseph Marble puis la choisit et dit qu'elle avait vu ce monsieur quelque part, mais ne pouvait se rappeler où. Je ne dis naturellement rien pendant l'expérience.
Le lendemain, dans la soirée, je fis une nouvelle épreuve. Je pris un autre paquet de photographies d'hommes, comprenant une partie de celles qui lui avaient été présentées la veille et auxquelles j'en avais mêlé de nouvelles. Celle qui faisait l'objet de l'expérience y figurait. Mme Piper les regarda cette fois sans intérêt et ne fit aucun commentaire ; elle ne parut avoir aucun souvenir de la physionomie. Elle se rappelait en avoir déjà reconnu une invitée à la désigner, elle en choisit une différente, avec beaucoup d'hésitation, disant que c'était peut-être celle-là ; elle pensait, ajouta-t-elle, qu'on avait découvert, en Amérique, la disparition du souvenir avec le temps, la mémoire était mieux conservée pendant environ une heure après la séance. L'expérience faite la veille avait eu lieu à peu près une heure et demie après la séance au cours de laquelle M. Marble avait donné des communications.
Suite de la phase de réveil du n° 14, le 19 mai 1907
[Un certain nombre de photographies d'hommes furent étalées en ligne devant elle aussitôt après son retour à la conscience ; elle se précipita aussitôt, sans hésitation, sur l'une d'elles]
- C'est l'homme que j'ai vu. Je l'ai vu. C'est l'homme que j'ai vu. Je l'ai vu là ; une si jolie figure. Je pouvais le voir. Je pouvais voir M. Hodgson le pousser au premier rang.
[Le choix était juste ; c'était le portrait du personnage qu'elle appela Joe, c'est-à-dire feu M. Joseph Marble.]
(Environ une heure plus tard.) Je place encore les photographies devant elle. Elle les regarda comme la première fois et dit :
- Je ne reconnais pas ces photographies.
Elle hésita longtemps, ensuite, sur le portrait de M. Marble, disant qu' elle l'avait vu quelque part et conclut en déclarant :
- Non, je ne le connais pas.
Commentaires
Cette épreuve, ajoutée à d'autres expériences relatives à la description de l'apparence individuelle des personnes dont il était question dans la trance me fait penser qu'une image visuelle - quelle qu'en soit la cause - de celui qui est censé communiquer dans la trance, s'imprime réellement quelquefois à ce moment dans la subconscience de Mme Piper. Une impression onirique véridique survient dans ces cas, mais elle s'évanouit à la manière des impressions perçues dans le rêve. Cette image visuelle est une simple extension de l'impression que les mêmes strates de sa subconscience reçoivent du caractère et du langage, elle est aussi peu durable.
Au cours de la trance, son subconscient est donc, au moins dans certains cas, en contact avec le simulacre ou la représenta¬tion hallucinatoire d'une personne décédée, quelle qu'en soit la cause, je le répète. C'est une impression télépathique prove¬nant peut-être du consultant, ou plus probablement semble-t-il, de l'influence survivante du mort. Jusque-là, c'est une chose certaine ; la nier n'est que refuser de connaître des faits d'expérience. De quelle nature est en réalité cette impression vivante mais éphémère, de l'apparence, du carac¬tère, de la personnalité ? Il est difficile de répondre à cette ques¬tion et je ne me sens pas en mesure d'exprimer une opinion. Mon instinct, je donne son sentiment pour ce qu'il vaut, me conduit à croire que cette impression n'est pas uniquement due à l'action télépathique du consultant, bien que l'on constate l'impor¬tance, au point de vue des résultats, de la sympathie et de l'accord du consultant : on leur doit assurément l'émergence d'un groupe déterminé d'impressions, à l'exclusion de groupes entièrement différents. Un intérêt réel, de l'affection, chez une des personnes présentes, est sans aucun doute la cause qui éveillé une impression véridique particulière ; ils provoquent son choix, au milieu d'une foule d'autres impressions qui pourraient également se produire. Bien que cette sorte de sympathie soit la cause de la sélection et de la détermination, je ne pense pas qu'elle puisse créer et con¬struire l'image transmise. Il me semble qu'il y a une puissance ou une énergie toujours prête à éveiller dans le subconscient d'un sujet entrancé, ou de toute personne douée de facultés automa¬tiques, une masse d'impressions bonnes, mauvaises ou indifférentes. Dans cette multitude d'impressions possibles, un choix plus ou moins judicieux est fait, et comme approprié à chaque cas particulier ; la présence du consultant est la détente qui libère ou dirige l'énergie dans un sens déterminé, et non dans un autre.
En somme, ces expériences et bien d'autres que j'omets, tendent à démontrer l'existence d'une intelligence extérieure, ou contrôle, distincte autant que j'en puisse juger, de la conscience, aussi bien que de la subconscience de Mme Piper ou de tout autre médium. Elles rendent probable l'hypothèse provisoire que je choisis comme instrument de travail ; elle consiste à admettre la vérité approximative de l'opinion que les intelligences à l'oeuvre expri¬ment sur leur propre nature. En d'autres termes, j'ai le sentiment que nous sommes en rapport par un ou deux intermédiaires avec quelque strate de la personnalité survivante des individualités indiquées comme transmettant les communications.
Ce rapport est médiat, parce qu'il s'établit toujours par l'entre¬mise du médium et non directement ; il est même habituellement établi par deux intermédiaires et n'est que tertiaire parce qu'il se donne presque toujours comme le résultat de l'intervention d'un agent ou médium opérant également de l'autre côté, agent qui s'appelle Rector ou Phinuit. Je n'irai pas jusqu'à dire que ces personnifications soient elles-mêmes de véritables individua¬lités ; je ne le nierai pas davantage. Il est difficile, ou impossible, de les mettre au pied du mur et l'examen de leur véritable nature peut être différé. Nous devons d'abord analyser les personnifica¬tions d'individualités connues sur la terre, ce dont nous pouvons vérifier l'identité.
A ce point de vue, les séances données à Mme Grove, et à quelques-unes desquelles j'ai assistées, doivent être considérées comme les plus strictement probantes. L'unité du caractère et des messages y est nettement conservée, quel que soit le médium employé pour obtenir la communication. Mme Grove a obtenu des messages similaires avec Mme Thompson et d'autres su¬jets.
Déductions
L'analyse attentive des faits, aussi bien pour, que contre l'intervention réelle de communicateurs décédés, a été faite par le docteur Hodgson. On la trouvera dans son mémoire publié au Xllle volume des Proceedings, pages 357-112. J'en ai donné des extraits dans le chapitre XVIII ci-dessus. Il accepte, il défend même avec énergie, une sorte de théorie spirite prudente et judicieuse. Il n'en fait pas une hypothèse provisoire, mais la donne comme exprimant la nature réelle d'une partie des faits observés. Il avait une si grande expérience et un jugement si avisé que ses conclusions méritent le plus grand respect. Si j'avais prématurément à exprimer une opinion ferme, je me rangerais à son avis.
Les premières séances de Mme Piper m'avaient convaincu de la survivance, pour des raisons qu'il me serait difficile de formuler en termes précis. Telle est bien toutefois l'impression qu'elles m'avaient laissé. Elles m'avaient aussi amené à soupçonner, plus qu'à soupçonner même, que des intelligences survivantes don¬naient quelquefois sciemment des communications ; sciemment je le répète, dans quelques rares occasions, car d'habitude les mes¬sages émanaient probablement d'une strate inconsciente et par¬venaient au médium sous la forme d'une inspiration, analogue à celle qu'on observe dans la psychométrie.
La survivance de l'intelligence et de la personnalité, qui, non seulement persistent au delà de la mort, mais désirent communi¬gner avec nous et y réussissent, quoique péniblement, est l'hypo¬thèse la plus simple et la plus franche ; elle explique tous les faits. Les procédés employés pour assurer les communications sont exposés à de nombreuses influences perturbatrices de sorte qu'il est difficile, peut-être impossible actuellement, de les recon¬naître et de déterminer l'effet de chacune d'elles.
Ces observations mettent en évidence des détails dont la bana¬lité est singulièrement instructive ; elles nous placent en présence d'un fait dont tous les esprits religieux ont reconnu et proclamé la réalité, celui d'une action réciproque de l'intelligence incar¬née et désincarnée, c'est-à-dire d'une communication entre des esprits placés à des degrés divers de l'existence, par l'intermé¬diaire d'agents distincts et indépendants du mécanisme tempo¬raire que constitue le corps.
Ces faits nous ouvrent la voie ; ils nous font entrevoir l'influence de l'Intelligence, d'une manière générale, en tant que force diri¬geante dans les choses humaines et terrestres. Cette force n'agit pas seulement dans les conditions exceptionnelles de la trance son intervention est permanente, constante, normale ; elle l'est à tel point, en réalité, qu'elle demeure inaperçue de presque tout le inonde. Les gens sont pour la plupart trop occupés pour y faire attention, ils sont trop absorbés par des affaires qui ont, assuré¬ment, au moment considéré, une importance extrême. Une race d'inspirés n'aurait aucun sens pratique, bien que la Société ad¬mette volontiers l'existence et fasse bon accueil aux paroles de quelques individus de ce genre.
On est quelquefois tenté de diminuer l'importance de ces com¬munications comme sujets d'étude, parce qu'elles sont dues à l'in¬termédiaire du subconscient mais des hommes de génie n'ont-ils pas avoué que des idées brillantes ont surgi dans leur conscience, émergeant de quelque région cachée de leur intelligence, alors qu'ils n'étaient pas complètement éveillés aux choses de ce monde ?
Ne sait-on pas qu'un travail acharné amène à une sorte d'inspi¬ration, en mettant au second plan l’expérience habituelle, en permettant à des idées nouvelles ou inaccoutumées d'entrer dans l'Es¬prit et d'y germer ?
La trance, comme tout état de complète inconscience, rend plus manifeste l'activité normale, quoique obscure, d'une région de l'intelligence qui nous est peu familière. Le sujet ne s'en aper¬çoit pas. Le phénomène lui échappe entièrement, ou il n'en garde qu'un souvenir passager, comme celui d'un rêve, mais l'expéri¬mentateur ou l'observateur le constate, et il peut augmenter son expérience et recevoir des impressions par mandataire. Il acquiert indirectement, par là, quelques-uns des privilèges de l'intuition, de la clairvoyance, du génie même, tandis qu'il demeure personnellement dans son état ordinaire, avec le sens pratique de la réalité. Il bénéficie d'une sorte d'inspiration substituée, ce qui est un don immérité et, par conséquent, sans grande valeur.
Chapitre XXIII - Introduction à l'étude des correspondances croi¬sées
La correspondance croisée est un sujet si vaste et si compliqué que, pour s'en former une opinion, il faut étudier les publications détaillées faites par M. Piddington, Mme Verrall, Mlle Johnson, et d'autres, dans les derniers volumes des Proceedings, S. P. R. Il serait autrement impossible d'arriver à la compréhension critique des matières qu'exigent les références littéraires auxquelles il est fait allusion avec une soigneuse recherche. Indépendamment de ce qu'elles peuvent être à d'autres points de vue, elles forment essentiellement des communications émanant d'un homme de lettres, destinées à être interprétées par des érudits ; elles sont remplies d'obscures allusions classiques. J'ajouterai, qu'aujour¬d'hui de pareilles allusions littéraires sont obtenues même par l'intermédiaire de Mme Piper. Elles ne sont pas élémentaires et simples ; elles révèlent au contraire une érudition dépassant de beaucoup la moyenne, supérieure, par exemple à la mienne et à celle de tous les assistants. Les faits sur lesquels cette indication est donnée ne sont pas encore publiés .
Le caractère principal de la correspondance croisée consiste en ceci : nous avons à étudier non pas les phénomènes produits par un seul médium animé par plusieurs contrôles apparents, comme nous l'avons fait jusqu'ici, mais inversement, les manifestations d'un seul contrôle apparent transmises par plusieurs médiums différents ; ceux-ci écrivent automatiquement d'une manière indépendante les uns des autres, ils sont fort éloignés les uns des autres, quelque¬fois ils ne se connaissent pas ; au début même, ils ne savaient pas quelle était la nature de la correspondance qui se poursuivait.
Dans beaucoup de cas, les messages obtenus isolément étaient inintelligibles et ne montraient un sens que plus tard, quand ils étaient combinés par une tierce personne. Ainsi, le contenu du message n'existait dans aucune intelligence vivante, tant que les correspondances n'étaient pas découvertes à l'aide d'une critique laborieuse, un ou deux ans après alors les différentes parties de la communication étaient réunies, l'ensemble et l'intention en appa¬raissaient.
Le but de ces efforts ingénieux et compliqués est, clairement, de prouver que ces phénomènes sont l'oeuvre de quelque intelli¬gence bien définie, distincte de celle de l'un quelconque des auto¬matistes. La transmission par fragments d'un message ou d'une allusion littéraire qui sera inintelligible pour chacun des écrivains pris séparément exclut la possibilité d'une communication télépa¬thique mutuelle entre eux. Ainsi, on écarte ou l'on essaye d'écarter celle, de toutes les hypothèses semi-normales, que les membres de la Société des Recherches Psychiques ont considérée comme la plus troublante et la plus difficile à éliminer. Ces efforts ont encore un autre objet : ils tendent évidemment à prouver, dans la mesure du possible, par la substance et la qualité du message, que celui¬ci est caractéristique de la personnalité particulière de qui semble émaner la communication, et de nulle autre.
Tel a été évidemment le dessein des communicateurs eux-¬mêmes. L'ont-ils réalisé ? Cette question ne pourra être résolue d'une manière concluante et définitive qu'avec du temps et dit travail. Le chercheur qui désire se former une opinion person¬nelle de quelque valeur sur ce sujet doit, conme je l'ai dit, lire en entier les consciencieux mémoires de M. Piddington, de Mlle John¬son et de Mme Verrall publiés dans les derniers volumes des Pro¬ceedings de la Société ; ces études sont importantes et leur lec¬ture n'est pas chose aisée.
Découverte des correspondances croisées
Les correspondances croisées forment une matière très vaste, et assurément en voie d'accroissement. La meilleure manière de la présenter, quoiqu'elle ne puisse être qu'une sorte d'introduction, et un compte-rendu initial, est de citer l'article de notre déléguée aux Recherches, Mlle Johnson, notamment le chapitre VII, inti¬tulé : « La Théorie des Correspondances croisées ». C'est, en effet, à sa patiente attention et à sa perspicacité qu'est due la démons¬tration de l'existence de ces concordances, alors en voie de se dé¬velopper vers leur forme actuelle, qui est frappante aujourd'hui.
Ce chapitre débute par une citation empruntée à F. W. H. Myers indiquant l'attitude de l'écrivain à l'égard de ces recherches ;
« Ici, nous ne sommes pas les véritables inventeurs. Les expériences que l'on est en train de faire ne sont pas l'oeuvre de l'ingéniosité ter¬restre. Toute notre contribution aux nouveaux résultats se borne à de la patience, de l'attention, du soin à une disposition sincère à recevoir et à scruter tout ce qui nous sera confié par des intelligences au delà des nôtres. Je dis que ce sont des expériences ; elles sont probablement d'une difficulté et d'une complexité qui surpasse notre imagination, mais elles sont instituées de l'autre côté de l'abîme, elles sont dues aux efforts d'esprits qui distinguent des voies d'accès et aperçoivent des possibilités qui, pour nous, sont dans une obscurité impénétrable . »
L'article continue ainsi :
« Dans human Personality, M. Myers fait plus d'une fois allusion à une de ses théories favorites : L'influence de la science sur la pensée mo¬derne n'est pas seulement limitée à cette vie, mais elle peut être apportée dans l'autre, et tendre ainsi à fortifier les preuves en faveur de la com¬munication avec les morts. Ces derniers, pense-t-il, commencent à com¬prendre de plus en plus clairement ce qui constitue en réalité une bonne preuve et ils peuvent découvrir peu à peu de meilleurs moyens de la produire. Il formule avec beaucoup de clarté cette hypothèse dans le passage plus haut cité, et il semblerait, d'après nos dernières investiga¬tions, que des expériences du genre de celles qu'il y pressent se font peut-être en ce moment.
A diverses reprises, M. Myers et le docteur Hodgson ont essayé d'obtenir des connexions entre les messages-écrits ou verbaux de différents au¬tomatistes. Il est loin d'être facile de réunir les conditions favorables à l'essai de ces expériences, et malheureusement aucun compte rendu de ces essais ne paraît exister, du moins à ma connaissance. Quelques allu¬sions y sont faites cependant dans plusieurs lettres adressées par M. Myers à Mme Thompson, par exemple, le 24 octobre 1898 il écrivait :
« Le docteur Hodgson passe l'hiver en Amérique ; il a des séances avec Mme Piper. Quelle chose magnifique ce serait si nous pouvions obtenir une communication entre les contrôles de chaque côté. »
D'intéressants rapports entre les automatismes de Mme Thomp¬son et ceux d'autres sensitifs avaient été déjà signalés dans le mémoire de M. Piddington : « Sur les genres de phénomènes ma¬nifestés dans la trance de Mme Thompson . » Cependant, le développement le plus notable des correspon¬dances croisées et la première apparition d'un de leurs modes vraiment compliqués et remarquablement probants se sont pro¬duits après la mort de M. Myers. On l'observa d'abord dans les écrits de Mme Verrall une grande partie de son rapport à ce sujet , est consacrée aux correspon¬dances entre ses écrits et les écrits ou le langage automatiques d'autres sujets.
« En les examinant sur des épreuves, au début de 1906, continue Mlle Johnson, un fait me frappa. Dans quelques-uns des cas les plus remarquables, les indications données dans l'écriture d'un des automa¬tistes n'étaient pas la simple reproduction des indications données par l'autre, mais semblaient représenter différents aspects de la même idée, les unes supplémentant les autres, ou les complétant. Aussi, dans un cas , l'écrit de Mme Forbes, prétendant émaner de son fils Talbot, mentionnait qu'il allait prendre congé d'elle parce qu'il cherchait un autre sensitif écrivant automatiquement afin d'obtenir la confirmation de ses propres écrits. Le même jour, Mme Verrall écrivit un message où il était question d'un pin planté dans un jardin ; la communication était signée d'une épée et d'un clairon suspendu. Cette dernière figure faisait partie de l'écusson du régiment auquel avait appartenu Talbot Forbes, et Mme Forbes avait dans son jardin quelques pins provenant de graines envoyées par son fils. Ces faits étaient inconnus de Mme Verrall.
Dans un autre cas trop compliqué pour être résumé ici, Mme Forbes fit les 26 et 27 novembre 1902 des allusions, tout à fait dénuées de sens pour elle, à un passage du banquet que Mme Verrall avait lu ces jours-là. Ces allusions s'appliquaient aussi d'une manière appropriée à une phrase obscure contenue dans le texte écrit par Mme Verrall le 26 novembre ; le 18 décembre l'écriture de Mme Forbes montrait plu¬sieurs essais faits pour donner un mot décisif, « Dion » ou « Dy », lequel disait-ou « se trouvera dans celui de Myers... » Mme Verrall interpréta ce mot à l'époque, pour des raisons qu'elle donne, comme « Diotima » ; une description de la même partie du banquet contenant la mention de « Diotima » parut dans la Personnalité Humaine qui fut publiée environ trois mois plus tard, en février 1903. D'autres allusions au banquet apparurent dans les écrits de Mme Forbes au commencement de 1903 .
Dans un autre cas , le 16 octobre 1904, l'écriture de Mme Verrall donna des détails, vérifiés plus tard, sur les occupations actuelles de Mme Forbes ; immédiatement après, Mme Verrall eut l'impression men¬tale que Mme Forbes était assise chez elle dans le salon : la forme de son fils était debout auprès d'elle et la regardait. Le même jour l'écrit de Mme Forbes prétendant émaner de son fils mentionna que ce dernier était présent, qu'il désirait que sa mère pût le voir, et qu'une preuve décisive était donnée en ce moment pour elle à Cambridge.
Je me convainquis en étudiant ces cas, qu'il y avait dans la forme particulière affectée par eux, la manifestation d'un dessein spécial d'autant plus que dans l'écriture de Mme Verrall, on trouvait fréquemment des affirmations faites en apparence pour attirer l'attention sur quelques genres de preuves originales, comme, par exemple, la superposition de certaines choses sur d'autres, ce qui rendrait alors le message clair.
La caractéristique de ces cas, au moins de certains entre eux, est que nous n'obtenons pas, dans l'écriture d'un automatiste, la repro¬duction littérale et comme mécanique de phrases contenues dans le texte d'un autre, nous n'obtenons pas même la reproduction de la même idée en des termes différents comme cela pourrait résulter d'une télépathie directe entre eux. Ce que nous obtenons est un fragment de message dans un texte qui semble n'avoir aucun intérêt ni aucun sens, et dans un autre texte un autre message fragmentaire, également sans signification apparente mais quand nous réunissons ces deux textes nous voyons qu'ils se complètent l'un par l'autre et qu'ils sont inspirés en apparence par une seule idée cohérente exprimée partiellement dans chacun d'eux.
L'idée me vint alors que, par cette méthode, on pourrait, mieux que par toute autre, obtenir des preuves plus concluantes de l'action d'une troisième Intelligence, extérieure à l'esprit des deux automatistes. Si nous trouvons simplement la même idée exprimée même de manière différente par tous les deux, cela peut, comme je viens de le dire, s'expliquer par de la télépathie entre eux : mais il est beaucoup plus difficile de supposer que la perception télépathique d'un fragment pourrait amener la production d'un autre fragment dont la relation avec le premier ne peut être découverte que par des comparaisons attentives.
Le défaut de tous les cas bien prouvés de télépathie émanant appa¬remment des morts est, naturellement, qu'ils peuvent être expliqués par la télépathie entre les vivants. Si un fait révélé par le médium est connu par une personne quelconque existant certainement c'est-à-dire vivant, nous devons attribuer le message à cette cause plutôt qu'à une personne dont l'existence est incertaine c'est-à-dire à un mort. Agir autrement serait supposer le problème résolu, car c'est justement l'existence du mort qu'il faut établir.
Jusqu'à présent les preuves en faveur de la survie ont dépendu d'indi¬cations paraissant montrer que le contrôle du médium se souvenait des incidents de sa vie passée. Il n'y aurait aucune utilité pour lui à commu¬niquer télépathiquement des renseignements sur sa vie présente puisqu'on ne pourrait pas prouver la vérité de ces communications. Telle est la différence fondamentale entre les types de preuves applicables à la télépathie entre les vivants et à la télépathie avec les morts.
La télépathie relative aux faits présents, comme on l'observe quelque¬fois entre personnes vivantes, a une valeur probante plus grande que la télépathie relative au passé, car il est plus facile d'exclure la connais¬sance normale des événements actuels que celle du passé. On a pensé qu'il était impossible d'obtenir une preuve de ce genre à l'appui de la télépathie avec les morts puisque les événements actuels sont, ou bien connus de quelques personnes vivantes, dont l'action télé¬pathique n'est pas exclue, ou bien inconnus de tous les vivants, et alors il serait difficile, sinon impossible, de prouver leur réalité.
Dans ces correspondances croisées nous trouvons cependant de la télé¬pathie apparente concernant le présent, c'est-à-dire, que les indica¬tions reçues sont à peu près contemporaines aux événements correspon¬dants, et se référant à des faits actuels qui sont, en tout état de cause, inconnus à toute personne vivante ; en effet, le sens et la portée du mes¬sage est souvent inintelligible à chaque automatiste jusqu'à ce que la solution soit trouvée par la comparaison des deux écrits. En même temps nous avons la preuve de ce qui s'est produit dans les écrits eux-mêmes, par exemple, au moyen de quelque indication spéciale mentionnant qu'une correspondance croisée est tentée ; ainsi, il semble que cette mé¬thode ait pour objet de satisfaire nos exigences quant aux preuves.
En admettant la possibilité de communiquer avec les morts, on peut supposer que, dans ces dernières années, un certain nombre de personnes ont essayé de communiquer avec nous ; elles sont assez instruites pour connaître les objections faites aux preuves antérieures par de raison¬nables sceptiques, et elles sont aussi assez intelligentes pour bien com¬prendre la force de ces objections. On peut supposer que ces personnes ont inventé un moyen, celui des correspondances croisées pour répondre à ces objections. Il est certain que les correspondances croisées ont un élément caractéristique de l'écriture automatique recueillie par tous dans ces dernières années, notamment les textes de Mme Verrall, de Mme Forbes, de Mme Holland, et, plus récemment encore, de Mme Piper. Le point important est la nouveauté de cet élément. Nous avons des raisons pour croire, comme je l'ai montré plus haut, que l'idée de donner dans un écrit le complément d'une communication donnée dans une autre ne s'est pas présentée à l'esprit de M. Myers de son vivant. Je n'en ai trouvé aucune indication dans ses publications. Ceux qui ont fait des re¬cherches sur l'écriture automatique depuis sa mort n'ont pas imaginé davantage cette méthode, si réellement il y en a une. Ce ne sont pas les automatistes eux-mêmes qui l'ont découverte, mais quelqu'un qui étu¬diait leurs écrits ; ce fait a toutes les apparences d'un élément importé du dehors ; il suggère l'idée d'une invention indépendante, d'une intelligence active constamment au travail dans le présent, et qui n'est pas simplement l’écho ou le reste d’individualités passées.
Oui, ce plan suggère l'idée d'une invention indépendante, d'une intelligence actuellement active dans le présent, non d'un écho ou d'un reste d'individualités passées. Ainsi les choses ont été en se développant, et un nouveau sys¬tème encore plus compliqué de correspondances croisées de na¬ture préméditée, évidemment expérimentale, vient d'être décou¬vert par M. Piddington dans les textes des automatistes ci-dessus mentionnés, quand on les compare indépendamment ; on y trouve la déclaration voilée tendant à prétendre, d'une manière symbolique mais définie, que telles correspondances seront découvertes si on les cherche. Celles qui l'ont été jusqu'ici, sont rapportées dans les Proceedings ; ce sont des documents que je n'examinerai pas, car il n'est pas possible actuellement de les résumer d'une manière effective.
Résumé
Dans ces dernières années, nous avons été amenés à reconnaître que les contrôles tentent, avec persistance, de communiquer des idées définies au moyen de deux ou de plusieurs automatistes différents, qu'ils s'efforcent, en même temps, de les empêcher de communiquer entre eux télépathiquement ou subconsciemment qu'afin de réaliser ce projet réfléchi, les contrôles expriment les éléments de l'idée d'une manière si voilée que chacun des écrivains apporte sa part contributive sans la comprendre. Cependant chaque texte contient souvent un symbole ou une phrase concourant à l'identification, en sorte que celui qui l'examine et le critique y trouve l'indication que la concordance est intentionnelle et non fortuite ; de plus l'idée ainsi exprimée par coopération est si défi¬nie qu'une fois la solution trouvée, aucun doute ne peut subsister sur son exacte interprétation.
C'est le genre de preuves que tout récemment nous avons, à mainte reprise, obtenu. Les communicateurs nous disent qu'il y a d'autres concordances encore à découvrir par nous, et un colla¬tionnement plus attentif des documents a déjà montré que cela était vrai. Une telle démonstration exige une étude critique et at¬tentive; elle n'est pas sensationnelle en elle-même, mais elle tend à donner une prouve solide de l'intervention d'une Intelligence indépendante derrière l'automatiste.
« S'il en est ainsi, dit le Président actuel de la Société des Recherches Psychiques, Mme Sidgwick, il devient extrêmement important et inté¬ressant de savoir quelle est cette intelligence. Peut-elle être un esprit encore incarné dans un corps ? Sommes-nous au contraire en rapport avec des esprits qui ont survécu à la mort du corps et qui s'efforcent, au moyen des correspondances croisées, de donner la preuve de leur inter¬vention ? Si cette dernière hypothèse est vraie, elle signifierait que, dans la conduite de nouvelles expériences faites pour démontrer la survie, la coopération intelligente entre des esprits autres que ceux d'êtres humains, incarnés dans un corps, et les nôtres, est devenue possible. Nous aurions le droit de penser que nous arrivons à une phase nouvelle, d'une très grande importance, de l'ceuvre de la Société. »
Considérons un instant tout le sens, toute la portée d'un juge¬ment que pour ma part je tiens pour entièrement fondé malgré qu'il soit formulé comme une hypothèse : La coopération intelli¬gente entre des esprits autres que ceux d'êtres humains, incarnés dans un corps, et nous-mêmes, est devenue possible. Il sera difficile de présumer de l'importance d'une conclusion aussi grave dès qu'elle pourra être finalement affirmée.
Les aperçus pratiques que l'homme a de l'Univers prennent une forme nouvelle. Au moment où sa puissance de locomotion physique commence à prendre un accroissement tel, qu'il ressemble à une révolution, qu'il lui donne accès à la troisième di¬mension et ne le limite plus à une surface solide ou liquide, à ce moment même, sa puissance d'intercommunication mentale est en voie d'extension ; il y a, en effet, des signes qui nous permettent de penser que nos communications ne seront pas bornées à celles que nous pouvons avoir avec les habitants de la Terre dont nous sommes les contemporains, mais qu'elles nous permettront d'uti¬liser une science et des pouvoirs supérieurs aux nôtres, au point même de nous donner des indications dignes de foi sur d'autres conditions d'existence.
Chapitre XXIV - Essai de conclusion
Si nous tentons de résumer encore une fois les progrès que nous avons faits jusqu'ici et que, dans le paragraphe final du chapitre précédent j'ai essayé d'indiquer, nous pouvons nous en faire l'idée approximative suivante : les témoignages en faveur de la survivance de l'homme, c'est-à-dire en faveur de la persistance de l'intelligence humaine et de la personnalité individuelle au delà de la mort du corps, ont toujours été en s'accumulant ; ils tendent maintenant à devenir irréfutables grâce aux développements récents qu'a pris le phénomène anciennement connu de l'écriture automatique.
La renommée de Mme Piper s'est répandue dans tous les pays, et il en est ainsi je pense de celle de Mme Verrall. Ces récents cas d'automatisme ont été, pour la Société, singulièrement heureux, car, si, d'une part nous possédons un médium, cette Mme Piper qui s'est trouvée placée, pendant la plus grande partie de sa vie psychique, sous une surveillance stricte et une direction avisée, de l'autre, nous rencontrons cette Mme Verrall qui est des nôtres, dont les facultés d'investigation sont des mieux équilibrées et des plus pénétrantes, et qui a la bonne fortune d'être douée elle-même de quelques facultés lui permettant de servir de traducteur ou d'interprète entre le monde psychique et le monde physique.
Il y a encore d'autres dames qui, mêlées dans une certaine mesure à l'étude de ces derniers phénomènes, peu sensationnels sans doute, montrent néanmoins une grande intelligence ; je citerai entre autres celle qui est connue sous le nom de Mme Holland.
Toutes sont, de même, au-dessus de tout soupçon de duplicité. D'ailleurs les recherches ont été conduites de telle manière qu'on ne peut raisonnablement y suspecter la fraude consciente ou inconsciente. Les documents ont été tous déposés, à l'époque de leur production, entre les mains de personnes responsables, inac¬cessibles aux influences, et nous avons toute liberté pour tirer tels enseignements que nous pouvons du compte rendu des phéno¬mènes, sans nous préoccuper des suspicions morales.
Que découvrons-nous alors ?
Nous découvrons que des amis défunts, dont quelques-uns nous étaient bien connus et avaient pris une part active aux travaux de la Société pendant leur vie, spécialement Gurney, Myers et Hodg¬son, prétendent constamment communiquer avec nous, dans l'intention bien arrêtée de prouver patiemment leur identité, et de nous donner des correspondances croisées entre différents médiums. Nous découvrons aussi qu'ils répondent à des questions spécifiques d'une manière caractéristique de leurs personnalités connues et qu'ils témoignent de connaissances qui leur étaient propres.
Nous ne faisons cet aveu ni trop facilement ni trop tôt. Malgré de longs entretiens avec ce qui prétendait être l'Intelligence sur¬vivante de ces amis et investigateurs, nous n'étions en aucune façon convaincus de leur identité par une simple conversation générale, même quand elle était d'un caractère amical et intime tel qu'il suffirait habituellement à nous convaincre, sans hésitation possible, de l'identité d'amis avec qui nous causons, au téléphone par exemple, ou au moyen de lettres dactylographiées. Nous voulions une preuve définie, irréfutable, une preuve aussi difficile même à concevoir qu'à fournir.
Les communicateurs apparents comprennent aussi bien que nous la nécessité de cette preuve et ils ont fait de leur mieux pour satisfaire à notre raisonnable exigence. Quelques-uns d'entre nous pensent qu'ils y ont réussi ; d'autres doutent encore.
Mme Verrall, après des années d'expériences faites de première main et de minutieuses vérifications dit « que ne peut nier que le communicant dans les séances de Mme Piper et dans ma propre écriture automatique, ne présente une personnalité ressemblant d'une manière saisissante à la personne qu'elle prétend être. »
Je m'associe entièrement à cette opinion. Je suis, en fait, de ceux qui pensent, tout en exigeant de nouvelles preuves, encore plus fortes et plus continues que la question se pré¬sente d'une manière favorable et qu'actuellement, la meilleure hypothèse provisoire est d'admettre comme possible, dans les cas les plus nets, l'existence de moments de communication lucide avec des personnes décédées. Cela s'observe au milieu d'un amas de matériaux supplémentaires, dont la transmission est naturelle, étant données les circonstances, mais qui sont en majeure partie d'origine subliminale et sans valeur probante.
La barrière qui existe entre les deux états, le connu et l'inconnu est encore épaisse, mais elle s'amincit en quelques points. Comme des mineurs en train de percer un tunnel à ses deux extrémités, nous commençons, au milieu des mugissements des eaux et de mille autres bruits, à entendre, de temps en temps, les coups de pic de nos camarades qui travaillent de l'autre côté.
Alors, nous sortons de notre tunnel, nous rêvenons au grand jour et nous faisons part de notre observation à un monde sceptique et affairé ou quelquefois trop crédule. Nous n'espé¬rons pas qu'on nous croira, quoique sans doute il se trouvera des groupes pour nous dire que nos nouvelles ne sont pas fraîches, que de temps immémorial des sentiers ont existé, donnant accès à l'autre versant de la montagne et que le tunnel laborieusement construit par nous était inutile. D'agiles grimpeurs ont pu atteindre le sommet et jeter un coup d'oeil sur ce qu'il cache ; sur les ailes de messagers de l'au-delà des nouvelles ont pu nous parvenir ; des pionniers ont pu explorer le chemin. Nous, comme des manoeuvres, nous n'avons pas d'ailes ; nous travaillons sur la terre commune, nous la creusons ; notre tâche est de percer la montagne à un niveau peu élevé et de construire une route per¬manente ou une voie ferrée pour le service de l'humanité.
Nous ne venons pas annoncer une nouvelle extraordinaire ; nous n'apportons aucun moyen nouveau de communication, mais simplement une collection de preuves d'identité soigneusement établies, par des méthodes développées quoique anciennes, plus exactes et plus voisines de la perfection, peut-être, que celles ob¬tenues jusqu'ici. Je dis des preuves soigneusement établies car l'ingéniosité avec laquelle elles ont été préparées se rencontre autant de l'autre côté de la barrière que du nôtre ; il y a eu dis¬tinctement coopération entre ceux qui sont dans la matière et ceux qui n'y sont pas. Nous avons le droit, non pas assurément de proclamer une conclusion définitive, mais d'adopter comme une hypothèse courante l'ancienne doctrine d'une communication possible de l'Intelligence entre le mode d'existence matériel et quelque autre, éthérique peut-être.
Il y a des gens qui s'attendent à des communications avec Mars, ou qui les espèrent ; il est vraisemblable que nous commu¬niquerons un jour, d'une manière incontestée, avec des êtres moins éloignés, moins hypothétiques, vivant dans l'espace ou peut-être en dehors de lui.
Nous ne pouvons pas cependant admettre que l'espace n'a plus aucun sens pour ceux qui ont disparu de noire planète. Sans doute ils ne sont plus en contact avec la matière et ne peuvent désormais faire appel aux organes de nos sens, ainsi qu'ils le pouvaient quand ils avaient un corps spécialement adapté à cette fonction. Cependant, autant qu'il nous soit permis de le savoir, ils peuvent exister dans l'éther et avoir, aussi bien que nous, connais¬sance de l'espace et des vérités de la géométrie, sinon de la géo¬graphie. N'affirmons surtout pas que les conditions et le milieu dans lesquels ils sont placés diffèrent radicalement et absolument de ceux dans lesquels se meut l'humanité. C'est là une des choses dont, peu à peu, nous pouvons découvrir l'inexactitude.
En attendant que dire, provisoirement, sans doute, de l'ensei¬gnement sérieusement donné à qui veut admettre par hypothèse l'authenticité des communications ?
La première chose que nous apprenons, la seule qui soit claire¬ment enseignée peut-être, est d'abord : la continuité. Il n'y a pas dans les conditions de l'existence la soudaine rupture qu'il était possible de prévoir. Il n'y a aucune brèche dans l'identité con¬sciente et continue du caractère propre et de la personnalité. Leurs propriétés essentielles, comme la mémoire, la culture, l'éducation, les habitudes, le caractère, les affections, tout cela et même en¬core dans une certaine mesure les goûts et les intérêts, quoi qu'il advienne, sont conservés. Les accrétions terrestres, comme les biens matériels, la souffrance physique et les infirmités sont en majeure partie laissées de côté.
En même temps, notre savoir ne paraît pas brusquement aug¬menté, il ne serait pas naturel qu'il le soit, nous ne sommes pas tout à coup inondés d'une clarté nouvelle, et notre identité ne change pas ; nos pouvoirs, nos facultés s'accroissent pourtant nos vues sur l'Univers s'étendent, deviennent plus vastes, plus profondes, si les efforts que nous avons faits ici ont rendu légi¬time et possible l'acquisition de ces perceptions plus péné¬trantes.
D'un autre côté, il y a certainement des individus que la priva¬tion des acquisitions et des accidents temporaires de la vie laissent dans une condition faible et diminuée. Ils ont perdu les choses auxquelles ils se fiaient et se trouvent alors dans un vrai dénue¬ment. Depuis plus d'un siècle, de semblables doctrines nous sont enseignées, sur la foi de visions et de révélations, en dehors de toute révélation divine reconnue.
Les visions de Swedenborg, dépouillées de leurs enveloppes exu¬bérantes, ne sont pas tout à fait irréelles et ne sont pas com¬plètement erronées. Il y a, dans les doctrines qui nous ont été enseignées ainsi au moyen de divers sensitifs, une sorte d'harmo¬nie et mon oeuvre se borne à l'apport de mon témoignage en fa¬veur du caractère rationnel qu'ont les conceptions générales de l'Univers, telles que Myers les a indiquées dans son ouvrage si plein d'éloquence et de grandeur.